Drunk ennivre les European Film Awards 2020

Posté par vincy, le 13 décembre 2020

Logiquement, le film danois Drunk (Another Round) de Thomas Vinterberg emporte la plupart des trophées principaux aux European Film Awards. C'est la troisième fois que le cinéma danois est récompensé en tant que meilleur film, après deux réalisations de Lars Von Trier il y a vingt ans. Vinterberg, comme Mads Mikkelsen, sont pour la première fois honorés en tant que réalisateur et acteur.

Signalons aussi le prix de la meilleure actrice pour Paula Beer dans Ondine et le prix de la meilleure comédie pour le film français Un triomphe.

Meilleur film européen
Drunk de Thomas Vinterberg (le film est exploité en France depuis le 14 octobre par Haut et Court). Ce film est aussi le candidat du Danemark à l'Oscar du meilleur film étranger.

Meilleure réalisation
Thomas Vinterberg pour Drunk

Meilleure interprétation masculine
Mads Mikkelsen pour Drunk

Meilleure interprétation masculine
Paula Beer pour Ondine de Christian Petzold (le film est sorti en France sous la bannière des Films du Losange le 23 septembre). 

Découverte de l'année - prix FIPRESCI
Carlo Sironi pour Sole

Meilleur scénario
Thomas Vinterberg et Tobias Lindholm pour Drunk

Meilleure comédie
Un triomphe d'Emmanuel Courcol

Meilleur film d'animation
Josep d'Aurel

Meilleur documentaire
L'affaire collective de Alexander Nanau

Prix Eurimages à la coproduction
Luis Urbano

Meilleur court métrage
La nuit tous les chats sont gris de Lasse Linder

Meilleure photo
Matteo Cocco pour Je voulais me cacher

Meilleur montage
Maria Fantastica Valmori pour Once More unto the Breach

Meilleurs décors
Cristina Casali pour The personal History of David Copperfield

Meilleurs costumes
Ursula Patzak pour Je voulais me cacher

Meilleurs maquillages et coiffures
Yolanda Piña, Félix Terrero & Nacho Diaz pour Une vie secrète

Meilleure musique
Dascha Dauenhauer pour Berlin Aklexanderplatz

Meilleur son
Yolande Decarsin pour Petite fille

Meilleurs effets visuels
Iñaki Madariaga pour La Plateforme

Lumière 2020: le cap de la quarantaine dans Drunk et All About Eve

Posté par vincy, le 12 octobre 2020

© ecran noir

Pas facile de vieillir. Ni pour un enseignant Danois ni pour une star de Broadway. Cela entraîne de sérieuses addictions, et autant de dommages collatéraux, pour ne pas dire des dérapages dans le décor.

L'addiction dans Drunk est dans le titre: l'alcool (on boit aussi beaucoup dans Eve ceci dit). L'alcool, ça désinhibe. Ça donne confiance en soi. Et quand on sombre vers la cinquantaine, que le job, la famille, la vie ne sont que routines, ça peut revigorer et, finalement, retrouver le goût à la vie. Thomas Vinterberg, grandement aidé par son casting d'acteurs, l'excellent Mads Mikkelsen en tête, suit donc une année scolaire avec quatre profs au bord de la crise d'ennui. La force du jeu de Mikkelsen est de nous conduire subtilement de son état apathique à son esprit de reconquête, avec un regard perdu, ailleurs, pour finir dansant, prêt à dévorer la vie. Jamais moraliste, toujours humaniste, le scénario montre tous les aspects de la dépendance (et donc de la dose à consommer) aux élixirs enivrants. Mais Drunk (sélectionné à Cannes 2020) est avant tout un film vivifiant (et pas seulement parce qu'il fait revivre son quatuor). Cette renaissance (doublé d'une prise de conscience de chacun sur leurs échecs) est contagieuse (mise en scène, musique, final formidable et joyeux). On se reconnaît dans leurs failles (indispensables pour que l'on puisse comprendre le prix de l'existence et pour faire entrer sa lumière) et on les accompagne collectivement dans leur envie de boire, non pas pour oublier, mais bien pour se révéler.

La révélation c'est aussi le sujet de Eve, classique de John L. Mankiewicz (6 Oscars, meilleure actrice et prix du jury à Cannes en 1951) avec la charismatique Bette Davis, l'insupportable Anne Baxter et la novice Marilyn Monroe. Ici, l'addiction est davantage psychologique: le pouvoir, et même l'emprise. Cette histoire de harcèlement (dont on retrouve l'héritage dans des films comme Showgirls ou Black Swan), qui a inspiré Tout sur ma mère de Pedro Almodovar, est un magnifique jeu de manipulation entre une star établie, fragilisée par son vieillissement dans un business où la quarantaine signe la retraite, et une fille mystérieuse, trop bienveillante pour être honnête, et qui ne cherche qu'à prendre sa place en haut de l'affiche. Bette Davis brille par sa performance pleine de nuances, tour à tour montrée comme un monstre égoïste puis comme une victime de sa prédatrice. De l'antipathie qu'on pourrait éprouver pour elle, naît, chez le spectateur, une véritable compassion, tandis que le réalisateur inverse symétriquement les rôles avec le personnage de Baxter: la jeune fille pour laquelle on a de la pitié se mue en garce froide et calculatrice. Le film n'a pas vieillit et s'avère un girl fight plein d'esprit entre gens bien élevés.

Dans les deux cas, avec Mads Mikkelsen d'un côté et Bette Davis de l'autre, on comprend que la maturité est synonyme de vulnérabilité. L'amour ne fait pas tout, ni le succès, ni même le confort. Il y a cette réalité qu'on a les plus belles années derrière nous, que la jeunesse, ses rêves et ses espoirs ont fané. Mais que ce soit dans le Danemark d'aujourd'hui ou le Broadway d'hier, le cap rugissant de la quarantaine n'est pas insurmontable tant qu'on reste lucide (bizarrement l'alcool n'est pas un obstacle, au contraire). Tout est dans l'équilibre entre satisfaction égoïste, acceptation de la réalité, et aspiration à vivre sans se soucier de l'horloge qui tourne. On peut plaire, aimer, et danser (vite). Même après quarante ans. Il suffit de quelques applaudissements et d'un bon champagne pour aborder la seconde partie de sa vie.