Relativement snobé par les Oscars, Barry Jenkins, sacré par les Oscars justement il y a deux ans avec Moonlight, a triomphé aux Independent Spirit Awards hier soir avec Si Beale Street pouvait parler, meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur second-rôle féminin. Ce n'est que justice pour l'un des plus beaux films, formellement, du cinéma américain cette année. Et cela confirme tout le talent du cinéaste. D'autant que les Spirit n'ont pas été avare avec le cinéma afro-américain puisque l'excellent Sorry to Bother You a remporté le prix du meilleur premier film.
D'autres œuvres ont remporté plusieurs récompenses, comme Suspiria et Can You Ever Forgive Me?. Roma a une fois de plus raflé le prix du meilleur film étranger.
Film: If Beale Street Could Talk Réalisateur: Barry Jenkins, If Beale Street Could Talk Prix Robert Altman: Suspiria Premier film: Sorry to Bother You Film internationalRoma (Mexique) PhotographieSayombhu Mukdeeprom, Suspiria Montage: Joe Bini, You Were Never Really Here Scénario: Nicole Holofcener & Jeff Whitty, Can You Ever Forgive Me? Meilleur premier scénario: Bo Burnham, Eighth Grade Actrice: Glenn Close, The Wife Acteur: Ethan Hawke, First Reformed Second-rôle féminin: Regina King, If Beale Street Could Talk Second-rôle masculinRichard E. Grant, Can You Ever Forgive Me? Producteur: Shrihari Sathe Documentaire: Won’t You Be My Neighbor? Prix "Plus vrai que la fiction: Bing Liu, réalisateur de Minding the Gap Prix Bonnie: Debra Granik Prix John Cassavetes: En El Septimo Dia Prix espoir (Someone to Watch): Alex Moratto, réalisateur de Sócrates
C’est hier soir que se tenait l’édition 2018 des Gotham Independent Film Awards organisée par l’Independent Feature Project.
Une cérémonie majeure de l’awards season
Depuis 1991, la cérémonie se tient annuellement et récompense les meilleurs artisans du cinéma indépendant. Et comme l’a très bien noté Variety, la soirée d’hier a été marquée par les multiples sacres de A24, la société de production à qui l’on doit First Reformed, Hereditary ou encore Eight Grade. Pour rappel, l’an dernier, les grands gagnants des années précédentes n'étaient autres que Call Me By Your Name, Get Out, Moonlight, Spotlight et Birdman. Que des films qui ont fini leur course respective aux Oscars.
Meilleur film The Favourite (Fox Searchlight Pictures) First Reformed (A24) If Beale Street Could Talk (Annapurna Pictures) Madeline’s Madeline (Oscilloscope Laboratories) The Rider (Sony Pictures Classics) — GAGNANT
Meilleur acteur
Adam Driver dans BlacKkKlansman (Focus Features)
Ben Foster dans Leave No Trace (Bleecker Street)
Richard E. Grant dans Can You Ever Forgive Me? (Fox Searchlight Pictures) Ethan Hawke dans First Reformed (A24) — GAGNANT
Lakeith Stanfield dans Sorry to Bother You (Annapurna Pictures)
Meilleure actrice
Glenn Close dans The Wife (Sony Pictures Classics) Toni Collette dans Hereditary (A24) — GAGNANTE
Kathryn Hahn dans Private Life (Netflix)
Regina Hall dans Support the Girls (Magnolia Pictures)
Michelle Pfeiffer dans Where is Kyra? (Paladdans and Great Point Media)
Révélation de l’année (acteur/actrice)
Yalitza Aparicio dans Roma (Netflix) Elsie Fisher dans Eighth Grade (A24) — GAGNANTE
Helena Howard dans Madeline’s Madeline (Oscilloscope Laboratories)
KiKi Layne dans If Beale Street Could Talk (Annapurna Pictures)
Thomasdans Harcourt McKenzie dans Leave No Trace (Bleecker Street)
Révélation de l’année (réalisateur/réalisatrice)
Ari Aster for Hereditary (A24) Bo Burnham for Eighth Grade (A24) — GAGNANT
Jennifer Fox for The Tale (HBO)
Crystal Moselle for Skate Kitchen (Magnolia Pictures)
Boots Riley for Sorry to Bother You (Annapurna Pictures)
Meilleure série Alias Grace (Netflix) The End of the F***ing World (Netflix) Killing Eve (BBC America) — GAGNANTE Pose (FX Networks) Sharp Objects (HBO)
Meilleure série (format court) 195 Lewis — GAGNANTE Cleaner Daze
Distance
The F Word
She’s the Ticket
Meilleur scénario The Favourite, Deborah Davis and Tony McNamara (Fox Searchlight Pictures) First Reformed, Paul Schrader (A24) – GAGNANT Private Life, Tamara Jenkins (Netflix) Support the Girls, Andrew Bujalski (Magnolia Pictures) Thoroughbreds, Cory Finley (Focus Features)
Meilleur film documentaire Bisbee ‘17 (4th Row Films) Hale County This Morning, This Evening (The Cinema Guild) — GAGNANT Minding the Gap (Hulu & Magnolia Pictures) Shirkers (Netflix) Won’t You Be My Neighbor? (Focus Features)
Prix du Jury pour un casting
Rachel Weisz, Olivia Colman et Emma Stone dans The Favourite — GAGNANTES
Première rasade de prix américains. Les Oscars du cinéma indépendant ont révélé vendredi soir leurs nominations dans un contexte très ouvert. Si le premier film We the Animals domine les nominations des Independent Spirit Awards (5), Eighth Grade, First Reformed et You Were Never Really Here (double prix à Cannes en 2017) suivent avec 4 citations chacun.
On retiendra d'ailleurs que trois réalisateurs sur cinq sont des réalisatrices dans la catégorie. Pour le reste les Spirit ont été très équilibré entre les "gender" et les genres, les minorités et les âges. On remarquera juste que Blackkklansman de Spike Lee (Grand prix du jury à Cannes) et Come as you are de Desiree Akhavan (Grand prix à Sundance), Destoryer de Karyn Kusama ou encore Beautiful Boy de Felix Van Groeningen sont snobés.
Dans la catégorie film étranger, la Palme d'or affronte le Lion d'or (3 films cannois versus 2 films vénitiens). Et c'est le film européen Suspiria qui remporte le prestigieux Robert Altman Award, qui récompense le/la cinéaste, le(s) directeur(s) de castings et tous les interprètes. Côté business, A24, qui vient de signer un gros deal avec Apple, domine avec 12 nominations (c'est la 3e année consécutive qu'il réussit l'exploit d'être le meilleur distributeur) devant Amazon Studios, Netflix et The Orchard (6 chacun) et Annapurna Pictures (5). Les grands studios sont out et les plateforme de streaming prennent de l'ascendant.
Rappelons que ces récentes années, Moonlight, Spotlight, Birdman et 12 Years a Slave ont tous gagné le Spirit Award du meilleur film le samedi puis l'Oscar le dimanche. Cette année, la course est très ouverte et les studios devraient prendre leur revanche pour les Oscars.
Meilleur film Eighth Grade First Reformed If Beale Street Could Talk (photo) Leave No Trace You Were Never Really Here
Meilleur premier film Hereditary Sorry to Bother You The Tale We the Animals Wildlife
Meilleur(e) réalisateur/ réalisatrice
Debra Granik, Leave No Trace
Barry Jenkins, If Beale Street Could Talk
Tamara Jenkins, Private Life
Lynne Ramsay, You Were Never Really Here
Paul Schrader, First Reformed
Meilleure actrice
Glenn Close, The Wife
Toni Collette, Hereditary
Elsie Fisher, Eighth Grade
Regina Hall, Support the Girls
Helena Howard, Madeline’s Madeline
Carey Mulligan, Wildlife
Meilleur acteur
John Cho, Searching
Daveed Diggs, Blindspotting
Ethan Hawke, First Reformed
Christian Malheiros, Socrates
Joaquin Phoenix, You Were Never Really Here
Meilleur second-rôle féminin
Kayli Carter, Private Life
Tyne Daly, A Bread Factory
Regina King, If Beale Street Could Talk
Thomasin Harcourt McKenzie, Leave no Trace
J. Smith-Cameron, Nancy
Meilleur second-rôle masculin
Raúl Castillo, We the Animals
Adam Driver, BlacKkKlansman
Richard E. Grant, Can You Ever Forgive Me?
Josh Hamilton, Eighth Grade
John David Washington, Monsters and Men
Meilleur documentaire Hale County This Morning, This Evening Minding the Gap Of Fathers and Sons On Her Shoulders Shirkers Won’t You Be My Neighbor?
Meilleur film étranger Burning (Corée du sud) The Favourite (Royaume Uni) Heureux comme Lazzaro (Italie) Roma (Mexique) Une affaire de famille (Japon)
Meilleur scénario
Richard Glatzer, Rebecca Lenkiewicz & Wash Westmoreland, Colette
Nicole Holofcener & Jeff Whitty, Can You Ever Forgive Me?
Tamara Jenkins, Private Life
Boots Riley, Sorry to Bother You
Paul Schrader, First Reformed
Meilleur premier scénario
Bo Burnham, Eighth Grade
Christina Choe, Nancy
Cory Finley, Thoroughbreds
Jennifer Fox, The Tale
Quinn Shephard (Writer/Story By) and Laurie Shephard (Story By), Blame
Prix Robert Altman
Le réalisateur et le casting de Suspiria
Meilleure image
Ashley Connor, Madeline’s Madeline
Diego Garcia, Wildlife
Benjamin Loeb, Mandy
Sayombhu Mukdeeprom, Suspiria
Zak Mulligan, We the Animals
Meilleur montage
Joe Bini, You Were Never Really Here
Keiko Deguchi, Brian A. Kates & Jeremiah Zagar, We the Animals
Luke Dunkley, Nick Fenton, Chris Gill & Julian Hart, American Animals
Anne Fabini, Alex Hall and Gary Levy, The Tale
Nick Houy, Mid90s
Bonnie Award
Debra Granik
Tamara Jenkins
Karyn Kusama
John Cassavetes Award A Bread Factory En el Septimo Dia Never Goin’ Back Socrates Thunder Road
Prix des producteurs Jonathan Duffy and Kelly Williams
Gabrielle Nadig
Shrihari Sathe
Prix Someone to Watch (nouveau talent fiction)
Alex Moratto, réalisateur de Sócrates
Ioana Uricaru, réalisateur de Lemonade
Jeremiah Zagar, réalisateur de We the Animals
Prix Truer than Fiction (nouveau talent documentaire)
Alexandria Bombach, réalisateur de On Her Shoulders
Bing Liu, réalisateur de Minding the Gap
RaMell Ross, réalisateur de Hale County This Morning, This Evening
Pour sa première journée, la 74e Mostra de Venise présente deux films qui interrogent la religion : en compétition First Reformed de Paul Schrader ou avoir vraiment la Foi en Dieu devient incompatible avec la folie des hommes ; et hors-compétition The Devil and Father Amorth de William Friedkin où nos croyances sont défiées, qu'on soit d'un côté ou de l'autre... Dans les deux films la religion est soit un boulier soit une béquille face aux faiblesses de l'Homme, mais il s'agit surtout des deux dernières oeuvres de cinéastes cultes...
First Reformed, de Paul Schrader : Ethan Hawke est un homme d’église qui décide d’écrire un journal intime pendant un an. Il voudra détruire cette forme très personnelle de prière, peut-être parce qu’il sait que sa santé n’est plus bonne. Un jour à l’église Amanda Seyfried, enceinte, lui demande de passer à la maison pour parler avec son mari : un activiste écologiste très pessimiste à propos de l’avenir et des conséquences des changements climatiques, au point de ne pas vraiment souhaiter qu’un enfant naisse pour grandir sans espoir… Le révérend essaie de le réconforter "le courage est la solution au désespoir, la raison n’apporte pas de solution". Le film est composé jusque là uniquement de plans fixes avec deux personnages qui dialoguent ou avec seulement une voix-off. On se demande où tout cela va conduire mais il faut attendre la suite... First Reformed est le dernier film écrit et réalisé par Paul Schrader, célèbre comme scénariste (Raging Bull, La dernière tentation du Christ, À tombeau ouvert, et surtout Taxi driver) et en tant que réalisateur de films poisseux comme Hardcore où l’année dernière Dog eat dog (à Cannes). On s'attend à ce que First Reformed, surtout centré sur la religion dans sa première partie, glisse vers une forme de violence, et c’est ce qui va suivre. Plusieurs éléments vont conduire le révérend de l’église vers une réflexion extrême, la forme du film même évolue avec des plans en mouvements (dont une séquence mystique) et peu à peu c’est un plan mortel qui se met en place… Si les voies de Dieu sont impénétrables, le révérend va vouloir provoquer un choc parmi sa communauté. Pour Paul Schrader : "Une éducation catholique sous-entend que l'on peut être lavé de ses pêchés dans le sang : c'est intéressant ce concept pour un film. L'humanité est certainement un problème pour la planète, peut-être en particulier ma génération." Même si le festival de Venise ne fait que commencer, Ethan Hawke est déjà parmi les favoris à un prix d'interprétation.
The Devil and Father Amorth, de William Friedkin : William Friedkin réalise là un documentaire sur la pratique de l’exorcisme, une quarantaine d’années après son grand succès L'Exorciste qui était l’adaptation d’un roman inspiré d’un possible cas en 1949... Lui-même n’avait jamais assisté à ce rituel, et comme il paraît qu’environ 500000 personnes y ont recours chaque année en Italie, William Friedkin y est allé : pour filmer un exorcisme pratiqué par le prêtre Amorth sur une dame qui a fait appel à lui, pour la neuvième fois ! La femme bien que maintenue par des proches s’agite vivement avec un ‘jamais’ d’une voix gutturale quand le prêtre avec sa prière demande à Satan de quitter ce corps... La séquence est longue, trop longue et pénible, et on se demande si Friedkin a l’intention de convertir ses spectateurs avant que sa démarche ne trouve son intérêt dans la seconde moitié de son documentaire : il montre les images filmées de cet exorcisme à différents médecins (neurologue, psychiatre) pour leur demander leur avis : si une tumeur pourrait expliquer un état de délirium, si une éducation religieuse incite à croire qu’on puisse être victime d’une possession démoniaque… William Friedkin a directement interrogé la salle : "C'est tellement facile d'être sceptique. Est-ce que quelqu'un ici est certain qu'il n'y a pas de Dieu ?"
Un bien étrange documentaire dont le contenu autant que la durée (68 minutes) en ferait un élément de bonus pour une nouvelle édition vidéo de L'Exorciste...