Avec surprise, Gilles Jacob, président du jury du Prix Louis-Delluc, a annoncé calmement que le Prix Louis-Delluc du premier film était décerné à Samuel Collardey, pour son film sorti en salle la semaine dernière, L'apprenti. Le film n'était pas dans la liste des trois finalistes. Puis, sans tambours ni trompettes, au premier étage du Fouquet's, une partie du jury de ce Goncourt du cinéma sur l'estrade, les caméras en face, le nom du 66e prix Louis-Delluc est annoncé : Raymond Depardon (pour La vie paysanne, diffusé au dernier festival de Cannes). L'apprenti a séduit 19 446 curieux dans les salles, tandis que La vie moderne a attiré en six semaines 200 017 spectateurs. "Il y a un retour à la terre et un hommage au documentaire" explique Gilles Jacob. "Une forte majorité s'est dégagée en faveur de ce film, même si nous avons à un moment imaginé de donner le prix ex aequo aux Plages d'Agnès d'Agnès Varda."
Une demi-heure plus tard, les primés arrivent. En tenue de week-end. Point trop de formalisme. Gilles Jacob revient, entouré des lauréats : "un grand metteur en scène, un grand docuemntariste, un homme d'image, un homme de son..." Il insiste même sur cette singularité. Car, hormis Être et avoir en 2002, le genre n'a jamais reçu ce prix. "On en avait assez d'entendre "C'est un photographe qui fait du cinéma", alors que cela fait 30 ans qu'il fait des films, et des films magnifiques."
Depardon prend la parole. "L'important c'est de faire du cinéma." Il semble heureux. "Cela fait longtemps que vous me suivez. C'est l'aboutissement d'un parcours, une nostalgie transformée. C'est une évolution qui remonte à l'enfance, un hommage à la cinéphilie, aux cinéastes qui m'ont appris "le bon angle"."
L'obsession d'avoir le juste regard sur les choses : "Je suis toujours un photographe qui recherche la bonne place, filmer ces paysans a été un exercice de conscience et de puissance cinématographique car je ne pouvais pas les faire répéter". Il s'explique, sans amertume, que "le documentaire n'est pas toujours facile, il y a beaucoup de solitude, il faut beaucoup d'énergie et une idée fixe."
Depardon rebondit sur l'actualité en parlant de Werner Herzog et de son cinéma vérité, où l'on ne peut pas faire répéter les acteurs. Puis il laisse Samuel Collardey connaître son quart d'heure de gloire. "Les paysans sont à l'honneur et j'en suis très fier. Je suis aussi très fier d'être associé à Raymond Depardon". Il se place directement en héritier de Depardon, avoue que, depuis la Fémis il s'est laissé accompagner par sa vision cinéphilique. Profils paysans lui a "donné envie de filmer".
La filiation est respectée. Ce cinéma-vérité, cette caméra sans artifice, ce romanesque crû demeure le genre de films qui a le vent en poupe auprès du jury du prix Louis-Delluc ces dernières années. Raymond Deaprdon connaît une saison de tous les honneurs avec une pièce de théâtre adaptée de ses films et mise en scène par Zabou Breitman, une exposition à la Fondation Cartier. Après un César du meilleur film documentaire en 1995, le Delluc 2008 est le plus important prix de cinéma qui lui est décerné.