Arras 2012 : rencontre avec Jean-Pierre Améris et Marc-André Grondin

Posté par MpM, le 13 novembre 2012

Présent à Arras en 2010 pour Les émotifs anonymes, Jean-Pierre Améris est de retour pour la 13e édition du festival avec son nouveau film, L'homme qui rit, d'après le célèbre roman de Victor Hugo et qui avait fait la clôture du dernier festival de Venise.

Le film, qui sortira sur les écrans français le 26 décembre prochain, réunit à l'écran Marc-André Grondin, Christa Théret, Gérard Depardieu et Emmanuelle Seigner.

Il s'agit d'une adaptation atemporelle et d'une grande beauté formelle, où se mêlent histoire d'amour déchirante, destin tragique et thématiques politiques d'une extrême actualité.

Ecran Noir : Pourquoi avoir eu envie d'adapter L'homme qui rit de Victor Hugo ?
Jean-Pierre Améris : C'est un choc de mon enfance puisqu'il y avait eu un feuilleton à la télévision en 1971, en noir et blanc, réalisé par Jean Kerchbron. J'avais 10 ans et je n'avais pu en voir qu'une partie car mes parents m'avaient envoyé me coucher parce que ça faisait un peu peur. Cinq ans après, je lis le roman et je suis passionné et bouleversé par le personnage de Gwynplaine auquel je m'identifie. A cette époque, j'étais un adolescent très complexé, je faisais deux mètres, j'avais droit à de nombreux quolibets sur ma taille. De voir ce personnage différent des autres, et de le voir trouver sa place dans le théâtre, comme moi j'ai trouvé ma place dans le cinéma, ça m'a bouleversé. Après j'ai relu le roman une dizaine de fois et après chaque film je me disais : "est-ce que je me lance dans son adaptation ?". J'ai essayé de le faire il y a dix ans et je n'ai pas trouvé de producteur. En 2006, un producteur m'a demandé quel film j'aimerais le plus faire dans ma vie, c'était L'homme qui rit, et il m'a dit : "on y va".

EN : Quelles libertés vous êtes-vous autorisé avec le roman original ?
JPA : Une adaptation n'est pas une illustration. Il est impossible de l'adapter tel quel puisque c'est un roman qui fait presque 800 pages et qui est assez peu narratif. C'est un roman fait de digressions politiques et historiques. Moi je voulais ne jamais quitter le personnage de Gwynplaine, comme dans un conte. Je ne voulais pas faire une reconstitution historique. Donc ça a été une adaptation assez longue, on a fait pas mal de versions mais c'était assez simple de tirer le récit de ce roman de Victor Hugo.

EN : On retrouve dans le film l'un de vos thèmes de prédilection, celui de la différence...
JPA : Je fais toujours des films sur les gens qu'on met de côté, sur les marginaux, les inadaptés. C'est mon expérience de la vie qui me pousse à m'identifier à ces gens avec le désir de les mettre au centre de l'écran. Là, en plus de ça, il y a la question de la différence physique mais aussi la question de l'identité et de la place dans le monde. Moi j'ai eu une chance folle, ça m'a sauvé à l'adolescence d'avoir trouvé ma passion pour le cinéma. J'étais devenu celui qui filme un peu comme Gwynplaine à un moment donné trouve sa place sur les planches. Tout le malheur du personnage vient du fait que par besoin de reconnaissance il veut aller dans ce qu'il croit être le monde réel qui est plus cruel que le monde du spectacle.

EN : De votre côté, Marc-André Grondin, qu'est-ce qui vous a plus dans le personnage de Gwynplaine que vous interprétez ?
Marc-André Grondin : J'ai été touché par sa naïveté. C'était comme si la vie avait fait qu'il semble regarder chaque chose pour la première fois. Je crois que ça vient du fait qu'il doit décrire à Déa tout ce qu'il voit. Il se doit de porter attention à des détails. Nous, si on marche dans la rue, on ne fait plus attention aux détails. Mais si on marche avec un aveugle, il faut s'arrêter pour regarder les choses. ET puis, chez lui, il y a un amoncellement de trucs très forts et très naïfs.

EN : Comment vous êtes-vous approprié le personnage ?

MAG : En fait, le personnage était hyper clair à la lecture du scénario. Parfois, quand on lit un scénario, il y a énormément de trous à remplir et après ce sont des discussions et des discussions avec le réalisateur pour essayer de trouver comment remplir ces espaces. Mais le scénario de L'homme qui rit était extrêmement précis, à tout point de vue. J'ai rarement vu un film aussi précis que ce soit dans la mise en scène ou dans les décors. Tout était tourné dans la tête de Jean-Pierre. Donc à la lecture du scénario, les personnages s'imposaient et il fallait juste suivre.

Crédit photo : Marie-Pauline Mollaret