Le pitch: Margaux, 20 ans, fait la connaissance de Margaux, 45 ans : tout les unit, il s'avère qu'elles ne forment qu'une seule et même personne, à deux âges différents de leur vie…
Une fantaisie "fantastique". Il y a quelque chose d'intriguant dès que l'on connaît le pitch. La rencontre entre une jeune femme et celle qu'elle deviendra est évidemment improbable. C'est surtout un sol fertile pour laisser pousser les bonnes répliques et les situations drôles. Les deux femmes ne sont qu'une seule et même personne, mais l'une ne sait pas quoi attendre de la vie quand l'autre sait trop bien ce que la vie lui a réservé. Hors du réalisme habituel des comédies à la française, plus proche d'un concept américain (Peggy Sue s'est mariée, Un jour sans fin, Freaky Friday abordent cette temporalité qui fait des siennes), La belle et la belle opte pour la confrontation entre deux personnalités dédoublées, normalisant complètement l'incroyable. Ainsi, en tombant amoureuse du même homme, Sophie Fillières se fiche finalement de ce "concept" et préfère explorer les sentiments éprouvés. L'amour est-il une fatalité? Déterminé d'avance? Toujours nouveau ou toujours un peu le même?
Des dialogues et du langage. Plus qu'une affaire d'image - le film ne révolutionne pas le genre - c'est une affaire de mots et de verbes, d'expressions et de tics de l'époque. C'est à travers ces cocasseries et ces incongruités des répliques que le spectateur lâche ses sourires. C'est fluide, rythmé, volubile, décalé. Tout y passe, des oxymores aux lapsus en passant par les bons mots. Ces mots, qui peuvent révéler des maux, servent de lien entre les gens mais aussi de codes pour savoir si le dialogue possible. Bref, c'est une reconnaissance sociale et humaine. C'est assez logique pour un récit qui nous renvoie, visuellement et littéralement, à un miroir: celui où la jeune Margaux se voit plus âgée et vice-versa. Miroir, mon beau miroir, dis moi ce que je serai dans 20 ans... dis-moi qui j'étais il y a 20 ans. Il y a forcément une mélancolie qui s'en dégage. Mais aussi un regard lucide qui se porte aussi bien sur la jeunesse que sur le passage du temps, et finalement sur ce temps perdu et les illusions qui vont avec.
Le sillon de Sandrine. Sandrine Kiberlain est l'actrice idéale pour ce projet. On l'a souvent vue rayonnante dans ces comédies qui se délectaient des mots ou se régalaient de leur absurdité. Après tout, elle a tourné avec Valérie Lemercier (Quadrille), Jeanne Labrune (C'est le bouquet!), Agnès Obadia (Romaine par moins 30), Jeanne Herry (Elle l'adore). Elle a su briller dans les univers de Laetitia Masson, Pascal Bonitzer, Pierre Salvadori, Marc Fitoussi, Serge Bozon, Albert Dupontel, Philippe Le Guay, ou Bruno Podalydès. Le rire peut-être noir, déjanté, acide, jaune, ou léger, elle sait le transmettre. Elle toujours eu à la fois ce don pour la fantaisie et cet amour pour la langue. Pas étonnant qu'elle soit idoine pour La Belle et la Belle. Elle a ce zeste de folie nécessaire pour rendre crédible cette histoire et ce savoir-faire indéniable pour y apporter toutes les nuances nécessaires.