Y a-t-il encore des salles de cinéma pour le film de genre français ?

Posté par kristofy, le 30 mars 2016

evolution

Le cinéma français est tiré vers le haut du box-office par les comédies telles que Les Nouvelles Aventures d'Aladin (4,4 millions de spectateurs!), Les Profs 2 (3,4 millions de spectateurs), Papa ou Maman (2,8 millions ), tandis que les films dits d’auteur ont toujours des relais favorables dans la presse comme Les Souvenirs, Marguerite, Une heure de tranquillité, La Loi du marché qui ont réussi à atteindre la barre du millions d’entrées.

Mais où sont les films français avec des serial-killers masqués, des poursuites de voitures, des bagarres de kung-fu, des zombies affamés, des aliens envahisseurs...  en gros : où sont les films de genre français ? Ils n’arrivent plus à être produits, et quand c’est le cas, ils ne parviennent pas à être distribués par les salles de cinéma. Ce genre de films, ça marche quand c’est américain (la même semaine sortent Midnight special et 10 Cloverfield lane), mais il y aurait comme une sorte de rejet quand c’est en français avec des acteurs français ? Que se passe-t-il  ?

Films américains ultra-rentables versus films français mal-aimés

Les américains, eux, ont bien compris que le cinéma de genre était ultra-rentable, surtout depuis que la recette du retour au found-footage avait été re-découverte à la surprise générale en 1999 avec The Blair witch project en 1999 (60 000 dollars de budget, 248 millions de recettes, plus rentable que le retour de StarWars La Menace fantôme). Depuis chaque distributeur exploite le filon de l’équation frisson ‘mini-budget=maxi-bénéfices’ avec Paranormal activity (15 000 dollars de budget, 190 millions de recettes, 5 suites), Insidious (1,5 million de budget, 97 millions de recette, 2 suites), American Nightmare (3 millions de budget, 89 millions de recettes, 2 suites), Annabelle (6,5 millions de budget, 256 millions de recettes)…

Ce genre de film trouve donc bel et bien son public dans les salles de cinéma en France, avec des sorties sur une large combinaison de plus d’une centaine d’écrans dans les multiplexes. Mais alors, que se passe-t-il quand un film de genre français arrive ? Un refus de la part de ces mêmes multiplexes. Aucune salle de cinéma ne veut programmer ce genre de film quand il est d’origine française. Evolution réalisé par Lucile Hadzihalilovic (récompensé aux festivals de San Sebastian, Stockholm, Gérardmer…) n’est par exemple sorti le 16 mars que dans 6 salles de cinéma sur tout le territoire français. Trop arty ? A la rentrée 2015, Enragés de Eric Hannezo sort dans 151 salles grâce à son casting (avec Guillaume Gouix, Lambert Wilson, Virginie Ledoyen, Franck Gastambide pour un remake d’un film de Mario Bava), mais c’est un échec avec 48 700 entrées. Pourtant en Espagne les spectateurs font un succès à leur marché local fantastique en espagnol comme L’orphelinat, Rec, Les yeux de Julia, Ouvre les yeux, Les proies, Le labyrinthe de Pan, Cellule 211, Malveillance, Insensibles, Mama, Ghost graduation, Les Sorcières de Zugarramurdi, Musaranas

Retour sur une disparition du cinéma de genre français du grand écran en 10 dates


31 janvier 2001 : sortie au cinéma du nouveau film de Christophe Gans Le Pacte des loups, succès en France et aussi à l’international… Le cinéma de genre à grand spectacle qui exploite le patrimoine français est alors à son meilleur. En 2004 ni Arsène Lupin avec Romain Duris ni Immortel (ad vitam) de Enki Bilal ne parviendront à la même qualité, en 2010 il y aura quand-même Les aventures extraordinaires de Adèle Blanc-Sec par Luc Besson.

18 juin 2003 : sortie du second film de Alexandre Aja Haute tension, tellement réussi que le Français va contribuer à redéfinir des nouveaux standards de films d’horreur aux USA avec ensuite les remakes La colline a des yeux, Piranha 3D, Maniac

11 février 2004 : sortie de Blueberry de Jan Kounen. Emmener Vincent Cassel dans un western chamanique avec Michael Madsen et Juliette Lewis en étant inspiré par le personnage de bd de Giraud et Charlier, voila tout à fait le genre de gros projet français qu’il ne semble plus du tout possible de mettre sur pied aujourd’hui, d’ailleurs tout comme le Dobermann de Kounen en 1997…

10 novembre 2004 : sortie en salles de Banlieue 13 de Pierre Morel, où comment Luc Besson a su recycler les Yamakazi adeptes du Parkour en une nouvelle forme de film d’action. Les cascadeurs sont aussi les acteurs, il y aura plusieurs suites Banlieue 13 Ultimatum et Brick Mansions aux Etats-Unis. Europa Corp sous l’égide Luc Besson concentre d’ailleurs pendant quelques années beaucoup de films de genre distribués en France avec succès, et produits dès l’origine avec une ambition d’exportation pour le marché international : Le Transporteur et Danny the dog de Louis Leterrier, Taken de Pierre Morel… Le style des poursuites et des combats façon Parkour se retrouvera plus tard en ouverture du James Bond Casino Royale, aussi dans Die Hard 4 ou Jason Bourne l’héritage

23 janvier 2008 : sortie tardive enfin du Frontière(s) de Xavier Gens pourtant tourné en 2006, une sortie qui arrive via Europa Corp/Luc Besson qui entre-temps l’avait engagé pour filmer Hitman… Déjà l’interdiction aux moins de 16 ans fait grincer des dents. Frontière(s) rencontre peu de spectateurs en salles mais beaucoup plus en dvd, et surtout ça va devenir un véritable petit succès inattendu aux Etats-Unis et ailleurs. Xavier Gens va ensuite réaliser son meilleur film et un des plus éprouvants survival avec The Divide aux Etats-Unis en 2011 : aucune sortie salles française (trop violent ?), directement en dvd.

3 septembre 2008 : sortie chahutée avec une menace d’interdiction pour Martyrs de Pascal Laugier, il y a débat sur une interdiction aux moins de 16 ans ou aux moins de 18 ans… Pascal Laugier s’impose lui aussi comme l’un des meilleurs réalisateurs de genre français avec déjà en 2004 Saint Ange (à la hauteur du fantastique espagnol) puis plus tard en 2012 avec The Secret aux Etats-Unis. Résultat : Laugier, Gens, Aja se sont exportés vers les USA pour continuer de travailler…

27 février 2014 : sortie du dyptique Goal of the dead, en deux parties co-réalisé par Benjamin Rocher (déjà co-réalisateur de La Horde) et Thierry Poiraud, avec un nouveau dispositif : pas une sortie nationale mais dans certaines salles des séances événementielles des deux films avec entracte (environ 2h30) et la présence d’une partie de l’équipe à la plupart des séances à Paris puis ensuite en province (Angoulême, Lyon, Nice, Dijon, Avignon, Strasbourg, Bordeaux, Nantes…) durant plusieurs semaines, avant une sortie en dvd en juin 2014.

1er octobre 2015 : sortie en vod de Dealer de Jean-Luc Herbulot avec Dan Bronchinson (et quasiment auto-produit par lui). Trop original dans le paysage cinématographique français (et un certain degré de violence), le film sort directement sur plusieurs plateformes vod puis Netflix : il est disponible dans 72 pays en janvier 2016.

16 mars 2016 : sortie de Evolution réalisé par Lucile Hadzihalilovic dans 6 salles en France. Divers appels à des débats sur la production indépendante et la diversité dans les salles de cinéma sont lancés,comme par exemple le sujet de la SRF (Société des Réalisateurs de Films) sur l’exploitation des films en salles qui dysfonctionne : « surexposition de certains films au détriment de tous les autres, accélération de la rotation des films, augmentation exponentielle des coûts de promotion, difficulté d’accès des salles art et essai à certaines œuvres… ». La question est vaste, et la problématique de l'accès aux salles en cas d'interdiction aux moins de 16 ans n'arrange rien.

1er avril 2016 : sortie directement en vod de Alone (le nouveau titre de Don’t grow up, primé au festival fantastique de Paris en novembre) réalisé par Thierry Poiraud (puis en dvd le 8 avril), tourné directement en langue anglaise pour une meilleure circulation du film à l’international. Pourtant, il ne bénéficiera malheureusement pas d'une sortie en salles en France.

2008 : le top 5 de Denis

Posté par anne-laure, le 27 décembre 2008

Ecran Noir revient, auteur par auteur, à ses coups de coeur de l’année passée…

1. Martyrs de Pascal Laugier. Rarement un film d’horreur, français qui plus est, est parvenu à ce degré de folie avec tant de maestria. Si Laugier n’avait pas été réalisateur les pouvoirs publics l’auraient enfermé.

2. De la guerre de Bertrand Bonnello. Le pornographe, Tiresia, et aujourd’hui De la guerre… sûrement l’un des parcours les plus passionnants d’un cinéaste autant intellectuel qu’organique. Indispensable en ces temps de massification de l’esprit.

3. Surveillance de Jennifer Lynch. Un film qui sent bon le souffre et le pétage de plomb pour une autopsie déviante de l’Amérique profonde. Une claque comme on aimerait en voir plus souvent.

4. REC de Jaume Balaguero et Paco Plaza. Comment avec deux francs six sous réaliser un film de pétoches qui durant 80 petites minutes vous scotche au fauteuil ? Et le pire c’est qu’on en redemande.

5. The Mist de Frank Darabont. Malgré son look télévisuel, The Mist met K.O. avec un final bouleversant de nihilisme et de foi en l’homme.

Film le plus attendu en 2009 : Watchmen de Zack Snyder. Parce que Alan Moore, parce que Zack Snyder, et parce que jugé inadaptable.

Le club du vendredi 13 défend le cinéma de genre

Posté par MpM, le 14 juin 2008

En pleine polémique sur l'interdiction aux moins de 18 ans du film Martyrs de Pascal Laugier, plusieurs professionnels du paysage audiovisuel français ont annoncé la création du "Club du vendredi 13" destiné à défendre et promouvoir le cinéma de genre en France.

"Issu de l'esprit de la nouvelle vague et d'une "idéologisation" de la différence culturelle, le système institutionnel et artistique du cinéma en France cantonne les films de genre uniquement au cinéma commercial ou B (disant "Bis"voire Z) sous le prétexte qu'il ne serait pas motivé par une idéologie, un thème social ou psychologique suffisamment développé pour être entendu par les élites. Ce serait oublier que le film de genre est le cinéma de prédilection des grands auteurs du cinéma français et mondial que sont Tarantino, Kubrick, Jeunet, Lynch, Cronenberg, Les Frères Coen, Raimi, Melville, Hitchcock ou encore Lucas" peut-on notamment lire dans leur appel.

Le groupement, qui réunit des réalisateurs (Jan Kounen, Alain Corneau, Xavier Gens, Olivier Dahan...) mais aussi des distributeurs comme Wild side ou La fabrique de films, a d'ores et déjà un site (www.leclubduvendredi13.com) et promet pour bientôt des propositions en faveur du cinéma de genre français.

Martyrs, appel au rassemblement !

Posté par geoffroy, le 13 juin 2008

martyrs.jpgSuite à l'avis de la commission de classification recommandant d'interdire aux mineurs de moins de 18 ans le film Martyrs, de nombreuses voix se sont élevées pour dire avec force leur stupéfaction, leur colère et leur inquiétude. Ecran Noir est solidaire et soutient dans ce combat le réalisateur Pascal Laugier. Nous ne sommes que trop conscients des risques d'une telle interdiction pour la production à venir d'un cinéma de genre déjà peu prolifique dans notre pays. Il ne faudrait pas que cet avis, sans doute validé par la Ministre de la Culture Christine Albanel, fasse en quelque sorte jurisprudence et plombe ainsi les velléités de réalisateurs qui ne demandent qu'à exprimer leur talent. L'incompréhension est de mise au vu de l'incroyable succès des films horrifiques espagnols un peu partout dans le monde. A ce titre, nous soutenons la démarche du cinéaste Fernando De Azevedo et son appel au rassemblement ce vendredi à 14h30, place du Palais royal.

Ci-joint la lettre du réalisateur :

Cher Amis, techniciens, journalistes, réalisateurs, scénaristes, acteurs, producteurs, distributeurs... A tous ceux qui aiment le cinéma dans tous les genres !! Depuis le 30 mai, la commission de classification a interdit aux moins de 18 ans le film "Martyrs". C'est une honte, j'ai vu ce film, il n'y a aucune scène pornographique !! Martyrs est un film qui m'a bouleversé comme l'ont fait un certain nombre d'oeuvres, de "Massacre à la tronçonneuse" au récent "Ring". La violence que l'on voit dans ce film n'est jamais gratuite, elle sert un propos, elle nous questionne sur la vie, l'esprit, le corps après la mort. Pascal Laugier a su mettre en scène l'au-delà avec un sens visionnaire tout à fait bouleversant.
Si le ministère de la culture ne change pas d'avis, Martyrs deviendra le premier film français d'horreur interdit aux moins de 18 ans. Rappelons que le -18 ans, aujourd'hui encore, est une extension de la loi X et, dans le contexte de frilosité actuel des exploitants, il représente une marque infamante qui équivaut à la mort programmée du film !!!! C'est si vrai que, initialement prévue le 18 juin, la sortie du film a été purement et simplement annulée.
Interdire, c'est INTERDIRE POUR DEMAIN ! C'est pousser les producteurs et les distributeurs à ne plus développer de films de genre, c'est empêcher les scénaristes et réalisateurs de créer ce qu'ils désirent. En clair, c'est favoriser l'autocensure, c'est tenter d'éradiquer un genre cinématographique qui avait déjà du mal à avoir sa place sur les écrans Français. J'ai grandi avec ces films, ils m'ont dérangé, bouleversé et j'ai appris grâce à eux... Ce film doit EXISTER !!
Je veux que les artistes de ce pays restent encore libres de choisir. C'est par cette liberté que se créeront des oeuvres fortes, indépendantes, insoumises... Alors, que faire ? Que dire ? Rester chez soi ?
Aujourd'hui, si on ne voit pas, ça n'existe pas ! Il faut PHYSIQUEMENT faire quelque chose ! Je me lance !!!
Manifestons contre cette censure qui ne dit pas son nom, le Vendredi 13 juin (Belle date !), à 14H30, place du Palais Royal, face au ministère de la culture. Métro Palais Royal, Musée du Louvre.
Venez nombreux, pour demander au Ministre de la Culture de reconsidérer l'avis de la Commission, pour donner à "Martyrs" un visa assorti d'une interdiction aux moins de 16 ans, accompagné d'un avertissement sur la violence d'images jamais gratuites au service d'un propos dérangeant. Pour que ce film existe et soit distribué comme une oeuvre à part entière...
Paris, le 7 juin 2008
Fernando De Azevedo
Réalisateur