3 raisons d’aller voir « L’étincelle, une histoire des luttes LGBT+ »

Posté par vincy, le 24 juillet 2019

Le pitch: Une histoire de la lutte LGBT des années soixante à nos jours, après que l’étincelle des émeutes de Stonewall a embrasé l’action militante qui, de New York, devait se répandre partout dans le monde. De San Francisco à Paris en passant par Amsterdam, entre les premières Gay Pride, l’élection d’Harvey Milk, la « dépénalisation » française, l’épidémie du Sida et les premiers mariages homosexuels, ces quelques décennies de lutte s’incarnent au travers de nombreux témoignages d’acteurs et actrices de cette révolution arc-en-ciel.

Des témoignages forts. Avec ce documentaire initialement prévu pour la TV, Benoît Masocco a capté la parole des décideurs et des activistes ou des artistes qui ne secachent pas, de ceux qui ont vécu le combat pour l'affirmation comme ceux qui ont traversé l'apocalypse des années Sida, qu'ils soient américains, français, néerlandais... A chaque fois, c'est bouleversant. Qu'il s'agisse d'une confession intime ou d'un engagement politique, les écouter est une épreuve émotionnelle: ils partagent leur souffrance, leur désespérances ou leur combattivité avec une belle pudeur, une dignité respectable ou une flamme vivace. On voit ainsi défiler Robert Badinter et Didier Lestrade, Bertrand Delanoë et Gérard Lefort, Dustin Lance Black (When We Rise, scénariste de Harvey Milk et J. Edgar) et l'écrivain Edmund White, John Cameron Mitchell (Shortbus) et Cleve Jones... Tous, femmes ou hommes, rappellent le parcours semé d'embûches des homosexuels, des années 1960 à aujourd'hui... Ils se sont battus politiquement, médiatiquement, collectivement. Ils revendiquent une culture queer alternative face à ceux qui se sentent bien dans une société "normalisante". Ils se souviennent avec amusement des rébellions contre les forces policières, avec douleur des morts du sale virus, avec joie des avancées pas à pas pour la cause, avec regrets des années folles, avec bonheur des victoires, amères ou triomphales.

50 ans de luttes nécessaires. Car ce combat n'est pas fini. Et les débats changent de forme. L'histoire commence avec la révolte de Stonewall à New York et l'année suivante, la naissance des marches de la fierté. La fameuse étincelle. L'émancipation sexuelle, l'égalité civique des noirs américains, la progression du féminisme: tout conduit la communauté LGBT à revendiquer ses droits, sortir du placard et casser les lois discriminatoires. Le documentaire montre l'horreur de certaines lois anti-homosexuels à l'époque. L'avènement d'Harvey Milk et son assassinat, la loi Badinter de 1982 dépénalisant l'homosexualité et les horreurs des anti-Pacs ou anti-Mariage pour tous, la liberté folk des années 1970 et l'enfer pop des années 1980: tout contribue à la libération des mœurs et leur concrétisation politique. Le Sida va siffler la fin de la fête. Un autre combat va commencer. Puis ce sera celui de l'égalité des droits. Aujourd'hui commence un travail de mémoire avec la réhabilitation des grandes personnalités LGBT, la création de centres d'archives ou de chaires universitaires, les droits des transsexuels ... Aujourd'hui, on parle d'homoparentalité dans les pays où le mariage est déjà acquis. Mais il ne faut pas oublier que l'homosexualité reste interdite dans des dizaines de pays (voire passible de peine de mort), qu'en Europe des gouvernements agitent une homophobie populiste qui peut s'avérer meurtrière, que les crimes homophobes augmentent un peu partout.

Nous vieillirons ensemble. L'un des mérites du film est avant tout de déterrer les racines d'un combat qui est devenu public il y a cinquante ans. Et, par conséquent, de montrer des femmes et des hommes homosexuels qui étaient adolescents sous Woodstock et qui sont de beaux seniors aujourd'hui. Pour la première fois, une génération née après la guerre peut être ouvertement et publiquement gay et toujours en vie. Et la génération LGBT post-SIDA peut apprendre de son passé commun, et comprendre qu'après 30 ans, on n'est pas forcément condamné à être obsolète (sauf sur Grindr). Car c'est, en creux, l'un des aspects les plus intéressants de ce documentaire. Avec ses archives, son voyage dans le temps, ses souvenirs qu'on aurait pu croire révolus voire éteints, il dévoile une histoire qui n'est plus si jeune et qui aurait pu disparaître avec la propagation du HIV ou l'obligation de vivre caché. Grâce à ses anciens combattants, la communauté LGBT d'aujourd'hui, peut s'engager dans les combats de demain. L'étincelle devient alors un film qui sert de relais entre ceux qui ont vécu toutes ces batailles et ceux qui aujourd'hui profitent de cette liberté chèrement acquise. Or, on le sait, la liberté est une valeur fragile. Comme une flamme est facile à éteindre. Les luttes continuent.

Le 1er Marais Film festival dévoile son programme

Posté par vincy, le 29 octobre 2014

Des focus (Bavo Defurne, Patricia Rozema, Dominique Cardona et Laurie Colbert, Amos Guttman), des documentaires, des courts métrages: le premier Marais Film festival affiche sa couleur "arc-en-ciel".

Le festival ouvrira le 11 novembre avec Something Must Break, film suédois sélectionné à Rotterdam et Tribeca.
La clôture se fera le 17 novembre avec le téléfilm The Normal Heart, diffusé au printemps sur HBO, avec un casting prestigieux au génériques - Mark Ruffalo, Matt Bomer et Julia Roberts. Le film est l'adaptation d'une pièce de théâtre qui retrace la montée en puissance du sida dans les années 80.

Entre ces deux films, le MFF projettera le film allemand À demi-mots, les films néerlandais Boys et Zomer, les films américains Kill Your Darlings (sélectionné à Sundance, avec Daniel Radcliff et Michael C. Hall) et Last Summer, le film suisse Le Cercle (Prix du public dans la section Panorama à Berlin cette année et Teddy Award du meilleur film documentaire) et le film italien Mezzanotte.

Côté bonus, on notera la projection de Lilies, le très beau film canadien de John Greyson, les soirées spéciales consacrées au film suédois Snö de Simon Kaijser et au film culte de Jacques Demy, Les demoiselles de Rochefort (suivie d'une soirée dans la boîte historique du Marais, Le Tango).

Plus hot, et interdit aux moins de 16 ans, la soirée du 16 novembre sera entièrement dédiée au Porn Film Fest de Berlin.

Le Festival a été créé par Thibaut Fougères et Michaël Martin, directeurs de l'éditeur et distributeur Outplay, et se positionne frontalement en concurrent du festival LGBT historique de Paris, Chéries-chéris (lire lire notre actualité du 25 septembre dernier). Le festival se déroulera intégralement au Nouveau Latina, en plein Marais.

Trois festivals de films LGBT à Paris?

Posté par vincy, le 25 septembre 2014

Cet automne, deux festivals LGBT vont avoir lieu à Paris. Le vénérable festival Chéries-Chéris, qui fête ses 20 ans, et Le Marais Film Festival dont c'est la première édition. Une troisième manifestation est également en préparation.

Ce n'est pas une guerre. Il ne faudrait pas que ces événements finissent par K.O. Cependant le doyen connaît quelques difficultés, et pas seulement financières. Depuis quelques mois, les organisateurs du Festival du Film Lesbien, Gay, Bi, Trans & ++++ de Paris se divisent (au point de finir par un match nul) et ces dissensions ont amené le Forum des images (aux Halles), lieu historiques de la manifestation, à renoncer à l'événement.

Chéries-Chéris sera donc éclaté entre le MK2 Bibliothèque et le MK2 Beaubourg, entre le 25 novembre et le 2 décembre. On peut s'inquiéter de l'effet de cette dispersion. Lorsque le Forum des Images était en travaux, le festival avait réussi à se délocaliser au Grand Rex. Un seul lieu. Si le MK2 Beaubourg est à deux pas du Marais et des Halles, e MK2 Bibliothèque est très éloigné. Certes, après une période de doute, le rendez-vous est confirmé, mais quid de la programmation? A deux mois de l'événement, on ne sait toujours rien.

Mais c'est la concurrence du nouveau Marais Film Festival (11-16 novembre) qui risque d'être fatale à un vieux festival fragilisé par son manque de moyens et ses querelles internes. En prenant place au Nouveau Latina, à deux pas de tous les bars gays historiques de la capitale, le MFF va proposer plus de 50 films, dont pas mal d'inédits et d'avant-premières, mais aussi des débats, des classiques, des courts métrages, selon les informations du webzine Yagg. Avec un atout pas négligeable en bonus : le distributeur de films et de vidéos spécialisé en films LGBT, Outplay, est aux commandes.

Le MFF a déjà annoncé le Tigre d'or du dernier festival de Rotterdam, Something Must Break, quelques autres films et une soirée au Tango (de quoi se distraire en draguant). Il n'y aura pas que des films d'Outplay et c'est le public qui primera la compétition. Alléchant.

Les partenaires de Chéries-Chéris prennent leur indépendance

Tout le milieu a bien compris que Chéries-Chéris avait du plomb dans l'aile. Depuis le départ de l'équipe historique, partie ailleurs, créant d'autres formes d'événements comme le Jerk-Off Festival, on attendait un rebond. Il risque de venir d'ailleurs. Pire, il vient des amis de Chéries-Chéris : Outplay mais aussi Têtu et le Forum des Images. Le mensuel communautaire et le Forum des Images cherchent en effet à créer un événement audiovisuel (transmédia?), selon Le Monde.

Plutôt que de prendre le risque de ne plus avoir de festival LGBT à Paris, chacun a lancé son initiative. Ce sont les difficultés de Chéries-Chéris qui ont stimulé les idées chez ses propres partenaires. La nature a horreur du vide.

Certains se réjouiront de cette visibilité augmentée pour les films LGBT. Mais il est urgent que Chéries-Chéris se réveille et réagisse : l'appui institutionnel ne suffira pas à le sauver à une époque où les collectivités et mécènes sont de plus en plus vigilants sur leurs aides. On a déjà vu de grands festivals mourir (ou presque), se faire doubler par des nouveaux venus plus audacieux. Les Festivals LGBT en province ont souvent eu une vie éphémère et déjà quelques tentatives à Paris n'ont pas dépassé leur deuxième anniversaire.
Il n'y aura pas de place pour tout le monde : les films LGBT ne sont pas si nombreux, et la France les accueille souvent des mois après Rotterdam, Berlin, Cannes et même Deauville. Les grands films LGBT - Reaching for the Moon, Pride, Au premier regard... - de cette année sont même déjà sortis en salles.

Il y a une véritable réflexion sur le long terme pour qu'un Festival LGBT puisse créer l'événement à Paris. Sur d'autres thématiques - les films de genre, les documentaires, ... - certains ont réussi à être incontournables dans l'agenda de l'année.