Philippe Nahon (1938-2020), un « ogre » seul contre tous…

Posté par kristofy, le 20 avril 2020

Son visage était rarement sur les affiches mais son nom est pourtant au générique de pas loin d’une centaine de films : l’acteur Philippe Nahon est décédé le 19 avril à 81 ans, suite à l’aggravation de son état de santé compliqué par le coronavirus.

Ses débuts se sont faits devant les caméras de Jean-Pierre Melville (Le doulos), Jacques Doillon, René Féret (avec qui il fera plusieurs films tout au long de sa carrière) et Romain Goupil. Mais les propositions de cinéma se font rares et espacées de plusieurs années, alors, pendant ce temps-là, il joue  sur les planches et pour la télévision. Il n’aura presque jamais cessé de tourner des téléfilms, et ce n’est qu’après ses 55 ans que le cinéma s'est souvenu de lui.

Devenu alors très sollicité, il un des rares acteurs avec une certaine notoriété qui acceptait de tourner sans mépris dans des courts-métrages : on le voit trimballer sa gueule et son corps imposant dans 45 courts-métrages de réalisateurs alors débutants (Erick Zonca, Pierre Vinour, Julien Leclercq). C’est justement en tournant un court-métrage, Carne, en 1991, qu'il rencontre Gaspar Noé. Leur collaboration allait s'étendre dans le long-métrage avec le cultissime Seul contre tous en 1998. Ce rôle de boucher incestueux, à la voix râpeuse, va lui coller à la peau longtemps, et Philippe Nahon devient une sorte d’icône contre-culturelle pour une nouvelle génération de cinéastes.

D'Audiard à Spielberg

Curieusement, il n’a pas beaucoup joué pour les réalisateurs de son âge, ni avec les abonnés aux nominations aux César. Philippe Nahon c’est un regard perçant, une présence et un charisme. A la suite des films avec Gaspar Noé (dont Irréversible), il se retrouve alors dans ceux de Mathieu Kassovitz (Les rivières pourpres), Jacques Audiard (Un héros très discret), Guillaume Nicloux (Le poulpe, Une affaire privée), Christophe Gan (Le pacte des loups), Rémi Bezançon (Ma vie en l'air) ou encore Bouli Lanners (Eldorado). Il s'amuse aussi chez Benoît Mariage, Sam Karman, Hélène Fillières ou encore chez Alexandre Astier dans la série Kaamelott, incarnant savoureusement Goustan le cruel…, et mêmes dans les gros films de Jean-Marie Poiré (Les angles gardiens, Les visiteurs 2), Alain Corneau (Le deuxième souffle), Olivier Marchal (MR 73), Luc Besson (Adèle Blanc-sec), ou Steven Spielberg (Cheval de guerre) !

Presque tout ce qui va se tourner en cinéma de genre et d’horreur francophone voudra l’avoir à l’image : Haute Tension d'Alexandre Aja, Calvaire de Fabrice Du Welz, Lady Blood de Jean-Marc Vincent, Humains de Jacques-Olivier Molon, La Meute de Franck Richard, Kill me please d'Olias Barco, Cannibal de Benjamin Viré, Au nom du fils de Vincent Lannoo, Nos héros sont morts ce soir de David Perrault, Ablations d'Arnold de Parscau, Horsehead de Romain Basset…

"Un Gaulois, direct et sentimental"

Et pourtant, si il a été en quelque sorte un ogre inquiétant dans le cinéma, Philippe Nahon était  un bonhomme qui préférait rigoler. Une de ses dernières apparitions publiques aura été en septembre dernier sur la scène de l'Etrange Festival pour une première de Irreversible-inversion integrale de Gaspar Noé où la salle l'a vivement applaudi au point de le faire un peu pleurer...

C’est évidement la lettre de Gaspar Noé (parue dans Libération) qui représente l’hommage le plus émouvant à Philippe Nahon : « Nous, on s’est connus il y trente ans, je rêvais de m’amuser à faire du cinéma, comme Buñuel ou comme Franju. Toi, de vingt-cinq ans mon aîné, tu en faisais déjà depuis longtemps. Au retour de cette sale guerre coloniale que tu n’avais pas réussi à déserter et qui t’a valu trois ans de camp disciplinaire, tu avais commencé à faire du cinéma avec Reggiani et Melville. Moi, je voulais faire un premier film avec un personnage masculin qui soit la quintessence de ce que je croyais être un homme normal, donc complexe et le plus souvent perdu. Ce «héros» devait être bien plus âgé que moi. C’était un vrai homme qu’il fallait, d’une cinquantaine d’années, avec un visage universel et intemporel comme celui de Jean Gabin. Je voulais un Gaulois, direct et sentimental. J’ai vu une photo de toi et le coup de foudre a été immédiat. Tu es venu chez moi, un peu imbibé, et rigolard face à ce jeune étranger à la diction inaudible. Tu rêvais de vrais rôles. Jouer, te transformer, pour t’amuser, pour te faire de nouveaux amis. »

Venise 2019 : Irréversible – Inversion Intégrale, de Gaspar Noé, avec Monica Bellucci et Vincent Cassel

Posté par kristofy, le 2 septembre 2019

Retour en arrière: en 2002 au Festival de Cannes Gaspar Noé et le couple-star du moment Vincent Cassel et Monica Bellucci, avec Albert Dupontel, choquent la Croisette, secouent le cinéma français avec Irréversible, raconté en forme de retour en arrière: le début est à la fin, et inversement. 17 ans plus tard le film, toujours aussi (im)pertinent, est proposé avec un nouveau montage, dans l'ordre chronologique : Irréversible - Inversion Intégrale a été présenté en séance de minuit au Festival de Venise.

Pourquoi ce nouveau montage ? En fait Irréversible va faire l'objet d'une nouvelle édition en vidéo avec une qualité 4K en blu-ray. Depuis 17 ans, cet autre montage Irréversible - Inversion Intégrale était un fantasme pour les passionnés du film. Il a été envisagé d'abord comme un énorme bonus à ce futur blu-ray à venir, mais, finalement, il sortira aussi dans certaines salles de cinéma.

Le trio Noé - Cassel - Bellucci est venu à Venise et revenu sur l'aventure de ce film adoré ou détesté.

Gaspar Noé : L'idée originale était que l'histoire se déroule durant une nuit qui promettait d'être festive et durant laquelle le personnage d'Alex [Bellucci, ndlr] allait peut-être révéler quelque chose à propos d'elle. Mais les faits qui vont se dérouler conduisent les personnages de Marcus [Cassel, ndlr] et Pierre [Dupontel, ndlr] et d'autres, de la culture vers la barbarie. C'est ce glissement qui est l'arc du projet. Je suis heureux que le film soit visible dans ces deux versions différentes, et qu’elles soient aussi puissantes l'une que l'autre. Cette nouvelle version n'a aucun rajout, elle n'est pas différente, il y avait une scène qui avait été tournée et jamais montée où on voyait Monica à l'hôpital, et on ne l'a pas ajoutée non plus ici. Irréversible - Inversion Intégrale, c'est le même film avec les séquences dans l'ordre inverse, c'est juste la chronologie qui change. Un film se fait avec l'énergie des gens devant la caméra comme Vincent, Monica et Albert et des gens derrière la caméra comme Benoit Debbie et d'autres, Irréversible c'est vraiment une œuvre collective, ajoute-t-il. Cependant, il confesse: "Plus personne aujourd'hui n'oserait ni financer, ni peut-être même jouer dans un film comme ça".

Anecdotes: Pour les personnes qui ont déjà vu Irréversible et qui hésitent peut-être à le revoir, voici par exemple certains détails que l’on remarque mieux en connaissant déjà l’histoire :
- durant la fête Vincent Cassel se trompe durant son improvisation, au lieux de dire qu’il s’appelle 'Marcus' il dit son vrai prénom 'Vincent', il s’en aperçoit et essaie de corriger ensuite en blaguant avec le prénom 'Jean-François'…
- durant la longue scène violente dans le tunnel, il y a en fait une autre personne qui arrive et qui en est le témoin, mais au lieux d’intervenir elle s’en va.

Vincent Cassel : Faire ce film était une sorte de mission guérilla, on avait eu du financement sur nos noms et avec 3 pages de scenario, et 12 séquences d'improvisation a faire. Je savais que ce film resterait, et serait étudié dans des écoles de cinéma, je l'avais dit il y a 17 ans, c'est encore le cas aujourd'hui.

Monica Bellucci : La fameuse scène du tunnel avait été répétée plusieurs fois pour les gestes qu'on allait faire, la jouer était une performance avec une certaine sécurité quand-même. Ce film a été la première et la dernière fois où on a eu l'opportunité de jouer des longues séquences durant une vingtaine de minutes sans coupure, c'est une expérience rare au cinéma. Quand je l'ai vu, je me suis rendue compte que le film n'avait absolument pas vieilli, que c'était resté un film très fort. Et peut-être que cette nouvelle version du montage met encore plus en évidence cette dualité entre beauté et violence

Le seul changement porté à Irréversible - Inversion Intégrale est sa conclusion finale post-générique qui n'est plus 'le temps détruit tout' mais 'le temps révèle tout'. Logique. Même si ça ne changera rien aux opinions divergentes sur le film, toujours antagonistes depuis 17 ans.

BIFFF 2009, au début tout va bien…

Posté par denis, le 14 avril 2009

humains.jpgChaud chaud les premiers jours du festival, ce week end ayant réservé son lot d’hémoglobine et de meurtriers en tout genre. Après des « Chroniques mutantes » bien bourrines et un slasher naturaliste déviant en la personne de Dying breed, la première grosse poilade, involontaire, fut découverte avec Humains. Survival français réalisé à quatre mains, ce long métrage accumule les tares et les erreurs sans jamais prendre conscience du naufrage total dans lequel il s’enlise. Porté par un Philippe Nahon qui malheureusement disparaît au bout de 20 minutes, il reste alors Dominique Pinon mais aussi Lorent Deutsch et Sara Forestier (sic), le spectateur a le droit à une ballade dans la foret suisse pour découvrir des traces d’ossements pouvant bouleverser toute l’histoire de l’humanité. Et c’est parti pour des dialogues aussi vides qu’ineptes, des péripéties pas crédibles une seule seconde, des monstres qui sortent tout droit de La guerre du feu, le tout magnifié par une mise en scène d’une ignorance abyssale. C’est bien simple, les plans de coupe sont parmi les pires jamais vu dans un film doté d’un budget conséquent, et la photo gagne à être dans un dépliant touristique. Et dire que ce film a le droit à une sortie en salles…

La suite de la programmation fut bien plus réjouissante avec le polar coréen The chaser, petite perle noire ébène malgré sa longueur, et Cold prey 2, slasher norvégien dont Ecran noir a déjà parlé lors du Festival du cinéma nordique à Rouen Puis vint la fameuse nuit horrifique où chaque fantasticophiles a pu s’en prendre plein les mirettes. Au choix My bloody valentine, remake très généreux en meurtres à la pioche, applaudi par le public même si au bout d’une heure et demi il aurait été de bon ton de venir à bout de cette histoire de minier fou. Sortant d’ici peu de temps sur nos écrans français, Meurtres à la St Valentin (traduction française) arrivera peut être à se faire une petite place au box office, ce remake étant calibré autant pour les jeunes que pour les nostalgique de l’original.

Un film de zombies nazis dans les montagnes norvégiennes, digne d’être diffusé un dimanche soir sur TF1

Arrive ensuite Splinter, variation sur la contamination à travers des échardes poussant à l’intérieur des corps. Petite production développant son histoire dans un seul décor, ce film offre quelques séquences peu ragoûtantes mais tourne rapidement à vide, la faute à un script pas assez développé et à une caméra qui, pour palier au manque de moyens, rend les séquences d’horreur quasi illisibles. Un p’tit direct-to-dvd à mater donc un samedi soir entre potes (d’ailleurs ça tombait bien on était samedi soir !).

Enfin la crème de la soirée, le film tant attendu, la pelloche de la mort qui tue avec un coup de tatane dans les parties, le merveilleux, l’incroyable, l’unique, oui ! vous aurez bien évidemment deviné, c’est Deadsnow, un film de zombies nazis dans les montagnes norvégiennes, digne d’être diffusé un dimanche soir sur TF1 tellement les zygomatiques et les intestins sont mis à contribution. En vrac : des courses de luge aux effets pyrotechniques hallucinants, des dialogues olympiens, du sexe scato, du démembrement propre et sanguinolent, du snowsurf, des sensations pures avec les produits laitiers, et encore d’autres trucs qui font de Deadsnow une bête de festival en fin de nuit mais qui, il est vrai, n’aura sûrement pas le droit à sa case horaire sur TF1. Pourtant tout le monde sait que ses dirigeants sont de grands défenseurs du bon goût…

Contrebalançant avec ses œuvres précédentes, la projection dimanche du dernier opus de Shinya « Tetsuo » Tsukamoto, Nightmare detective 2, confirma le goût du monsieur pour l’étrange et sa capacité à rendre un film éthéré voire lunaire. Confiné entre les rêves et la réalité, le réalisateur propose une réflexion passionnante sur la mort, la maternité et la conscience d’exister, grâce à une mise en scène confondant le spectateur dans ce qu’elle donne à voir et un acteur à mi chemin entre le zombie et le noctambule. Une bien belle curiosité atmosphérique avec un réel talent de mise en scène.

Dans les prochains jours sont à attendre un Rape and revenge, le dernier film de José Mojica Marins et d’autres surprises dont Ecran noir vous tiendra bien évidemment au courant.