RIHL 2011 : Poitiers met le (jeune) cinéma à la fête

Posté par MpM, le 1 juillet 2011

RIHLDu 2 au 11 décembre prochain se tiendront les 34e Rencontres Henri Langlois, le Festival international des écoles de cinéma qui a pour ambition de découvrir et faire partager chaque année les meilleurs films de la jeune création cinématographique mondiale. Un objectif parfaitement atteint puisqu'on ne compte plus les réalisateurs aujourd'hui confirmés qui sont passés par Poitiers : Pascale Ferran, Noémie Lvovsky, Arnaud Desplechin...

Envie d'écrire votre nom à la suite ? Vous avez jusqu'au 15 juillet pour faire parvenir votre film au festival. La compétition est ouverte  à toutes les œuvres réalisées après le 1er janvier 2010 dans le cadre d'une école (université ou institut) de cinéma et/ou d'audiovisuel, sans critère de genre ni de durée. Rendez-vous sur le site de la manifestation pour remplir le formulaire d'inscription et découvrir la marche à suivre.

Les  films retenus par le comité de sélection composé de professionnels et cinéphiles s'intégreront à un programme riche en événements, parmi lesquels l'une de ces "leçons de cinéma" dont Poitiers a le secret (en 2010, il s'agissait tout simplement du tournage d'un court métrage dirigé par Nicolas Saada), un panorama du cinéma d'Amérique latine et de nombreuses séances de projection exceptionnelles. Sans oublier les rencontres entre cinéastes et spectateurs, qui permettent à chacun de prolonger le plaisir du cinéma. Car Poitiers est avant tout un lieu où tous les points de vue artistiques ont leur place et où le (jeune) cinéma est immanquablement à la fête !

________________

34e Rencontres Henri Langlois
Du 2 au 11 décembre
Informations sur le site de la manifestation

RIHL 2010 : des films animés dont l’imaginaire n’a rien de figé

Posté par Benjamin, le 13 décembre 2010

L’animation est un genre devenu majeur dans le cinéma actuel avec le succès des films Pixar ou de franchises telles que Shrek ou L’âge de glace mais aussi grâce à l’essor de la 3D. Les Rencontres internationales Henri Langlois l’ont bien compris et ont sélectionné pour cette 33ème édition des courts métrages animés absolument somptueux !

Il faut le dire et ne pas être avare en superlatifs tant la qualité de ces films dépasse celle de simples travaux d’écoles. Nous sommes face à des professionnels qui tiennent une idée, une véritable trouvaille, qui créent un monde qui leur est propre et développent leur propre style. Pas un film d’animation ne ressemble à un autre. Les formes sont aussi variées qu’inspirées. Le sud-coréen Wan-Jin Kim a joué sur la poésie de ses images qui ressemblent parfois à des tableaux pour retracer à la fois l’horreur de la guerre mais aussi la beauté du paysage qui assiste au massacre. C’est l’absurdité de la guerre face à la mort passive de la forêt. Seulement, il est dommage qu’il n’ait pas développé un vrai fil conducteur pour son film et qu’il se laisse emporter par sa créativité picturale.

Cependant, que ce soit les réalisateurs français du Gardien de phare ou l’allemande Verena Fels pour Mobile, c’est l’absence de parole et une durée courte (moins de 10 minutes) qui les caractérise. Le premier se rapproche plus du style de Sylvain Chomet tandis que le second donne vie à un mobile d’enfant pour une histoire à la fois drôle et irrésistible.

Mais deux films d’animation se démarquent nettement des autres dans la compétition. Le premier par son choix artistique brillant et novateur, le second pour son histoire et l’aboutissement de son projet.

Tout d'abord, l’œuvre de Pierre-Emmanuel Lyet qui a eu l’incroyable idée de réduire ses personnages à de simples yeux. Avec Parade, il traduit notre déshumanisation moderne en ne laissant apparaître de notre identité qu’un œil qui sort de l’obscurité. Le reste du corps, noir lui aussi, se fond donc dans le décor. Mais un œil, un corps se détache de ce monde si triste grâce à des « amis » (imaginaires ou non), des êtres de couleur de toutes les formes qui le suivent partout et perturbent ce monde si réglé. L’invention est splendide et par un jeu avec la musique, il nous fait rire sur ce monde hiérarchisé où chacun se cache. Parade est un film qui possède une identité très forte qui lui permet de sortir très largement du lot.

Le second, A lost and found box of human sensation (photo) conforte l’idée que les films d’animation ne sont pas forcément pour les enfants, et il aborde un thème grave, la dépression, le vide qui suit la perte d’un être cher. L’expérience de la maladie et de la mort, la perte des repères. L’incapacité d’avancer après une telle épreuve et puis, doucement, la renaissance, le nouveau départ et les cicatrices qui se forment et que l’on garde sur soi. Les deux allemands Martin Wallner et Stefan Leuchtenberg créent un univers riche, loufoque et varié. Leur film a une forme assez classique mais ils tiennent une histoire solide, leur film a un but (d’autres n’en ont pas et ne sont qu’une succession de plans vident de sens), quelque chose à dire au spectateur. Et puis, tout de même, les deux gaillards ont la chance de s’être offert les services de deux immenses comédiens pour assurer les voix-off. La voix du personnage principal est assurée par Joseph Fiennes et celle du narrateur par Sir Ian McKellen, excusez du peu !

Les films d’animation font preuve d’une véritable présence artistique à Poitiers. Certains optent pour le rire et la tendresse, tandis que d’autres s’orientent sur des sujets plus graves. La vitalité et la diversité en font un cinéma plein de promesses.

RIHL 2010 : le cinéma continue de refléter un monde perturbé

Posté par Benjamin, le 12 décembre 2010

Aux Rencontres internationales Henri Langlois cette année, les réalisateurs font preuve d’un grand engagement politique voire social. Ils abordent des sujets d’actualité difficiles tels que le terrorisme (London Transfer, photo, suédois), l’exclusion des immigrés clandestins (Mort par suffocation, allemand), le retour de la guerre en Irak (Cigarette Candy, américain) mais aussi d’autres sujets comme le viol (Solstice, anglais) ou l’infanticide (Narben im beton, allemand).

A priori, que ces jeunes cinéastes se frottent à des sujets sensibles, cela n’a rien d’exceptionnel mais ils le font bien, en choisissant de très bons acteurs, en donnant à voir soit une grande émotion soit un absurde des plus total.

Le réalisateur de London Transfer, Roozbeh Behtaji, choisit une situation simple, un homme en transit entre deux aéroports cherche des toilettes à tout prix dans Londres. Avec sa valise à la poignée cassée et sa tête de « terroriste », il est difficile pour lui de trouver de l’aide. On le rejette, on se méfie de lui, on le surveille bien qu’il soit suédois. La peur de l’autre, la peur d’une menace qui a été instaurée depuis des années dans beaucoup de pays occidentaux parasitent tout simplement la relation entre les individus. Ainsi, une situation aussi simple que celle de vouloir aller aux toilettes révèle des tensions et des problèmes disproportionnés.

Narben im beton (de Juliane Engelmann) et Solstice (de David Stoddart) choisissent le camp des femmes. Femmes comme être vulnérables et abandonnées qui sont reléguées aux rôles de mère et de réceptacle des pulsions sexuelles de l’homme. Femme au foyer et femme objet. Mais, elles essayent par tous les moyens d’échapper à cette emprise, cela finit souvent tragiquement : suicide, infanticide. Mais il y aura peut-être un jour nouveau qui viendra pour elle, que ce soit dans l’austérité d’une banlieue allemande ou dans les somptueux paysages embrumés d’Ecosse.

Mort par suffocation est l’un des meilleurs films de la compétition parce qu’il a un début et une fin (croyez moi c’est déjà très bien car beaucoup de réalisateurs trouvent une idée de départ mais n’ont aucune idée pour la conclusion !) et un véritable enjeu. Visar Morena, le réalisateur, utilise un sujet déjà bien traité au cinéma, celui de l’immigration (il suffit de voir Welcome de Philippe Lioret en France) mais il parvient à installer une véritable tension - un couple d’immigrés erre dans la rue, la femme enceinte, perd beaucoup de sang, son mari part chercher de l’aide mais se fait arrêter par la police qui ne veut rien entendre - et il réussit à pointer du doigt l’immense fossé entre les autorités et les immigrés. Un homme qui crie, qui résiste, qui fait du grabuge est forcément coupable, une menace qu’il faut vite éradiquée. Mais ce peut être aussi un homme soucieux pour sa femme qui se vide de son sang, seule dans une rue.

Mort par suffocation se finit de la plus tragique des façons. Par son rythme, par ses images, par le jeu des acteurs, par son découpage, le film est une véritable claque. La mondialisation c’est la peur de l’autre et le renfermement sur soi.

Beaucoup des films en compétition à Poitiers cette année ont montré des personnages isolés, abandonnés, délaissés par la société. Un état du monde pas très brillant et une vision quelque peu désespérée du XXIème siècle.

RIHL 2010: Nicolas Saada et le livre de cuisine hitchcockien

Posté par Benjamin, le 12 décembre 2010

Nicolas Saada est l’invité d’honneur des 33ème Rencontres Henri Langlois et c’est à lui qu’incombe la tâche de livrer la leçon de cinéma axée sur la direction d’acteur (voire La 40eme marche ne se loupe pas). Mais Nicolas Saada est avant tout un passionné. Un cinéaste qui met en avant l’importance de l’école, et de la transmission du savoir, choses qui se perdent cruellement de nos jours. Il parle avec ferveur des classiques d’Hitchcock et de la culture cinématographique, car savoir d’où l’on vient c’est un peu savoir où l’on va.

Sans vouloir faire son professeur, sans vouloir venir prêcher la bonne parole, Nicolas Saada a tout simplement envie de transmettre sa passion du cinéma, d’échanger et de partager avec les autres. Poitiers lui semble donc un carrefour essentiel.

Écran Noir : Pensez-vous qu’il y a une grande valeur pédagogique dans le cinéma d’Hitchcock ?

Nicolas Saada : Et bien oui. C’est ce que je disais : ce ne sont que des prototypes. Il y a un moment quand un ébéniste ou un musicien doit apprendre des choses de base à quelqu’un, il passe par des choses qui sont basiques. Quelqu’un qui veut apprendre le contre-point, l’harmonie, la mélodie à des étudiants de musique, il ne va pas prendre Lady Gaga ! Il va prendre des espèces d’objets absolument pérennes dans l’histoire de la musique. Hitchcock c’est pérenne ! Avec Hitchcock, je pense qu’on peut apprendre plein de choses. On peut piquer des trucs et je vois le nombre de cinéastes qui finalement prennent à Hitchcock non pas une matière qu’ils veulent copier, à laquelle ils veulent rendre hommage, mais un effet qui leur sert à raconter quelque chose. Hitchcock moi-même m’a servi à me dépatouiller de certaines situations, que ce soit dans mon film Les parallèles ou dans Espion(s), Hitchcock m’a toujours servi, soit à faire vivre une scène qui peut être absurde, soit à faire vivre une situation qui peut paraître forcée. C’est un livre de cuisine permanent. Le cinéma selon Hitchcock c’est un livre que tous les étudiants en cinéma devraient lire et relire. C’est le livre de cuisine du cinéma ! Donc moi je me dis, c’est un livre de cuisine, autant appliquer une recette et la faire partager au public de Poitiers.

EN : Demain soir, en même temps que la leçon de cinéma sera diffusé au festival The Ghost-writer de Roman Polanski…

NS : Alors c’est très marrant parce que beaucoup de gens m’ont parlé d’Espion(s) quand ils ont vu The Ghost-writer. Quand j’ai vu le film, je n’ai pas tout de suite compris, mais maintenant en y repensant je crois qu’il y a comme ça des espèces de chevauchements, de croisements entre les deux films.

EN : En tout cas, c’est un film très classique qui a quelque chose d’hitchcockien…

NS : Moi je suis pour le classicisme. Je suis pour tout ce qui est inactuel.

EN : On l’a beaucoup comparé par exemple à Shutter Island de Martin Scorsese et ce qu’on a mis en avant chez Polanski c’est qu’il n’avait utilisé aucuns effets spéciaux.

NS : Moi j’aime beaucoup Shutter Island. J’aime autant les deux. Polanski c’est un metteur en scène dont j’ai beaucoup regardé les films. Par exemple pour mon court métrage Les parallèles, une des références c’était Frantic : c'est un film que j’adore et c’était aussi un film de référence pour Espion(s).

EN : Est-ce que vous pensez que le patrimoine cinématographique se perd aujourd’hui ?

NS : Oui le patrimoine cinématographique se perd parce qu’on a une peur panique de ce qui est vieux. C’est Godard qui disait : « On dit toujours : je vais voir un vieux Fritz Lang. On ne dira jamais, je vais lire un vieux Stendhal. » Mais c’est vrai et c’est dommage qu’on ait une perte de ça, parce que c’est très important pour décoder des trucs. L’histoire que je raconte toujours, c’est qu’il n’y aurait pas Batman sans Victor Hugo. Donc j’adore cette idée qu’il n’y aurait pas Batman sans Victor Hugo parce que, en fait, le Joker dans Batman est inspiré de L’homme qui rit qui est un roman de Victor Hugo qui raconte l’histoire d’un enfant qui est capturé par des faiseurs de montres qui vendent des enfants défigurés dans les cirques. Et lui, on le défigure à un très jeune âge, on lui ouvre la bouche d’une oreille à l’autre. Et il devient l’homme qui rit. Ça devient une espèce de monstre de foire. Et il grandit comme ça accompagné de toute une troupe de gens avec qui il fait du cirque et il a ce visage défiguré, ce sourire permanent. Et après il apprend qu’il est de descendance royale donc on le kidnappe et on le remet au pouvoir, il se retrouve face à des responsabilités qui sont trop grandes pour lui. Enfin, ça se termine tragiquement. L’homme qui rit a inspiré un film dans les années 20 de Paul Leni. Un film de 1924 ou 25 (film de 1928 en réalité, ndlr) avec un acteur allemand qui s’appelait Conrad Veidt. Et ce film en 1925 est devenu un film culte aux États-Unis. C’est un film américain. Tout jeune, l’auteur de Batman (Bob Kane) a vu le film et il était tellement impressionné par le visage de Conrad Veidt qui reproduisait  les gravures qui accompagnaient le roman de Victor Hugo qu’il l’a noté dans un coin de sa tête. Et c’est à cause de ce film qu’il a eu l’idée du Joker. Donc on se dit, voilà, sans Victor Hugo, il n’y a pas Batman ou en tout cas le Joker. Et moi je trouve ça très intéressant. Je trouve plus intéressant de dire à un gamin que Victor Hugo c’est aussi bien que Batman plutôt que de lui dire que Katy Perry c’est aussi bien que Billie Holiday, parce que ce n’est pas vrai. Aujourd’hui, on a une tendance à négliger le passé en disant que finalement tout est cool dans la culture d’aujourd’hui, que tout se vaut, que tout est bien, que Lady Gaga c’est comme Barbara. Et du coup on expose tellement toute les références qui sont, je dirais, des références patrimoniales, dans un désir d’aller contre une espèce d’ordre établi qui serait une espèce d’ordre moral des choses.

RIHL 2010: La 40ème marche ne se loupe pas

Posté par Benjamin, le 11 décembre 2010

Écran Noir vous en a longuement parlé, mardi soir s’est tenu la Leçon de cinéma de Nicolas Saada (voir actualité du 7 décembre) au festival de Poitiers avec, en tant qu’acteur principal, Grégoire Leprince-Ringuet.

Inutile de dire que le TAP Cinéma affichait complet et que le festival et Nicolas Saada avaient parfaitement vendu leur affaire. L’alléchante idée de la reconstitution d’un tournage sur la scène du TAP, mais un tournage interactif où le public aura son rôle, a conquis son monde. Des caméras, un preneur de son, un chef op’, une maquilleuse, un réalisateur, deux acteurs, des figurants. Tout était là !

Alors la question est, Nicolas Saada a-t-il réussi son pari de réaliser 31 plans en 3 heures, sans ennuyer le public, en respectant les conditions réelles d’un tournage et en donnant une véritable leçon de cinéma ? La réponse est ou. Le spectacle fut au rendez-vous et Saada qui semblait comme un enfant, ainsi que toute son équipe très professionnelle, ont été très généreux avec le public. Leurs actions, leurs façons de faire étaient commentées, permettant aux spectateurs de comprendre l’enjeu de filmer la scène de tel ou tel point de vue.

Bien entendu, ce court métrage, intitulé pour l’occasion La 40ème marche, a été tourné de la façon la plus efficace qui soit. Le réalisateur a préféré l’efficacité à une certaine personnalisation de la scène. Difficile de faire autrement dans ce laps de temps et avec un décor aussi immuable que le théâtre de Poitiers.

Ce fut intéressant d’assister en tant que spectateur aux coulisses de ce tournage, d’observer les variations dans le jeu de Grégoire Leprince-Ringuet (très ludique!) et le rôle de chacun sur le plateau. mais surtout nous étions tous les acteurs d’un soir, participant au film, car le public fut bien entendu filmé.

Au final, l’expérience fut des plus vivantes. Certes, Nicolas Saada a dévié de la traditionnelle Leçon de cinéma, car plus qu’une leçon, c’était davantage un échange avec le public. Mais le public poitevin retiendra surement longtemps cette soirée à la fois bon enfant et enrichissante.

RIHL 2010: les jeunes réalisateurs dérèglent le réel

Posté par Benjamin, le 11 décembre 2010

Il y a cette année aux 33e Rencontres Internationales Henri Langlois à Poitiers une véritable maturité qui émerge des films de ces jeunes réalisateurs tout juste sortis de leur classe. La compétition est réellement pleine de promesses, la promesse de voir dans les années à venir des courts ou longs métrages réalisés par des gens qui tiennent un sujet, une idée et possèdent un univers, un style qui leur est propre. Ils sont loin certes d’atteindre la perfection mais ils dépassent de loin l’appellation « films d’école ».

Et bien entendu, ces réalisateurs en devenir font la démonstration de l’envie qui les ronge de s’emparer de leur époque, de la dépeindre avec franchise, d’analyser tantôt certains phénomènes de société ou tout simplement de traduire l’atmosphère actuelle.

Mais il y a un thème qui émerge dans un certain nombre de courts métrages, c’est le dérèglement du réel. Le monde réel qui voit son rythme perturbé, changé. Un monde qui déraille parce qu’il est allé trop loin dans l’absurde et dans l’avilissement de l’être humain. Ces cinéastes décrivent un monde qui oppresse, qui étouffe, qui se resserre lentement sur l’individu pour ne lui laisser plus aucune marge de manœuvre. La moindre erreur, et c’est la mort !

Trois films sont à citer : Conflit du français Pierre Teulières, Stanley Pickle de l’anglaise Vicky Mather et Le dernier jour d’Ivan Bulkin du russe Alexey.

Conflit est marqué par l’influence de Michel Gondry et par un esprit quelque peu lynchien. Le film  est une boucle temporelle qui se referme sur elle-même, nous montrant la vie programmée d’un homme : métro, boulot, dodo. Les habitudes ne changent pas. Un travail à l’usine, un appartement de célibataire et un meurtre horrible dont on parle sans cesse au journal télévisé. Bernard regarde en fait son propre acte de folie à la télé, il contemple son propre dérèglement. Le jeune cinéaste réalise son film sous la forme d’un plan séquence. Il créé une continuité entre les différents espaces que le personnage parcourt (métro, usine, bar, lit, etc). Et tous ces lieux finissent par se confondre, par s’envahir les uns les autres pour finir par créer une perte totale des repères. La société a transformé Bernard en esclave.

Chez Stanley Pickle, les choses sont toutes autres. Pour ne pas grandir, pour ne pas avoir à affronter la mort (de ses parents), ils mécanisent son quotidien. Ainsi, ses parents (morts) sont aujourd’hui transformés en automate et Stanley tourne leur petite clef située dans leur dos pour les « relancer ». Mais ce monde si parfait, si enfantin se rouille.  Il doit quitter son cocon et vivre de façon libre et épanouie tout en acceptant que la mort nous prend tous un jour ou l’autre. Drôle et beaucoup moins désespérant que Conflit, Stanley Pickle est un film sur l’évolution de chacun. Mais il ne faut pas oublier de signaler que ce film réalisé en prises de vues réelles a été tourné en stop motion en trois semaines. Et lorsque l’on observe sa fluidité et la richesse des décors, on ne peut qu’applaudir le travail de la jeune réalisatrice !

Enfin Le dernier jour d’Ivan Bulkin s’appuie sur une idée très amusante et pourtant banale. Une représentation de la mort vient chez Ivan Bulkin et lui annonce qu’aujourd’hui est son dernier jour. Dans ses mains, la mort tient le scénario de cette journée : quand il se tient la tête entre les mains, quelle réplique il sort à tel moment, etc. Une fois de plus, l’être humain est condamné, il n’a aucune échappatoire. Mais Ivan tachera d’être plus malin que la mort sur ce coup là… Il bouleverse le scénario et impose sa règle du jeu.

Il y a dans ces films des atmosphères très marquées, des effets de style très personnels malgré leur thématique commune. Dans cette vie trop compartimentée, qui « explose », il s'agit de rendre (ou non) à l’homme toute sa liberté.

Il y a comme un vent de révolution, un vent de créativité qui soufflait sur la ville poitevine. C'était presque libérateur.

RIHL 2010 : Nicolas Saada invite Hitchcock à Poitiers

Posté par vincy, le 7 décembre 2010

Pour les 33ème Rencontres Internationales Henri Langlois, le festival de Poitiers a convié Nicolas Saada (Espions(s)) pour la Leçon de cinéma. Le réalisateur et critique a décidé de surprendre et d’offrir au public poitevin un vrai spectacle puisqu’il va reproduire sur la scène du TAP une séquence d’un film d’Hitchcock de sa période anglaise. Nicolas Saada va s’entourer d’une petite équipe de tournage, d’acteurs professionnels mais également de figurants amateurs. Le film sera tourné en noir et blanc et Nicolas Saada espère bien en avoir terminé le montage début 2011 pour ensuite le montrer au public.

32 plans sont au programme de cet exercice d’équilibriste qui durera trois heures. Trois heures d’immersion dans de véritables conditions de tournage !

L’origine du projet.

La leçon de cinéma a pour thème cette année la direction d’acteur. Nicolas Saada s’explique alors sur ce choix qui lui était imposé : « J’allais pas faire une séance de casting sur scène, c’est pas très sympa pour les acteurs qui se retrouvent tout nu devant un public à ne pas forcément être à la hauteur de quelque chose qu’on leur demande. Faire des répétitions d’une scène du film ? Est-ce que ça sortait pas d’un cadre de cinéma pour rejoindre le cadre d’une répétition théâtrale ? Je me disais que c’était important de faire quelque chose où la salle pouvait être impliquée et puisse partager l’expérience. »

Le choix du film : Les 39 marches d’Hitchcock.

« Prendre un film d’Hitchcock qui est ultra connu, qui a fait même l’objet de pièces de théâtre et de comédies musicales, qui sont Les 39 marches. Et de partir d’une scène des 39 marches, y en a trois dans le film très importantes qui sont des scènes collectives où il y a une interaction entre des gens et un public. Et j’ai pris une de ces trois scènes, qui paraissait à la fois la plus universelle, la plus adaptée à l’exercice et en même temps la plus excitante et drôle, et amusante pour le public. Et je me suis dit, voilà le public va être partie prenante de ce qu’on va faire, il va être la quatrième côté de la scène, il va être acteur au même titre que ceux qui seront impliqués dans cette scène. »

Grégoire Leprince-Ringuet.

Grégoire Leprince-Ringuet a été contacté par Nicolas Saada pour reprendre le rôle de Robert Donat pour cette leçon de cinéma. Le jeune acteur est une des valeurs sûres du cinéma français actuel, un acteur protéiforme, et il est certain que sa performance sera des plus appréciables.  « J’ai contacté un comédien que j’aime beaucoup avec qui je n’ai jamais travaillé qui s’appelle Grégoire Leprince-Ringuet, qui a, je pense, l’innocence du personnage et même je dirais le physique du rôle, qui est un rôle de personnage hitchcockien un peu perdu. Il est plus jeune que Robert Donat qui joue dans le film d’Hitchcock mais il a ce côté un peu années 30. »

La leçon de cinéma de Nicolas Saada sera singulière à n'en pas douter : apprendre en recréant l’atmosphère d’un tournage le temps d’une soirée et pourquoi pas, se prendre pour Hitchcock !

RIHL 2010 : Mimi Le Meaux et Kitten on the Keys, artistes à part et femmes entières

Posté par Benjamin, le 6 décembre 2010

Les 33ème Rencontres Henri Langlois de Poitiers ont débuté vendredi avec quelques flocons de neige et des températures franchement basses. Il fallait alors des femmes dans toute leur splendeur, des artistes accomplies et extraverties, pour donner au festival toute la chaleur qui lui est dû.

Avec leur corps, leur mise en scène et leur musique, elles ont donné le top départ des festivités. Mimi Le Meaux, Kitten on the Keys et Julie Atlas Muz ont enflammé la scène du TAP après avoir chauffé les salles avec le film de Mathieu Amalric, Tournée. Retour sur ces artistes à part entière qui nous ont livré les détails de leur création et la difficulté de faire du « New Burlesque » au XXIème siècle.

Une sensibilité pour une musique et une époque.

Le New Burlesque est une façon pour ces artistes de s’exprimer avec leur corps mais également de créer un univers qui leur est propre. Elles mettent en avant une autre féminité, un corps plus rond, plus exhibé, des décors, une musique et des costumes bien particuliers. Mimi Le Meaux et Kitten on the Keys nous ont parlé de leurs influences musicales notamment mais également cinématographiques. Kitten explique alors ses influences et inspirations : « Mon nom de scène : Kitten on the keys, vient d’une chanson des années 20. J’ai toujours été très influencée par la musique des années 20 et 30, pendant la Dépression où les chansons étaient écrites pour redonner le moral à la nation ». Elle cite par ailleurs avec humour Shirley Temple qui « a presque sauvé le pays » selon elle. Les années 20 sont très importantes pour elle car c’est le moment où « les femmes se sont débarrassées de leur corset, ont coupé leurs longs cheveux et ont exprimé cet espèce d’appétit sexuel. »

Pour le cinéma, l’une de leurs références reste Mae West, et beaucoup d’actrices des années 50 tels que Jayne Mansfield ou encore Marlène Dietrich. Des femmes qui savaient exprimer leur liberté sexuelle. Mais Kitten revient sur d’autres influences d’ordre « scénique » comme Busby Berkeley, grand chorégraphe et metteur en scène de comédies musicales dans les années 30 et 40, dont la mise en scène l’a beaucoup inspirée.

Un spectacle osé.

Elles évoquent aussi les difficultés parfois de monter leurs spectacles. Elles arrivent de Hong-Kong où elles ont terminé une tournée entre la mégalopole, Taïwan et Macao.  Mais elles insistent bien qu’il leur était impossible de jouer leur spectacle en Chine, beaucoup trop libéré pour ce pays encore si fermé (une journaliste chinoise leur a d’ailleurs demandé si elles n’avaient pas « honte » de faire ce genre de show). Même dans certaines villes des États-Unis, à Los Angeles par exemple où la loi a changé, elles se doivent de cacher plus qu’elles ne le voudraient les parties intimes de leur corps. La police est plusieurs fois intervenue, à San Diego par exemple, pour arrêter leur spectacle qui était jugé trop choquant. Elles sont habituées à ce genre de restriction, mais cela prouve bien qu’il leur est difficile de s’exprimer pleinement sur scène et de monter le show qu’elles désirent.

Tournée

Bien sur, l’aventure Tournée a été évoquée. Et elles ne réalisent toujours pas être allées au festival de Cannes, avoir monté les marches et s’être retrouvées sur scène pour la remise des prix. Tournée n’a pas changé leur vie, ne les a pas rendu plus célèbres. Mais il a contribué, en partie, à rendre hommage au New Burlesque qui se conçoit comme un pied de nez au modèle féminin stéréotypé que l’on nous impose chaque jour.

Les 33ème Rencontres Henri Langlois approchent à grands pas.

Posté par Benjamin, le 2 novembre 2010

rencontres henri langlois 20101 302 films sont venus jusqu'à eux. 47 au final ont été sélectionnés pour ces 33èmes Rencontres Henri Langlois. 47 films (28 fictions, 12 films d'animation et 7 documentaires) venus de 22 pays et issus de 33 écoles différentes seront présentés au public du 3 au 12 décembre prochain à Poitiers.

Les Rencontres Henri Langlois ne comptent plus les années et pourtant le festival a su rester jeune et dynamique. Une manifestation qui, chaque année, prend les devants en dévoilant ceux qui seront peut-être les talents de demain. Si les films d'école peuvent faire fuir le grand public, ils sont pourtant un excellent moyen de se rendre compte de l'évolution du cinéma actuel ; on peut-être surpris par l'inventivité de cinéastes qui font leurs premières armes. Le festival de Poitiers porte bien son nom, ce sont de véritables rencontres avec des artistes en croissance.

Et cette année, les Rencontres Henri Langlois ont décidé de faire plaisir au public avec une soirée d'ouverture qui s'annonce exceptionnelle. Il était venu en 2007 pour une leçon de cinéma (voir l'entretien avec Ecran Noir), il a reçu au dernier festival de Cannes le prix de la mise en scène, Mathieu Amalric, acteur et réalisateur français hors norme ouvrira les festivités avec son film Tournée accompagné de ses actrices principales. Les girls feront un show de New Burlesque pour notre plus grand plaisir !

Une ouverture qui promet un beau spectacle  !

Dernière information, après avoir invité l'an dernier des écoles d'Asie du sud-est, c'est au tour de l'Europe de l'est d'être à l'honneur avec quatre pays: la Pologne, Slovaquie, Hongrie et République Tchèque. Poitiers continue son tour d'horizon du cinéma mondial de demain.

site internet du festival

Rencontres Henri Langlois : c’est le moment de tenter votre chance

Posté par MpM, le 13 juin 2010

Envie de marcher dans les pas de Pascale Ferran, Noémie Lvovsky, Arnaud Desplechin ou encore Claire Burger et Marie Amachoukeli, lauréates du César du meilleur court métrage en février 2010 ? Alors il est temps de présenter votre film aux Rencontres Henri Langlois qui ont lieu à Poitiers tous les ans au mois de décembre !

Pour l’édition 2010 (déjà la 33e !),  les étudiants en école de cinéma (ou leurs enseignants) peuvent inscrire et envoyer leur film à l’équipe des Rencontres jusqu’au 31 juillet prochain. Les œuvres doivent avoir été réalisées dans une école de cinéma et/ou d’audiovisuel après le 1er janvier 2009 et pouvoir être diffusées en 35 mm ou Béta SP Pal. En revanche, il n’existe aucune contrainte de genre (fiction, documentaire, animation…) ni de durée.

Être sélectionné à Poitiers, c’est l’occasion de montrer son court métrage à un vrai public amateur et professionnel mais également de participer à une compétition internationale dotée de cinq prix. Sans oublier les rencontres-débats à l’issue des projections, les conversations animées avec les étudiants d’autres écoles et les nombreuses activités offertes par le festival : leçon de cinéma consacrée à la direction d’acteurs, focus sur le cinéma d’Europe centrale, ateliers sur l’animation, sélections de documentaires venus d’Europe, etc.

Autant dire que le mot d’ordre de la manifestation, "faire la fête au jeune cinéma", devrait être largement respecté !

_______________

Rencontres internationales Henri Langlois
Du 3 au 12 décembre 2010
Informations et formulaire d’inscription