Et si on regardait… 14 grands films du cinéma japonais

Posté par redaction, le 1 mai 2020

Sur le le vidéo-club de Carlotta Films, à partir d'aujourd'hui 1er mai, Yasujiro Ozu est à l'honneur avec 6 films du maître.

Eté précoce (1951), Le goût du riz au thé vert (1952), Voyage à Tokyo (1953), Crépuscule à Tokyo (1957) sont quatre films en noir et blanc qui dépeignent la femme, le couple, la famille japonaise dans l'après guerre, soit une étude de mœurs plus ou moins mélodramatique ou légère sur la transformation d'un pays et de ses habitants.

En couleur, Bonjour (1959) et Le goût du Saké (1962), considéré comme l'un de ses chefs d'œuvre, complètent le programme, et offrent une nouvelle variation du cinéma de Ozu, scrutateur du quotidien et déjà désillusionné par un pays qui tourne le dos à ses valeurs traditionnelles.

Toujours dans le vidéo-club de Carlotta, ne manquez pas l'étrange et fascinant film de Toshio Matsumoto, Les funérailles des roses, film queer et audacieux sur la communauté homosexuelle des années 1960, entre tabous et emprise des sens.

En cette période de confinement, Hanabi a enrichi son vidéo-club avec 7 films japonais à petits prix pour tous les âges, pour tous les publics, pour tous les goûts.

On retrouve ainsi deux merveilles de l'animation nippone, Silent Voice de Naoko Yamada et Wonderland, le royaume sans pluie de Keiichi Hara.

C'est aussi l'occasion de découvrir l'œuvre magnifique, toute en subtilité et sentiments de Ryûsuke Hamaguchi avec la saga Senses, Passion et Asako I & II, sélectionné en compétition à Cannes.

Enfin, cette programmation est complétée par l'inquiétant Invasion de Kiyoshi Kurosawa et le feel-good La saveur des ramen d'Eric Khoo.

« A la folie » de Juliette Armanet en japonais pour la promotion d’Asako I & II

Posté par vincy, le 24 novembre 2018

À l'occasion de la sortie en salles le 2 janvier prochain de Asako I&II de Ryûsuke Hamaguchi, qui était en Compétition Officielle à Cannes en mai dernier, la chanteuse-compositrice et auteure Juliette Armanet a enregistré spécialement pour le film son succès À la folie en japonais !

Cette version nippone d'À la folie, l'un des tubes de son premier album, est divulguée dans la nouvelle bande annonce du film aujourd'hui.

Asako I & II commence avec une rupture: Lorsque son premier grand amour disparaît mystérieusement, la jeune Asako est désemparée. Deux ans plus tard, elle rencontre le double parfait de son ex. Troublée par cette étrange ressemblance, elle se laisse séduire mais découvre peu à peu un jeune homme avec une toute autre personnalité. Bien plus tard, quand leur amour s'est installé, son ancien compagnon réapparait.

Le réalisateur de Senses, maîtrise parfaitement cette empathie pour ses personnages, fondamentale dans son cinéma, et qui "transcende l’apparente simplicité de son sujet".

En ce sens, les paroles de la chanson de Juliette Armanet, et sa délicate mélodie, vont très bien avec le récit qui ne finit ni avec une défaite ni avec une fête, dans cette impossible danse entre deux amours.

Pourquoi il ne faut surtout pas rater « Senses » de Ryusuke Hamaguchi

Posté par MpM, le 2 mai 2018

C'est l'événement cinéma de cette semaine, et des deux suivantes : la sortie sur grand écran du film fleuve Senses de Ryusuke Hamaguchi sous la forme de cinq épisodes réunis en trois longs métrages. Soit une formidable saga intime mettant en scène quatre femmes reliées par une forte amitié que les aléas de la vie amènent à se remettre soudainement en question.

A Kobe, de nos jours, Akari, Sakurako, Fumi et Jun sont quatre femmes qui approchent de la quarantaine et mènent des vies assez rangées : Sakurako est une parfaite mère au foyer, Akari est une infirmière modèle, Fumi travaille pour un centre d'art et Jun dans un bar. Mais la jeune femme est surtout engagée dans une longue procédure de divorce, malgré le refus catégorique de son mari. Ce combat, qui était un secret jusqu'à la fin du premier épisode, fait l'effet d'une bombe dans le groupe d'amies, et place brutalement chacune face aux contradictions ou aux ratés de sa propre existence.

On est bien dans une intrigue intime, pour ne pas dire intimiste, qui ne bascule jamais ni dans le spectaculaire, ni dans le suspense un peu facile. Ryusuke Hamaguchi met en place un dispositif extrêmement simple (la plupart des scènes consistent en de longs dialogues introspectifs durant lesquels les personnages livrent leurs expériences ou leur ressenti) qui révèle peu à peu l'intériorité des protagonistes, et les pousse à réévaluer leur existence ou leurs comportements. La parole joue en effet tout au long du film un rôle central, déterminant, qui donne à sentir à travers les confidences, les reproches, les confessions et même les conversations les plus anodines la violence bouillonnant derrière les comportements uniformément policés.

Cela permet une auscultation en profondeur de la société japonaise corsetée, comme handicapée des émotions. Les cinq volets du film (qui correspondent logiquement aux cinq sens) permettent ainsi une plongée effrénée dans le tumulte des sentiments et l’envers de l'image que l'on a (et que le cinéma contribue souvent à nous donner) du pays et de ses mœurs tout en retenue.

Cela tient pour beaucoup à la force de l'écriture de Hamaguchi, qui transforme les mots en armes presque mortelles, si acérées qu'elles remplacent avantageusement toute brutalité physique pour témoigner de la violence des émotions intérieures. Ce que se disent les personnages est ainsi plus insupportable à entendre que s'ils criaient, ou en venaient aux mains, car ces propos, toujours prononcés avec calme et politesse, ne touchent pas tant à ce que font les protagonistes qu'à ce qu'ils sont intrinsèquement : égoïste, superficiel, lâche...

Les quatre comédiennes principales sont évidemment à saluer tant elles sont justes et sensibles tout au long des cinq épisodes. C'est d'autant plus impressionnant que toutes les quatre sont non professionnelles, de même que les autres comédiens qui les accompagnent. Senses est en effet né d'un atelier d’improvisation autour du thème "comment pouvons-nous mieux nous écouter les uns les autres ?". Dès le départ, il a été conçu dans l'optique de faire un film. Un scénario a ainsi été écrit en fonction de chacun des participants, et a évolué avec eux au moment du tournage.

Dans sa première version, le film durait plus de 5h. Après son accueil triomphal à Locarno en 2015 (prix d'interprétation féminine collectif et mention spéciale pour le scénario), puis au Festival des trois continents (Montgolfière d'argent et prix du public) et au festival Kinotayo (Soleil d'or), Eric Le Bot, distributeur pour Art House, a décidé de le proposer sous la forme de la "série de cinéma" que l'on découvrira tout au long du mois de mai. Une décision courageuse, car bien sûr le format est atypique, et le film lui-même singulier.

Le terme "série", par exemple, ne doit pas faire imaginer un récit à suspense, rebondissements effrénés, cliffhangers et autres climax incessants. Ce n'est pas La Casa de Papel. Si l'on aime tant Senses, c'est justement qu'il brise les codes les plus faciles de la narration romanesque pour n'en garder que l'essence. C'est donc à son rythme que Ryusuke Hamaguchi observe les glissements, les changements, les plus petits détails du comportement de ses personnages. Ce faisant, il propose une captivante étude de la nature humaine, doublée d'une réflexion complexe sur l'existence et le temps.

La durée est en effet une donnée fondamentale de son cinéma qui privilégie les plans larges et les scènes longues, permettant aux personnages d'aller jusqu'au bout de ce qu'ils ont à dire. Il n'hésite pas, notamment, à consacrer presque la totalité d'un épisode (le quatrième, intitulé "Sentir"] à une lecture en temps réel qui est à la fois comme une mise en abyme du tourbillon des sentiments traversé par les personnages, et une caisse de résonance à leurs doutes et interrogations.

Jusque-là relativement confidentiel en France, Ryusuke Hamaguchi impose en un film son style exigeant et son regard singulier, démontrant qu'il est un cinéaste à suivre absolument. Ça tombe bien, il sera à Cannes dans quelques jours, pour ses premiers pas en compétition officielle avec Asako.  C'est sûr, la planète cinéphile est sur le point de s’arracher son travail !

_____________

  • Senses 1&2 de Ryusuke Hamaguchi au cinéma le 2 mai
  • Senses 2&3 de Ryusuke Hamaguchi au cinéma le 9 mai
  • Senses 5 de Ryusuke Hamaguchi au cinéma le 16 mai