François Cluzet (La mécanique de l’ombre): « il s’agit de faire des bons films avant tout »

Posté par vincy, le 11 janvier 2017

Dans La mécanique de l'ombre, François Cluzet incarne un homme au chômage depuis deux ans, licencié à cause d'un burn out. Le personnage lutte contre l'insomnie. Inscrit aux alcooliques anonymes, il vit seul. Fatigué mais déterminé à retrouver un job. "Je connais ça l'inutilité" explique le comédien après la projection privée du film, juste avant les fêtes. "Il est un peu comme le personnage du Pigeon de Patrick Süskind..."

Charmeur et charmant, l'acteur sait qu'il est populaire (l'an dernier son film Médecin de campagne est l'un des rares drames à avoir dépassé le million de spectateurs, en plus de très bien s'exporter). L'homme est hâbleur, courtois, franc, sincère. Mais il a aussi l'expérience des trous d'air dans une carrière, lui qui a vécu comme une résurrection le carton de Ne le dis à personne il y a dix ans.

"Le cinéma a changé"

Il défend avec ardeur La mécanique de l'ombre, premier film de Thomas Kruithof. "J'ai rarement vu un script - je parle de dramaturgie, de suspens - aussi bien foutu" avoue l'acteur. "Ce qui m'a plu, c'est l'instrumentalisation du personnage." "On n'a pas vu ce genre de films depuis Costa-Gavras" s'enflamme-t-il.

Thomas Kruithof ne cache pas que la toile de fond est inspirée de nombreuses affaires secrètes de la Ve République, de Takieddine à Squarcini en passant par les otages du Liban, influencé par le cinéma de complot des années 1970 et les livres de John Le Carré. Ce qui donne un premier film maîtrisé.

Refusant la notion de risques, Cluzet considère que ses choix de carrière n'ont rien à voir avec une forme de calcul. "Ce qui compte, c'est l'histoire, ce qu'on a à jouer. On se fout du budget du film". Il ajoute: "Ce n'est pas une histoire de rôles, il s'agit de faire des bons films avant tout. Si tu fais trois merdes qui marchent pas, c'est fini." Préférant un petit rôle dans un chef d'œuvre à être tête d'affiche d'un gros budget médiocre, François Cluzet rappelle que "le cinéma a changé". "On ne vient plus voir tel ou tel acteur, mais tel ou tel bon film."

Festroia 2013 : bons baisers des centres de rétention français

Posté par MpM, le 12 juin 2013

Festroia propose une section compétitive originale qui réunit des œuvres de tout format et de tout genre ayant en commun de parler des relations entre l'homme et son environnement. Dans ce cadre, les festivaliers ont pu découvrir Rétention de Thomas Kruithof, un court métrage de fiction sur les centres de rétention français.

À travers une histoire très simple (celle de Youri, un Ukrainien menacé d'expulsion), le film décortique pour le spectateur les réalités d'un système à bout de souffle : policiers démoralisés, politique du nombre, rafles, centres surchargés, impossibilité matérielle d'apporter une aide juridique correcte à tous, arrestations abusives...

Le personnage principal, qui travaille pour une association d'accompagnement des étrangers en situation irrégulière, représente la dernière étincelle d'humanité dans un système basé sur des principes qui ne tiennent aucun compte des individus. Volontairement, le cinéaste la montre uniquement au travail, sans donner le moindre indice sur sa vie privée ou ses aspirations. Elle est sans cesse en mouvement, contrainte d'exploiter au mieux les moindres failles de procédure et perpétuellement engagée dans une course contre le montre presque perdue d'avance.

Face à elle, Youri est l'archétype du migrant sans papiers, parfaitement intégré, et dont la vie est désormais en France. Il donne un visage et une voix à ce qui, trop souvent, reste un fantasme dans l'imaginaire collectif.

Sur un sujet aussi délicat, la grande force du court métrage est d'aller droit au but dans une démarche quasi documentaire dépourvue d'effets artificiels. La linéarité et la simplicité du scénario permettent ainsi une piqûre de rappel salutaire, mais non didactique, qui va bien au-delà de la situation française. Comme un instantané universel à la force décuplée par l'épure et la distanciation.