BIFFF 2018 : Inuyashiki, 2ème Corbeau d’or pour Shinsuke Sato

Posté par kristofy, le 16 avril 2018

Une centaine de films dont une douzaine en première mondiale, quelques grands noms Yuen Woo-Ping, Kim Ki-duk, Jaume Balagueró, Paco Plaza, Kiyoshi Kurosawa... et pleins de cinéastes appelés à devenir grands, la venue de Shauna Macdonald et la masterclasse de Guillermo del Toro... Le 36e BIFFF, le Bruxelles International Fantastic Film Festival, a fait venir environ 58000 spectateurs sur 13 jours pour crier “Attention, derrière toi !”. Entre grosses frayeurs et grosses rigolades l'ambiance du BIFFF reste unique.

Pour le Fantastique, le BIFFF gonfle ses muscles et a lancé différentes initiatives pour que les films soient vendus/achetés/distribués et que des projets soient soutenus/financés/produits en coulisses (c'est par exemple le cas pour le développement de Muse réalisé par Jaume Balaguero). Le BIFFF, ce sont certains membres du jury international qui en parlent le mieux.

Pour Lloyd Kaufman (papa des films Troma) : « Aujourd'hui pour apporter un film de genre auprès du public il faut être un vassal soumis à un grand conglomérat qui y voit de l'argent à se faire. Il y a 30 ans c'était plus facile d'être producteur indépendant et d'être quand-même un peu distribué et avoir un public. Il faut se faire proxénète de son art; Picasso a eu beaucoup de succès en sachant se vendre, Van Gogh moins. Il est très difficile d'être indépendant. ».

Pour Julia Ducournau (maman de Grave) : « Beaucoup de film ne sont pas ou sont mal distribués, les festivals c'est la vie d'un film. Le fait que Grave soit allé à Cannes c'est essentiel pour reconnaître qu'un film de genre c'est aussi un film d'auteur. Ensuite la presse en a plus parler que si il avait été uniquement catégorisé comme film d'horreur, trop réducteur. Dans les salles on est toujours face à la prédominance de drames et de comédies. Il y a une bataille à mener auprès des exploitants pour leur faire comprendre que le film de genre ne doit pas être stigmatisé et qu'ils ne doivent pas craindre leur public. ».

Les différentes sélections - Compétition Internationale, Compétition Européenne, Compétition 7e Orbit, la Compétition Thriller… -  avaient chacune son jury. Le palmarès est presque sans fausse note puisque nos différents favoris se retrouvent récompensés.
En ce qui concerne la Compétition Internationale il y avait 11 films allant du voyage dans le passé (Man divided) au transport dans une dimension parallèle (Parallel), de la fantasy qui peine à séduire (The Scythian, Legend of Naga pearls, Along with Gods), des apparitions dans des recoins sombres (Terrified, House of the disappeared), du manga japonais horripilant (Ajin: demi-human) ou enthousiasmant (Inuyashiki), des enfants avec des créatures plus moins réelles (Mon mon mon monsters, Tigers are not afraid, qui révélait la production riche et variée venue du Mexique) : clairement ces trois derniers titres étaient les (nos) favoris, avec une préférence pour Inuyashiki dès la sortie de sa projection pour le spectacle drôle et jouissif qu'il propose. C'est aussi ce film Inuyashiki qui a été choisi par le jury, ce qui fait de son réalisateur Shinsuke Sato le récipiendaire d'un second Corbeau d'or après avoir déjà remporté cette récompense en 2016 pour I am a hero.

Notons quand même que Tigers are not afraid remporte ex-aequo un Corbeau d'argent et le prix du public.

Tout le palmarès

- Corbeau d’Or, Grand Prix: Inuyashiki, réalisé par Shinsuke Sato (Japon)
Corbeau d’Argent ex aequo: Tigers are not afraid, réalisé par Issa Lopez (Mexique)
Corbeau d’Argent ex aequo: Mon mon mon monsters, réalisé par Giddkens Ko (Taiwan)

Le palmarès des autres sections :

Méliès d’Argent: The Cured, réalisé par David Freyne (Irlande)
Prix Thriller: Memoir of a murdererréalisé par Won Shin-yeon (Corée du Sud) + mention spéciale: A special lady, réalisé par Lee An-Kyu (Corée du Sud)
Prix du 7e Parallèle: Blue my mind, réalisé par Lisa Brühlmann (Suisse) + mention spéciale: The Place, réalisé par Paolo Genovese (Italie)
- Prix de la Critique: Dhogs, réalisé par Andrés Gotera (Espagne)
- Prix du Public: Tigers are not afraid, réalisé par Issa Lopez (Mexique)

Pour la sélection Thriller Memoir of a murderer (un policier est suspecté d'être un tueur en série par un ancien tueur en série atteint de la maladie d'Alzheimer. Sauf quand il oublie ou à moins qu'il ne se trompe. Tandis que sa fille est en danger cible d'un tueur qui serait...) surclassait largement les autres films, pareil pour Blue my mind dans sa section (une jeune fille dans une nouvelle école s'interroge sur sa sexualité et sa famille tandis que son corps change..., ce qui en fait une héroïne cousine de Grave de Julia Ducournau). Seule la sélection européenne pour le Méliès d'Argent était plus disputée avec quelques autres films forts, mais c'est The Cured qui a finalement  distingué.

Pour vous donner le sang à la bouche : vous vous souvenez que depuis 28 jours plus tard de Danny Boyle et 28 semaines plus tard de Juan Carlos Fresnadillo beaucoup attendent une trilogie avec un hypothétique 28 mois plus tard ? The Cured de David Freyne est en fait le scénario idéal pour ça. On regrette presque qu'il ne s'agisse pas d'une suite officielle... Il existe désormais un remède pour soigner presque tous les 'zombies', les infectés guéris redeviennent humain mais ils se souviennent des atrocités commises durant leur transformation. Les 75% des gens guéris peuvent-ils réintégrer la société, leur famille, un travail alors qu'ils ont tué/dévoré des amis ? Pour les 25% des infectés qui ne peuvent pas être guéris et toujours férocement dangereux, peut-on attendre la recherche d'un nouveau traitement qui les ferait redevenir normaux pour leurs proches ou faut-il tous les tuer comme menace d'une nouvelle propagation de l'infection ? Comme dans les meilleurs classiques zombies on y retrouve une procédure de mise en quarantaine des infectés qui n'est pas optimum et une lutte de certains humains pour plus de pouvoir et de domination sur les autres : le combat pour la survie va reprendre...

The Cured est porté par le trio Sam Kelley, Ellen Page et Tom Vaughan-Lawlor, alors on pourrait espérer une sortie dans les salles françaises ;

BIFFF 2018 : 3 films du Mexique, nouvelle patrie du Fantastique

Posté par kristofy, le 15 avril 2018

Guillermo del Toro était donc l'invité d'honneur du BIFFF avec une masterclasse exceptionelle. Il apparait en ce moment presque comme un ambassadeur du cinéma du Mexique (où il va produire les prochains films de deux réalisatrices, Issa Lopez et Karla Castaneda), mais il n'est pas le seul : c'est également le cas de ses amis réalisateurs Alfonso Cuarón et Alejandro González Iñárritu.

Souvenez-vous de la cérémonie des Oscars de 2007 : le trio del Toro + Cuarón + González Iñárritu y étaient chacun dans la plupart des nominations (meilleur scénario, meilleur réalisateur, meilleur film...) avec leurs films Le labyrinthe de Pan, Le fils de l'homme et Babel. Par la suite le même trio a encore reçu des Oscars pour La forme de l'eau, Gravity, Birdman... soit effectivement des "films de genre".

Le Mexique est l'un des nouveaux pays où le genre Fantastique se renouvèle le plus brillamment (de même que d'autres pays d'Amérique du Sud, en opposition par exemple à la Corée qui s'essouffle), peut-être parce que les éléments-clé du genre sont dans leurs films plus ancrés dans une réalité sociale actuelle (comme les trafics de drogue et la frontière avec les Etats-Unis). Cette année, justement au Bruxelles International Fantastic Film Festival, on a pu découvrir quelques-uns de ces nouveaux talents du Mexique.

Voilà trois films dont les cinéastes forment déjà un nouveau trio de talents dont on reparlera :

Tigers are not afraid (Vuelven), de Issa Lopez
Dans une salle de classe, les enfants se jettent tout à coup au sol car on entend des coups de feu : dès le début le film indique que le bruit des armes des trafiquants est quelque chose d'habituel, tout comme de rentrer chez soi quand il y a sur le trottoir un homme tué. Des femmes disparaissent aussi, on ne sait pas combien d'enfants se retrouvent orphelins et seuls dans la rue.

Les héros de ce film sont justement une bande de gamins qui vivotent dans la rue en chapardant deci delà nourriture ou téléphones à revendre, rejoints par la jeune Estrella dont la maman a disparu. Elle aurait comme des visions de différents animaux et fantômes, et il se dit qu'elle aurait tué quelqu'un,mais aussi que les gamins ont volé le téléphone et le pistolet d'un homme très dangereux... Les enfants vont être pourchassés au delà de leur enfance, vers la violence des adultes. Le film fait la tournée de tout les festivals (dont Paris et Gérardmer en attendant une sortie en France) et fait forte impression, et Guillermo del Toro va donc produire le prochain film de Issa Lopez.

El Habitante, de Guillermo Amodeo
Trois jeunes femmes s'introduisent la nuit dans la grande maison d'un homme important et riche, car elles savent y trouver une grosse somme d'argent dans un coffre. Ligoter le couple et les forcer à indiquer où est l'argent se révèle assez facile, l'argent espéré est là, mais il n'y en a pas assez, il faut fouiller la maison : à la cave elles découvrent la jeune enfant du couple qui a l'air en mauvaise santé et attachée à un lit... Que faire : délivrer la jeune fille et l'emmener à l'hôpital ou écouter les parents qui demandent de la rattacher dans la cave ?

C'est déjà trop tard, car l'enfant semble possédée par une force démoniaque... Guillermo Amodeo (en fait originaire d'Uruguay) réalise là son deuxième film mais il est déjà reconnu comme scénariste des derniers films de Eli Roth (The green infernoAftershock l'Enfer sur Terre). Durant le film, on va en apprendre plus sur ces différents personnages mexicains : viol, inceste, prison, religion... El Habitante ré-actualise avec malice le film d'exorcisme, jusqu'à son dernier plan final qui apporte une surprise.

Belzebuth, de Emilio Portes :
Avec un titre pareil, on se dout qu'il y aura quelque chose de diabolique dans ce film. La première séquence est déjà sanglante : dans une maternité, une infirmière vient de prendre son service, elle va dans la salle avec les berceaux des multiples bébés, verrouille la porte derrière elle, et avec un scalpel elle va les tuer sauvagement un par un. Plus tard, dans une école maternelle, il y a une fusillade et plein d'enfants tués, le tireur est lui-même un enfant d'environ 10 ans. Les policiers mexicains se posent plein de questions, surtout à propos d'un homme avec des tatouages ésotériques aperçu dans l'entourage. De plus on leur envoie en plus un enquêteur d'une division médico-légale paranormale pour chercher des pistes occultes. L'homme aux tatouages bizarres (Tobin Bell, le méchant de la saga Saw) serait un prêtre excommunié suspecté de la disparition de plusieurs enfants...

Le film se passe dans une ville mexicaine proche de la frontière avec les Etats-Unis, là où justement il y certains tunnels secrets longs d'environ 2km que les trafiquants utilisent pour passer sous la frontière. Emilio Portes a à son actif des succès au box-office local où un peu de fantastique est utilisé pour des comédies survitaminées, avec même des Ariel comme distinction (les César mexicain). Cette fois avec Belzebuth il n'y a aucun humour et que du fantastique de plus en plus angoissant : de la démonologie ! Il y aurait un enfant en particulier qui est visé par ces crimes, car il pourrait être la réincarnation du... Si vous cherchez le film avec une longue séquence d'exorcisme éprouvante et très bruyante, le voila.