Une planète métisse qui se mêle aux hommes

Posté par Claire Fayau, le 14 avril 2008

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En pénétrant dans la galerie ouest du musée du quai Branly, le spectateur est accueilli par une citation de Montaigne : ''Un honnête homme, c'est un homme mêlé.''

Un auteur classique dans le musée des arts premiers ? D'emblée, l'exposition se veut éclectique ! Logique quand il s'agit de traiter du métissage...

La première section de l'exposition, ''Métis ?'' donne quelques définitions visuelles du métissage en opposant /rassemblant statues, tableaux, robes de diverses origines. Difficile, pour nos yeux occidentaux, de distinguer l'exotique du traditionnel.

La seconde partie "Chocs et rencontres des mondes" et la troisième "La fabrique des métissages" s’intéresse au fameux choc des cultures et mélanges qui en résultent, par un jeu d’influences variées.

Enfin la dernière partie, plus accessible, plaira au plus grand nombre et surtout aux cinéphiles :

Au centre d’un cercle, le spectateur peut visionner via trois "split screens" les représentations, aller-retour et mélanges entre les cinémas d’Asie et d' Hollywood. Extraits projetés : Les sept samouraï d’Akira Kurosawa, Les sept mercenaires de John Sturges, Cleopatra Jones de Jack Starrett, La rage du tigre de Chang Cheh, Happy Together de Wong Kar-Wai, Wedding Banquet, Garçon d’honneur et Brokeback Mountain d’Ang Lee ou encore Ghost in the shell 2 de Mamuro Oshi…

Intéressante réflexion sur la mondialisation, la globalisation, l’import-export- fusion des cultures, l’exposition souffre peut-être d’un traitement trop académique surtout au début… Cela manque un peu de folie, pourtant le titre et l’affiche présageaient d’une belle originalité. Pourquoi ne pas avoir été plus loin, et par exemple "mixer" les ambiances avec de la musique du monde, des photos, des vidéos, du "morphing" ? D’autant plus que dans ses expositions permanentes le Quai offre différentes présentations et supports innovants.

Cependant, Planète métisse reste un événement dépaysant, et les objets présentés sont magnifiques et curieux. Le cinéma y a sa part avec le cycle de rencontres mensuelles (le derneir samedi du mois à 16h) "villes métisses". Mexico et Amours chiennes, Rio et Orfeu Negro, Buenos Aires et Bolivia, ou encore Dakar et Kinshasa...

Plus d'informations sur le site de l'expo.

Un roman policier : plus fort que MR 73?

Posté par geoffroy, le 14 avril 2008

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Sortie : 16 avril 2008.

Synopsis: La banlieue, de nuit. Dans un petit commissariat, Emilie Carange, lieutenant de police en proie à des frustrations, voit débarquer Jamil Messaouden, jeune stagiaire, aux méthodes peu orthodoxes. Elle s'éprend de désir pour lui.
Une petite grand-mère arabe se dit témoin d'un grand trafic de drogue. Viard, le flic de la brigade des stups, qui devrait logiquement les traquer a "la tête et le coeur ailleurs".
L'équipe se retrouve dans une affaire qui les dépasse. Plus les nuits filent, plus le désir d'Emilie pour Jamil grandit.
L'affaire de drogue dérape, Emilie aussi...

Un roman policier est le premier long métrage de la réalisatrice Stéphanie Duvivier. Plongée étonnante au cœur d’un petit commissariat de quartier de la banlieue marseillaise, cette immersion territoriale est courageuse, bien foutue et ose décrire une réalité un peu à la manière du cinéma anglo-saxon. Sans artifices, ni digressions abusives sur les difficultés qu’éprouvent les flics dans le bon fonctionnement de leurs missions, la réalisatrice épuise le quotidien de ces agents de l’ordre confrontés aux pressions d’un environnement parfois hostile. Représentatif de la société d’aujourd’hui dans sa mixité sociale, identitaire et sexuelle, le commissariat devient un personnage à part entière dans lequel s’expose des fonctionnaires de l’Etat qui doutent, ont peur et répondent bien souvent aux urgences d’une situation sociale de plus en plus inextricable.

Un roman policier marque en continu un commissariat semblable à beaucoup d’autre dans la froideur de vestiaires vétustes. Quotidien d’un travail souvent plus administratif qu’opérationnel par manque de moyens et d’effectifs, les patrouilles s’enchaînent et les enquêtes font du sur place. Réalité d’une administration rigide laissée à la démerde de ceux qui sont sur le terrain, le moral des troupes de la commissaire Carange est au plus bas. Nous sentons la fatigue, le désespoir et même la résignation. Seul l’arrivée du stagiaire Messaouden redynamisera cette équipe moribonde. Si la mise en place d’une atmosphère tendue est maîtrisée par un choix de mise en scène direct, proche des corps dans leur frustration et leur humanité, elle occulte une partie enquête un peu redondante et manquant de rythme. Peu importe car tel n’est pas le propos de Stéphanie Duvivier. Ce qui l’intéresse c’est de filmer des gueules triturées par ce boulot hors norme, entre l’expérience désabusée des uns et la jeunesse frondeuse du stagiaire (Olivier Marchal, dans le rôle de l’inspecteur désabusé, évite la caricature pour nous livrer, in fine, un flic cassé terriblement attachant).

L’intimité de chacun est alors mise à nu. Ils répondent aux évènements qui traversent un quotidien chaque jour plus usant. Entre coup de blues, remontrance hiérarchique, rixes et autre beuverie d’un soir, leurs histoires de flics s’inscrivent dans celles du quartier et la vie du quartier déborde sur leur travail de flics. Mélange des uns avec les autres – le flic Viard a une relation avec Fati la patronne d’un bar au cœur de la cité –, attirance coupable de la commissaire pour son stagiaire, tout s’effrite et se modifie au rythme des nuits qui s’enchaînent. Cette prise de risque scénaristique vient renforcer les tensions, les solitudes… et les rapprochements.  La réalisatrice capte à merveille ce territoire français – souvent laissé à l’abandon par le cinéma – pour nous offrir des scènes sincères, fortes et terriblement humaines. Tout comme cette scène où les policiers de la brigade dansent avec les clients du bar de Fati. L’ombre de Kechiche n’est pas loin, la réussite du film est là.

Alors peu importe les quelques maladresses scénaristiques d’un long métrage qui remplit aussi bien les vides, les silences et les peurs de chacun. Ouverture sur une réalité de tous les jours, Un roman policier est plus que prometteur, il trace une voie qu’il faudra suivre.

Le bonheur, c’est simple comme une BO de film !

Posté par MpM, le 14 avril 2008

Centenaire de la musique de films100 ans, décidément, ça se fête ! Après le BéO festival la semaine passée, c'est au tour de la SACEM et du cinéma Le Balzac de célébrer le centenaire de la musique de films, composante indispensable au plaisir cinématographique. Pour bien commencer ces trois jours anniversaires, on a pu assister dimanche soir à un ciné-concert de haute volée sur Schastye (Le bonheur) du réalisateur russe Alexandre Medvedkine. Le film, datant de 1934, suit les aventures rocambolesques d'un petit paysan malchanceux en quête du bonheur. Sous couvert de farce moqueuse, il se pose surtout en critique féroce du système qui, quel qu'il soit, tape toujours sur les plus faibles.

L'originalité de la partition qui accompagnait cette fable aux accents surréalistes est d'avoir été entièrement improvisée lors d'une Master Class organisée conjointement par la SACEM et le Festival international du film d'Aubagne. En huit jours, le pianiste et compositeur Stephan Oliva et les huit compositeurs instrumentistes qu'il avait sélectionnés ont ainsi dû s'approprier le film de Medvedkine et lui imaginer un habillage musical moderne et expressif qui dynamise l'intrigue. Les plaintes terribles du didjeridoo et les voix brouillées de la musique assistée par ordinateur, mêlées aux accords graves du violoncelle et de la contrebasse, apportent une véritable émotion au film. Au contraire, les instruments à vent, la guitare et les percussions pimentent les passages plus légers de bruitages qui ajoutent aux aspects comiques. Combinés, ces effets apportent au film une dimension supérieure, à mi-chemin entre la satire dramatique et la réflexion politique.