Le monde du cinéma se mobilise pour Mahnaz Mohammadi

Posté par MpM, le 29 juin 2011

Les réactions n'ont pas tardé suite à l'arrestation dimanche de la cinéaste et actrice iranienne Mahnaz Mohammadi, fortement engagée dans la lutte en faveur des droits des femmes. On ignore actuellement où elle se trouve et sous quel chef d'accusation elle a été arrêtée, comme l'a souligné la société des réalisateurs français (SRF). Toutefois, les causes possibles de cette arrestation ne manquent pas.

En effet, Mahnaz Mohammadi (dont le film Femmes sans ombre a été primé dans de nombreux pays) n'a jamais caché ses réticences face au régime en place. Elle avait ainsi contribué au documentaire de Rakhshan Bani-Etemad sur les élections iraniennes de juin 2009, Nous sommes la moitié de la population, et était considérée depuis longtemps comme une "activiste politique" aux prises de position audacieuses. Il y a quelques mois, ses outils de travail (ordinateur, caméras) lui avaient été confisqués. En mai dernier, elle s'était également vu refuser le droit de quitter l'Iran, alors qu'elle devait accompagner à Cannes le film Noces éphémères de Reza Serkanian dans lequel elle a le rôle principal.

A cette occasion, alors qu'un débat sur la liberté d'expression était justement organisé par la SRF, la jeune femme avait envoyé un message aux participants, message relayé par Costa-Gavras. "Je suis une femme, je suis cinéaste, deux raisons suffisantes pour être coupable dans ce pays", écrivait-elle. "Actuellement, je réalise un nouveau documentaire sur les femmes de mon pays. Le combat des femmes pour leur identité est un élément incontournable de leur vie de tous les jours… et la liberté est le mot qui manque le plus à leur quotidien.  J'aurais vraiment aimé être parmi vous, chers amis.  Hélas, n’ayant pas l’autorisation de sortir de mon territoire, je suis privée de partager cette joie avec vous. Mais j'attends toujours et j'ai de l'espoir."

Selon le site de l'ancien premier ministre Mir Hossein Moussavi (actuellement en résidence surveillée) cité par l'AFP, Mahnaz Mohammadi aurait été arrêtée par des agents des forces de sécurité "qui pourraient appartenir aux services de renseignement des Gardiens de la révolution", le bras idéologique et armé du régime iranien. La réalisatrice avait déjà été arrêtée puis relâchée en juillet 2009 en même temps que le cinéaste Jafar Panahi.

Tandis que la SRF lançait immédiatement une pétition de soutien à la jeune femme (signée notamment par Gilles Jacob, Jean-Paul Salomé, Elie Chouraqui, Bertrand Blier, Marceline Loridan-Ivens, Claude Miller et les membres de la SRF), le président de la Cinémathèque française, le cinéaste Costa Gavras, s'est publiquement ému du sort réservé à Mahnaz Mohammadi qui avait présenté son film Travelogue à la cinémathèque en juin 2010 lors d'une journée dédiée au cinéma iranien.

Deux autres artistes iraniennes (Maryam Majd, qui devait recevoir un prix à Berlin pour ses photos sur le sport féminin en Iran, et la journaliste Zahra Yazdani, spécialiste des questions sociales et économiques) ont elles aussi été arrêtées les 17 et 21 juin derniers. Ces trois artistes iraniennes sont poursuivies "simplement parce qu’elle ont le courage d’exercer leur métier et leur talent en revendiquant leur liberté", a déclaré Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, soulignant que "ces inacceptables privations de liberté s’ajoutent aux menaces qui pèsent toujours sur les deux cinéastes Jafar Panahi et Mohamed Rasoulov, assignés à résidence." Le ministre a également rappelé que les artistes iraniens censurés et harcelés "peuvent compter sur le soutien sans faille de la France."

On ne pouvait mieux dire, même si ce soutien ne pourra pas éternellement se résumer à des condamnations verbales prononcées à des milliers de kilomètres de Téhéran. Surtout si les arrestations continuent à se multiplier. Car pour une personnalité médiatique arrêtée, combien d'anonymes qui croupissent dans les prisons iraniennes ?! Comme dans un bon film politique, on aimerait voir ce régime tyrannique remis sérieusement en question, dans ce qui pourrait être un nouvel épisode de la "Révolution arabe". Enfin une suite que l'on regarderait avec intérêt et plaisir.