La Rochelle 2011 : petit guide du cinéma de Buster Keaton

Posté par Benjamin, le 6 juillet 2011, dans Courts métrages, Critiques, Festivals, Films, Personnalités, célébrités, stars.

la rochelleCette année le Festival international du film de La Rochelle rend hommage au grand Buster Keaton à travers une rétrospective de son œuvre. 15 courts métrages et 13 longs choisis dans sa riche filmographie. De quoi découvrir le talent unique de l’artiste et se délecter de ses multiples prouesses physiques !

Ecran Noir, qui n’oublie jamais de défendre le patrimoine cinématographique, va vous présenter un petit panel de films qu’il ne faut absolument pas manquer. Des Buster cultes ! Des Keaton de génie qui vous rappelleront que le cinéma actuel n’a pas toujours la même superbe que celui des années 20.

L’homme face à la machine

Les deux premiers films que nous vous présentons sont certainement les plus connus de l’artiste : Le mécano de la General et La croisière du Navigator. Ce sont deux des plus gros succès de Buster Keaton au box-office de l’époque et deux films qui se rejoignent sur de nombreux points. Ces deux longs métrages permettent à Keaton d’explorer l’un de ses thèmes favoris : l’homme face à la machine (une locomotive pour l’un et un paquebot à l’abandon pour l’autre), mais un homme seul ! Buster Keaton y fait contraster la petitesse de sa figure face à la taille monstrueuse de ces machines qu’il doit maîtriser. Il court alors de chaque côté de la machine, tente de la faire fonctionner, se plie à ses mécanismes complexes... Il doit adapter son corps au gabarit d’un paquebot ! Il calque alors ses mouvements sur celui de la machine et ses actions, ses actes, deviennent presque robotiques. Il agit par pur mécanisme, par automatisme.

Dans ces deux films, on apprécie les trouvailles de Keaton acteur qui, étant presque seul dans un décor immense, doit se creuser les méninges pour trouver des gags et ne pas laisser un moment de répit au spectateur. Dans Le mécano de la General, il utilise comme fil conducteur un simple aller-retour. Dans la première partie du film, il poursuit des soldats nordistes jusque dans leur territoire, et dans la seconde partie, il est à son tour poursuivi. Les gags utilisés dans la première partie trouvent alors leur parfait répondant dans la seconde. Du génie pur !

Mais, il y a aussi de réelles trouvailles concernant la mise en scène. Le cadre est restreint car il ne peut quitter l’espace offert par les deux machines. Keaton est donc contraint de s’adapter et de ruser. Il opte alors pour de longs travellings en plan d’ensemble qui permettent de capter toute l’action de façon fluide. Il a toujours fait attention, durant sa carrière, à garantir la continuité de l’action pour prouver au spectateur qu’il n’y a aucune « tromperie » de sa part.

Ne passez surtout pas à côté de ces deux merveilles qui ont été certainement les films les plus « monumentaux » de Buster Keaton.

Buster seul contre tous

Une autre des particularités de Buster est la course à pied. Oui, car il ne faut jamais oublier que Buster est l’artiste burlesque le plus physique du cinéma muet. Harold Lloyd et Chaplin ne l’égalent certainement pas sur ce terrain. Buster Keaton, lui, a souvent risqué sa vie pour la simple « beauté du geste ». Et avec ses fameux plans d’ensemble et plans larges, il offre une parfaite visibilité de son corps en pleine action. C’est ainsi que dans des films tels que Les fiancées en folie et le court métrage Malec l’insaisissable, il fait la démonstration de ses talents d’athlète. Deux films particulièrement savoureux !

Les histoires sont très simples. Dans le premier, Buster doit se marier le jour même avant 7 heures pour empocher la fortune léguée par l’un des membres de sa famille. Mais le pauvre va devoir échapper à une foule de fiancées en folie bien destinées à l’épouser pour profiter du magot ! Elles sont des centaines, toutes de blancs vêtues, à remplir les rues de Los Angeles et à se jeter à la poursuite du pauvre quidam. Là encore, on retrouve cette image : Buster, seul face à une puissance massive. Le film se clôture (presque) par une séquence mémorable, celle où Buster, qui a enfin réussi à fuir les fiancées folles furieuses, se voit poursuivi par une centaine de rochers. Qu’il est formidable de le voir dévaler cette colline, avec ces rochers de toute taille qui lui courent après. Des images vraiment saisissantes et qui, près de 90 ans après, impressionnent toujours !
Dans Malec l’insaisissable, ce sont les policiers de la ville entière qui le poursuivent.

La beauté des films de Buster Keaton tient dans la façon qu’il a de mettre son corps en scène. Il dévale des collines, saute du haut des immeubles, grimpe sur une locomotive lancée à pleine vitesse. Il est suspendu dans les airs, perdu dans les eaux et il parcourt le plancher des vaches avec une dextérité et un physique à toute épreuve. Il fait parfois la démonstration d’actions qui apparaissent alors comme surhumaines. Buster est un artiste qui défie les lois de la physique en même temps que celles du cinéma. Il s’est d’ailleurs une fois fait une fracture au niveau du cou (une mauvaise chute). Mais, il était tellement concentré dans le film qu’il devait tourner que c’est son médecin qui l’en informa quelques mois plus tard.

Une caméra exploratrice

En bref, vous trouverez dans la rétrospective de Buster Keaton au Festival de La Rochelle des films emblématiques de chacune des périodes de sa carrière. N’hésitez pas à vous laisser tenter par ses premiers films avec Roscoe Arbuckle. Ils forment tout deux un duo savoureux : l’immense Arbuckle et le petit Keaton. Puis vient le moment où Buster vole de ses propres ailes et développe son cinéma. Un cinéma fait de machines à dompter, de foules à fuir et d’espaces à conquérir. Allez aussi jusqu’à ses derniers films, ceux de son déclin. Ce sont ses films de la fin des années 20 où, en contrat à la MGM et avec l’arrivée du parlant, Buster Keaton sombre. Ses films perdent en qualité mais il ne cesse pas pour autant de lutter.

Enfin, je vous conseillerais deux perles : Sherlock Junior et Le caméraman. Deux de ses longs métrages les plus brillants car, en plus d’offrir des scènes absolument incroyables, ils développent une véritable réflexion sur le cinéma, sur son pouvoir. La caméra comme exploratrice de tous les possibles. Et aujourd’hui, nous pouvons le dire, Buster Keaton aura exploré, en tant qu’acteur et réalisateur, des pistes que ses contemporains n’osaient pas approcher. Grâce au Festival de La Rochelle, il ne faut pas manquer l’occasion de célébrer son cinéma. Si lui reste stoïque quelle que soit la situation, il est certain que vous rirez à gorge déployée !

Tags liés à cet article : , , , , , , .

exprimez-vous
Exprimez-vous

Vous devez être connecté pour publier un commentaire.