Bo Widerberg à l’honneur dans les salles et en DVD

Posté par redaction, le 13 juillet 2020

Après la ressortie de La Beauté des choses en février dernier, Bo Widerberg occupe à nouveau le devant de l'affiche. Le cinéaste suédois prolixe, habitué du Festival de Cannes, des récompenses internationales et des nominations aux Oscar, inaugure les "Collector Malavida", une nouvelle série d'éditions DVD consacrées aux titres qui ont marqué l'histoire de la société de distribution et d'édition.

C'est ainsi Joe Hill, road movie social primé à Cannes en 1971 qui ouvre le bal le 15 juillet dans une version restaurée, avec des bonus inédits et un livret de 20 pages. En parallèle, il est en salles depuis fin juin aux côtés de cinq autres films du réalisateur : Le Péché suédois, Le Quartier du corbeau, Amour 65 et Adalen 31, dans le cadre d'une rétrospective d'envergure également orchestrée par Malavida.

Conscience politique individuelle et grands combats collectifs


Joe Hill s'inspire d'un personnage réel, Joel Hagglund alias Joseph Hillstrom ou Joe Hill, émigrant suédois qui arrive à New York au début du XXe siècle, puis devient un hobo (travailleur qui se déplace de ville en ville, souvent en se cachant dans les trains) et sillonne les Etats-Unis. Prenant rapidement conscience du fossé qui sépare les travailleurs des classes dirigeantes, il milite pour le droit des ouvriers et rejoint les rangs des Industrial Workers of the World. Sa mort tragique en 1915, suite à un procès tendancieux, fait de lui un martyr, et un symbole de la lutte anticapitaliste. Une chanson, immortalisée par Joan Baez, et qui ouvre le film, est même écrite en son honneur.

Fidèle à son style à la fois naturaliste et léger, Bo Widerberg réalise un film romanesque, foisonnant et bourré d'humour, qui raconte la construction d'une conscience politique individuelle, dresse un portrait sans concession de la misère et de l'injustice régnant aux Etats-Unis au début du XXe, et propose un éclairage fascinant sur les prémisses des grands combats sociaux collectifs de l'époque. Comme toujours avec le réalisateur, tout cela est brossé par petites touches, au fil d'un récit vif et entraînant qui privilégie l'ellipse et le non-dit.

On peut même être étonné de voir à quel point le récit évacue le discours politique en s'appuyant sur des situations qui parlent d'elles-mêmes, et une mise en scène qui vient sans cesse apporter du sens aux images sans avoir besoin de recourir à de longs dialogues explicatifs. Bo Widerberg laisse beaucoup de place au spectateur, qui tisse lui-même les fils logiques du récit : la découverte décevante de l'Amérique tant rêvée à travers les quartiers tristes et pauvres de l'East Side, l'apprentissage de l'injustice avec l'arrestation du petit garçon, le refus des conditions de travail déplorables avec le chantier du chemin de fer... Chaque séquence semble apporter un degré de compréhension supplémentaire à la trajectoire du personnage comme à l'Histoire en train de se faire.

Un être éminemment humain, aux fragilités assumées


La dernière partie, plus sombre, évite l'hagiographie, et n'hésite pas à souligner l'ambivalence des propres amis de Joe Hill, pour lesquels un nouveau martyr était utile à la cause. Le récit, qui semblait jusque-là s'égrener à toute vitesse, prend d'ailleurs le temps de montrer les temps forts du procès (en utilisant les verbatim de l'époque), puis les recours tentés pour sauver le personnage. On le voit en prison, tantôt plein de vitalité, inventant de nouvelles compositions, et tantôt abattu, terrifié par la proximité de la mort. Bo Widerberg n'en fait ainsi pas un héros flamboyant, mais un être éminemment humain qui, s'il est sûr de ses convictions, n'en a pas moins de fragilités assumées.

Si Joe Hill est évidemment un incontournable dans l'oeuvre de Bo Widerberg, toute son oeuvre est hantée par une observation sociale réaliste mais lumineuse à laquelle s'ajoutent au gré des films une vision gourmande de l'existence, un amour de l'art en général et de la peinture en particulier ainsi qu'un regard moderne sur la condition féminine. Influencé par la Nouvelle vague française, le réalisateur a inventé un cinéma au ton extrêmement naturel qui repose sur une méthode de travail particulièrement libre. Cherchant à capter la vie de la manière la plus anti-théâtrale possible, il laisse une grande marge de manœuvre à ses comédiens, donnant l'impression au spectateur d'assister à de vrais moments de vie volés à la réalité. Démonstration rapide avec ses cinq autres longs métrages actuellement en salle, en attendant la suite de la rétrospective.

Le péché suédois (1963)


Il s'agit du premier long métrage de Bo Widerberg, celui qui porte probablement le plus l'influence de la Nouvelle Vague. Le réalisateur s'essaye à des audaces formelles (caméra qui tourne sur elle-même ou choisit des angles de vues atypiques, récit ultra elliptique, images qui se figent, zooms...) qui donnent d'emblée un ton extrêmement libre au récit.

On y suit le parcours d'une jeune fille qui choisit la voie de l'émancipation et décide, au final, d'élever seule son enfant mais de garder le géniteur comme "sex friend". Accompagnée par une bande son qui privilégie un jazz sautillant, la jeune héroïne déambule dans les rues de sa ville, travaille, drague, tombe amoureuse et prend sa vie en mains comme dans un seul mouvement. Un film étonnamment moderne dans son propos comme dans son désir de capter le flux de la vie plutôt que de l'expliquer.

Le quartier du corbeau (1963)


Tourné dans la foulée du premier, le deuxième long métrage de Widerberg est sélectionné en compétition officielle à Cannes et connaît un grand succès public. Il représentera même la Suède à l'Oscar du meilleur film étranger.

Son héros, Anders, a 18 ans. Il vit dans un quartier ouvrier de Malmö et rêve de devenir écrivain afin de pouvoir dénoncer l'injustice sociale dont il est témoin, mais aussi échapper à son milieu. L'occasion d'une plongée bouleversante dans les milieux défavorisés de la Suède des années 30, filmée dans un très beau noir et blanc, et portée par Thommy Berggren, l'acteur fétiche de Widerberg, qu'il retrouvera dans Elvira Madigan et surtout dans Joe Hill.

Amour 65 (1965)


Un réalisateur, marié et père, est séduit par la femme d'un conférencier. Une liaison adultère commence alors. Elle sera brève, mais pas tout à fait secrète. Le héros étant cinéaste (un double du réalisateur ?) on assiste à la fois à plusieurs scènes de tournage et à des séquences de vie de famille au foyer. L'histoire se déroule sur une longue période et montre l'histoire d'amour illégitime autant que ses conséquences. « Mais si on aime vraiment, on préfère être utilisé que le contraire, non ? »

C'est le troisième film de Bo Widerberg, toujours sous une certaine influence Nouvelle Vague : une séquence qui montre des visages comporte en voix-off le dialogue d'une autre séquence, l'histoire de la romance des personnages principaux est agrémentée de diverses réflexion sur le cinéma et sur l'art... La liaison amoureuse passée sera ensuite commentée avec le point de vue de l'épouse et du mari ayant été trompé avec une redéfinition du couple et de l'amitié. Et puis c'est dans ce film que figure l'une des plus magnifiques scènes de cinéma d'un baiser exalté.

Elvira Madigan (1967)


Un lieutenant de l'armée suédoise déserte son régiment pour une artiste de cirque danoise qui elle aussi a tout quitté pour lui. Les deux amants sont très amoureux, mais leur histoire est scandaleuse pour les autres : il y a un avis de recherche dans le journal, lui en tant que déserteur risque la prison...

Le film débute sur leur fuite très romantique, avec batifolages dans les champs à la campagne et dans une petite auberge : « emprunter le regard de l'autre, on a envie de voir et de sentir le monde comme la personne aimée, c'est ça l'amour, non ? » Mais ils ont été reconnus, il faut partir à nouveau, et les deux amants se retrouvent peu à peu sans aucune ressource.

Vivre d'amour et d'eau fraîche, de framboise et de champignons, ça ne dure qu'un temps et des scrupules surviennent. Faute d'argent et face aux difficultés de se cacher longtemps, il va falloir faire des choix... Le film Eliva Madigan est en compétition au Festival de Cannes 1967 où il vaut le Prix d'interprétation féminine à son actrice Pia Degermark.

Adalen 31 (1969)


Là encore, comme dans Joe Hill auquel il s'apparente, le ton léger et presque sensuel de la première partie du film contraste avec le sujet historique qu'il aborde : la répression dans le sang d'une grève d'ouvriers dans la région d'Andalen en 1931. C'est que le cinéaste, loin de réaliser un film social à suspense, choisit au contraire de s'attacher aux pas de ceux dont on sait dès le départ qu'ils seront confrontés à la tragédie finale.

Presque conçu comme une chronique estivale adolescente, Adalen 31 parle donc d'amitié, d'éveil des sens et d'insouciance joyeuse. Les jeunes héros du film aiment le jazz et la peinture (Renoir, à nouveau), le cinéma de genre et la simplicité d'un bon repas entre amis. On sent encore poindre dans les petits détails du récit le désir qu'avait Bo Widerberg de communiquer au public sa vision hédoniste des plaisir de la vie.

Mais la seconde partie prouve que le réalisateur sait aussi filmer des séquences monumentales mettant en scènes des centaines de figurants. Le propos politique, bien présent, reste irrémédiablement lié à une vision humaniste de la société et du monde. L'émotion et la révolte ont leur place dans Adalen 31, mais dans les derniers plans, c'est bien la vie (et donc l'espoir) qui reprend le dessus, comme une métaphore du travail et de la philosophie personnelle de Bo Widerberg. Le film recevra d'ailleurs le Grand Prix du jury à Cannes et de nouvelles nominations aux Oscar et aux Golden Globes.

Kristofy & MpM

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Bo Widerberg, Cinéaste rebelle - Rétrospective partie 1
Actuellement au cinéma

Joe Hill en DVD chez Malavida dès le 15 juillet
A noter : un dossier spécial consacré au film sera publié dans le prochain numéro de notre confrère L'Avant-Scène Cinéma

Hommage : Anna Karina au Reflet-Médicis et sur Arte

Posté par vincy, le 17 décembre 2019

Anna Karina en 7 films. C'est le programme hommage qui aura lieu dès demain, le 18 décembre, au Reflet Médicis, 3/7, rue Champollion à Paris et organisé par le cinéma, Carlotta, Les écrans de Paris et Les Acacias distribution.

A l'occasion du décès de l'actrice, la télévision n'a pas daigné repassé l'un de ses films, hormis Arte qui a déprogrammé sa soirée de mercredi, le 18 décembre. La chaîne diffusera Pierrot le fou de Jean-Luc Godard (1965) avec Jean-Paul Belmondo, à 22h45, suivi du documentaire Anna Karina, souviens-toi, signé par son époux Dennis Berry (2017), avec en bonus un Blow up spécial Anna Karina sur arte.tv.

Au Reflet Médicis, on pourra voir son premier film de réalisatrice Vivre ensemble [Mercredi, vendredi, lundi à 15h40. Jeudi, samedi à 21h20, Mardi à 11h30] ; La religieuse de Jacques Rivette [Mercredi, vendredi, lundi à 17h30, Dimanche à 15h40] ; et 5 films de Godard: Alphaville de Jean-Luc Godard [Mardi à 19h30, Samedi à 11h40], Pierrot le fou, sous-titré en anglais [Mercredi, vendredi, lundi à 20h10, Jeudi, samedi, mardi à 15h40, Dimanche à 18h15], Une femme est une femme, sous-titré en anglais [Jeudi, samedi, à 19h30, Dimanche à 20h20, Lundi à 11h40], Le petit soldat, autrefois censuré [Jeudi, samedi, mardi à 17h40, Dimanche à à 22h10], et Made in USA [Mercredi, vendredi, lundi à 22h10]

Richard Linklater: 9 films à ne pas manquer au Centre Pompidou

Posté par vincy, le 26 novembre 2019

Du 25 novembre au 6 janvier, les Cinémas du centre Pompidou propose un rétrospective intégrale (dont quelques inédits), accompagnée d'une masterclasse et d'une exposition, consacrée au cinéaste américain Richard Linklater. A bientôt 60 ans, le cinéaste texan (décidément quel filon avec Wes Anderson, Ethan Hawke, Tobe Hooper, Tommy Lee Jones, Robert Rodriguez, ...) a réalisé pas loin de trente films, que ce soit dans l'animation (Waking Life, A Scanner Darkly, tous deux pas forcément aboutis), le documentaire, l'expérimental, ou le court métrage. Cherchant toujours la meilleure manière de raconter une histoire, il s'affranchit du temps, tournant sur 18 ans un film comme Boyhood, sérialisant une romance d'un jeune couple entre 1995 et 2013 (la trilogie Before), ou s'imposant le temps d'une journée pour raconter l'histoire de Slacker.

Voici 9 films qui montrent l'étendue de son cinéma, entre expérimental et film de studio, étude de mœurs et quête d'une vérité.

Boyhood. Sans doute son ouvre la plus maîtrisée et la plus magistrale. Ours d'argent de la mise en scène à Berlin, 6 nominations aux Oscars (et un récolté), une nomination aux César, 3 Golden Globes (sur 5 nominations), 3 prix BAFTA (sur 4), le film a été tourné sur une période de douze ans, de 2001 à 2013, avec les mêmes acteurs. Boyhood est une "ciné-réalité" qui suit une famille fictive, dans une Amérique traditionnelle, de l'enfance à l'émancipation du jeune Mason.

Rock Academy. La comédie culte, portée par un Jack Black au top de sa forme (et une nomination aux Golden Globes à la clé). Linklater revisite le "High School Move" et, dès 2003, invente les "Battles" si chères aux nouveaux télé-crochets. Sous ses apparences de comédie de studio hollywoodien, Rock Academy est en fait un film subversif sur la liberté. Comme dans Boyhood, le cinéaste plaide pour que la jeunesse s'empare de ses rêves, et tracent leur itinéraire sans se soucier des diverses autorités (parents, école, société). Le film a été adapté pour un musical sur Broadway.

Dazed and Confused (Génération rebelle). On est toujours au lycée, au texas, mais cette fois-ci on se transporte dans les seventies. Quentin tarantino en fait l'un des dix plus grands films de son panthéon. Et on y croise dans leurs premiers grands rôles Ben Affleck, Adam Goldberg, Milla Jovovich, Matthew McConaughey et Parker Posey. Cette comédie de mœurs, sélectionnée à Locarno, observe d'ajà une Amérique des classes moyennes, telle qu'on la voit depuis les années 1960 dans le cinéma américain (bagnoles, drague, baseball, ...). Ce "Summer Breakers", qui se place plutôt du côté des "bleus", est un digne successeur des films de John Hugues.

Slacker. Deuxième long métrage du cinéaste, ce film montre déjà l'intérêt de Linklater pour l'expérimentation: une ville (avec ses habitants, Austin), durant quelques heures, et les rencontres provoquées par ces croisements entre jeunes et vieux, complotistes et anticonformistes. Devenu culte, il installe le réalisateur dans une contre-culture, héritier du Nouvel Hollywood des années 1960-1970. Ce "new realism" à l'image s'accompagne d'un montage très fluide. Ce portrait de l'Amérique vaut aussi pour la mise en lumière sur les contrastes d'une société où coexistent marginaux et personnes sur-éduquées. Le film, sélectionné à Sundance, nommé deux fois aux Spirit Awards, n'a jamais été montré en salles en France, mais Splendor le distribuera en 2020.

Bernie. Jack Black (une nouvelle fois nommé aux Golden Globes), Shirley MacLaine et Matthew McConaughey nous régalent dans cette comédie macabre inspirée d'un réel fait divers: l'homme le plus gentil de la ville est adopté par une veuve misanthrope qui le tyrannise, jusqu'à ce qu'il craque et la tue. Chose rare, la sortie du film a fait réviser le procès du vraie Bernie, qui fut libéré puis hébergé chez le réalisateur durant deux ans. Un nouveau procès l'a renvoyé en prison. Avec un style singulier, le cinéaste mélange le biopic hollywoodien et le documentaire sur un bled texan et de ses habitants, allant jusqu'à mêler le fake (des comédiens) et le réel (des citoyens) en guise de témoins.

Tape. Ethan Hawke et Robert Sean Leonard, duo révélé par Le Cercle des poètes disparus, ainsi qu'Uma Thurman, sont les trois (sublimes) jeunes stars de ce film présenté à Venise. Un triangle infernal amoureux où la rhétorique est aussi théâtrale que caustique (si on a du second degré). Linklater cherche à trouver une vérité à travers trois versions des faits, où le féminin surgit entre deux discours masculins binaires. C'est du théâtre car c'est un huis-clos, quasiment en temps réel. Cela permet la multiplication des points de vue (l'image comme les personnages).

Fast Food Nation. Le premier film de Richard Linklater à avoir eu les honneurs de la compétition cannoise en 2006. On y retrouve Greg Kinnear, Paul Dano, le couple de Boyhood, Patricia Arquette et Ethan Hawke, Catalina Sandino Moreno, Kris Kristofferson et Bruce Willis. Cette fois-ci Linklater se fraie un chemin dans le cinéma politique et engagé, contre la malbouffe et surtout contre la souffrance animale et l'exploitation de travailleurs clandestins. Clairement de gauche, le film n'use d'aucun artifice hollywoodien pour faire le spectacle, préférant là encore une forme de réalisme, en décryptant la mécanique d'un système toxique qui empoisonne la société.

Ses deux derniers: Everybody Wants Some!! et Last Flag Flying. Everybody wants some!! est une sorte de suite à Dazed and Confused, mais cette fois-ci dans les années 1980. Quasi autobiographique, le film prouve que Linklater a acquis une maturité en matière de direction d’acteurs, d’esthétique visuelle, de travail soigné de la musique (la BOF est formidable) en filmant une fois de plus cette jeunesse aussi joyeuse qu’angoissée. Last Flag Flying, avec Steve Carell, Bryan Cranston et Laurence Fishburne, est, au contraire, un film d'adultes, où la guerre du Vietnam croise celle d'Irak. Ici c'est l'entraide et l'amitié qui sont au cœur de son récit, seules valeurs capables de résister à une armée déshumanisée. C'est à la fois sincère et bouleversant.

Sébastien Lifshitz: des vies et des corps aux cinémas du Centre Pompidou

Posté par vincy, le 4 octobre 2019

Deux fois récompensé par un Teddy Awards et césarisé pour Les invisibles, Sébastien Lifshitz est passé de la fiction aux documentaires (depuis 2012, il ne focalise que sur ce genrre), approfondissant son sujet de prédilection: l'humain à corps, cul, cœur ouverts. Son œuvre sensible, engagée, contemporaine s'intéresse aux gens, en portant un regard bienveillant et défiant les préjugés que l'on peut porter sur eux, leur communauté, leur âge ou leur cadre social. Ceux qui ne sont pas forcément des héros de fiction. Des pudiques qui sont un peu à l'écart de barnum médiatique ou des récits romanesques. Il fait le lien.

Les cinémas du Centre Pompidou lui consacre une rétrospective qui démarre ce vendredi 4 octobre (jusqu'au 11 novembre), avec en bonus l'avant-première en ouverture de son prochain film Adolescentes, un court-métrage de commande, inédit, dans la collection "Où en êtes-vous?" et une exposition de photographies vernaculaires - "L'inventaire infini" - dont il est un grand collectionneur.

Par ailleurs, une masterclasse est prévu le 12 octobre (entrée libre). Parmi les invités, on retrouvera la cinéaste Claire Denis pour Claire Denis la vagabonde, l'artiste Valérie Mrejen pour Il faut que je l'aime,, Bambi (de son vrai nom Marie-Pierre Pruvot), l'artiste de cabaret qu'il a film dans son formidable moyen métrage documentaire Bambi, le philosophe Paul B. Preciado pour présenter le film Wild Side, ainsi qu'Isabelle Fonbonne, fille de Thérèse Clerc, et Paul Guilhaume, chef op des Vies de Thérèse.

Enfin, un catalogue coédité par les Éditions Xavier Barral et les Éditions du Centre Pompidou, rassemblent des textes inédits de Sébastien Lifshitz et Isabelle Bonnet.

Les six premiers films de Jim Jarmusch en version restaurée

Posté par vincy, le 3 juillet 2019

Une rétrospective des six premiers films de Jim Jarmusch débutera le 3 juillet dans les salles avec leur ressortie en versions restaurés grâce au distributeur Les Acacias.

Permanent Vacation (1980, mais sorti en France en 1984), film d'une heure et quart, est sans aucun doute le moins connu, même s'il pose les bases du cinéma "jarmuschien". La collection comprend Stranger Than Paradise (1984), Caméra d'or à Cannes, à peine plus long, Down by Law (1986), en compétition à Cannes, avec Tom Waits, son fidèle John Lurie et Roberto Benigni, Mystery Train (1989), film à segments primé pour sa contribution artistique à Cannes, avec Tom Waits, Steve Buscemi, Nicoletta Braschi et Masatoshi Nagase.

Les deux autres films sont Night on Earth (1991) au casting étoilé (Gena Rowlands, Winona Ryder, Armin Mueller-Stahl, Rosie Perez, Isaach De Bankolé, Béatrice Dalle ) et Dead Man (1995, compétition cannoise), son film le plus spirituel, avec Johnny Depp, Gary Farmer, John Hurt, Robert Mitchum, Iggy Pop et Gabriel Byrne.

Si Jim Jarmusch est un cinéaste culte, certains de ces films otn aussi séduire un public plus large. Down by Law a ainsi attiré 635000 cinéphiles français et Stranger than Paradise a enregistré 380000 entrées (soit plus que son dernier film The Dead don't Die, qui a séduit 330000 zombies).

Cette ressortie de ces premiers films est l'occasion d'en finir avec les clichés sur son cinéma, dont la tonalité et l'esthétique sont beaucoup plus variées qu'on ne le croit, même si la poésie et l'errance restent ses fils conducteurs.

19 films d’Almodovar en rétrospective

Posté par vincy, le 19 juin 2019

Alors que Douleur et Gloire est tours dans le Top 10 du box office français un mois après sa sortie et cumule plus de 700 000 entrées, Tamasa distribution sort cette semaine une rétrospective du maître espagnol Pedro Almodovar.

Cette rétrospective de 19 films - de Pepi Luci Bom et autres filles du quartier à Julieta - .sera nationale avec 3 salles à Paris, notamment le Gaumont Les Fauvettes, et dans les grandes villes (Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, ...) comme dans les moyennes (Angers, Dijon, Grenoble, Metz...).

Ce sera l'occasion de (re) découvrir ses premiers films ou de (re) voir ses moins populaires. Il a fallu attendre 1986 pour découvrir un film d'Almodovar en France (Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça?, 86000 entrées) et 1989 avec Femmes au bord de la crise de nerfs pour qu'il connaisse son premier succès (600000 entrées). Cinq de ses films ont attiré plus d'un million de spectateurs: Talons Aiguilles (1992, 1,5M d'entrées), Tout sur ma mère (1999, 2M d'entrées), Parle avec elle (2002, 2,2M d'entrées), La mauvaise éducation (2004, 1,1M d'entrées), Volver (2006, son plus grand succès avec 2,3M d'entrées).

Pedro Almodovar va recevoir un Lion d'or d'honneur au prochain Festival de Venise.

La cinéaste portugaise Teresa Villaverde à l’honneur au Centre Pompidou

Posté par vincy, le 13 juin 2019

Du Portugal on connaît le regretté et vénéré Manoel de Oliveira, le transgressif Joao Pedro Rodrigues, le poétique Joao César Monteiro, le réaliste Pedro Costa et l'audacieux Miguel Gomes. Entre les vétérans et la jeune garde montant, une femme s'est imposée, devenant par ailleurs l'une des réalisatrices les plus respectées en Europe: Teresa Villaverde.

En 7 longs métrages et trois documentaires depuis 2011, elle a brillé dans les festivals, dès le début de sa carrière: A Idade Maior, son premier film, sélectionné à la Berlinale, Três Irmaos, son deuxième long, qui a valu un prix d'interprétation féminine à Maria de Medeiros à Venise, le suivant, Os Mutantes, sélectionné à Un certain regard à Cannes, Transe présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes... Venise, c'est un peu son festival d'ailleurs, puisqu'elle y a présenté Eau et sel et Cisne, en plus de lui consacrer un documentaire. Son dernier film, Contre ton cœur, qui sortira le 19 juin en France, était en compétition à Berlin en 2017 et a été présenté à l'Acid à Cannes.

Du 14 au 30 juin, le Centre Pompidou va présenter l'ensemble de son œuvre. A 53 ans, la cinéaste continue d'explorer la difficulté du vivre ensemble et la précarité des peuples. "Autodidacte de formation, ses premières œuvres content des personnages, des lieux et des thèmes sociaux présentant des affinités avec le travail développés au même moment par d’autres cinéastes de sa génération comme Pedro Costa ou João Canijo – la mélancolie et la révolte, le sentiment d’être orphelin, l’interrogation sur la jeunesse inadaptée, l’hostilité de l’espace urbain" explique Pompidou, qui rappelle que son cinéma est "rageur, engagé et irrémédiablement féminin."

Teresa Villaverde aime filmer des survivants à un monde naturellement hostile. La notion de solidarité traverse son œuvre, énergique et combattive. "En Europe on ressent de plus en plus l’imposition d’un cinéma narratif. L’auteur écrit un scénario qu’il envoie aux bureaucrates de la télévision. Avant de naître il est déjà chez le médecin ! Mais le cinéma est bien plus qu’un fil narratif. C’est le temps, le silence, l’image, le son, le cinéma est plus proche de la poésie, du moins il devrait" explique-t-elle. Sa masterclass aura lieu le 22 juin à 17h.

La rétrospective, qui comprend 8 longs et 5 formats courts, montrera aussi Le Thermomètre de Galilée, son documentaire inédit réalisé l'an dernier, où pendant tout un été, la réalisatrice est restée avec le cinéaste  culte italien Tonino De Bernardi.

Želimir Žilnik : un cinéaste punk et engagé à (re)découvrir au Centre Pompidou

Posté par MpM, le 25 avril 2019

Depuis mi-avril, les cinémas du Centre Pompidou rendent hommage au cinéaste serbe Želimir Žilnik qui est l'un des principaux cinéastes de la « Black Wave », la nouvelle vague yougoslave, caractérisée par une liberté d’expression et une volonté de réformer le langage cinématographique. Son travail, qui lui a notamment valu un Ours d'or à Berlin en 1969 dès son premier long métrage Travaux précoces, donne un reflet immédiat de la vie dans les Balkans ou en Europe.

Dès la fin des années 60, le réalisateur s'impose en effet à travers ses récits critiques envers le régime de Tito. Il dénonce ensuite sans relâche l'exploitation de la pauvreté dans un contexte historique qui traverse tour à tour le communisme, la montée des nationalismes, les guerres d'ex-Yougoslavie, la redéfinition des frontières, le passage à une économie capitaliste, l'Europe et les problématiques actuelles de migrations.

Il fait notamment la part belle à ceux auxquels la société refuse généralement de donner la parole : des orphelins des rues (Les petits pionniers), des sans-abri (Black Film), des ouvriers étrangers (Inventaire), des ouvrières usées prématurément par le travail (Vera et Erzika)... Cela lui vaut d'être censuré par le gouvernement yougoslave à la fin des années 60, puis par l'Allemagne de l'Ouest lorsqu'il s'y exile dans les années 70.

Il rejoint alors la télévision yougoslave pendant plus d'une décennie, dans l'idée "d'atteindre directement les masses", et se tourne vers le genre du "docu-fiction". C'est à cette époque que le cinéaste met au centre de son processus créatif des personnes venues des marges de la société, en construisant les films avec eux, autour de leurs histoires personnelles. Il continue après son départ volontaire de la télévision, en 1992, de témoigner en vidéo, puis en numérique, des réalités sociales de son pays, et notamment de la situation de ses personnages de prédilection, les laissés-pour-compte et les marginaux.

Il aura fallu attendre 2019, soit après plus de 50 ans d'une riche carrière, pour qu'une rétrospective lui soit enfin consacrée en France. Malgré tout, son oeuvre semble d'une actualité brûlante. Il faut donc  (re)découvrir cet artiste engagé, tenant d'un cinéma activiste, punk et incendiaire, dont le Centre Pompidou dresse jusqu'au 12 mai le portrait sans concession.

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Želimir Žilnik et la "Black Wave"
Centre Pompidou, jusqu'au 12 mai
Informations et programme

Les films de Guillaume Dustan enfin projetés

Posté par vincy, le 19 avril 2019

Du 29 mai au 30 juin, c'est une figure singulière qui va ressurgir au cinéma. Les films de Guillaume Dustan seront en effet montrés à la galerie Treize, aux cinémas du Centre Pompidou et au cinéma Luminor Hôtel de Ville. Tous ensemble, les 13 films (sur 17) forment une boucle de 12 heures.

Une œuvre oubliée qui revient dans son intégralité pour une rétrospective. Malgré la notoriété de Dustan, ses films n'ont jamais été diffusés de son vivant.

Mort il y a 14 ans, l'écrivain, Prix de Flore il y a 20 ans, et éditeur, est connu pour son œuvre littéraire, entre autofiction, autobiographie et littérature expérimentale. Virginie Despentes l'avait écrit il y a six ans: "Tu appelais ton autofiction de la pornofiction et on ne peut pas dire que tu exagérais. Mais je ne te prenais pas particulièrement au sérieux, comme auteur. Tu faisais partie des bouffons de ma génération, c'est tout. Depuis quelques années, je relis tes livres. C'est une surprise. Alors comme ça, c'est toi, le meilleur d'entre nous ? Et de loin. Tu as encapsulé les 90's. Cette France de la fin du siècle dernier, le Paris de la nuit, l'état d'esprit, les objets, les habitudes – ça remonte d'entre tes pages. Tout y est."

On sait moins qu'il a aussi été l'auteur d'une importante vidéographie. 17 films, réalisés entre 2000 et 2004, dont on trouve la liste dans son dernier livre, Premier essai (Flammarion, 2004).

"Mes films sont tournés selon le dogme warholien en DV avec une très jolie caméra Sony qui fait une image très étrange, sans générique, en son direct, sans montage. C’est filmé-monté" expliquait-il.

Des films d’appartements, des films d’amour, des films d’entretiens et des films de voyages qui prolongent ses livres de la période "autobiopornographique", publiés chez Balland, loin de l'éclat germanopratin (P.O.L pour ses premiers ouvrages, Flammarion pour les deux derniers)."Faire les courses, penser la vie occidentale, baiser, marcher dans la rue, s’habiller, téléphoner, écrire, recopier le carnet intime de sa grand-mère, ou des entretiens, ou des paroles de house, coller des articles écrits pour la presse, des CVs, des programmes politiques... " sont autant de réalités captées par Dustan, autant d'intensités vitales qui forgent un projet artistico-politique pas forcément "mainstream", qu'on qualifierait aujourd'hui, un peu par facilité, de queer ou d'underground (même s'il n'était pas marginalisé).

Du cinéma brut, numérique, sans ses artifices. Un moment de vérité, souvent court. Personne n'a voulu de ces films, car personne, sans doute, n'imaginait que ce regard aurait un jour de la valeur, que son auteur serait un jour parmi les icônes d'une époque. Du Palais de Tokyo à Canal +, cette œuvre n'était apparemment pas montrable.Le peuple qui manque distribuait quelques unes de ces créations visuelles.

Un an après la publication d'une biographie, Dustan Superstar de Raffaël Enault, l''artiste est de nouveau dans la lumière. Et avec lui un monde enseveli qui n'est pas vraiment mort grâce à la persévérance de quelques témoins toujours debout. Voici donc le bloc manquant de cette œuvre protéiforme, tranche d'une époque et d'une univers qui méritent d'être (re)découverts.

Filmographie
- Pop Life, 2000
- Songs in the key of moi, 2000
- Nous (love no end), 2000
- Enjoy (Back to Ibiza), 2001
- Pietà, 2001
- Home + Sorbelli, 2001
- HCD, 2001
- Barbette Réaumur, 2000
- Un film perdu, sans titre, 2000
- Porno, 2000
- Toits moi crevé, 2001
- Nous 2, 2002
- Squat, 2002
- Poubelle, 2002
- Nietzsche, 2002
- Autre chose, 2002
- Ratés, 2003
- montre † lèvres, 2004

Pippo Delbono en rétrospective au Centre Pompidou

Posté par vincy, le 5 octobre 2018

Du 5 octobre au 5 novembre, les Cinémas du Centre Pompidou mettront en lumière l'œuvre de Pippo Delbono, à travers une installation ("L'esprit qui ment"), une rétrospective et des performances. Il s'agit de la première rétrospective intégrale en France pour le comédien, réalisateur et metteur en scène italien.

Artiste pluridisciplinaire, créateur de sa propre compagnie au milieu des années 1980, Pippo Delbono a commencé avec des captations au Centre Pompidou dans le cadre de la manifestation Vidéodanse. Depuis 2003, il réalise également des films, qui relèvent autant du journal filmé que de la fiction. Guerra, son premier long métrage, est sélectionné à la 60ème Mostra de Venise et reçoit le prix David di Donatello (César italien) du meilleur documentaire. En 2006, il signe un film biographique, Grido. En 2009, le festival de Locarno rend un hommage important à Pippo Delbono et présente tous ses films, dont La Paura, filmé avec un téléphone portable, et Questo buio feroce, réalisés la même année. Amore Carne, en 2011, sélectionné à la 68ème Mostra et au Festival de Nyon – Visions du réel, puis Sangue, en 2013, sélectionné à DocLisboa et primé à Locarno, poursuivent son introspection itinérante, entre fiction et journal personnel. Son dernier film, Vangelo, en 2016, a été présenté à Venise dans la sélection Venice Days.

Encore largement méconnu, le cinéma de Pippo est un cinéma indépendant, intime, humaniste, iconoclaste. Il a aussi été comédien pour Bernardo Bertolucci (Moi & Toi), Peter Greenaway (Goltzius et la Compagnie du Pélican<.a>), Valeria Bruni-Tedeschi (Un château en Italie) ou encore Yolande Moreau (Henri). En parallèle Pippo Delbono proposera d'ailleurs cinq performances autour du travail avec le texte, la voix, la musique et enfin le corps en étant rejoint par les acteurs qu’il aime et avec lesquels il travaille depuis de nombreuses années, mais aussi des invités inédits tels Valeria Bruni-Tedeschi, Yolande Moreau ou encore Sophie Calle.

On l'a aussi vu dans A Tramway in Jerusalem d'Amos Gitai, sélectionné à Venise cette année, Rendez-vous à Atlit de Shirel Amitay, United Passions de Frédéric Auburtin, et Amore de Luca Guadagnino.

C'est l'intégrale cinématographique qui sera présentée à Beaubourg. Et comme pour chaque rétrospective, Pippo Delbono a également réalisé un nouveau court métrage inédit dans la cadre de la série "Où en êtes-vous?".

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