[Hayao Miyazaki / Ghibli] Le « Maître » au coeur d’une polémique politique

Posté par vincy, le 24 juillet 2013

kaze tachinu the wind rises miyazaki

La sortie de Kaze Tachinu (The Wind Rises) a été un succès au box office ce week-end au Japon. Pourtant, Hayao Miyazaki, vétéran de l'animation vénéré en son pays, a fait des vagues. Dans un entretien au journal du Studio Ghibli, le sien donc, Neppu, il a évoqué les femmes de réconfort, ces coréennes et autres femmes asiatiques (de 20 000 à 200 000 selon les estimations) qui ont été enlevées puis asservies pour devenir des prostituées destinées au militaires japonais.

Selon Miyazaki, le Japon n'en a pas fait assez pour réparer ce mal. Aussitôt, en plein week-end électoral (qui a donné la victoire aux conservateurs-nationalistes du Premier ministre), les réactions ont fusé. Le réalisateur a été taxé d''anti-Japonais'. Rien que ça.

C'est d'ailleurs ironique que certains Japonais s'offusquent des propos d'un artiste qui, comme l'écrivain Murakami, a toujours véhiculé des valeurs pacifistes et écologiques. C'est d'autant plus paradoxal dans ce cas que le nouveau dessin animé de Miyazaki ressuscite le héros de la seconde guerre mondiale Jiro Horikoshi, concepteur des avions de combats Mitsubishi A6M Zero.

Opposition politique

Mais le dessin animé est apparu pour certains comme une trahison à l'Histoire japonaise. Ses propos sur les femmes de réconfort n'ont pas arrangé les choses : "C'est une question de fierté pour un pays, il est nécessaire de demander pardon proprement et de payer pour les réparations." Les "ianfu", ces femmes de confort regroupées spécifiquement à des fins de prostitutions, n'ont toujours pas été dédommagées. Les politiciens Japonais et même l'Empereur se sont souvent publiquement excusés pour les crimes commis durant les guerre. Mais pour les femmes bafouées, et leurs descendants, le Japon a sous-évalué les montants. Pire l'actuel Premier ministre, Shinzo Abe, qui aime surfer sur les valeurs patriotiques et rêve que le Japon se remilitarise, avait déclaré en 2007 : "Le fait est qu'il n'y a pas de preuve qu'il y avait eu usage de contrainte." Au nom de l'honneur du pays, le révisionnisme est de mise, alors que les USA réclament que le Japon reconnaisse "formellement", en  s'excusant et en acceptant "sa responsabilité historique d'une façon claire et sans équivoque pour la contrainte employée par ses militaires afin de forcer des femmes à l'esclavage sexuel pendant la guerre."

Autant dire que les Japonais ne sont pas encore prêts à s'amender. Dans la même interview, Miyazaki évoque aussi les disputes territoriales sur certaines îles avec les voisins coréens et chinois, menaçant la paix dans la région. Il propose même que ces îlots soient gérés conjointement par les pays qui les réclament! De quoi énerver le parti au pouvoir qui en a fait un enjeu stratégique, politique et diplomatique. Mais Miyazaki se situe ailleurs : du côté de ceux qui ne veulent pas voir une guerre éclater de nouveau. A 72 ans, né en plein conflit mondial, ayant grandit dans l'après Hiroshima (et Nagazaki), le Maître continue de vouloir réconcilier les Japonais avec leur histoire et leur environnement. Et certains, d'ailleurs, l'acclament pour ses prises de position. Mais ils sont rares et beaucoup lui ordonnent de s'arrêter et de se contenter de réaliser des films...

Hier : Kaze Tachinu, son nouveau dessin animé séduit le Japon
Demain : Les projets du Studio Ghibli