Dinard 2015 : Mister Jean Rochefort, président du jury

Posté par kristofy, le 6 juillet 2015

jean rochefortLe Festival du film britannique de Dinard prépare sa 26ème édition qui fera venir sur sa côte d’émeraude le meilleur du cinéma d’outre-Manche. Pour la sélection des films en compétition le jury a connu de prestigieux présidents et présidentes : Catherine Deneuve, Eric Cantona, Nathalie Baye, Etienne Chatillez, Jean-Paul Rappeneau, Lambert Wilson, Régis Wargnier, Emily Watson, Jane Birkin, Kristin Scott-Thomas, Charlotte Rampling, Ben Kingsley…

Un choix classe et évident

Pour ce jury 2015, le jury sera présidé par un acteur qui cultive une élégance et un humour presque british : Jean Rochefort, 3 Césars du meilleur acteur et même une nomination au Goya espagnol en 2013 pour L'Artiste et son modèle. On le retrouvera le 12 août dans Floride avec Sandrine Kiberlain, qui ne sera peut-être pas son dernier film, même s'il fait régulièrement ses adieux, puisqu’il a confirmé son souhait de continuer jouer dans des films si on lui propose un rôle qui l’amuse.
Le public du Festival du film britannique de Dinard avait déjà pu découvrir lors de séances spéciales ses films Désaccord parfait où il partage la vedette avec Charlotte Rampling en 2006 et Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté où il faisait une apparition en 2012, deux films français qui avaient l’Angleterre pour décor. Jean Rochefort a aussi participé à quelques films britanniques, il avait joué le rôle d’un serveur à côté du comique préféré des anglais Rowan Atkinson dans le film Les Vacances de Mr Bean et il avait commencé 2000 L'Homme qui tua Don Quichotte (dont le tournage avait dû être stoppé) pour Terry Gilliam.

Hommages à Gary Lewis et Hanif Kureishi

Le Festival de Dinard 2016 va rendre hommage à l’acteur Gary Lewis révélé par Ken Loach dans Ken Loach dans Carla’s song en 1996 et My Name is Joe en 1999, en 2000 c’était lui le père de Billy Elliot de Stephen Daldry, rôle pour lequel il recevra le BAFTA Awards du meilleur acteur dans un second rôle. Sa carrière est internationale, on l’a vu aussi dans Orphans de Peter Mullan, Gangs Of New York de Martin Scorsese, Joyeux Noël de Christian Carion, Le guerrier silencieux de Nicolas Winding Refn.

Hommage aussi à l’écrivain et scénariste Hanif Kureishi, on lui doit les scénarios de My Beautiful Laundrette (nommé aux Oscars pour le prix du meilleur scénario) en 1985 et Sammy et Rosie s’envoient en l’air en 1987 réalisés par Stephen Frears, Mauvaise Passe de Michel Blanc en 1999, The Mother et Un week-end à Paris (le film de clôture de Dinard en 2013) de Roger Michell. Patrice Chéreau avait librement adapté un de ses romans en réalisant Intimité, Ours d’or du meilleur film et l’Ours d’argent de la meilleure actrice pour Kerry Fox (d’ailleurs membre du jury à Dinard en 2007) à Berlin en 2001.

Premiers films choisis

Le Festival du film britannique de Dinard se déroule sur 5 jours du 30 septembre au 4 octobre,  une trentaine de long-métrages seront programmés en avant-première dont Bypass de Duane Hopkins, American Hero de Nick Love, 45 Years d’Andrew Haigh (Ours d’argent pour Tom Courtenay et Charlotte Rampling à Berlin cette année, double prix à Edimbourgh il y a quelques jours), Gold de Niall Heery, Breaking The Bank de Vadim Jean, Just Jim de Craig Roberts, Still de Simon Blake, The Survivalist de Stephen Fingleton, Laps of Honor de Rayna Campbell, Kill Your Friends de Owen Harris, ainsi que les dernières réalisations de Roger Michell, The Lost Honour of Christopher Jefferies et Birthday.

Les films en compétition ayant déjà gagné le Hitchcock d’or ont été nombreux à connaître un succès critique et public en salles : The Full Monty de Peter Catan, Billy Elliot de Stephen Daldry, Bloody Sunday de Paul Greengrass, Boy A de John Crowley, Tyranosaur de Paddy Considine, Le Géant égoïste de Clio Bernard.…
___________

26e édition du Festival du film britannique de Dinard
du 30 au 04 octobre 2015
Infos et programmation sur le site de la manifestation

La Loi du marché et Mustang dans la 1ère sélection du Prix Lux 2015

Posté par vincy, le 6 juillet 2015

Pour le Prix Lux 2015, dix films sont en lice. Une bonne partie était sélectionné à Cannes, trois sont des productions ou coproductions françaises et pour la première fois un documentaire et un film islandais se glissent dans cette compétition européenne.

La sélection a été révélée lors du Festival de Karlovy Vary.

45 Years de Andrew Haigh (Royaume-Uni),
A Perfect Day de Fernando León de Aranoa (Espagne),
Rams de Grímur Hákonarson (Islande),
La loi du marché de Stéphane Brizé (France),
Mediterranea de Jonas Carpignano (Italie),
Mustang de Deniz Gamze Ergüven (France),
Le fils de Saul (Son Of Saul) de László Nemes (Hongrie),
Toto and his sisters de Alexander Nan?u (Roumanie),
The Lesson de Kristina Grozeva and Petar Valchanov (Bulgarie),
The High Sun de Dalibor Matani (Croatie).

Les trois finalistes seront annoncés fin juillet ; le lauréat sera révélé en octobre/novembre.

Serge Toubiana annonce son départ de la Cinémathèque française

Posté par vincy, le 6 juillet 2015

Sur son profil Facebook et son blog de la Cinémathèque, Serge Toubiana, directeur général de la Cinémathèque française, annonce qu'il quittera ses fonctions le 31 décembre. Ile ne fêtera donc pas les 80 ans de l'institution.

"C'est le fruit d'une longue réflexion, sereine, et prenant en considération plusieurs éléments" explique-t-il sans véritablement les préciser. Avec le sentiment du devoir accompli, Toubiana affirme qu'il "reste beaucoup à faire", "convaincu qu'un autre, homme ou femme, pourra à [sa] place poursuivre cette aventure, mieux qu'[il] ne saura le faire [lui]-même."

"Il entre dans ma décision le désir de passer à autre chose. Cela se résume pour moi à écrire sur le cinéma. J’en ressens le besoin, le temps passe. J’aurai ainsi passé près de treize années à la tête de la Cinémathèque française" ajoute-t-il. "Il a fallu ce temps pour réorienter la Cinémathèque française, insuffler une dynamique, en moderniser le fonctionnement, réussir l’implantation en 2005 dans son nouveau siège rue de Bercy, élargir son public, donner du sens et de la cohérence à l’ensemble de ses missions. Et faire en sorte qu’elle rayonne en France comme dans le monde entier. Surtout, ne renoncer à rien en termes d’exigence cinéphilique : combien de visiteurs étrangers nous disent à quel point ils admirent cette institution, se collections, ses programmations et ses expositions, ses activités en direction du jeune public ! Impressionnant pour une institution qui fêtera ses 80 ans en 2016".

Festival du film de La Rochelle: Les corps et décors de Luchino Visconti

Posté par Martin, le 6 juillet 2015

En une quinzaine de films, Luchino Visconti (1906-1976) aura été le cinéaste italien de l’histoire et du temps. De ses premiers films qualifiés de néoréalistes (le mot a été inventé pour son premier film, Les Amants diaboliques, en 1943) jusqu’aux films tableaux mortifères de la fin (L’Innocent sera son dernier film, en 1976), le cinéaste aura raconté l’Italie de sa constitution (Senso, 1953, ou Le Guépard, 1962) jusqu’aux ambigüités d’un passé récent (l’après mai 1968 dans Violence et passion, 1974). Mais les corps qui se déplacent dans l’espace donne à l’histoire une puissance érotique et morbide. Visite guidée en quelques images fortes à l'occasion de la rétrospective intégrale de ses films au Festival du film de La Rochelle, qui s'est achevé hier.

les amants diaboliques ossessioneLe premier regard des Amants diaboliques

La sueur sur son front. Elle nettoie la cuisine. Giovanna est en noir, décoiffée, un rictus triste sur les lèvres. Son mari, bonhomme, passe, plaisante : c’est sa station service et elle tient le café attenant. Un vagabond s’approche. La route. La station. Le restaurant. Quand il passe la porte, il suffira d’un regard, un long regard. Giovanni s’arrête pour contempler Gino. Il est beau. Dans le cadre de cet espace auquel il n’appartiendra jamais, Gino, en débardeur blanc, jure : sa peau dévore toute la lumière. Objet érotique né dans la crasse (l’essence, les odeurs de cuisine), il est la beauté noire, baudelairienne, qui expulsera Giovanna de son enfer domestique mais signera  aussi son entrée dans la mort – ensemble, ils ne tardent pas à tuer le mari. Tout est joué dès ce premier regard, dès l’apparition du corps désirable et désiré dans l’embrasure de la porte. Gino, apparu sur la route, y projettera l’histoire – deux accidents de voiture encadrent le récit, comme pour mieux révéler l’impossibilité de vivre dans cette Italie en crise.

bellissimaLe cinéma et le désir de Bellissima

Dans Bellissima (1951), Visconti veut filmer Anna Magnani. Elle y joue une mère qui, suite à une annonce de casting, fera tout pour que sa fille de six ans décroche un rôle. Il y a deux espaces, celui de la pauvreté néoréaliste (l’immeuble de Maddalena) et celui du cinéma (Cinecitta). L’entrée de la mère et de sa fille dans ce nouvel espace, celui du rêve, pose d’emblée problème – la petite se perd et il faut la retrouver. Après bien des tractations où la petite doit changer du tout au tout (elle se fait couper les cheveux, porte un tutu, prend des cours de diction avec une actrice ratée), Maddalena entre dans une salle de montage et découvre l’envers du décor : la jeune monteuse est une ex starlette qui se prenait une gifle dans un film comique à succès. Maddalena / Magnani découvre, non pas dans les images, dans les rushes qu’elle est venue voir, mais dans le réel, le visage et le travail de cette monteuse, un corps abandonné, mis au rebut du cinéma, destin plus que probable de sa propre fille. Entre ces deux espaces, le réel et le cinéma, qui se rejoignent ici de façon cruelle, il y aura pourtant eu une lisière : au bord de l’eau, Maddalena s’allonge auprès d’un homme qui profite de son obsession pour lui soutirer de l’argent et peut-être un peu de désir… Alanguie dans  l’herbe, Maddalena s’offre dans une position qui rappelle la Partie de campagne de Jean Renoir (film sur lequel Visconti a été assistant). Le désir brûle soudain la pellicule. La main de l’homme s’approche. Les deux corps forment une ligne oblique entre le fleuve et le chemin terreux. Et puis Magnani reprend le dessus, coupe net au désir, qui né dans la terre et la poussière, aurait pu tout détruire  comme dans Les Amants diaboliques : en un regard désirant, en un geste esquissé, est saisie toute l’étendue d’une autre vie.

les nuits blanches marcello mastroianni

Corps figurés, corps figurants des Nuits blanches

Dans Les Nuits blanches (1957), Visconti adapte Dostoïevski en studio. Tout le décor crie son côté faux et c’est bien naturel : c’est un film sur le rêve amoureux. Un homme voit une femme dans la rue, la suit, lui parle : elle attend un autre homme. Plus elle se confie sur l’autre, plus il tombe amoureux. Le nouveau couple se retrouve toutes les nuits… Dans l’attente, que peut-il se passer ? Le décor porte en son sein cette triangulation du désir. A chaque scène, d’autres couples se rejoignent et disjoignent comme des danseurs au fond du cadre : tout petits au bout d’une ruelle ou sur un pont, ils sont sans visages, des figurines qui doublent le désir d’étreinte du héros. A la fin, c’est lui qui est la figurine abandonnée, puis il regarde enfin le fond du cadre, reflet tragique de son rêve. Le décor aura ainsi exprimé son désir, et plus encore son exil.

sandra claudia cardinaleLe visage étrusque de Claudia Cardinale dans Sandra

Après ses participations, petite dans Rocco et ses frères (1960), plus conséquente dans Le Guépard (1962), Claudia Cardinale est immortalisée par Visconti dans ce qui restera son plus beau rôle – Sandra, « Vaghe Stelle dell’Orsa » en italien, d’après un vers de Leopardi. Récemment mariée à un Américain,  Sandra revient à Volterra, sa ville natale. Sandra est donc un film sur l’origine : origine juive d’un père mort à Auschwitz et à qui on dresse une statue, origine de la tragédie historique et familiale puisque Sandra renoue avec sa mère folle et son frère incestueux. L’essentiel du récit se passe dans cette maison de l’enfance, au milieu des statuettes étrusques. Sandra a beau être partie, elle appartient pour toujours à ce lieu : les coiffures de Cardinale, les axes choisis pour filmer son visage, la lumière qui sculpte son nez, sa bouche, son cou, tout cela en fait une statue de la mythologie. Le moment où la pierre se brise, c’est celui du combat avec le frère amoureux, retour à l’origine dans une chambre sombre qui pourrait tout aussi bien être un ventre maternel. Les stries de lumière déchirent les vêtements et nous offrent le spectacle d’une nouvelle naissance : Sandra sortira de cette lutte en blanc immaculé. Grandie ?

tadzio mort à veniseLe vieil homme et la mort (1) : Mort à Venise

Aschenbach suit Tadzio dans les rues de Venise. Le décor croupissant est recouvert d’un produit blanchâtre. Le musicien, venu se reposer, aurait pu partir un peu plus tôt, fuir le choléra, la mort qui gagne le cadre peu à peu. Mais il a choisi de rester pour avoir aperçu la beauté absolue, celle qu’il n’avait pas voulu voir jusqu’à présent. Il ne se passe que très peu de choses dans Mort à Venise : les descriptions de la nouvelle de Thomas Mann sont fidèlement retranscrites dans des panoramiques et zooms aussi lents qu’envoutants. Le contempaltion de la beauté remplace l’action tandis qu’Aschenbach se souvient : son art n’aura été que rigueur et travail, un art apollinien selon la définition de Nietzche. Aschenbach découvre alors sous les traits du jeune Tadzio une beauté naturelle, violente, pulsionnelle : c’est la face dionysiaque qui a manqué à sa vie. De cette révélation, le personnage meurt – le titre n’en fait pas mystère. Pourtant, à la fin, Tadzio tend la main vers la mer : c’était ça, la vraie beauté que l’artiste n’aura pas réussi à voir. Terrible horizon d’une vie gâchée, tandis que coule le maquillage du personnage transformé en masque grotesque.

romy schneider ludwig

Pourriture de Ludwig

Helmut Berger est Ludwig dans cette fresque de près de quatre heures (1972). Mais plus encore c’est le film tout entier qui est Ludwig. Visconti nous enlise dans la folie de cet empereur esthète qui fait des opéras de Wagner la musique de sa vie, d’un écuyer un prince charmant, d’un acteur aperçu sur une scène un Roméo qu’il épuise à force de lui demander de réciter ses tirades préférées… Le réel dans le récit disparaît quasiment : seuls quelques plans face caméra de ceux qui ont travaillé pour lui nous sortent de l’esprit malade de Ludwig. Alors qu’il y organise une mise en scène, une grotte ou une taverne prennent soudain la forme de son cerveau. Une galerie de miroirs reflète les tréfonds de son âme, un escalier son esprit tortueux. Mais plus les espaces sont beaux, romantiques, foisonnants, plus Ludwig décrépit : l’extérieur, le décor, est le lieu de ses folles rêveries, son corps une peau de chagrin gagnée par la pourriture. Rage de dents, toussotements, yeux exorbités… La maladie ronge son corps tandis que le château apparaît de plus en plus comme un somptueux tombeau. Exilé de son antre sublime, Ludwig s’écroule dans l’hiver, se fige à jamais dans un tableau qu’il aurait pu peindre.

burt lancaster violence et passionLe vieil homme et la mort (2) : Violence et passion

Le titre original, Gruppo di famiglia in un interno (« groupe de famille dans un intérieur »), dévoile l’ambition de Visconti : faire un huis clos en forme de tableau figé où la vie extérieure, le hors-champ, le présent seraient donnés à voir en creux. Ils s’infiltrent en effet dans l’histoire d’un vieil homme qui vit au milieu d’œuvres d’art et de livres. L’inspiration douceâtre des tableaux de genre anglais contraste avec la famille à la vulgarité toute italienne qui viole son espace. La mère écrase sa cigarette à même le sol, la fille s’invite à dîner mais ne vient pas, le gendre fait des travaux bruyants et un gigolo finit par pénétrer littéralement dans la bibliothèque du vieil intellectuel, et à se présenter nu, offert et interdit à la fois, à ses yeux. Mais c’est bien le capitalisme conquérant d’un mari qui n’est pas jamais montré qui fait entrer la pourriture dans l’espace (la fuite au plafond) et fait de la révolte du gigolo soixante-huitard un coup d’épée dans l’eau individuel et finalement très égoïste. Les coups de téléphone, la musique pop et les cris de Silvana Mangano et de sa fille envahissent l’espace sonore du professeur avant que seul résonne un dernier son : les pas de la mort dans l’appartement du dessus. Violence et passion, c’est la destruction d’un espace qui représente toute une vie. Une famille monstrueuse s’y invite, sème le chaos, et paradoxe fait goûter au vieil homme le parfum d’une joie nouvelle.

Mais dans les films de Visconti cette remise en question détruit la construction de toute une vie. Les châteaux de Ludwig, la beauté du Tadzio, le rêve de Cinecitta ou le corps érotisé d’un vagabond dans Les Amants diaboliques sont des écrins révélant la même aspiration vers un ailleurs – un diamant noir qui envahit les espaces et les corps dans un retentissement funeste dont le tragique n’a d’égal que la beauté.