Séance de rattrapage : le fils de Joseph d’Eugène Green à (re)découvrir en DVD
Peut-être l'aviez-vous raté (comme nous) lors de sa sortie en avril dernier. Peut-être l'aviez-vous vu, et aimé. Quoi qu'il en soit, Le fils de Joseph, le dernier long métrage en date d'Eugène Green, arrive en DVD aux éditions blaq out, et c'est l'occasion idéale pour se pencher sur cette étrange histoire de filiation choisie, de paternité refusée, de sainte trinité moderne et de famille recomposée, le tout à la manière si reconnaissable d'Eugène Green (La sapienza, La religieuse portugaise).
Au centre du film, il y a donc Vincent, adolescent renfermé, qui n'a jamais connu son père. Malgré les efforts constants de sa mère, Marie, pour lui cacher l’identité de ce mystérieux géniteur, il finit par découvrir qu'il s'agit d'un éditeur parisien odieux et égocentrique. Fasciné, il se met à l'espionner.
Le récit se partage alors entre deux pistes qui se mêlent et se confondent : d'un côté la quête de Vincent pour tuer (symboliquement ou non) ce père si décevant, sur fond de références bibliques explicites, et de l'autre une savoureuse satire de tout ce qui agace Eugène Green, à commencer par le petit milieu de l'édition germanopratine composée de snobs et d'ignares obsédés par les potins, la malveillance et leurs propres egos surdimensionnés.
Mathieu Amalric campe à ce titre un homme si caricatural de méchanceté et de bêtise qu'il en devient une sorte de croque-mitaine destiné à faire rire autant qu'à exorciser nos propres démons intérieurs. Plus nuancé, peut-être pourrait-il déclencher chez Vincent, adolescent esprit d'absolu, une haine dangereuse et incontrôlable. Mais dans cette évidente stupidité du fantoche ridicule, il ne peut qu'attirer une sorte d'indifférence mâtinée de pitié, et la sensation qu'il est inutile de perdre son temps avec un homme pareil.
Nouvelle Genèse
Il y a ainsi beaucoup de cocasserie dans le parcours forcément initiatique de l'adolescent tiraillé entre les forces antagonistes du bien et du mal, et qui finira par se trouver un père de substitution, plus aimable, et avec lequel il pourra vivre une relations bien plus filiale qu'avec son père de sang. Cette filiation symbolique est tout à la fois parabole religieuse et message d'espoir pour une société contemporaine où il n'a peut-être jamais été aussi important de choisir les familles (allégoriques ou non) dans lesquelles on souhaite évoluer.
La mise en scène volontairement artificielle d'Eugène Green, couplée à la drôle de scansion qu'il impose à ses acteurs (texte presque récité qui marque toutes les liaisons, même celles qui semblent fausses, voire criminelles, aux oreilles du spectateur), et aux multiples plans fixes et frontaux sur ses personnages, renforcent la narration dans ce qu'elle a de théâtral et stylisé, anti-naturaliste au possible, laissant voir derrière le prétexte du récit la recherche constamment renouvelée d'une rencontre entre l'homme et le sacré. Encore et toujours, c'est ce rapport de l'homme à son existence qui fascine le réalisateur, cette "dimension cachée" que la caméra capte non visuellement mais par essence, presque par écho.
Dans Le fils de Joseph, tout ce qui est de l'ordre du spirituel finit d'ailleurs par transpirer à l'écran, dans le regard étonnamment direct des comédiens (les formidables Victor Ezenfis, Natacha Régnier et Fabrizio Rongione en tête), mais aussi dans l’atmosphère d'apaisement qui envahit peu à peu le film. Le trio final semble alors annonciateur d'une nouvelle Genèse d'où serait balayée toute la vacuité brocardée auparavant, et dans laquelle les erreurs du passé ne se reproduiraient pas. Un nouveau cycle dont Eugène Green est le chantre tout trouvé.
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Le fils de Joseph d'Eugène Green
Sortie DVD chez blaq out le 6 septembre 2016
Bonus : La manière, documentaire de Gaël Fournas et Quentin Papapietro sur l'oeuvre d'Eugène Green
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