Berlin 2017 : c’est l’amour à la plage (et de nuit) avec Hong SangSoo

Posté par MpM, le 16 février 2017, dans Berlin, Critiques, Festivals, Films.

Alors que la Berlinale 2017 touche à sa fin, on a découvert ce jeudi 16 février le dernier film en date de Hong SangSoo, intitulé On the beach at night alone. A ne pas confondre avec Yourself and yours, récompensé à San Sebastian en 2016, et qui vient de sortir en salles. Ni avec Woman on the beach, sélectionné à la Berlinale en 2007. Quoique... Avec le cinéaste coréen, chaque nouvelle histoire ressemble tellement à la précédente qu'il semble avoir élevé le déjà-vu au rang d'art, offrant film après film une variante infiniment complexe de ses obsessions principales : les rapports amoureux, le milieu du cinéma, le hasard et les coïncidences.

Cette fois, pourtant, on le sent plus mélancolique qu'ironique, plus désenchanté que moqueur. Le film, conçu comme un diptyque dont les deux parties semblent se succéder, suit Yonghee, une actrice qui a mis sa carrière entre parenthèses après avoir vécu une histoire mouvementée avec un réalisateur marié. Dans le premier volet, elle est en Allemagne avec une amie à qui elle raconte à demi-mots ses mésaventures sentimentales. Dans le second, elle est rentrée en Corée et rend visite à des amis de jeunesse. Là, elle s'endort sur la plage, et à son réveil, retrouve son ancien amant.

Mélancolie jazzy

L'amour, plus que d'habitude, occupe une place centrale dans le récit. Un amour toujours vivace dans la première partie, et qui accompagne l’héroïne partout, et un amour plus amer, parce que déçu, dans la seconde. C'est d'ailleurs justement dans ce deuxième chapitre que, par deux fois, la jeune femme s'énerve sous le coup de l'alcool, et dit ce qu'elle a sur le cœur au sujet des hommes et de l'amour. Pour elle, personne n'est qualifié pour aimer, comme elle le lance dans une formule à la fois définitive et provocatrice. Dans ces passages, Hong SangSoo renoue avec le versant le plus "alcoolisé" de son cinéma et poursuit son éternelle réflexion sur les relations sentimentales. Comme un musicien de jazz, il adjoint à son thème de prédilection des fioritures et des trilles qui se manifestent sous forme de thématiques et d'intrigues parallèles.

On remarque ainsi qu'une fois encore, les hommes ne brillent pas spécialement pas leur bravoure et se laissent mener par le bout du nez tandis que les femmes savent ce qu'elles veulent. Pour Younghee, l'essentiel est de suivre son propre chemin, à son rythme, et de "mourir gracieusement". A plusieurs reprises, elle manifeste aussi bruyamment sa faim, allégorie transparente pour la soif de vivre qui l'anime, en dépit de fugaces crises d'apathie. Younghee a en effet besoin de manger et de boire, de dormir et de fumer. C'est un être de chair et de sang qui a un irrépressible besoin d'exprimer ses désirs et ses envies.

Peindre le même paysage où seule la lumière change

Malgré la tonalité plus sombre du film, l'humour propre à Hong SangSoo est lui aussi omniprésent, notamment parce qu'il fait écho avec ses films précédents. Cela passe principalement par les dialogues et le choix de situations qui se répètent et finissent par se confondre. Les propos définitifs tenus sur la vie et la mort, le hasard des rencontres, les versions alternatives d'une même histoire donnent un aspect irréel à l'histoire, à mi-chemin entre le conte onirique et le cauchemar. Pas étonnant, alors, qu'une séquence de rêve occupe justement une place centrale dans l'intrigue, et la fasse basculer sur une autre interprétation.

Peut-être est-ce là un changement significatif dans le cinéma de Hong SangSoo (toutes proportions gardées) : perdre en légèreté là où il gagne en profondeur, et cultiver une part de mystère plus importante sur les rapports de temporalité et de causalité entre ses différentes séquences. Moins basé sur un "dispositif" que certains de ses derniers films, On the beach at night alone renoue avec l'idée d'un cinéma qui expérimente, pensé pour décortiquer inlassablement les rouages complexes de la nature humaine. Si on osait une analogie avec Monet, qui peint sans cesse le même paysage dans des conditions de lumière différentes, peut-être irait-on jusqu'à renommer le film. Quelque chose comme : Femme aux prises avec ses sentiments, lumière du soir, horizon brumeux.

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