Cannes 70 : la croisette, carrefour des cinémas du monde

Posté par cannes70, le 7 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-41. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

On voit à Cannes des films venus du monde entier, et il y a bien peu d'autres endroits sur terre où des dizaines de gens, journalistes comme simples cinéphiles, font de longues files d'attente, parfois à la limite du pugilat, pour regarder un film singapourien, colombien ou mauritanien. Mais si ces films existent et peuvent être vus, appréciés et récompensés, c'est en partie grâce à un volontarisme fort qui leur permet de voir le jour coûte que coûte. Parmi les mécanismes d'accompagnement de ces cinématographies les plus fragiles et les plus singulières, Cannes abrite depuis 2009 ce qui s'appelait à l'origine "Les cinémas du monde" et qui est depuis devenu "La fabrique cinéma".

Créer un langage qui rapproche mais aussi qui met en avant nos différences


Voici comment Gilles Jacob présentait la 1e édition du programme : "Je suis heureux de fêter la naissance du nouveau Pavillon Les Cinémas du Monde dont l’intitulé même fait écho à la mission du Festival d’accueillir tous les créateurs, d’où qu’ils viennent, tous les cinémas, libérés de leurs frontières, et de leur apporter reconnaissance et soutien".

La marraine de l'événement, Juliette Binoche, proposait elle un texte engagé qui sonne avec encore plus de force aujourd'hui. Il commençait par ces mots : "Je n’ai rien à faire de l’Art s’il n’est pas là pour nous aider, nous provoquer, nous pousser vers nos limites. Nous avons tous besoin de nouveau. L’étranger est ce nouveau, il est là pour entrer dans nos peurs, nous faire voir. Sans l’étranger, on meurt. Nous ne sommes pas pareils mais nous nous ressemblons. Le Pavillon Les Cinémas du Monde est un tremplin pour retisser des liens, en inventer d’autres, mettre en mouvement des douleurs cachées, créer un langage qui rapproche mais aussi qui met en avant nos différences" et s'achevait ainsi : "La France est marraine du cinéma, sa diversité en est la preuve".

A ses côtés, le parrain Abderrahmane Sissako convoquait Malraux : "Promesse de lien et d’ouverture, le Pavillon Les Cinémas du Monde, pour éviter de n’être qu’un slogan, doit se rappeler André Malraux qui disait : « La culture n’est pas qu’un héritage, mais un combat de tous les jours »."

Un accompagnement adapté à chaque projet


Depuis, le pavillon des Cinémas du monde a peut-être changé de nom, mais pas d'ambition. Développé par l’Institut français pour favoriser l’émergence de la jeune création des pays du sud sur le marché international, en  collaboration avec le Festival de Cannes et le Marché du Film, le programme permet chaque année à une dizaine de réalisateurs et leurs producteurs de venir sur la croisette pour présenter et défendre leurs projets de premier ou deuxième long métrage.

Concrètement, les lauréats bénéficient d’un accompagnement adapté à leur projet et à leur niveau d’expérience professionnelle. Ils sont conseillés par un coach personnel qui les aide à identifier leurs besoins (réécriture, coproduction, distribution, territoires visés…) et à élaborer un programme de rendez-vous professionnels ciblés. On leur apprend à développer leur réseau professionnel et à se familiariser avec les thématiques liées à la production et au marché. Pendant le Festival, ils bénéficient de séances de travail spécifiques, participentaux programmes du marché du film et ont accès à toutes les sélections cannoises.

Lors de la première édition, on comptait par exemple parmi les films invités l'éthiopien Teza de Haile Gerima, Prix du meilleur scénario et prix spécial du jury à la Mostra de Venise 2008, Grand prix au Festival international du film d'Amiens 2008, Grand prix des Journées cinématographiques de Carthage 2008 et Étalon d'or de Yennenga au FESPACO 2009. L'année suivante, l'un des projets en développement sélectionné était Par le fenêtre (Window view) de Caroline Leone (Brésil) qui a remporté le prix Fipresci au dernier Festival de Rotterdam sous le titre Pela janela.

On vient également de découvrir en salles le très beau et complexe Mate-me por favor d'Anita Rocha da Silveira (Brésil) qui a participé à la Fabrique en 2012 et a eu les honneurs du festival de Venise en 2015. En février dernier, c'est un film issu de la Fabrique 2014, The Wound de John Trengove (Afrique du Sud), qui a fait l'ouverture de la section Panorama du Festival de Berlin, après un passage remarqué par Venise et Sundance.

Un dispositif plus général d'aide aux cinémas du monde


Depuis sa création, le programme peut ainsi se vanter d'avoir aidé et accompagné 148 réalisateurs et producteurs, en provenance de 56 pays, dont 21 pays francophones, pour un total de 81 projets. Cinq films sont prêts pour une diffusion prochaine, et qui sait, peut-être que l'un d'entre eux sera présenté durant la 70e édition du Festival de Cannes. Pour ce qui est des projets sélectionnés par la Fabrique cette année, et qui ont été révélés mardi, il faudra bien sûr attendre encore quelques années avant de découvrir le résultat final, mais ils donnent d'ores et déjà l'espoir de voir prochainement des films du Kénya, de Malaisie, du Myanmar ou encore du Mali sur la scène internationale.

Et ce n'est pas tout ! En parallèle de leurs activités cannoises, les cinémas du monde proposent toute l'année deux autres programmes : l’Aide aux cinémas du monde qui apporte son soutien à des cinéastes étrangers conduisant un projet en coproduction avec la France (246 films depuis sa création en 2012, dont une Palme d'or, Winter sleep de Nuri Bilge Ceylan, et un grand succès cannois et international, Mustang de Deniz Gamze Ergüven ) et la Cinémathèque Afrique, un fonds de films africains des années 60 à nos jours destinés à une diffusion non commerciale à l’étranger, ce qui fait de la France le premier acteur de la diffusion du cinéma africain.

Tout est donc mis en oeuvre pour qu'un nouveau pays rejoigne prochainement l'Inde, le Brésil, la Chine, la Turquie, l'Algérie et la Thaïlande  dans la liste des principaux pays dits "du sud" à avoir reçu une ou plusieurs Palmes d'or. En attendant, on espère déjà voir le cinéma africain revenir en compétition en 2017, et la sélection toutes sections confondues prouver une nouvelle fois que, comme l'écrivait Gilles Jacob pour fêter le 1er anniversaire des cinémas du monde, Cannes "doit être un second foyer pour tous les artistes du monde".

Marie-Pauline Mollaret pour Ecran Noir

Cannes 2017: quels habitués pourraient revenir sur la Croisette?

Posté par vincy, le 7 avril 2017

Dans quelques jours, Thierry Frémaux va présenter le programme de la sélection officielle cannoise. Un peu plus tôt que prévu pour un festival qui commencera un peu plus tard que d'habitude, élection présidentielle française oblige. Il y aura des habitués, des espoirs montants et des auteurs réputés. Le cocktail habituel.

Les "abonnés" du Festival sont nombreux à être dans la course, mais ils ne seront pas tous élus. Ainsi le film Mektoub is Mektoub d'Abdellatif Kechiche ne pourra certainement pas faire le déplacement puisque sa saga familiale a donné finalement deux films (Les dés sont jetés, Pray for Jack) et sort ainsi de la zone contractuelle avec son financeur, France Télévisions. Une procédure risque d'empêcher le cinéaste palmé d'être à Cannes cette année. De même rien ne dit que Amant double de François Ozon ne soit prêt.

Pour le reste, les films suivants ne seront pas tous en compétition, ou même en sélection officielle. Certains opteront aussi pour une première plus tardive à Venise ou Toronto, quand d'autres ne trouveront tout simplement pas leur place dans le menu équilibriste du sélectionneur.

La bataille française va faire rage, comme chaque année. Car, aux titres suivants, il faut ajouter ceux que nous mentionnerons dans nos articles autour des étoiles montantes ou des grands auteurs (plus rares sur la Croisette): Jeannette de Bruno Dumont, Redoutable de Michel Hazanavicius (qui pourrait être un film d'ouverture), Les fantômes d'Ismaël d'Arnaud Desplechin, Barbara de Mathieu Amalric, Nos années folles d'André Téchiné et D'Après une histoire vraie de Roman Polanski sont les grands noms les plus propices à entrer dans la compétition.

Côté européen, on attend du poids lourd avec de multiples palmés et primés cannois: The Killing of a Sacred Deer de Yorgos Lanthimos, Submergence de Wim Wenders, The Square de Ruben Östlund, You Were Never Really Here de Lynne Ramsay, A Gentle Creature de Sergei Loznitsa, Happy End de Michael Haneke (on peut parier sur celui-là), In The Fade de Fatih Akin, Loveless d'Andreï Zyaguintsev, Thelma de Joachim Trier, Superfluous Man de Kornel Mundruczo et Wild Pear Tree de Nuri Bilge Ceylan.

D'Asie, on attend A Radiance (Hikari) de Naomi Kawase, The Third Murder de Hirokazu Kore-eda, Before We Vanish de Kiyoshi Kurosawa et La caméra de Claire de Hong Sang-soo. Ce dernier film est, avec le Hzneke et le Bozon, l'un des trois films avec Isabelle Huppert qui pourrait monter les marches.

D'Afrique, on pourrait revoir Mahamat-Saleh Haroun (Une saison en France).

Enfin, des Amériques, le contingent d'abonnés n'est pas en reste: Wonderstruck de Todd Haynes, The Beguiled (Les proies) de Sofia Coppola, Downsizing d'Alexander Payne (même si rien n'est certain sur l'achèvement du film qui nécessite pas mal d'effets spéciaux), Logan Lucky de Steven Soderbergh, et bien sûr Wonder Wheel de Woody Allen (forcément hors-compétition). Plus au sud, Zama de Lucrecia Martel, April's Daughter de Michel Franco et Where Life is Born de Carlos Reygadas tiennent la corde. Comme on le verra au fil de cette série ce pourrait être une année très mexicaine.