70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.
Aujourd'hui, J-21. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par là.
Nos deux rédacteurs Pascal Le Duff de Critique-film et Marie-Pauline Mollaret d'Ecran Noir se sont lancés le défi de déterminer les 70 films cannois à voir au moins une fois dans sa vie de cinéphile (oui, on s'ennuie parfois à la rédaction, à croire que cette série ne nous occupe assez).
Règles du jeu : un film par édition (1946-1979 pour pLd, 1980-2016 pour MpM), une phrase par film. Ne pas tenir compte du Palmarès. Revendiquer la plus parfaite subjectivité.
Quitte à citer cinq fois le même réalisateur ou à faire l'impasse sur des chefs d'oeuvre "officiels".
Et ne jamais oublier que les règles sont faites pour être transgressées.
NDLR : vous constaterez que les deux rédacteurs (épuisés par ce dossier cannois ?) souffrent de graves troubles obsessionnels, tant en termes d'auteurs que de thématiques. A défaut de les excuser, vous pouvez nous envoyer vos propres contributions.
1946 La Belle et la Bête de Jean Cocteau
Un des films les plus magiques de l'Histoire du cinéma… L'union de deux belles âmes, deux solitudes, filmée par le poète-cinéaste Jean Cocteau avec des plans indélébiles de transformation. La flèche qui atteint le coeur de la Bête atteint aussi le nôtre...
1947 Antoine et Antoinette de Jacques Becker
Ce couple vivant modestement, joliment amoureux, est bouleversé par un billet de loterie gagnant. Cette dramédie romantique au charme délicat est l'une des quelques réussites de Jacques Becker, avec une mise en scène aussi enlevée que cette jeunesse bouillonnante.
1949 Rendez-vous de juillet de Jacques Becker
Oserais-je enchaîner avec déjà un autre film du même réalisateur ? Et bien, oui, j'ose avec ce portrait choral enjoué mais lucide sur une jeunesse parisienne qui tente tant bien que mal d'embrasser la vie à pleine dents (au risque d'être maladroit et/ou cruel avec l'objet de son affection) malgré la mémoire bien fraîche des douleurs de la Seconde Guerre Mondiale.
1951 Les Contes d'Hoffmann de Michael Powell et Emeric Pressburger
Leur adaptation d'un opéra d'Offenbach démontre un art certain de la créativité expressionniste. Les décors stylisés et les effets de surimpressions accompagnent le vertige d'un jeune homme tourmenté qui transforme chaque dépit amoureux en geste créatif, aux dépends de la réussite de ses romances qu'il rêve passionnées.
1952 Un Américain à Paris de Vincente Minnelli
Cette comédie musicale est un enchantement de tous les instants. La délicieuse Leslie Caron est séduite par l'aérien Gene Kelly. Il ne chante pas sous la pluie ici mais danse légèrement au-dessus du sol sur la musique de George Gershwin qui accompagne le créatif ballet final avec tableaux de grands maîtres français revisités.
1953 Le soleil brille pour tout le monde de John Ford
La force de caractère d'un juge débonnaire mais déterminé se révèle notamment lorsqu'il accompagne le corbillard d’une prostituée. Le voyant mener le cortège, les habitants le rejoignent, son action ayant des conséquences bénéfiques directes, le bien appelant le bien, le courage d’un groupe naissant souvent de celui du premier homme qui réagira face à l’injustice.
1954 Tant qu'il y aura des hommes de Fred Zinnemann
Un film à voir pour une scène, une seule presque. Burt Lancaster. Deborah Kerr. Une plage. Des vagues. Enlacés. Humides. Et le reste du film, qui s'en souvient ? Est-ce si grave de l'avoir oublié ?
1955 Du rififi chez les hommes de Jules Dassin
Le clou du film est un casse prodigieux, orchestré avec minutie, dans un silence complet pendant plus de 30 minutes. Brian de Palma, entre autres, s'en souviendra pour Mission Impossible mais personne n'égalera un tel morceau de bravoure.
1956 Vivre dans la peur d'Akira Kurosawa
Toshiro Mifune, alors force de la nature de 35 ans, est grimé en vieillard fatigué, angoissé à l'idée d'être victime de la bombe atomique avec sa famille. Il sombre dans une folie qui n'est pas sans annoncer celle de Michael Shannon dans Take Shelter. Cinglé ou visionnaire ?
1957 Le Septième Sceau d'Ingmar Bergman
Le chevalier Max Von Sydow tente de repousser une échéance inéluctable. Un jeu d'échecs entre la Mort et sa proie comme métaphore sur le sens de la vie et de la mort, se concluant sur une danse macabre se découpant devant des nuages gris sous le regard de baladins philosophes.
1958 Mon oncle de Jacques Tati
Pour le non sens burlesque de monsieur Hulot, son humour pince sans rires, les gags de Pierre Etaix, les déplacements des personnages dans des espaces aux géométries exagérément alambiquées et une maison qui a des yeux bien trop curieux pour être honnêtes…
1959 Les Quatre Cents Coups de François Truffaut
Ne citons qu'un plan : celui de la course folle finale d'Antoine Doinel sur la plage qui se termine par un plan sur son visage. La naissance d'un cinéaste ; la révélation d'un acteur, Jean-Pierre Léaud qui, l'an dernier, accompagnait la mort d'un roi, Louis XIV dans un effet miroir troublant.
1960 Le Trou de Jacques Becker
Et oui, Becker encore, mais dans un autre registre ! La réplique de conclusion «Pauvre Gaspard» est concise, nette, percutante, indélébile, lorsqu’elle pénètre dans les oreilles de son destinataire. Le trou du titre n’est pas tant celui creusé par ses frères de cellule pour s'évader que celui d’une culpabilité sans fin.