Edito: des cités pas si ciné

Posté par redaction, le 27 juillet 2017, dans exploitation, salles de cinéma.

De récentes études montrent une France qui se transforme, à l'instar de ce que décrit Michel Houeelebecq dans ses romans, ou de celle qu'on voit chez Delépine/Kervern, dans les récents Jour de France, Visages villages ou les docus de Derpardon.

Les centres commerciaux en périphéries et même les zones commerciales à l'entrée des agglomérations se multiplient. Il y a, en ce moment même, plus de 70 demandes de constructions de grandes surfaces. Ce modèle hérité des Trente glorieuses était un schéma urbanistique basique: une population ravie de s'installe dans des villes nouvelles, une voiture symbole de ses signes extérieurs de richesses, des routes élargies reliant les zones "hypermarchés" pour une société de consommation en plein boum.

Les cinémas ont suivi. L'invention du multiplexe, souvent accolé à un centre commercial, participait à cette extension des villes sur les champs. Les cinémas de centre-villes ont ainsi souffert. Nombre d'entre eux ferment chaque année. Quelques uns sont repris, souvent par des réseaux déjà établis. La cité n'était plus si ciné avec les Ciné Cités. Dorénavant, on consomme le cinéma, ce qui a entraîné, entre autres raisons, le déclin de films art & essai auprès des spectateurs occasionnels. Même Paris est touché. De tous les mono-écrans, il ne reste que le Max Linder. Des zones autrefois fortement cinéphiles comme Montparnasse ou les Champs-Elysées se sont retrouvées déclassées par des zones plus populaires comme le Nord-Est ou le Sud-Est parisien et surtout la banlieue.

Des 40 cinémas les plus fréquentés depuis le début de l'année, seuls 12 sont en centre-ville (dont 7 à Paris).

Ainsi, les centre-villes se désertifient en commerces de proximités et en cinémas d'à côté. Les enseignes mondialisées ou grosses marques nationales prennent le relais. Les baux sont très chers pour un commerçant ou un exploitant sans soutien financier derrière. Et ne parlons pas des politiques: ils sont les premiers responsables de ce désastre urbanistique en ne protégeant ni les artisans ni la culture (les librairies, disquaires, etc sont également touchés). Ils ont validé des zones commerciales gigantesques en banlieue. Un Ikea ou un Carrefour et c'est tout un pan du commerce, des consommateurs, des emplois qui migrent hors de la ville, à sa frontière.

Pourtant, il y a plusieurs avantages à faire renaître les centre-villes. De la même manière qu'on encadre les loyers à Paris et Lille, on pourrait sanctifier certains pas de porte pour des lieux culturels et des magasins locaux, voire maîtriser le bail sur certaines artères fréquentées, notamment en municipalisant certains bâtiments. Il faut qu'un centre ville ne soit plus seulement une aire de "loisirs", mais redevienne un lieu de vie. Avec des cinémas dans son voisinage. On doit pouvoir flâner à pieds et se faire une toile, plutôt que de prendre sa bagnole. Car ce dont les films du milieu et les films art et essai souffrent c'est bien d'un manque de salles dans des villes de taille moyenne.

Le cinéma doit être un lieu de rendez-vous et non pas une case dans son agenda. On y va parce qu'on en a envie, parce que cela reste un loisir social. Mais pour cela, il faut qu'ils soient accessibles, autrement qu'en voiture.

Cette démence urbanistique est en effet très polluante. Ne pas accéder aux multiplexes d'un coté ou au centre-ville de l'autre sans transports en commun est une absurdité aujourd'hui. Si les cinémas de centre-villes souffrent, c'est aussi parce que les mairies les ont fermés aux voitures (manque de parkings, zones piétonnes) sans combler l'offre en bus, tram, métro. Il y a un gros travail à faire en matière d'accès aux centre-villes pour ceux qui n'y habitent pas. De même avant d'envisager une nouvelle zone commerciale, il faut penser à son accès en transports publics.

Peut-être faut-il aussi cesser de favoriser la politique de construction de multiplexes à l'écart des zones d'habitation denses. Les mairies et agglomérations auraient tout intérêt à favoriser les salles existantes situées dans leurs villes avant qu'elles ne deviennent un Apple Store, un Zara ou un Monoprix.

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