Décès du cinéaste sri-lankais Lester James Peries (1919-2018)

Posté par vincy, le 30 avril 2018

C'est un "trésor national" qui s'en va. Le cinéaste Lester James Peries, membre du jury du Festival de Cannes en 1992, était une véritable légende au Sri-Lanka, pionnier du 7e art dans son île, puis maître reconnu internationalement avant de devenir un vénérable vétéran faisant figure de symbole du cinéma de son pays.

Mort le 29 avril 2018, il avait 99 ans. Il a début comme journaliste, chroniqueur littéraire et critique de cinéma avant de travailler comme assistant-réalisateur pour le Government Film Unit, puis de réaliser plusieurs courts métrages entre 1949 et 1955.

Il signe son premier long métrage, La ligne du destin, en 1956. Et sera en compétition à Cannes l'année suivante. Ce film est symbolique car il se détache de plusieurs conventions de l’époque : il n'y a pas vraiment de séquences musicales (l'ingrédient qui attirait le public), et la (lourde) caméra était portée à l’extérieur d’un studio (simultanément à la Nouvelle Vague en France).

Il revient sur la Croisette en 2003, hors-compétition, avec Le domaine, qui sera le premier film sri-lankais soumis à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, puis en 2008 à Cannes Classics, avec Changement au Village, son film réalisé en 1963. Ce film, comme Madol Duwa (1976), Kaliyugaya (1981) et Yagunthaya (1983), sont des adaptation des romans de Martin Wickramasinghe.

Le trésor (1972) a aussi été récompensé par les critiques à Venise et choisi comme film célébrant les 50 ans du cinéma sri-lankais au Festival de Londres.

Entre documentaires et fictions, Lester James Peries, n'a réalisé que 18 films en 50 ans, souffrant d'un manque de financement pour ses projets et de nombreux échecs commerciaux. Il tenta même l'avaneture de deux coproductions intérenationales (The God King et Village in the Jungle). Son cinéma aussi gracieux que littéraire, était non seulement reconnu à l'étranger mais comparé à des cinéastes comme Ray ou Ozu. Il privilégiait le microcosme familial aux sujets politiques et sociaux, l'élégance à la critique, une forme de romantisme et d'amertume aux mélos sirupeux tant appréciés dans son pays.

Son cinéma, humaniste et presque naïf, contrastait avec les productions locales. Sa délicatesse fut souvent plus respectée en France qu'à Ceylan.

[69, année érotique] Cannes 2016: The Brown Bunny en 2003

Posté par vincy, le 17 mai 2016

Plus les années avancent, et plus le public semble anesthésié à Cannes. Il y a bien quelques huées à la fin de certains films. Quelques accrédités qui quittent la salle. Mais les scandales sont devenus très rares. Quand Vincent Gallo est sélectionné en compétition au Festival en 2003, il ne se doute pas encore que son film sera rejeté par les festivaliers.

Il faut dire que The Brown Bunny n'était pas terminé. Certains l'ont quand même assassiné en lui décernant le titre de pire film de l'année. Depuis Gallo est devenu rare sur les grands écrans. Mais son actrice, Chloë Sevigny, est encore sur la Croisette cette année. Pourtant elle a pris cher. Elle aura offert à nos regards (forcément voyeurs) la pie inattendue de l'année avec un réalisateur-acteur exhib et bien monté. Certains voudront défendre cette scène pornographique en clamant que ce n'est qu'une prothèse pénienne. Mais Gallo et Sevigny ont démenti, toujours. Ceci est bien une vraie pipe.

Summum de la scène, la jeune fille avale bruyamment le sperme de son partenaire. Rien que pour son ça, l'actrice fut virée par son agent.

Le plus désolant dans cette histoire fut sans doute que le film n'était pas prêt et que le cinéaste a du refaire son montage. Les critiques furent meilleures, mais l'échec retentissant. Une fellation même non simulée ça n'est pas un argument de vente.

[20 ans de festival] Cannes 2016 : 2001-2002-2003 – L’entrée dans le 3e millénaire

Posté par MpM, le 13 mai 2016

En 2001, Cannes entre de plein pied dans le 3e millénaire avec une Palme d’or couronnant un cinéaste italien habitué de la Croisette, et célébrant à travers lui la diversité d’un cinéma résolument européen. Aux côtés de Nanni Moretti et de sa Chambre du fils, on aime les mystères vertigineux de Mulholland drive de David Lynch et le visage hypnotique de Shu Qi sur fond de musique techno dans Millenium mambo de Hou Hsiao-Hsien, on rit devant Shrek qui dynamite avec bonheur les contes de notre enfance, et on frémit devant le drame intime de La pianiste, peut-être le film le plus abordable de Michael Haneke jusque-là.

Cette année-là, l’Asie semble une nouvelle fois omniprésente et incontournable, et le cinéma français en grande forme, ce que viendra confirmer la Palme d’or de Roman Polanski dès l’année suivante (même si Le pianiste est plus souvent considéré comme polonais). L’Europe est décidément en forme et occupe à nouveau le palmarès 2002 : L’homme sans passé de Kaurismaki, Sweet sixteen de Ken Loach, Le fils des frères Dardenne… C’est une belle année pour la sélection officielle qui fait le grand écart entre des films aussi différents qu’Irréversible de Gaspard Noé et Bowling for Columbine de Michael Moore, 24h party people de Michael Winterbottom et Le principe de l’incertitude de Manoel de Oliveira. C’est une époque où la compétition semble ouverte à tous les types de cinéma, documentaire, animation et films de genre.

En 2003, les festivaliers ont bien du mal à sécher leurs larmes devant le mélo magnifique et drôle de Denys Arcand, Les invasions barbares, alors que le bizarre, le surnaturel et le hors normes envahissent les films en compétition : l’expérience éprouvante de Dogville de Lars von Trier, l’ovni Ce jour-là de Raoul Ruiz, le poignant et controversé Brown bunny de Vincent Gallo, le désespéré Jellyfish de Kyoshi Kurosawa… Le festivalier prend quelques claques et se dit que Cannes a horreur de ce qui laisse indifférent. C’est finalement Gus van Sant qui remporte la Palme d’or pour Elephant (en doublé avec le prix de mise en scène), et pour la première fois depuis le milieu des années 90, on ne peut pas penser que le jury a récompensé une carrière plutôt qu’un film. Elephant fera d’ailleurs date dans l’histoire du festival, puisqu’il a entraîné un changement de règlement. Désormais, la Palme d’or n’est plus cumulable avec un autre prix. Le début d’une nouvelle ère.