René Féret (1945-2015): l’homme qui n’était plus là

Posté par kristofy, le 28 avril 2015

rené feretLe réalisateur René Féret est décédé ce 28 avril, il allait avoir 70 ans.

Dans plusieurs de ses films René Féret racontait des histoires de fiction inspirées de sa propre vie familiale. Dans son œuvre, il y a d’ailleurs trois films qui forment une trilogie familiale : La Communion solennelle (1976), Baptême (1988) et L’enfant du pays (2003). Des acteurs comme Philippe Léotard, Ariane Ascaride, Nathalie Baye, Valérie Stroh, Jean-Yves Berteloot, Jacques Bonnaffé, Antoine Chappey, Philippe Nahon, Samuel Le Bihan, Elsa Zylberstein, Jean-François Stévenin et plus tard sa fille Salomé Stévenin, et aussi ses enfants à lui comme Marie Féret sont passés devant la caméra de ce cinéaste singulier.

Un Guédiguian du nord

La Communion est une grande saga à propos de trois familles durant plusieurs décennies, avec des naissances, des amours, des disputes, des décès… Avec ce film, René Féret est d’ailleurs pour la première fois en compétition du Festival de Cannes en 1977. Il était arrivé en bus accompagné d’une soixantaine de personnes de l’équipe pour monter les marches. Baptême s'écoule aussi sur plusieurs décennies mais concerne surtout un couple entre le moment de leur rencontre amoureuse et la mort. L’enfant du pays se déroule encore sur plusieurs années, mais cette fois il s’agit de la l’adolescence et de la jeunesse d’un garçon entre ses premiers émois amoureux et sa découverte du métier de comédien. La Communion s’attache plus aux grands-parents de René Féret, Baptême est centré sur ses parents, et L’enfant du pays est une façon pour René Féret de se raconter lui (la mort de son père, la mort de son son petit-frère à quatre ans, une tentative de suicide à 21 ans…) A travers ses films René Féret a aussi mis en image le peuple  de Picardie, de la Somme ou du Pas-de-Calais, des régions qui alors étaient très peu représentées au cinéma. Un Guédiguian du nord. Il a d'ailleur produit Guédiguian, mais aussi distirbué des films et même joué chez Doillon et Wargnier.

Né en 1945 dans une famille modeste de petits commerçants du Nord, il avait été profondément marqué par la figure d'un frère décédé avant sa naissance, à l'âge de 4 ans. Ils avaient le même prénom.

Cinéaste de l'intime, il a aussi adapté Doris Lessing, Michel Foucault ou s'est inspiré de personnages historiques comme la soeur de Mozart" ou Tchekhov.

René Féret est toujours resté un réalisateur actif avec comme derniers films Nannerl, la sœur de Mozart en 2010, Madame Solario en 2012, Le Prochain Film en 2013, et Anton Tchekhov-1890 qui venait de sortir en salles le 18 mars, avec Nicolas Giraud, Lolita Chammah, Robinson Stévenin, Jacques Bonnafé, Philippe Nahon, Frédéric Pierrot, Jenna Thiam, Marie Féret…

Entre René Féret et Cannes, il y a eu plusieurs rendez-vous espacés d’une dizaine d’années : sa première fois était en 1975 avec Histoire de Paul, son tout premier film. Il a reçu le Prix Jean Vigo. Ont suivi: La Communion en compétition en 1977, Mystère Alexina à Un certain regard en 1985 (d’ailleurs un des premiers films français à traiter d’une confusion entre genre féminin et/ou masculin), puis , toujours à UCR, en 1993, avec La place d’un autre.

S’il fallait choisir un film de René Féret à (re)voir ou à découvrir pour lui rendre hommage, c'est sans doute Comme une étoile dans la nuit (2008) avec Nicolas Giraud et Salomé Stévenin: " Alors qu'Anne et Marc ont décidé de faire un enfant, Marc découvre qu'il est atteint de la maladie de Hodgkin. Ce film n'est pas l'histoire d'une maladie, c'est l'histoire d'un amour, un amour qui fait échec à la tristesse et à la peur de la mort, un amour qui se nourrit de l'adversité pour se transformer en force véritable… "

Recréer ce qui a disparu

René Féret avait alors déclaré « Je continue à être davantage séduit par l'observation des autres que par l'invention d'un scénario et d'un récit. Ma nièce a vécu cette histoire, celle de perdre injustement son ami atteint du syndrome d'Hodgkin. J'ai d'abord été frappé par le côté odieux de ce qui lui arrivait, et en même temps, tout en restant assez loin d'eux, j'ai perçu à quel point leur attitude était revêtue de dignité, d'amour et de classe. A la mort de son compagnon, je lui ai envoyé une lettre pour lui exprimer mon admiration: c'est celle que l'on retrouve à la fin du film. Les années ont passé et cette tragédie m'est revenue sous la forme d'un film possible, mais j'étais gêné et j'ai mis six mois avant d'oser le dire à ma nièce. J'avais cette idée mais je la chassais, et puis une fois, en la voyant, je lui ai dit que tout ça ferait un film formidable… »

Il a également écrit un roman, Baptême en 1990.

Il était admiré autant par Claude Chabrol que par Bertrand Tavernier. Gilles Jacob, Président d'honneur du Festival de Cannes, lui a rendu cet hommage sur twitter : "Tristesse. Décès de René Féret, cinéaste intimiste de l'épopée familiale. "La Communion solennelle". D'un rien, il faisait tout. Une pensée."

A la question 'Pourquoi filmez-vous ?' (posée à 700 cinéastes par le journal Libération) il avait d’ailleurs répondu en guise de profession de foi : « Je filme surtout pour recréer, pour rendre la vie à ce qui a disparu.»

Comme une étoile dans la nuit : l’amour à mort

Posté par Morgane, le 1 décembre 2008

commeuneetoile.jpgL'histoire : Alors qu'ils ont décidé de faire un enfant, Anne et Marc découvrent que ce dernier est atteint d'un cancer. Face à la tristesse et à la peur de la mort, leur histoire d'amour demeure la meilleure réponse.

 Ce qu'on en pense : Le film s’ouvre sur deux corps qui se dénudent, qui s’aiment. Sans un mot. Le bonheur se faufile et très vite s’effiloche ; mais les corps vibrent, restent nus, libres et beaux comme un pied de nez magistral fait à la maladie. Comme une étoile dans la nuit se déroule telle une scène de la vie quotidienne, certes dramatique, une de celles qui n’arrivent qu’aux autres, mais peuvent frapper chacun.

Au début maladroits, les corps de Salomé Stévenin et Nicolas Giraud s’étreignent, se caressent, flottent dans un univers ordinaire. Leur maladresse surprend, étonne mais peu à peu leur jeu s’affirme, s’affine et prend alors tout son sens. René Féret réussit dès lors le pari de raconter la maladie. Sans pathos mais avec une grande dignité, il filme ces deux corps séparés petit à petit par la maladie dévastatrice. Lentement, celle-ci infiltre le corps de Marc tout comme le couple qu’il forme avec Anne. Elle s’incruste dans leur quotidien, "flirte" avec eux comme se plaît à le dire Anne.

Les projets s’égrènent et l’évocation du futur s’efface pour laisser place à un présent qui s’échappe. Les corps, malades ou non, puisent ici toute leur puissance. La maladie vainc mais ne détruit pas. Elle transforme faiblesse en force et, loin des clichés, donne un souffle nouveau à Anne et Marc. Film touchant, à la fois tendre dans les sentiments évoqués et violent dans sa réalité, Comme une étoile dans la nuit effleure avec tendresse et sincérité un sujet difficile. Ou comment la maladie s’invite dans une histoire d’amour