[We miss Cannes] Les 7 merveilles de Pedro Almodovar

Posté par vincy, le 19 mai 2020

Tandis que Ciné+ Emotion diffuse actuellement un Cycle Almodóvar, et Canal + propose son dernier film Douleur et Gloire, repassons-nous ses 7 films sélectionnés à Cannes. Seulement sept. "Je me souviens que Pedro Almodovar m'en a longtemps voulu de n'avoir pas sélectionné à Cannes Femmes au bord de la crise de nerfs. Je ne lui donne pas tort" écrivait Gilles Jacob dans Les pas perdus en 2013. Jacob se rattrapera en le nommant membre du jury en 1992.

Mais il aura donc fallu attendre 1999 pour voir le 13e film du cinéaste espagnol à Cannes. Pedro Almodovar fêtait cette année-là ses 50 ans.

Si Cannes n'a pas eu deux de ses chefs d'oeuvres - Femmes au bord de la crise de nerfs et Parle avec elle -, le festival a rarement manqué le rendez-vous avec celui qui deviendra le président du jury en 2017. Le cinéaste espagnol le plus récompensé dans le monde depuis quatre décennies n'est pourtant reparti qu'avec trois trophées : le prix de la mise en scène (Tout sur ma mère), un prix du scénario et un prix d'interprétation féminine collectif (Volver) et un prix d'interprétation masculine (Douleur et gloire l'an dernier). Cela peut sembler injuste, sous-estimé. On gage qu'il aura un jour une Palme d'honneur à défaut d'avoir eu la Palme d'or.

1999 - Tout sur ma mère (compétition)

A coup sûr, une Palme d'or n'aurait pas été superflue pour cet immense mélodrame au féminin, qui remportera au cours de l'année Goyas, César, Oscar... Avec Cecilia Roth, Marisa Paredes, Candela Peña, Antonia San Juan, la jeune Penélope Cruz et Toni Cantó, ce récit généreux et tragique, sur le don et la perte, a marqué un virage dans la filmographie du cinéaste, l'emmenant vers des territoires plus mâtures, et des récits plus complexes.

2004 - La mauvaise éducation (hors-compétition, ouverture)

Un film noir par excellence. Almodovar aborde à la fois l'abus sexuel, l'emprise de la religion et les séquelles psychologiques des victimes. Gael García Bernal, Fele Martínez, Daniel Giménez Cacho, Lluís Homar et Javier Cámara composent toutes les nuances de cette passion sombre, où, pour la première fois, les femmes sont complètement absentes.

2006 - Volver (compétition)

Cette fois-ci, il revient avec un film choral au féminin, conviant son ancienne muse - Carmen Maura - et sa nouvelle - Penelope Cruz. Avec un sens impeccable de la mise en scène, du cadrage à la lumière, cette histoire de meurtre et de fantômes, de passé et de présent, de secrets et de mensonges, bouleverse de nouveau le public et place le cinéaste au-dessus du lot, une fois de plus.

2009 - Etreintes brisées (compétition)

Entouré de fidèles - Penélope Cruz, Lluís Homar, Blanca Portillo, José Luis Gómez, Lola Dueñas, Rossy de Palma - ce drame aux multiples références cinématographiques (principalement américaines) renvoie aux films d'Almodovar des années 1990, quand il se cherchait entre fiction et autobiographie, entre films noirs et récits obsessionnels. Une quête permanente où il tatonne à l'aveugle, comme son héros.

2011 - La Piel que habito (compétition)

Sans doute son plus grand film fantastique, à la fois terrifiant et tourmenté, avec le grand retour d'Antonio Banderas devant la caméra de Pedro. Le casting mélange nouvelles têtes et habitués: Elena Anaya, Marisa Paredes, Jan Cornet, Blanca Suárez, Roberto Álamo et Bárbara Lennie. Une fois de plus, Almodovar ne parvient pas à créer un personnage masculin sympathique dans cette histoire d'emprise et d'identité glaçante. Mais le cinéaste relève le défi d'un thriller psychologique de haute volée.

2016 - Julieta (compétition)

Film plus humble, et dans la lignée de ses récits tragico-romantiques, cette histoire de retour dans le passé, de regrets et de pardon, est porté par des acteurs assez neufs dans l'univers du cinéaste, qui cherche alors, sans doute, à se renouveler: Emma Suárez, Adriana Ugarte, Daniel Grao, Inma Cuesta, Michelle Jenner, Darío Grandinetti et Rossy de Palma. Le réalisateur parvient surtout à prouver qu'il est un expert dans les récits voyageant dans le temps, sans perdre le fil des névroses de ses personnages.

2019 - Douleur et gloire (compétition)

Sans aucun doute, son film le plus personnel, le plus intime, et le plus audacieux. Formellement, avec toutes sortes d'astuces de mise en scène. Narrativement avec des ellipses et des allers retours dans différentes époques. Et bien entendu dans cette réalisation aride où Antonio Banderas, à son meilleur niveau, incarne son double et transmet tout ce qu'il faut d'émotion et de pudeur. Ne négligeons pas la lumière dans cette noirceur: une ode au cinéma, un hommage à sa mère (sublime Penelope Cruz) et un hymne proustien sensuel sur les origines du désir. Enfin cette panne d'inspiration lui permet de filmer les hommes avec un autre regard.

Bonus: 2014 - Les Nouveaux sauvages (compétition) - producteur

Film à sketches argentin sur la rage et la colère qui régissent le monde contemporain, les inégalités et les injustices qui poussent à se révolter quitte à réveiller l'animal en soi, cette comédie noire de Damián Szifron s'avère hilarante sous sa moquerie et assez cynique si on gratte le vernis de ce délire jouissif. Avec El Deseo, Almodovar et son frère Agustin sont des producteurs respectés: ils ont notamment financé les films L'ange (Un certain regard), El Clan (Venise) ou La femme sans tête (en compétition à Cannes).

[We miss Cannes] 1968, la dernière fois que Cannes n’a pas eu lieu (ou presque)

Posté par vincy, le 13 mai 2020

Cannes a tout évité sauf la seconde guerre mondiale, l'après guerre et mai 68. 1968: Nixon est élu président des Etats-Unis, papa Trudeau est devenu Premier Ministre du Canada, le printemps est sanglant à Prague, Bobby Kennedy est assassiné, la France de De Gaulle gronde et cherche la plage sous les pavés. Les facs sont occupées. L'essence se raréfie.

Le Festival de Cannes va en faire les frais. Cette année-là, il débute le 10 mai. Après cinq jours de bronca estudiantine, de séances malmenées, de cinéastes accrochés aux rideaux, de réalisateurs devenus tribuns politiques dans des meetings improvisés, il s'interrompt le 19 mai. 8 films de la compétition - seulement - ont été projetés. En 68, on projetait Autant en emporte le vent (en 70mm stereo). Ce fut autant en emporte les films. Une vraie guerre de sécession.

Tous se révoltent contre la décision de Malraux, ministre de la culture, de démettre Henri Langlois de son poste de directeur de la Cinémathèque. En plein tournage de Baisers volés, François Truffaut débarque le 18 mai. Redoutable, Godard est déjà vent debout. Louis Malle, Monica Vitti et Roman Polanski démissionnent du jury, Resnais, Saura, Forman retirent leurs films. Pendant ce temps, le public local conspue le cirque de ces artistes d'ailleurs. On en vient aux mains. Enervement général. Fin de party. Cannes se vide cinq jours avant son palmarès.

Lire le récit de Cannes 1968, l’autre festival qui n’a pas eu lieu

Le 21e festival international du film était un champ de bataille où les films ont été les premières victimes. De là naitra la Quinzaine des réalisateurs, l'année suivante. On redécouvrira au fil des années, à Cannes Classics, certains des films en version restaurée dont Peppermint frappé de Carlos Saura et Un jour parmi tant d'autres de Peter Collinson.

De cette sélection, peu de films ont traversé les décennies. Comme s'ils avaient été oubliés. Il y avait une réalisation du comédien Albert Finney, Charlie Bubbles, un Fellini, Il ne faut jamais parier sa tête avec de Diable, un Resnais, Je t'aime je t'aime, un Malle, William Wilson... C'est finalement celui au titre prémonitoire, Au feu les pompiers, de Milos Forman, qui reste le plus connu encore aujourd'hui.

Mais sinon, les grands films de cette année là - 2001 L’odyssée de l’espace (Stanley Kubrick), Rosemary’s baby (Roman Polanski), Butch Cassidy et le kid (George Roy Hill), Il était une fois dans l’Ouest (Sergio Leone), The Party (Blake Edwards), La mariée était en noir (François Truffaut) - étaient absents de la sélection.

Une compétition dans l'air du temps

Cependant, Cannes était une belle vitrine du cinéma de l'époque. Parmi les cinéastes marquants étaient sélectionnés Valerio Zurlini, Lion d'or six ans plus tôt, Carlo Lizzani, à qui l'on doit Riz amer, Miklos Jancso, doublement sélectionné et prix de la mise en scène quatre ans plus tard, Jiri Menzel, oscarisé en 66 et futur Ours d'or en 1990, Menahem Golan, toujours réalisateur israélien à l'époque avant de devenir producteur de blockbusters hollywoodiens, Jack Cardiff, immense chef opérateur, Kaneto Shinto, scénariste de Kenji Mizoguchi entre autres.

Cannes avait aussi sélectionné des films populaires comme Anna Karenine d'Alexandre Zarkhi, Trois petits tours et puis s'en vont de Clive Donner, Petulia de Richard Lester, Grand prix cannois (pas encore nommé Palme d'or), trois ans auparavant.

Gilles Jacob expliquait sur cette édition si particulière : "La France s'arrêtait, c'était normal que le Festival s'arrête. J'étais jeune journaliste et sur le moment on voulait que le Festival se termine parce que ça faisait bizarre d'arrêter tout. Des films étaient projetés, d'autres pas, pas de palmarès... c'était une année boiteuse. Mais il s'était passé tellement de choses cette année-là, historiquement, que l'on pardonne."

Quatre mois plus tard, Venise frappait quand même très fort avec Faces de John Cassavetes, L'enfance nue de Maurice Pialat, Partner de Bernardo Bertolucci, Sept jours ailleurs de Marin Karmitz, Théorème de Pier Paolo Pasolini et un autre film de Carlos Saura, Stress es tres, tres.

Marie-José Nat, prix d’interprétation à Cannes, est morte (1940-2019)

Posté par vincy, le 10 octobre 2019

Marie-José Nat est morte ce jeudi 10 octobre à Paris à l'âge de 79 ans "des suites d'une longue maladie". Prix d'interprétation à Cannes en 1974 pour Les Violons du Bal de Michel Drach, l'histoire autobiographique du réalisateur qui a été son compagnon durant une décennie, Marie-José Nat, brune incandescente, visage mutin, yeux noirs perçants était née en 1940 à Bonifacio d'un père kabyle et d'une mère corse.

Gilles Jacob, qui n'était pas encore à la tête du Festival de Cannes à l'époque, lui rend hommage sur Twitter: Elle "a incarné une époque (60-70), une beauté, un type de femme suave mais résolue, une douceur qui, elles aussi, ont disparu".

Car au cinéma c'est bien à cette époque que Marie-Josée Benhalassa, de son vrai nom de naissance (le 22 avril 1940), qu'elle fut à son sommet. Après quelques petits rôles, elle est révélée dans Rue des prairies de Denys de La Patellière en 1959, puis La Vérité, où elle est éblouissante, d'Henri-Georges Clouzot en 1960.

Michel Drach en fait son héroïne (et sa muse) dans Amélie ou le temps d'aimer, avant d'enchaîner avec un film de Gérard Oury et surtout La vie conjugale d'André Cayatte, diptyque de 1964, et Le journal d'une femme en blanc de Claude Autant-Lara. Entre séries B et grands maîtres, elle impose son nom sans devenir une actrice de premier plan.

Jusqu'à Elise ou la vraie vie de Michel Drach en 1969. Cette tragédie sociale fit scandale. Et pour cause il raconte l'histoire d'Élise, provinciale qui rejoint son frère Lucie, ouvrier et sympathisant du FLN, à Paris. Elle tombe amoureuse d'un militant algérien. C'est non seulement un des premiers films sur le racisme en France, mais les braises encore fumantes de la guerre d'Algérie rendait le sujet tabou. Marie-José Nat, à la fois madone apaisante et prolétaire bouleversée, exprime toute la détestation d'une société aigrie et de jugements inadmissibles.

Par la suite, sensible et discrète, elle tourne beaucoup moins, et un peu partout, en Algérie, en Egypte, en Italie et en France: on la voit chez Mocky (Litan, 1981) et Mihaileanu (Train de vie, 1997). Sa carrière est plutôt sur scène ou sur le petit écran.

Cannes 2018 : Cannes en orbite avec « 2001 l’odyssée de l’espace »

Posté par kristofy, le 12 mai 2018

Puisque cette 71e édition nous emmène dans les étoiles avec l’avant-première mondiale de Solo: A Star Wars Story, nouvel épisode de l'univers étendu de la saga Star Wars, présenté hors compétition, et la projection de 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick dans une nouvelle copie 70 mm restaurée (sans modification numérique de l'oeuvre de 1968) à Cannes Classics, profitons-en pour un petit tour d’horizon des « Space opéras » qui ont eu les honneurs de la sélection officielle.

Cannes ce n'est à priori pas le lieu où on s'imagine voir un film de vaisseau spatial et de bataille intergalactique, et pourtant certains gros films de science-fiction ont bel et bien décollé depuis la croisette. Retour sur le plus énigmatique d'entre eux, qui aura cette année pour la première fois les honneur d'une sélection cannoise.

La séance spéciale du 2001 l'odyssée de l'espace de Stanley Kubrick au Festival de Cannes est un évènement : ça sera la première fois que des spectateurs vont découvrir sur grand écran ce film en se rapprochant le plus des émotions ressenties par son premier public en 1968, il y a 50 ans.

La projection est présentée par Christopher Nolan qui s'est appliqué avec Warner à organiser une nouvelle sortie de ce film tel que lui-même l'avait vu enfant : sur pellicule et en format 70mm. Nolan est un ardent défenseur des projections en pellicule dans ce format particulier, et certaines salles de cinéma se sont d'ailleurs équipées spécialement pour ça, faire venir les spectateurs pour son Dunquerque en 70mm (mais aussi pour Les huit salopards en 70mm de Tarantino). 2001 l'odyssée de l'espace va sortir de nouveau au cinéma dans ces salles. Pour son 50e anniversaire, le film a été restauré d'une manière unique, sans aucune amélioration digitale comme par exemple le 4K, mais à partir des négatifs photochimiques originaux.

Gilles Jacob, la tête historique du Festival de Cannes, avait regretté qu'aucun film de Stanley Kubrick n'ait pu y être sélectionné ("Ne pas avoir eu Stanley Kubrick à Cannes, c'est douloureux" déclarait-il à L'Express en 2012). Peu après la mort du cinéaste, il s'en était longuement ouvert à la presse : « Je l'avais interviewé pour Les sentiers de la gloire, à la fin des années 50. S' agissant d'un film alors interdit en France, il m'avait tenu un discours qu'on qualifierait aujourd'hui d'européen. Il m'avait remis des photos de tournage d'une beauté frappante et d'un format ­ extrêmement incommode qu'il avait déterminé lui-même. Sa richesse créatrice exceptionnelle lui avait permis peu à peu de conquérir une indépendance absolue vis-à-vis des studios hollywoodiens..."

"Pour Cannes, il y a deux raisons à cela : le fait que Kubrick ne voyageait pas, et la véritable raison est que les films que faisait Kubrick ­trop rarement étaient de grands films internationaux et que leur sortie était presque toujours programmée pour la fin d'année aux Etats-Unis et en Europe, au moment des Oscars. C'est en partie pourquoi le Festival, à une certaine époque, a même pensé changer ses dates. J'aurais aussi adoré avoir Kubrick comme président du jury. D'évidence, il ne serait pas venu : nous avions donc étudié de lui faire envoyer les films dans sa salle de projection et je suis sûr qu'il aurait aimé, lui qui se tenait au courant du travail de ses confrères, mener par satellite les délibérations avec ses collègues du jury restés à Cannes. Et naturellement nous aurions prévu cet événement pour 2001... Maintenant qu'il a disparu et que la chose ne peut plus se réaliser, je vous laisse le soin de deviner si ce projet a été élaboré dans le détail ou si je l'ai seulement rêvé... ».

Il faut se souvenir à quel point 2001 l'odyssée de l'espace était novateur au moment de sa sortie en 1968. C'était vraiment un film de science-fiction dans le sens de la définition même du genre : des fictions reposant sur des progrès scientifiques et techniques obtenus dans un futur plus ou moins lointain, ou physiquement impossibles du moins en l'état actuel de nos connaissances.

Voici 5 dates pour mesurer l'ambition visionnaire du film :

-1964 : Stanley Kubrick demande au romancier Arthur C. Clarke de travailler avec lui sur une histoire de science-fiction. Kubrick veut surtout extrapoler sa nouvelle titrée La Sentinelle (écrite en 1948) avec un objet extraterrestre sur la Lune (qui sera dans le film le monolithe noir).
-1965 : La société de production MGM donne son feu vert pour un nouveau film de Stanley Kubrick au-delà des étoiles. Quelques mois plus tard, il y aura les premiers astronautes dans l'espace juste au-dessus de la Terre (d'abord au printemps le Russe Alexei A. Leonov, puis l'été l'Américain Ed White), et aussi les premières photographies de la planète Mars (dans le film le vaisseau se dirige vers Jupiter).
- 1966 : Tournage du film. Pour le décor, on construit une immense roue de 12 mètres de diamètre qui tourne à la vitesse de 5 km/h (séquence emblématique). En juin un vaisseau non-habité se pose sur la Lune (dans le film en 1999 plusieurs équipes de scientifiques vivent dans une base sur la Lune).
- 1967 : Post-production des effets-spéciaux, cela représente plus de la moitié du budget du film (en particulier les séquences du vaisseau dans l'espace, sans les acteurs à l'image).
- 1968 : En avril, c'est enfin les premières projections du film. Cette sortie dans les salles arrive avec 16 mois de retard par rapport au planning envisagé par la MGM (qui avait prévu décembre 1966), et un budget initial presque doublé. Le film sortira en France en septembre. En décembre, une fusée transporte un homme un orbite autour de la Lune.
- 1969 : Cérémonie des Oscars, Stanley Kubrick est nominé comme meilleur réalisateur mais c'est Oliver Reed qui gagne la statuette (pour sa comédie musicale Oliver!, aussi Oscar du meilleur film). 2001 l'odyssée de l'espace a 4 nominations (dont réalisation, scénario, direction artistique) et gagne juste l'Oscar des meilleurs effets-spéciaux. Le 20 juillet 1969 : jour historique des premiers pas de l'Homme sur la Lune.

L'interprétation de la fin de 2001 l'odyssée de l'espace provoque toujours des débats, il y a presque autant d'interprétations (pessimistes, optimistes, ésotériques...) que de spectateurs depuis 1968. Sur ce thème d'une certaine évolution de l'Humanité avec un cycle de mort et d'éventuelle renaissance différente, il n'y a d'ailleurs eu depuis que peu de films visant une approche sensorielle différente et perturbante : Enter the void de Gaspar Noé (à Cannes en 2009), Mother! de Darren Aronofsky (à Venise en 2017), Human, Space, Time and Human de Kim Ki-duk (à Berlin en 2018).

Le récit de 2001 l'odyssée de l'espace se déroule en 3 parties distinctes : 'l’aube de l’humanité', 'mission Jupiter' et 'au-delà de l’infini', comme une manière de s'interroger à propos de ces 3 questions existentielles : d’où venons-nous ?, qui sommes-nous ?, où allons-nous ? Etes-vous prêt pour une nouvelle odyssée avec Stanley Kubrick ?

Cannes 2018: Bertrand Bonello sera le Président du jury de la Cinéfondation et des courts métrages

Posté par vincy, le 9 mars 2018

"À l’occasion de la 71e édition du Festival de Cannes (8-19 mai), Bertrand Bonello présidera le Jury de la Cinéfondation et des courts métrages. Le cinéaste français succède ainsi au Roumain Cristian Mungiu" annonce le Festival dans un communiqué ce matin.

Bonello est un habitué de la croisette puisqu'il y a présenté en Compétition trois de ses longs métrages: Tiresia (2003), L’Apollonide – Souvenirs de la maison close (2011) et Saint Laurent (2014). A la Quinzaine il a également été invité pour De la guerre (2008) et Le pornographe avait été l'une des sensations de la Semaine de la critique en 2001 (il y a reçu le Grand prix de la semaine de la critique et le Prix FIPRESCI pour les sections parallèles).

"Musicien de formation classique, cet autodidacte travaille la musique et le cinéma, le son et les images, signe le scénario et compose la musique de tous ses films. Acclamés par la critique, ils témoignent d’une maîtrise prononcée de l’audace et de l’esthétisme. Préférant la perception à la narration classique, les plans longs qui soulignent la sensorialité de l’image, ses univers sont autant d’expériences visuelles et sonores inédites qui s’affranchissent des limites. Admirateur de Bresson, Pasolini et Jarmusch, fan du Parrain et d’eXistenZ, Bertrand Bonello semble avancer à l’instinct autour d’obsessions récurrentes" précise le communiqué.

Fier

Le réalisateur a déclaré suite à cette annonce : "Qu’attendons-nous de la jeunesse, des cinéastes inconnus, des premiers films ? Qu’ils nous bousculent, qu’ils nous fassent regarder ce que nous ne sommes pas capables de voir, qu’ils aient la liberté, le tranchant, l’insouciance et l’audace que parfois nous n’avons plus. La Cinéfondation s’attache depuis 20 ans à faire entendre ces voix et je suis extrêmement fier cette année de pouvoir les accompagner."

Président de la Cinéfondation, Gilles Jacob a expliqué que Bonello "est un des plus grands réalisateurs français contemporains", "un artiste iconoclaste et singulier. Il ajoute à son art des qualités humaines qu'on trouve donc encore aujourd’hui."

Décès d’Idrissa Ouédraogo (1954-2018): Ouagadougou en deuil

Posté par vincy, le 18 février 2018

Un des grands cinéastes africains est mort dimanche 18 février. Le réalisateur et producteur Idrissa Ouédraogo avait 64 ans, a annoncé l'Union nationale des cinéastes du Burkina dans un communiqué transmis à l'AFP. Réalisateur de dix longs métrages et d'une vingtaine de courts métrages, segments, séries télévisées documentaires, Idrissa Ouédraogo a été récompensé du Prix du meilleur court-métrage au FESPACO (Poko, 1981), du Prix Georges Sadoul (Yam daabo, 1986), d'un Prix FIPRESCI (Yaaba, 1989) et d'un Grand prix du jury au Festival de Cannes (Tilaï, 1990) et d'un Ours d'argent au Festival de Berlin (Samba Traoré, 1992) parmi ses multiples récompenses reçus de Tokyo à Melbourne en passant par Venise ou Milan. Tilai avait aussi été couronné par le Grand prix du Fespaco en 1991.

"Dans les années 90, j'avais montré deux de ses films : Yaaba et Titaï, pas parce qu'il était burkinabé mais parce qu'ils étaient beaux. Hier, Idrissa Ouedraogo a fermé les yeux pour de bon, au moment où se couchait le soleil qui a illuminé son oeuvre" a tweeté Gilles Jacob, ancien Président du Festival de Cannes.

Né le 21 janvier 1954 à Banfora (à l'époque en Haute Volta), et après ses études à l'université de Ouagadougou et à l'Institut africain d'études cinématographiques, Idrissa Ouédraogo a lancé en 1981 sa propre structure de production (Les films de l'Avenir) et entre à la Direction de la Production Cinématographique du Burkina-Faso.

Il poursuit sa formation en Russie puis à l'Idhec (ancienne Fémis) et à la Sorbonne en France. Après plusieurs courts et documentaires, il réalise son premier long, Yam Daabo (Le choix), récit sur l'exil d'un paysan du région pauvre du Sahel et sa part de sacrifices. Il a déjà posé les bases de son cinéma-vérité, mélange de documentaire et d'intimité, où les drames semblent être naturellement intégrés au quotidien. A cette époque, il expliquait: "Je déplore que l'image du tiers monde et de l'Afrique en particulier, véhiculée au cinema, à l'étranger et même par certains cinéastes africains, soit trop souvent exclusivement liée a la misère des hommes. La joie, l'amour, la haine, le combat optimiste qui sont des éléments universels, ne doivent pas être exclus."

Avec Yaaba (Grand-mère), il fait le lien entre un enfant joyeux et une vieille femme rejetée par les siens. Il fait le portrait des us et coutumes de sa région natale. Cette histoire initiatique est là encore l'occasion de montrer ce qui fait l'homme: son courage et sa lâcheté, sa bonté et ses conflits, une forme de bonheur toujours encadrée par un environnement violent.

Mais c'est avec Tilaï qu'il acquiert ses lettres noblesses et devient un cinéaste majeur. Il filme un dilemme tragique: un fils revient dans son village et apprend que son père a pris pour deuxième femme celle qui lui était promise. Entre traditions ancestrales et sentiments éternels, le réalisateur brise plusieurs tabous: le fils va avoir une liaison "incestueuse" avec cette deuxième épouse, autrefois sa fiancée. Le déshonneur atteint toute la famille et le père met fin à ses jours, tandis que l'un des frères est chargé de tuer le "maudit". La transgression est au cœur de ce beau film dont le titre signifie La Loi. Entre silences, soupirs, cris, honneurs et désirs, avec simplicité, Idrissa Ouédraogo continue d'explorer les liens flous qui unissent l'amour et la haine. Les paysages du Nord du Burkina Faso, aussi beaux qu'aride, brutaux que fascinants, étaient le parfait cadre de ses histoires, parlées dans la langue mooré du peuple Mossi. Le réalisateur aimait conserver et transmettre cette authenticité.

C'est ce qui, finalement, est en commun à travers toutes ses œuvres. "C'est un baobab qui s'est effondré", a réagi le comédien burkinabè Gérard Sanou, repris par l'AFP. "Il a raconté la vie de gens ordinaires, plantant sa caméra dans les zones rurales plutôt que dans les villes, il a su rendre la beauté des zones sahéliennes", explique Abdoulaye Dragoss Ouédraogo, cinéaste et professeur d'ethnologie visuelle à l'université de Bordeaux.

"C'était le maestro du cinéma burkinabè. C'est douloureux, une perte inestimable pour nous et pour l'Afrique toute entière", a déploré Rasmané Ouédraogo, l'un des principaux acteurs du film Tilaï. Pour le cinéaste et documentariste burkinabè Michel Zongo, "il a inspiré toute une génération de jeunes cinéastes africains. Il a réussi à partager nos histoires avec le monde".

Samba Traoré, sorti en 1993, coscénarisé avec Santiago Almigorena, s'aventure dans le film noir, où le héros à qui tout semble sourire, a construit son bonheur - un mariage et un bar - après un hold-up. Dès lors, le cinéaste continuera de s'ouvrir à d'autres cadres: les angoisses d'un jeune africain arrivé en France dans Le cri du cœur (avec Richard Bohringer), le rêve d'une vie meilleure pour deux amis du Zimbabwe (Kini et Adams), une fresque historique tragique dans La colère des Dieux, un drame sur les injustices et les inégalités sociales dans Kato Kato, ou encore le film collectif sur les attentats du 11 septembre avec un segment de 11'09'01.

La tragédie était sa matière, qu'elle soit signée d'un auteur antique grec ou de Césaire. Mais on se souviendra aussi de son engagement pour l'Afrique, son aspiration à l'émancipation d'un cinéma subjectif décolonisé. "Aujourd’hui le cinéma africain doit se poser beaucoup de questions sur la manière de faire des films avec les nouvelles technologies pour qu’elles soient compétitives, sur la manière de faire des films qui viennent de nous-mêmes, du fond de nous-mêmes. Quand on regarde tous les films qui sortent, je cherche ce que le continent peut apporter aux autres, surtout au sud du Sahara. Quand j’étais gamin, on me racontait plein de contes, les mythes africains, la mythologie, il y a plein de choses intéressantes que le monde ne connaît pas, et cinématographiquement qui auraient été très belles. Je sais pas si c’est par complexe, et pourquoi on n’arrive pas à donner aux autres quelque chose de vraiment propre à nous, notre passé même historique, la colonisation qui était brutale, sauvage."

"Le cinéma c’est un regard sur les choses, les êtres de la vie, un regard philosophique" disait-il, se désolant que la génération suivante n'ait pas pris le relais et que la sienne soit écartée des plateaux.

Mahamat Saleh Haroun n’est plus ministre de la Culture au Tchad

Posté par vincy, le 9 février 2018

"Primé à Cannes, excellent cinéaste tchadien (L'homme qui crie, Une saison en France) Mahamat Saleh Haroun, vient d'être démis de ses fonctions de ministre de la culture. Il a doté la Bibliothèque nationale, créé un prix littéraire, voulu une école de cinéma. Quelqu'un de bien" a tweeté Gilles Jacob ce matin.

Le cinéaste a en effet donné sa démission, un an après avoir pris ses fonctions de ministre de la Culture et du Tourisme du Tchad. Un décret gouvernemental a officialisé ce départ. Il est remplacé par Djibert Younous, désormais ministre de la Jeunesse, des Sports, de la Culture et du Développement touristique.

Raisons personnelles

Dans un entretien à Jeune afrique, le cinéaste avait déclaré le 28 janvier: "Je ne vais pas laver la mémoire du Tchad, qui est tenace. Et si avec ce régime il y a quoi que ce soit de noir, ce n’est pas mon nom qui va le blanchir. Si le régime et ses dirigeants cherchent à améliorer leur image, cela prouve qu’ils ont pris conscience d’une certaine faiblesse et qu’ils sont dans une démarche constructive. Je fais un travail pour le Tchad et son milieu culturel, et quand, à un horizon pas si lointain, il faudra que je parte pour m’occuper de mes films, je partirai."

Et il est parti. Il "a été appelé à d’autres fonctions", selon un décret lu à la radio nationale, qui ne précise pas les raisons de son éviction. "Je n’ai ni été démis de mes fonctions de ministre de la Culture du Tchad ni limogé. J’ai démissionné pour raisons personnelles. J’ai présenté ma démission au Premier ministre le mardi 6 février à 9h30. Elle a été acceptée jeudi matin" précise-t-il.

Mahamat Saleh Haroun est l'auteur du documentaire Hissène Habré, une tragédie tchadienne, Une saison en France, actuellement à l'affiche en France, et L'homme qui crie, prix du jury au Festival de Cannes en 2010.

Les Prix Louis-Delluc 2017 pour Barbara et Grave

Posté par vincy, le 15 décembre 2017

Mauvaise journée pour 120 Battements par minute: évincé des Oscars, il a été snobé par le Delluc. Le Prix Louis-Delluc 2017 a récompensé Barbara de Mathieu Amalric, à la fois docu-fiction, poème expérimental et biopic.

"C'est un film qui nous a beaucoup touchés par sa justesse", a déclaré Gilles Jacob, président du prix, ajoutant que le réalisateur  "est arrivé à quelque chose de très difficile: reconstituer l'univers d'une chanteuse et à l'incarner".

Le film avait fait l'ouverture d'Un Certain regard à Cannes, recevant du jury le Prix pour la poésie du cinéma. Il a aussi été le lauréat du Prix Jean Vigo.

Pour le Prix Louis-Delluc du premier film, le jury a aussi choisi un film cannois, sélectionné à la Semaine de la critique en 2016, Grave de Julia Ducourneau. Un film d'horreur qui a récolté plusieurs récompenses depuis sa présentation sur la Croisette. "C'est déjà une grande cinéaste, il n'y a pas un plan du film qui serait à retirer" a souligné Gilles Jacob. La réalisatrice "a une maîtrise de la mise en scène qui en fait pour un premier film quelque chose de tout à fait remarquable et dont nous sommes certains qu'il y aura une suite", a salué l'ancien Président du Festival de Cannes.

Cannes 70 : les années Gilles Jacob ont passé comme un rêve

Posté par cannes70, le 17 mai 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-1. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

S'il est bien un homme qui a marqué l'Histoire du Festival de Cannes, c'est évidemment Gilles Jacob, qui y a exercé les fonctions de délégué général de l'édition 78 à l'édition 2003, et la présidence de 2001 à 2014. Il faut même remonter à 1964 pour sa première venue sur la Croisette, où il couvre la 17e édition (et un certain nombre de suivantes) pour la revue Cinéma, puis pour L'Express.

En 1976, il est embauché par le président du festival Robert Favre Le Bret, afin d'être l'adjoint du délégué général du Festival Maurice Bessy. Deux ans plus tard, il accède à la fonction suprême. Ensuite, durant près de 40 ans, Gilles Jacob personnifie à lui seul ce haut lieu du cinéma mondial dont il a fait le plus grand festival de cinéma du monde. Les séances de minuit, la Caméra d'or, la section Un certain regard, la Cinéfondation : c'est lui !

Tout a déjà été écrit sur ce que Cannes, tel qu'on le connaît, doit à Gilles Jacob. Il était donc beaucoup plus amusant de revenir simplement sur les plus beaux moments de ses années à la tête de la manifestation.

1978, la première fois

Avouons-le, au cinéma comme ailleurs, les premières fois ont toujours une saveur particulière. La première sélection de Gilles Jacob ne fait pas exception. On y retrouve un mélange de grands noms et de découvertes, de nouveautés et de fidélité. Un réel équilibre entre l’art et le marché. Fassbinder est là, aux côtés de Carlos Saura, Louis Malle, Jules Dassin, Marco Ferrerri, Nagisa Oshima. Les festivaliers découvrent le 2e long métrage d'un certain Nanni Moretti (Ecce bombo), le premier documentaire de Martin Scorsese (La dernière valse), le Molière-fleuve d'Ariane Mnouchkine (3h50)... C'est la première venue de Claude Chabrol. Sur la croisette, on croise aussi David Bowie, Jane Fonda, la toute jeune Brooke Shields, Susan Sarandon, Isabelle Huppert... Et la Palme d'or va à une chronique familiale aux airs de documentaire quasi ethnologique, L'arbre aux sabots d'Ermanno Olmi. Tout l'esprit cannois résumé en une édition, mélange de glamour et d'exigence cinématographique qui en fait ce lieu unique au monde, copié depuis par tous les festivals du monde.

1979, l'édition préférée


C'est Gilles Jacob lui-même qui l'a avoué, 1979 est l'une de ses années préférées. On voit pourquoi à la lecture des cinéastes en compétition : Claude Lelouch (A nous deux), Andrzej Wajda (Sans anesthésie), Dino Risi (Cher papa), Francesco Rosi (Eboli), Terence Malick (Les moissons du ciel), Luigi Comencini (Le grand embouteillage), André Téchiné (Les soeurs Brontë), Jacques Doillon (La drôlesse), Martin Ritt (Norma Rae), Federico Fellini (Répétition d'orchestre), Alain Corneau (Série noire), James Bridges (Le syndrome chinois, produit par Michael Douglas), James Ivory (The Europeans), John Huston (Le malin), Werner Herzog (Woyzeck)... Auxquels il faut ajouter le flamboyant Hair de Milos Forman en ouverture et une double palme qui fait le grand écart entre Le Tambour de Volker Schlöndorff et Apocalypse now de Francis Ford Coppola.

Et puis, à titre personnel, on est toujours un peu ému d'imaginer le triomphe fait à Manhattan de Woody Allen, en son absence, et hors compétition. Ces applaudissements devant un rideau fermé, c'est aussi Cannes : la nécessité absolue de manifester le bonheur que peut nous procurer un film.

1980, l'année mouvementée


Une année comme seul Cannes les connaît, pleine de grands films, de stars glamour (Isabelle Huppert est à l'affiche de trois films) et de réalisateurs de premier plan : Pialat, Resnais, Hooper, Kurosawa, Tavernier, Godard, Scola...
Mais ce que l'on retient, c'est un épisode lui-même digne d'un film d'espionnage : Stalker de Tarkovski est présenté en film-surprise car les Soviétiques ne voulaient pas qu'il soit montré à Cannes. Les bobines sont même arrivées avec le titre "J’irai cracher sur vos tombes", en référence à Boris Vian. Le secret a été bien gardé et personne ne sait qu'il s'agit de Stalker. Mais bien sûr, dès les premières images, la délégation d’URSS reconnait le film et sort de la salle. S'en suit une sorte de jeu du chat et de la souris dans lequel Gilles Jacob tient parfaitement son rôle, renvoyant "benoîtement" les Russes furieux vers le président du Festival. Lequel gagne à son tour du temps (autour d'un verre). Et les festivaliers découvrent, émerveillés, le film interdit. Il recevra même le prix œcuménique.
Une tradition (montrer des films censurés dans leur pays ou résister à la pression politique) que le Festival maintiendra avec bonheur jusqu'à aujourd'hui, avec des auteurs comme Lou Ye et bien sûr Jafar Panahi, affirmant haut et fort que le rôle de Cannes n'est pas d'épargner les gouvernements mais de soutenir coûte que coûte les artistes.

1987, Festival si humain


Un anniversaire, déjà. Une quarantième édition qui est aussi la 10e sélection de Gilles Jacob. Les festivaliers de l'époque ont l'impression que Cannes est en train de changer. Le "cirque médiatique" s'accélère. La télévision occupe le terrain. Sur les marches, on croise Liz Taylor, Lilian Gish, Faye Dunaway, Paul Newman, Marcelo Mastroianni... et même Lady Di.
Heureusement, on peut toujours compter sur les films (l'autre devise de Cannes). Et cette année-là, à nos yeux, un seul film aurait suffi. En effet, Wim Wenders est de retour avec Les ailes du désir, fable poétique et humaniste en noir et blanc qui va bien au-delà de ce que l'on attend du cinéma. Dans cette parabole bouleversante, le cinéaste interroge notre humanité et notre empathie, notre bonté et notre capacité au bonheur. À travers les doutes et les désirs de ses deux personnages principaux, des anges veillant sur la ville de Berlin,  il met à nu les tourments de l'âme humaine, sa faiblesse, mais aussi sa grandeur lorsqu'elle est transcendée par un amour véritable.
Aujourd'hui encore, trente ans plus tard, on ne comprend pas que le jury (présidé par Yves Montand) ait pu passer à côté de ce chef d'œuvre absolu. À la place, il récompense Sous le soleil de Satan et offre à Maurice Pialat l'occasion de prononcer l'une des répliques les plus célèbres du Festival : "Si vous ne m’aimez pas je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus". Humain, si humain.

1989, l'insolence de la jeunesse


Installé depuis plus de dix ans à la tête de la sélection officielle, Gilles Jacob poursuit son travail de défrichage et de découverte. Il ne néglige pas pour autant les réalisateurs plus installés, et n'hésite pas à suivre fidèlement certains d'entre eux. Ce souci permanent d'équilibre lui permet de réunir chaque année les quinze ou vingt films les plus importants de l'année à venir et de ne pas passer à côté de grand chose.

En 1989, c'est d'autant plus flagrant que sont présents Giuseppe Tornatore (et le phénomène Cinema Paradiso), Jim Jarmusch (avec Mystery train, mais il est en train de devenir un habitué), Bertrand Blier (avec Trop belle pour toi, son meilleur film), Denys Arcand (Jésus de Montréal), Spike Lee (Do the right thing), Shohei Imamura (Pluie noire), Émir Kusturica (Le temps des gitans), Ettore Scola (Splendor)... et deux cinéastes qui débutent : Jane Campion (que Gilles Jacob avait repérée avec son court métrage Peel en 1986, couronné d'une Palme d'or) et Steven Soderbergh.

Si Sweetie repart bredouille, Sexe, mensonges et vidéo s'offre la Palme. À 26 ans, le cinéaste américain indépendant est le plus jeune palmé d'or de l'Histoire (et le seul avec un premier film, aujourd'hui encore). Une année tout simplement exemplaire, audacieuse et innovante, durant laquelle Cannes fut plus que jamais à la pointe du cinéma mondial. Ce qui nous rendrait presque nostalgique...

1993 : la revanche du nouveau monde


Beaucoup de premières fois en cette année 1993, ce qui est joli pour un Festival qui approche de la cinquantaine... Mais ce qui prouve surtout que c'est sous la direction de Gilles Jacob que Cannes a connu le plus de nouveautés et de métamorphoses.
Pour la première fois cette année-là, une femme remporte la Palme d'or du long métrage. Jane Campion (et sa merveilleuse et sensuelle Leçon de piano) est également la première cinéaste à faire le doublé Palme du court et Palme du long. Quel triomphe pour Gilles Jacob qui a cru en elle si tôt ! Il se tissera entre la réalisatrice et le festival un lien inextricable expliquant sa présence répétée en sélection ou en jurée (elle fut même présidente en 2014).
Avec elle, c'est également toute une zone géographique qui gagne : la Nouvelle-Zélande remporte sa première (et unique à ce jour) Palme. Le prix est remis ex-æquo à Adieu ma concubine de Chen Kaige. Là aussi, c'est une première pour la Chine. La région Asie-Pacifique arrive en force dans la cour des grands. C'est d'autant plus flagrant que la Caméra d'or récompense quant à elle un film vietnamien : L'odeur de la papaye verte de Tran Anh Hung. Une nouvelle ère s'annonce.

1994, la belle année


Certaines années relèvent du miracle. Les chefs d'oeuvre se succèdent, du moins en a-t-on l'impression lorsque l'on vit le festival de loin et que les sorties sont étalées sur plusieurs mois, et non pas regroupées sur un peu plus de dix jours. 1994 est pour moi (humble avis) l'une des plus belles de l'Histoire de la Croisette (au moins parmi celles dont j'ai tout vu ou presque), aux côtés de 1971 ou de la préférée de Gilles Jacob lui-même (voir plus haut) 1979. La Palme d'or est remise unanimement à Pulp Fiction, qualifié par Catherine Deneuve, vice-présidente de Clint Eastwood, de «moderne, gonflé, audacieux, d’une belle virtuosité, [avec] une vraie jubilation du cinéma».

Face à ce moment charnière – et pop - du cinéma contemporain, d'autres authentiques chefs d'oeuvre, certains étant les meilleurs de leurs auteurs : Exotica d'Atom Egoyan (tout le monde sait, même Leonard Cohen, qu'il s'agit de son meilleur film), Trois couleurs : Rouge de Krzysztof Kieslowski, Grosse Fatigue de Michel Blanc (avec Gilles Jacob himself), Vivre ! de Zhang Yimou, Journal intime de Nanni Moretti, La Reine de la nuit d'Arturo Ripstein, Soleil trompeur de Nikita Mikhalkov, La Reine Margot de Patrice Chéreau, Au travers des oliviers d'Abbas Kiarostami, Le Grand Saut des frères Coen, Les Patriotes d'Éric Rochant avec sa sexy espionne malgré elle Sandrine Kiberlain (présidente cette année de la Caméra d'or), Mrs Parker et le Cercle vicieux d'Alan Rudolph, Un été inoubliable de Lucian Pintilie avec la délicieuse Kristin Scott Thomas (hélas pas présente pour Quatre mariages et un enterrement, finalement non retenu…)… Une belle année, l'une des preuves que le meilleur du cinéma passe par la Côte d'Azur lors du joli mois de mai.

1996, l'année Mastroianni


L'année 1996 fut marquée par la dernière venue sur la Croisette d'un des plus grands représentants du cinéma transalpin : Marcello Mastroianni pour le fantaisiste Trois vies et une seule mort de Raul Ruiz. Déjà manifestement affaibli par la maladie qui allait l'emporter le 19 décembre de la même année, il interprétait là son dernier grand rôle, celui d'un personnage affecté par le syndrome de la multiplication de la personnalité. Le voir ainsi dans cette œuvre poétique et drôle était comme un dernier cadeau pour ceux qui aimaient l'acteur et l'homme d'une grande bienveillance. Le voir monter les marches ou répondre aux interviews aux côtés de sa fille Chiara était bouleversant.

Ce bel écrin final était accompagné d'autres grands moments de cinéma dont les deux qui se sont disputés les deux plus belles places du palmarès, Secrets et Mensonges de Mike Leigh (Palme d'or) et Breaking the Waves de Lars von Trier avec Emily Watson (Grand Prix). Preuve d'une énième belle année, la sélection concoctée par Gilles Jacob incluait encore Crash de David Cronenberg, prix du jury dont quelques membres du jury se sont désolidarisés ; Fargo, énième chef d'oeuvre des frères Coen avec sa drôle de shérif ; Goodbye South, Goodbye de Hou Hsiao-hsien, œuvre qui séduit les plus grandes cinéphiles ; Au loin s'en vont les nuages d'Aki Kaurismäki, belle histoire d'amour aux codes de mise en scène colorés et une belle sélection française : Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) d'Arnaud Desplechin (première rencontre avec Mathieu Amalric – ils seront à nouveau réunis pour Les Fantômes d'Ismaël –) ; Ridicule de Patrice Leconte ; Un héros très discret, première visite de Jacques Audiard en compétition et Les Voleurs d'André Téchiné, rien de moins. 21 ans après, ces films n'ont rien perdu de leurs qualités artistiques. Enfin, Michael Cimino décevait de nombreux spectateurs avec ce qui est devenu son dernier long-métrage, Sunchaser.

1997, l'année de la Palme des Palmes

Lors de ce même entretien à Télérama en 2009, Gilles Jacob évoque «une fierté, une immense modestie, une soif de les aider à préparer leur nouveau film, la peur de ne pas commencer à l'heure, bref, la routine» lorsqu'on lui demande ce qu'il ressent en haut des marches et qu'autour de soi il y a 33 génies réunis là par lui. Cette édition du 60e anniversaire est ainsi avant tout marquée par la belle brochette de cinéastes réunis pour honorer, en son absence – dommage – Ingmar Bergman, maître du 7e Art, choisi par tous les lauréats d'une Palme d'or pour recevoir la seule et unique Palme des Palmes, remise à un cinéaste passé sur la Croisette mais reparti sans Palme d'or. Billy Wilder (alors encore vivant), Jean-Luc Godard et Woody Allen n'ont pas du arriver très loin. Sur scène sont notamment réunis Akira Kurosawa, les frères Coen, Andrzej Wajda, Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Anselmo Duarte, David Lynch, Robert Altman, Michelangelo Antonioni, Henri Colpi ou Claude Lelouch… L'année est aussi celle du putsch de Nanni Moretti sur le jury d'Isabelle Adjani, qui impose une double Palme d'or (la dernière occurrence, ce ne sera hélas – avis tout personnel – plus possible ensuite) à Shohei Imamura (L'Anguille) et Abbas Kiarostami (Le Goût de la Cerise), alors que sa présidente aurait voulu primer Atom Egoyan pour De beaux lendemains, qui se «contente» d'un Grand Prix. Trois chefs d'oeuvre du cinéma contemporain, pourquoi se plaindre d'un palmarès qui honore encore Happy Together (Wong Kar-wai), Ne pas avaler (unique réalisation de Gary Oldman encore aujourd'hui), Ice Storm (Ang Lee) ou Western (Manuel Poirier). Reçu hors-compétition Youssef Chahine reçoit pourtant le Prix du cinquantième anniversaire pour Le Destin mais surtout pour l'ensemble de sa carrière. Une année certainement inoubliable pour ceux qui l'ont vécue...

2003, une dernière année au palmarès radical


À partir de 2004, la sélection sera officiellement signée Thierry Frémaux. 2003 est donc la dernière sous le haut patronage de Gilles Jacob et elle ne sera pas de tout repos. Patrice Chéreau, président du jury, choque en établissant le record du plus petit nombre de films primés : Elephant de Gus Van Sant reçoit la Palme d'or et le Prix de la mise en scène ; Nuri Bilge Ceylan son premier Grand Prix pour Uzak, accompagné d'un double Prix d'interprétation masculine ; Les Invasions barbares permet à Denys Arcand et Marie-Josée Croze d'être respectivement primés pour le scénario et l'interprétation ; À cinq heures de l'après-midi de Samira Makhmalbaf reçoit le Prix du jury et … c'est tout ! Quatre films primés seulement, c'est radical ! «Mieux» que Polanski, autre président «douloureux». Le règlement sera amendé pour éviter à nouveau un tel excès.

Mais ne peut-on pas le regretter ? Chéreau a signé l'acte de naissance d'un des plus grands cinéastes européens et a salué la renaissance d'un cinéaste underground US qui a retrouvé le goût d'un cinéma exigeant. Les trois grands palmarès tendus (le troisième étant celui de David Cronenberg en 1999) ne sont, au final, pas honteux mais marqués par une exigence de qualité et une quête de passion plutôt qu'une envie de saupoudrer les prix, histoire de faire plaisir à tout le monde… On pourrait évoquer une mauvaise humeur imposée aux autres jurés (pas faux) mais au final, pour ne citer que cette édition, quels seraient les grands oubliés de cette édition 2003 ? Honnêtement, j'ai beau avouer un grand faible pour Ce jour-là de Raoul Ruiz et Mystic River de Clint Eastwood, avec le recul, il apparaît évident que Chéreau a su extraire la substantifique moëlle d'une année inégale où des noms majeurs (Kiyoshi Kurosawa, Héctor Babenco, Lars von Trier, Claude Miller, Bertrand Blier, André Téchiné, Alexandre Sokourov, Naomi Kawase, François Ozon, Peter Greenaway, Bertrand Bonello, excusez du peu) n'ont pas forcément signé leurs œuvres les plus indélébiles.

2014, bye bye Mr Cannes (but to be continued...)

Dernière année de Gilles Jacob à la présidence du Festival de Cannes. À partir de 2015, c'est Pierre Lescure, l'ami de Les Nuls (entre autres titres -moindres- de gloire), qui le remplace. On se souvient, avec une émotion non feinte, de son discours bref mais touchant lors de la remise des prix Un Certain Regard (section qu'il a créée en 1978) où il a rappelé son attachement à cet événement et la force de son engagement d'amoureux du cinéma : «on est là pour mettre en question, repousser les limites, inventer inlassablement».

Pour cette dernière présidence, Gilles Jacob, grand utilisateur de Twitter devant l'Eternel (je devrais prendre des cours…), s'amuse à prendre des photos du jury qu'il dévoile en direct, tout en prenant soin de ne rien trop dévoiler, sinon les visages réjouis de Gael Garcia Bernal, Sofia Coppola ou Nicolas Winding Refn (souriant et sans lunettes, une double rareté).

Sans vous demander de trahir le moindre secret, nous serions curieux de savoir quel film aurait eu votre vote si vous aviez participé à leurs délibérations, monsieur Jacob ? L'Adieu au langage de Godard se jouant de la 3D ; Deux jours, une nuit des Dardenne avec la course effrénée de Marion Cotillard pour conserver son boulot ; la critique pas du tout voilée de la corruption russe dans Léviathan d'Andreï Zviaguintsev ; l'une des deux belles biographies artistiques (Mr Turner de Mike Leigh ou Saint Laurent de Bertrand Bonello) ; la satire de Hollywood de Maps to the Stars de David Cronenberg ; la dénonciation des fous de Dieu (Timbuktu d'Abderrahmane Sissako) ou auriez-vous voté vous aussi pour Winter Sleep, la Palme enfin pour Nuri Bilge Ceylan… ? Peut-être auriez-vous pu choisir Mommy de Xavier Dolan pour l'émotion qui se dégage du film mais aussi pour souligner ce qui semble vous lier, lui et vous : un amour illimité pour le Cinéma et les multitudes d'émotions qu'il fait naître.

Marie-Pauline Mollaret (Ecran Noir) et Pascal LeDuff (Critique-Film)

Cannes 70 : la comédie musicale sur le tapis rouge

Posté par cannes70, le 17 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-62.

C’était il y a quelques semaines : Damien Chazelle devenait le plus jeune cinéaste à recevoir un Oscar du meilleur réalisateur pour La La Land, juste après avoir égalé le record de 14 nominations et gagné 6 Golden Globes (réalisation, scénario, musique…). Médiatisé au-delà du possible, le film cartonne au box-office et va même faire chanter certains spectateurs dans les salles avec une ressortie en version karaoké !

Alors, bien sûr, La la land n'était pas à Cannes (il a fait l’ouverture de Venise), contrairement au premier film de Damien Chazelle (Whiplash) sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. Pourtant, il sonne certes comme un hommage aux classiques américains du genre, mais il est surtout sous l'influence d'un film souvent cité par le réalisateur lui-même : Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. Qui, lui, avait été sacré Palme d’or du Festival de Cannes 1964. Le genre de la comédie musicale qui semblait un peu tombé en désuétude revient donc sur le devant de la scène. En fait, ce n’est pas vraiment la première fois, et c’est d’ailleurs à Cannes que la comédie musicale a plusieurs fois fait son retour.

A noter d'ailleurs que le premier film musical "palmé" sur la Croisette, c'est Orfeu Negro de Marcel Camus, présenté en 1959. Cette année-là, cette adaptation d'une pièce de Vinícius de Moraes, qui revisite le mythe d'Orphée et Eurydice sur fond de Bossa Nova, l'emporte devant Les 400 coups de Truffaut, ou Hiroshima mon amour d'Alain Resnais.

Mais revenons-en à 1964. Le Festival de Cannes est donc "enchanté" par Les parapluies de Cherbourg : les dialogues en chanson de Jacques Demy ont été mis en musique par Michel Legrand, et en fait on y entend peu la voix des acteurs principaux (Catherine Deneuve, Nino Castelnuovo) qui sont doublés par de véritables chanteurs. La comédie musicale qui est souvent dans l’imaginaire fantaisiste est ici ancrée dans le réel : au début des années 60, un jeune homme doit partir faire la guerre en Algérie et quitter une jeune-fille enceinte avant d’être mariée…

Catherine Deneuve est l’actrice au parcours unique dans le genre de la comédie musicale au Festival de Cannes : après Les parapluies de Cherbourg en 1964, elle va chanter et danser dans Dancer in the dark du danois Lars Von Trier en compétition officielle en 2000. Le Palmarès sera au diapason : Palme d’or pour le film, doublé d’un prix d’interprétation de meilleure actrice pour Björk, personnage principal qui chante et compose chansons et musiques. Là encore, film musical rime avec drame, les épreuves les plus tragiques de l’héroïne Björk sont supportée par son amour des comédies musicales qu’elle se chante et danse dans sa tête.

Dans le film Catherine Deneuve accompagne Björk dans deux séquences musicales : Cvalda dans l’usine quand le bruit des machines devient un rythme qui devient une chorégraphie, et My favourite things à la chorale durant les répétitions d’un spectacle joyeux (chanson qui sera reprise larmoyante de désespoir par Björk seule dans sa cellule de prison). Dans Dancer in the dark, chaque séquence chantée et dansée est une échappatoire joyeuse et résignée pour supporter un moment réel pénible, et juste ensuite survient un nouveau drame encore plus tragique…

Après Dancer in the dark, souvenez-vous quel a été le film d’ouverture choisi l’année suivante ? Encore une comédie musicale !  Moulin Rouge de Baz Luhrmann est bien plus virevoltant, avec quantité de reprises de chansons pop (David Bowie, Elton John, Police…), mais son finale n’en reste pas moins (encore) la mort d’une histoire d’amour...

C’est en 2007 que la comédie musicale fait un beau retour en compétition à Cannes avec Les chansons d’amour de Christophe Honoré qui réunit Alex Beaupain à la composition des musiques et Chiara Mastroianni, la fille de Deneuve, à l'écran aux côtés de Ludivine Sagnier, Lous Garrel et Clotilde Hesme. Cette fois, il y a moins de chorégraphie mais tout autant de chansons qui forment des dialogues sur le trouble amoureux (et le deuil) entre un garçon qui aime deux filles dans un ménage à trois qui se complique quand il est lui-même aimé par un autre garçon… Le film repart bredouille, mais Christophe Honoré sera de retour en 2011 avec Les bien-aimés, présenté en clôture.  Un autre film musical dans lequel on retrouve... Catherine Deneuve. Comme pour boucler la boucle.

Cannes fera connaître dans quelques semaines quels seront les films qui seront sélectionnés pour cette 70 édition, mais, ici, on peut déjà vous pronostiquer que la comédie musicale fera de nouveau l’événement lors du Festival... 2018 : en effet, Léos Carax travaille en ce moment sur son prochain film Annette (avec Adam Driver et une actrice encore inconnue en remplacement de Rooney Mara et de Rihanna initialement attachées au projet) qui « sera envoûtant, noir et cruel, mais aussi drôle et joyeux et saura s’inscrire dans la riche histoire d’amour entre le cinéma, la musique et les voix » d’après ses propres mots. Gilles Jacob (ex président du Festival de Cannes) est déjà emballé par le scénario qu’il a lu : « Je pense que ça va être quelque chose ! Can't wait ». Nous non plus.

Kristofy d'Ecran-Noir