Festival du cinéma nordique : un événement trans-genres

Posté par geoffroy, le 26 mars 2009

La compétition officielle du 22e festival nordique mérite bien, au même titre que le reste de sa programmation, son label « éclectique ». Naviguant constamment entre plusieurs genres – drame, comédie loufoque, film d’auteur, grosse production, portrait intimiste ou encore reconstitution historique – sans jamais se départir d’une certaine singularité, ce cinéma venu du nord perpétue une tradition cinématographique complexe oscillant depuis des décennies entre un pessimisme lucide, un rejet des conventions morales (surtout dans le cinéma danois et suédois) ou bien une approche existentielle – qu’elle soit décalée ou pas – propre aux cultures nordiques.

Un peu, d’ailleurs, comme ce Mariage à l’islandaise, premier long-métrage de la monteuse Valdis Oskarsdottir. Fausse comédie légère qui bascule par intermittence dans un road-movie au départ improbable, tout est situation à dégommer les conventions. Un mariage dans un petit village, deux autocars pour emmener séparément les mariés, un témoin qui disparaît, une attente dans les bus et des vérités pas toujours bonnes à dire. Les personnages vont interagir les uns vis-à-vis des autres en distillant non sans humour ni gravité une tension sous-jacente. La narration, savoureuse, provoque des effets boule de neige jusqu’au dénouement final, certes un brin convenu, mais somme toute logique. A découvrir dans les salles françaises le 03 juin prochain.

Sous la peau se positionne en opposition. Drame humain sans concession autour d’une femme agressée dans sa chair, le film nous interpelle sur la difficulté de vivre avec le souvenir d’une épreuve traumatisante qui vous hante nuit et jour. Réfugiée dans une maison de campagne délabrée ou tout reste à faire, Marieke a fuit Amsterdam pour essayer de se reconstruire. Parabole, dirons nous immersive, dans l’univers déstructuré de la jeune femme, Sous la peau délivre une tension par à coups aussi mentale que physique. Les deux sont liés intimement, sans distanciation ni contrôle. L’intrusion de flashs, de visions, de crises ou de spleen total dans la nouvelle vie de Marieke exacerbent cette souffrance sourde car intime. Prenant, minimaliste et magistralement interprété, Sous la peau demeure un essai fort et sincère sur une thématique sociale contemporaine.

Objet Filmique Non Identifié

Soit le contraire de Pause déjeuner, sorte d’OFNI (Objet Filmique Non Identifié) réalisée par la réalisatrice Eva Sorhaug (signalons tout de même qu’après Mariage à l’islandaise et Sous la peau, il s’agit du troisième film réalisé par une femme, soit près de 30% de la sélection officielle). Choral et découpé narrativement en fonction des personnages développés, le lien entre l’incident déclencheur et les autres protagonistes reste faible en terme d’enjeux – excepté pour Léni, directement «frappée » par la mort de son père). Un poil trop lent par moment, décalé juste ce qu’il faut, grave mais sans plus, parfois redondant ou bien tournant autour du pot, le film se positionne entre deux eaux. Mais le plus étrange reste sans aucun doute son côté impersonnel et peu communicatif, malgré deux ou trois séquences réussies (landau sur le balcon, scène de sodomie, dispute dans la voiture, sandwichs uniformes de Léni). Trop peu, sans doute, pour affirmer un univers comme cette apparition de milliers d’oiseaux façon Magnolia (en référence à la pluie de grenouilles vers la fin du film de Paul Thomas Anderson).
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Comme une étoile dans la nuit : l’amour à mort

Posté par Morgane, le 1 décembre 2008

commeuneetoile.jpgL'histoire : Alors qu'ils ont décidé de faire un enfant, Anne et Marc découvrent que ce dernier est atteint d'un cancer. Face à la tristesse et à la peur de la mort, leur histoire d'amour demeure la meilleure réponse.

 Ce qu'on en pense : Le film s’ouvre sur deux corps qui se dénudent, qui s’aiment. Sans un mot. Le bonheur se faufile et très vite s’effiloche ; mais les corps vibrent, restent nus, libres et beaux comme un pied de nez magistral fait à la maladie. Comme une étoile dans la nuit se déroule telle une scène de la vie quotidienne, certes dramatique, une de celles qui n’arrivent qu’aux autres, mais peuvent frapper chacun.

Au début maladroits, les corps de Salomé Stévenin et Nicolas Giraud s’étreignent, se caressent, flottent dans un univers ordinaire. Leur maladresse surprend, étonne mais peu à peu leur jeu s’affirme, s’affine et prend alors tout son sens. René Féret réussit dès lors le pari de raconter la maladie. Sans pathos mais avec une grande dignité, il filme ces deux corps séparés petit à petit par la maladie dévastatrice. Lentement, celle-ci infiltre le corps de Marc tout comme le couple qu’il forme avec Anne. Elle s’incruste dans leur quotidien, "flirte" avec eux comme se plaît à le dire Anne.

Les projets s’égrènent et l’évocation du futur s’efface pour laisser place à un présent qui s’échappe. Les corps, malades ou non, puisent ici toute leur puissance. La maladie vainc mais ne détruit pas. Elle transforme faiblesse en force et, loin des clichés, donne un souffle nouveau à Anne et Marc. Film touchant, à la fois tendre dans les sentiments évoqués et violent dans sa réalité, Comme une étoile dans la nuit effleure avec tendresse et sincérité un sujet difficile. Ou comment la maladie s’invite dans une histoire d’amour

Cowboy Angels : graines de violence

Posté par vincy, le 28 octobre 2008

cowboyangels1.jpg Synopsis : « Tu parles de moi comme d’un vieux truc à vendre. » Pablo, 11 ans, est livré à lui même, entre Pigalle et La Chapelle. Pendant que sa mère boit au comptoir, il passe son temps avec des jeux vidéos. Le soir, tard, ils rentrent dans la chambre d'hôtel. Un jour, sa mère le laisse seul durant un week-end, pour s'amuser avec un de ses "amants". Pablo en profite pour demander à Louis, un voyou recherché par des types qu'il a arnaqué, de le conduire chez son père, quelque part en Espagne.

Notre avis : Cowboy Angels est un blues urbain aux airs de déjà vu qui se mue, doucement, en road movie plus imprévisible. Caméra à l’épaule, Kim Massee, avec ses peu de moyens, bricole un film attachant mais, inévitablement, inabouti. Cinématographiquement, le spectateur sera davantage séduit par les plans larges donnant une atmosphère souvent juste au contexte. Mais elle sait aussi installer quelques instants de grâce dans ce monde brut. Voix éraillées, volutes de fumées, personnages à la marge : Cowboy Angels fuit le glamour et cherche à atteindre un cinéma vérité. Des voyous à la petite semaine, un gamin (Diego Mestanza) en quête du père. Le film prolonge une forme de néoréalisme où  la beauté se doit d’être intérieure.

Hélas, cela frôle parfois avec un cinéma plus amateur, semblant improvisé. L’humanité du cowboy et de l’ange tarde à se faire ressentir, et il faut supporter une forte dose d’acidité avant de se laisser tenter par cette relation agressive, gueularde, méfiante. Les Dardenne ne sont pas loin. Rien n’est zen.

Et peut-on s’intéresser à cette figure du père (Thierry Levaret), bourrée de principes (qu’il s’applique peu), érigeant le fric comme valeur suprême, où le lien qui se tisse avec le gamin est douteuse, rarement sincère, peu ouverte.

Et puis Cowboy Angels manque de piment. La musique et les ralentis n’y font rien. La dramatisation ne fonctionne pas. Certaines séquences, pas assez écrites, tombent à plat, ressemblant davantage à un reportage ou film de vacances. Pour faire vrai. La réalisatrice aurait dû être davantage inspirée par ses grands moments de vide, vertiges plus passionnants. Dès que la fiction et le romanesque s’en mêlent, le film laisse deviner ce qu’il aurait pu être. Le final au commissariat est même la séquence la mieux écrite, la plus intense.

Film de l’impasse – familiale, sociétale, économique – c’est aussi, paradoxalement, un espoir éventuel d’un cinéma à part.

Bangkok dangerous : risque d’ennui profond

Posté par MpM, le 27 août 2008

Bangkok dangerousL'histoire : Kong, le meilleur tueur à gages du marché, vient exécuter ses quatre derniers contrats à Bangkok. Après, une monstrueuse somme d'argent et une retraite dorée l'attendent. Mais, lassitude ou imprudence, il transgresse au bout de quelques jours les principes fondamentaux qui gouvernent son existence en tombant amoureux et en commençant à se poser des questions sur son travail...

Notre avis : D’habitude, un titre comme Bangkok dangerous laisse supposer que l’on a affaire à un film d’action. On est d’autant plus sûr de ne pas se tromper qu’il s’agit du remake du film éponyme réalisé par les mêmes frères Oxide et Danny Pang en 2003, et qui s’attachait aux pas d’un tueur à gages sourd et muet animé d’une folie meurtrière incontrôlable. Sauf qu’en réalité, on a plutôt l’impression que, quitte à cachetonner, Nicolas Cage s’est offert des vacances en Thaïlande où il joue les touristes avec un parfait naturel. Il apprivoise un éléphant, goûte à la gastronomie locale, s’intéresse au folklore et, bien sûr, tombe amoureux. Entre deux excursions, il exécute quand même un contrat, vite fait bien fait, sans éclat. Question spectacle et suspense, on en est pour nos frais. Il faut même attendre la deuxième moitié du film pour qu’il se passe enfin quelque chose d’un peu animé : une course poursuite en bateau qui s’achève par une amputation improvisée.

S’en suivent fort logiquement une fusillade, de très jolies explosions et une séquence finale comme on les aime : seul contre tous, le héros élimine un à un les méchants pour obtenir vengeance et rédemption. Pas mal, mais tardif. Et surtout, filmé n’importe comment, à grands renforts de flashs et de fondus tapageurs qui donnent l’impression que l’écran n’est plus qu’une immense guirlande clignotante. Histoire de meubler, la musique qui passe en boucle ressemble à celle des pires jeux vidéo, répétitive, sans consistance et horripilante au bout de deux parties. Il n’y a définitivement pas grand-chose à sauver dans ce remake inutile, et surtout pas la psychologie des personnages, qui sert de caution morale à l'ensemble alors qu'elle est quasiment inexistante ! Même Nicolas Cage, qui parvient d’habitude à insuffler second degré et profondeur à ce genre de rôle, promène sans conviction son air d’enterrement d’un bout à l’autre de Bangkok. Affublé d’une coupe ridicule, d’une voix-off d’outre-tombe et de principes stéréotypés qu’il s’empresse de transgresser, il a surtout l’air d’attendre que quelqu’un mette une fin à tout ça, ce qui lui fait au moins un point commun avec le spectateur.

Séances de rattrapage

Posté par MpM, le 19 août 2008

Les vacances sont finies ? Le soleil s’est déjà fait la malle ? Les feuilles d’impôts se ramassent à la pelle dans les boîtes aux lettres ? Bonne nouvelle, la reprise peut aussi avoir du bon. Du 20 au 26 août, le Cinéma des Cinéastes prolonge l’été (et le plaisir) avec des séances de rattrapage permettant de (re)découvrir une sélection de films sortis au cours de l’année écoulée. Articulée autour des grands genres cinématographiques (polar, comédie, drame, comédie dramatique, documentaire…), la programmation fait le grand écart entre Un secret de Claude Miller, Boarding gate d’Olivier Assayas, Le système Poutine de Jean-Michel Carré ou encore Les amours d’Astrée et Céladon d’Eric Rohmer, histoire de satisfaire tous les goûts. La plupart des projections seront suivies d’un débat avec le réalisateur ou le producteur du film, et, par ailleurs, des séances de dédicaces seront organisées tous les soirs après 19h au Bistrot des Cinéastes (au 1er étage du cinéma) avec quelques réalisateurs-écrivains. De quoi se remettre dans le bain et attendre de pied ferme toutes les nouveautés de la rentrée.
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Programme détaillé sur le site du Cinéma des cinéastes.

AFI (10). Drames judiciaires : quatre grands films en tête

Posté par vincy, le 7 juillet 2008

mockingbird.jpgLe tribunal de justice méritait bien son genre tant de films s’y passent. De Preminger (Autopsie d'un meurtre, 7e) à Wilder (Témoin à charge, 6e), tous les grands cinéastes s’y sont collés. Notamment Sidney Lumet qui place Douze hommes en colère (2e) et 25 ans plus tard The Verdict (4e). Idem pour les écrivains : amis dans la vie, Harper Lee et Truman Capote se croisent aussi dans ce top 10, avec, respectivement, Du silence et des ombres (1e) et De sang froid (8e). Et même les plus grandes actrices y trouvent quelques-uns de leurs plus grands films. Meryl Streep (Kramer vs Kramer, A Cry in the Dark) et Marlene Dietrich (Témoin à charge, Jugement à Nuremberg) classent deux films chacune dans cette liste. C’est un Top 10 très stars avec Gregory Peck, Henry Fonda, Dustin Hoffman, Paul Newman, Tom Cruise, Jack Nicholson, James Stewart, Spencer Tracy, Burt Lancaster… De la peine capitale aux crimes nazis, du divorce à une accusation d’infanticide, du sadisme militaire aux préjugés raciaux, ce classement est bizarrement le plus politique, le plus ancré dans les problèmes de la société.

Notre avis : Difficile de départager les deux premiers tant ils ont installés les bases de ce genre, et ouvert la voie à un cinéma socialement progressiste et politiquement avant-gardiste.

Dernier épisode : les épopées, du péplum à la seconde guerre mondiale