Dinard 2017 : un Hitchcock d’honneur (mérité) pour Jim Broadbent

Posté par kristofy, le 1 octobre 2017

Le jury du 28ème Festival du film britannique de Dinard s'est achevé avec un Hitchcock d'or pour le film Seule la terre de Francis Lee. Le Festival a également choisi également cette année de remettre un Hitchcock d'honneur à une grande personnalité du cinéma lors de la cérémonie de clôture. Ce (beau) prix surprise a été décerné à un "trésor national britannique" : Jim Broadbent.

Outre sa fidélité à Mike Leigh, il tourne autant pour ses compatriotes Neil Jordan ou Mike Newell que pour les américains comme Martin Scorsese ou Steven Spielberg. L'acteur a aussi reçu quelques grands prix: un Oscar du meilleur acteur dans un second rôle en 2001 dans Iris, un prix d'interprétation à Venise pour Topsy-Turvy deux ans avant, deux Golden Globes, deux Baftas, un prix d'interprétation à San Sebastian pour Le Week-End en 2013. Il a aussi des effectué quelques participations dans des séries télé comme Games of Thrones ou Docteur Who...

Cette année Dinard avait prévu de lui rendre un hommage avec plusieurs de ses films comme Another year de Mike Leigh et Un week-end à Paris de Roger Michell. Il s'était déplacé avant tout pour l'avant-première A l'heure des souvenirs de Ritesh Batra (avec Charlotte Rampling et Freya Mavor...) dont la sortie est attendue en 2018. La séance était suivie d'une rencontre entre l'acteur et le public qui a pu le questionner à loisir.

Jim Broadbent a ainsi évoqué avec simplicité son parcours.

La variété
"On me pose souvent une question à propos de l’état actuel du cinéma britannique, en fait presque chaque année depuis longtemps. Tout ce que je peux en dire c’est que à l’époque où j’ai commencé le cinéma il y avait peut-être une douzaine de films par an et surtout beaucoup de téléfilms, et aujourd’hui il y a plus de films en salles et aussi plus de bons films. Je me réjouis d’avoir participé à certains. J’adore faire des rôles très différents comme être très extravagant et bruyant dans Moulin Rouge, le professeur de Harry Potter, le papa de Bridget Jones, m’être amusé avec l’ours Paddington, et à l’opposé un personnage plus délicat dans Iris ou comme dans ce film A l’heure des souvenirs. Savoir que j’allais jouer avec Charlotte Rampling m’a rendu un peu nerveux, c’est une actrice au talent très spécial et inhabituel."

L'éclectisme
"J’ai joué des rôles plus sombres aussi comme mes prochains films à venir Black 47 durant une famine en Irlande, et un film de cambriolage avec Michael Caine Night in Hatton Garden, sans compter le court-métrage A Sense of History de Mike Leigh dont j’ai écrit le scénario et où je tue ma femme. Je me souviens particulièrement du tournage de Cloud Atlas des Wachowski et Tom Tykwer où j’ai eu la chance de joué plusieurs rôles dans un même film. Cette possibilité de se transformer à l‘envie est ce qui m’a donné envie de faire ce métier. Avec l’âge et au fil de mes films je sais que je touche différentes générations, tant mieux. A chaque cheveu que je perd c’est peut-être une autre opportunité pour un nouveau rôle..."

Dans A l'heure des souvenirs, Jim Broadbent essaie de renouer des liens plus forts avec sa fille enceinte qui fait un bébé toute seule et son ex-femme qui lui reproche toujours son caractère grognon. Arrive un courrier de notaire qui fait de lui l’héritier d’un journal intime de quelqu’un qu’il avait connu il y a longtemps durant ses années de lycée. Dès lors le film alterne entre présent et flashbacks du passé à l’époque de sa jeunesse entouré d’un groupe d’amis au moment où il vouait un amour platonique à une jeune fille. Une lettre va faire remonter différents souvenirs qui révéleront un dramatique secret...

Dinard 2012 : les belles échappées de Marjane Satrapi

Posté par vincy, le 6 octobre 2012

Membre du jury du Festival du film Britannique de Dinard cette année, la touche-à-tout Marjane Satrapi savoure cette pause bretonne avant une année 2013 chargée.

Elle vient de boucler son troisième long-métrage, mais le premier qu'elle réalise en solo : La bande de jotas. Tourné en douze jours dans le sud de l'Espagne avec une équipe réduite de cinq personnes, elle a imaginé ce délire - tuer des gens sous prétexte que leur prénom commence par une jota - sans vraiment penser à le sortir en salles. "Je dans, je chante, je joue. J'ai même filmé mon mari en slip" explique-t-elle. L'idée n'était pas forcément de le sortir en salles. "Si c'était réussi, j'étais prête à le montrer à mes copains lors d'une projection spéciale". Mais voilà, un distributeur a aimé le projet. Urban distribution compte le sortir sur dix à quinze copies. Et l'auteure de Persépolis avoue désormais vouloir faire une série de films avec cette bande au fil des années qui passent. "Je suis fumeuse, je bois, il me reste quoi, trente ans à vivre. Un projet me prend trois ans..." La voici donc avide de profiter de son autonomie. Le film lui a coûté 40 000 euros, dont la moitié en production. "Je préfère mettre mon épargne dans un film que dans des vêtements, une maison de vacances ou ce genre de choses". Cette "chef d'entreprise", tel qu'elle se voit, un peu "communiste" au fond, a financé ce projet dans un esprit de coopérative : "je voulais une liberté totale". Elle s'est donnée les moyens de s'affranchir du qu'en dira-t-on et s'amuse à être là où on ne l'attend pas. Aucune BD en perspective et d'ailleurs, étrangement, même la belle affiche du film, stylisée, qu'elle nous montre sur son iPhone a été dessinée par son compositeur. Son talent graphique s'exprime autrement ces temps-ci.

Marjane Satrapi peint le matin. Elle prépare sa première exposition, qui débutera le 29 janvier à la galerie Jérôme de Noirmont (Paris 8e). L'après-midi, elle travaille sur son quatrième film, The Voices. Une commande américaine à partir d'un scénario de Michael Perry (Paranormal Activity 2). Une histoire de psychopathe qu'elle devrait tourner en avril prochain. "C'est un scénario irrévérencieux, pas moraliste" explique-t-elle. L'irrévérence, c'est ce qu'elle aime dans le cinéma britannique : "ils ont inventé le punk, les Monty Python, la pop..." C'est une des raisons  pour laquelle elle est ici, à Dinard.

L'autre raison c'est la curiosité. "C'est bien de découvrir, de rencontrer des films, des gens qu'on n'aurait jamais vu. Même les mauvais films nous apprennent des choses" nous confie-t-elle. Marjane Satrapi aime être dans les jurys. "Ce n'est pas pour le bel hôtel, ou parce qu'on m'offre du foie gras. J'ai les moyens d'aller dans ces hôtels et de l'offrir du foie gras". Et le cinéma anglais lui parle, qu'il soit drôle comme Joyeuses funérailles ou social. Fan d'Aki Kaurismaki, elle l'est aussi de Ken Loach. "Ce sont les deux seuls qui font un cinéma social où ce n'est pas un bourgeois qui regarde les pauvres dans un zoo. Ils font un cinéma humain, pas misérabiliste."

Avec un emploi du temps chargé, des projets plein la tête, un enthousiasme communicateur, un humour aussi franc qu'incorrect, Satrapi a un moteur qui tourne à l'envie. La vie est courte : il faut la remplir.

Dinard 2012 : Riz Ahmed et le rappeur Plan B, deux nouvelles faces du cinéma britannique

Posté par vincy, le 5 octobre 2012

Premier choc du Festival du film britannique de Dinard, Ill Manors, de Ben Drew, alias Plan B. Avec neuf acteurs principaux au générique, et autant d'histoires individuelles qui se mélangent pour dessiner le portrait d'un quartier malfamé de Londres, à l'écart de la flamboyante ville olympique et de la City financière, Ill Manors a reçu des applaudissements nourris de la part du public et semble avoir enthousiasmé le jury.

Le film devrait sortir au premier trimestre 2013 en France. Un premier long métrage qui flirte du côté de Danny Boyle, Guy Ritchie et consorts pour les effets et le sujet. Ben Drew a fait fort dès son premier passage au cinéma, au point qu'on est légitimement en droit de se demander s'il n'a pas tout balancé pour cet essai brillant et de s'inquiéter pour le suivant. Ce rappeur, auteur, chanteur, acteur (Adulthood, Harry Brown, The Sweeney) a grandit dans les quartiers Est de Londres. Avec son hit "She Said" et son album "The Defamation of Strickand Banks", il a conquis les charts en 2010. Il a reçu plus de 16 prix à date dans différentes cérémonies musicales. Dans Ill Manors, le rap est omniprésent, tout comme un langage très slammé. Mais ici les chansons n'illustrent pas des séquences, elles sont les séquences. Avec le texte, et le rythme emballant, elles racontent la vie des personnages en deux trois minutes, façon flash back accéléré. C'est une des astuces de la narration, inspirée et créative, du film.

Film conceptuel ou presque, Ben Drew avait également sorti le premier single en mars dernier (vidéo clip). Son film est en effet accompagné d'un album éponyme sorti en juin (écoutez-le sur Deezer). Deux singles ont déjà suivi. Une tournée est en cours...

Au milieu d'un casting impeccable, se détache la figure de Riz Ahmed. Pas que son rôle soit plus prépondérant que les autres, mais son personnage a une dignité et une éthique que ses camarades ou rivaux n'ont pas. Il est la petite lueur qui brille dans ce monde de noirceur et de violence, avec ses rites sauvages et ses règles codées.

Riz Ahmed est l'un des talents les plus prometteurs du cinéma britannique actuellement. A 30 ans, cet anglo-pakistanais a le vent en poupe. C'est Michael Winterbottom qui lui offre son premier rôle dans The Road to Guantanamo en 2006. Il alterne la scène avec le petit et le grand écran. Nommé en 2008 comme meilleur acteur aux British Independent Films Awards pour son personnage de dealer de drogue dans Shifty, il enchaîne avec les films de Sally Potter (Rage), Jean-Jacques Annaud (Or noir), une comédie avec des terroristes (Four Lions), retrouve Winterbottom (Trishna) et obtient le rôle principal de The Reluctant Fundamentalist, de Mira Nair, qui a fait l'ouverture du Festival de Venise cette année.

Comme Plan B, Ahmed fait aussi de la musique, sous le nom de Riz MC. Il a sorti son premier album l'an dernier, "MICroscope", après de multiples singles. L'un d'entre eux, "Shifty", était la chanson du générique du film du même nom qui lui avait valu d'être reconnu par la profession. Il s'agissait d'un trio avec Sway et... Plan B.

Dinard 2012 : The so britiiiiiiiiish Festival is « ouvert »

Posté par kristofy, le 5 octobre 2012

patrick bruel copyright ecran noirLe 23ème Festival Britannique de Dinard déroule une nouvelle fois le tapis rouge vers son Palais, refait à neuf, à la crème du cinéma d’outre-Manche. Les organisateurs Sylvie Mallet et Hussam Hindi notent cette année que la tendance va vers un peu moins de noirceur : « Les réalisateurs délaissent la guerre, la crise et le chômage pour se consacrer au pur cinéma et aux films de genre. Comme une envie de tourner la page des années 2000, on pense à demain, il y a une volonté que les choses soient mieux que hier ».

La cérémonie d'ouverture, un peu longue, parfois drôle, très décalée, parfois pas du tout calée, a permit à la Maire de Dinard de faire un discours surréaliste sur le cinéma. Et au présentateur, Mister Rose, et ses rosettes, de s'amuser sur scène. Il fallait bien cette frivolité pour nous faire digérer le film d'ouverture gallois, Hunky Dory, patchwork invertébré et complaisamment mélancolique, sauvé par les acteurs et les musiques de David Bowie. Hussam Hindi voulait, à l'origine faire un focus sur le cinéma gallois. Il a, de manière politiquement incorrecte, avoué qu'il n'y avait pas de bons films gallois, hormis celui-ci. On imagine le niveau des autres...

Cette année le jury est présidé par Patrick Bruel (à part le maître de cérémonie, personne n'a osé lui faire "Patriiiiick!"), entouré de plusieurs acteurs, réalisateurs, scènaristes, producteurs : Marjane Satrapi, Maria de Meideiros, Raza Jaffrey, Célia Imrie, Adrian Hodges, Jérémie Elkaïm (absent hier soir), Stephen Dillane, Josée Dayan, Catherine Corsini et Cyril Colbeau-Justin (voir également actualité du 31 août). A eux de départager les 6 films en compétition pour le Hitchcock d’or, après Tyrannosaur de Paddy Considine l’année dernière.

Dinard célèbre en même temps plusieurs anniversaires à travers des évènements. Il s’agit des 50 ans de l’espion au service de sa Majesté, avec l’occasion de revoir les différents visages de l’agent 007 de James Bond contre docteur No à Casino Royale. Le premier film avec James Bond était sorti le 5 octobre 1962, et ce 5 octobre 2012 c’est le Bond Day : à Dinard ce soir et dans plusieurs cinéma à travers le monde sera projeté le documentaire Everything or Nothing, the untold story of 007 de Stevan Riley.

Cette année c’est aussi le 200ème anniversaire de la naissance de Charles Dickens, un des écrivains les plus célèbre du Royaume-Uni, et pour l’occasion plusieurs courts-métrages, documentaires et films inspirés de ses romans sont à Dinard, dont ceux de Roman Polanski, Carol Reed ou David Lean.

Les classiques seront revisités, comme par exemple la version restaurée de Tell me lies de Peter Brook, récompensé à Venise en 1968 mais jamais sorti en France.

Dinard rend hommage rendus à l’acteur Tom Courtenay, qui a traversé Docteur Jivago de David Lean en 1946, La solitude du coureur de fond de Tony Richardson en 1962 (il y a 50 ans aussi), L’habilleur de Peter Yates en 1983… Depuis il a été anobli par la reine pour services rendus à l’industrie du cinéma et du théâtre. Présent sur scène jeudi soir, Sir Tom Courtenay est aussi à Dinard pour une master-class avec le public lors de laquelle il est revenu sur son passionnant parcours et aussi sur le mouvement du ‘free cinema’ britannique.

Dinard 2010 : un cinéma britannique rayonnant mais menacé

Posté par kristofy, le 21 octobre 2010

Le temps de quelques jours, la ville de Dinard devient chaque année la capitale du cinéma britannique. L’équipe du Festival, emmenée par la présidente Sylvie Mallet et son directeur artistique Hussam Hindi, s’attache à faire découvrir un large panorama de la production actuelle avec aussi bien les prochaines comédies à succès que les drames plus fragiles et même les films de genre. Une des particularités de Dinard est de ne pas se contenter de servir de tremplin aux films avant leur sortie française déjà programmée, mais plutôt de valoriser des œuvres sans distributeur, pour que toute la diversité du cinéma d’outre-manche puisse trouver une résonance en France.

Les films britanniques représentent traditionnellement la 3ème cinématographie dans nos salles (les spectateurs vont d’abord voir les films français et américains), mais il est à craindre que cette part se réduise de plus en plus. L’année 2010 a reçu un rude choc : le UK Film Council (équivalent de notre CNC) a disparu, voir notre article du 27 juillet. C’est autant de moyens en moins pour la production, la promotion, et la diffusion du cinéma britannique. Cependant le véritable problème est en fait plus proche de nous : la toujours plus grande frilosité des distributeurs français.

Si l’on revient un instant sur l’édition 2009 du festival de Dinard, on remarque quantités de films qui auraient dû sortir en salles, mais leurs distributeurs ont préféré se reporter sur une sortie direct-to-dvd. Tel a été le sort de Moon de Duncan Jones, pourtant une des plus belle surprises de l’année dernière, il en a été de même pour la comédie Lesbian Vampire Killers. Christopher Smith a encore moins de chance puisque son film de genre très réussi Triangle est toujours perdu pour la France, le réalisateur est revenu à Dinard cette année pour son nouveau Black Death qui devrait sortir au printemps 2011… peut-être.

Pourtant il y a eu des sorties sur grand écran dans d’autres pays de l’Europe. Le joli film Kisses de Lance Daly circule dans les salles indépendantes aux Etats-Unis (soutenu par Oscilloscope Laboratories, société de Adam Yauch des Beastie Boys) mais aucun distributeur pour nos salles ‘art et essai’ françaises. Le réalisateur Shane Meadows était lui aussi de retour à Dinard (son festival préféré), et bien qu’il soit devenu rien de moins que le nouveau cinéaste majeur anglais (Dead Man’s Shoes, This is England, Sommers Town…) son film de l’année dernière, Le Donk & Scor-Zayz-Zee, risque de n’être jamais vu en France.

Heureusement, le Hitchcock d’or (principale récompense à Dinard) peut donner un coup de pouce. Ainsi en 2009 White Lightnin’ de Dominic Murphy (qui n’avait aucun distributeur) a pu sortir en salles suite au coup de cœur de Carole Scotta (distributrice de la société Haut et Court).

Toutefois, bonne nouvelle : dans les mois à venir, le cinéma britannique va continuer de rayonner de belle manière en France car les films les plus applaudis de ce 21ème Festival du Film Britannique de Dinard ont d'ores et déjà une date de sortie. Le 8 décembre il y aura en même temps Nowhere Boy de Sam Taylor-Wood et Four Lions de Chris Morris, puis Faites le mur de Banksy et Another Year de Mike Leigh. Au printemps 2011 sortiront We Want sex de Nigel Cole, Mr Nice de Bernard Rose, Neds de Peter Mulan. Cherry Tree Lane de Paul Andrew Williams, Exam de Stuart Hazeldine, Soulboy de Shimmy Marcus et Black death de Christopher Smith devraient également arriver sur les écrans français… à moins d’une sortie directe en dvd ? L’icône de Dinard Alfred Hitchcock avait déclaré « un film n'est pas une tranche de vie, c'est une tranche de gâteau ». Il pourrait encore le dire aujourd’hui.