Cannes 2019 : La diversité se taille une place de choix

Posté par wyzman, le 2 juin 2019

Cette année plus que jamais, le Festival de Cannes semble s’être entièrement réconcilié avec la diversité. Qu’il s’agisse de diversité raciale, sexuelle ou religieuse, les différentes sections et sélections n’ont jamais été aussi ouvertes et représentatives du monde qui nous entoure.

Des films arc-en-ciel

Après les succès de 120 battements par minute et Plaire, aimer et courir vite, la communauté LGBT était dans les starting-blocks. Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma nous a offert une jolie leçon d’amour lesbien tandis que Roubaix, une lumière d'Arnaud Desplechin a brillé par son couple de femmes en tête d’affiche (Léa Seydoux et Sara Forestier). Malgré les polémiques liées au nombre de fesses visibles et à son cunnilingus non-simulé de 13 minutes, Mektoub, my love : intermezzo a brillé par son jeu sur la sensualité de ses héroïnes.

Présenté dans la section Un Certain regard, Nina Wu de Midi Z s’est offert une héroïne lesbienne comme on en voit peu. Port Authority de Danielle Lessovitz s’est fait remarquer par la présence de sa toute première femme transsexuelle et de couleur en tête d’affiche à Cannes (Leyna Bloom). Le film, centré sur l’histoire d’amour compliquée entre un homme cisgenre et une femme transsexuelle, fait la part belles aux personnes transgenres ainsi qu’aux homosexuels.

Et les homosexuels étaient loin des placards cette année à Cannes. Du Rocketman de Dexter Fletcher à Douleur et Gloire de Pedro Almodovar en passant par Matthias et Maxime de Xavier Dolan, la sélection officielle nous a offert une belle galerie d’hommes gays ou bisexuels aux sensibilités et attitudes différentes. Du côté de la Quinzaine des Réalisateurs, ce sont les héros de And then We Danced de Levan Akin et Tlamess d’Ala Eddine Slim qui nous ont émus.

Des sélections métisses

Trop longtemps perçu comme « blanc », Cannes s’est paré de mille couleurs continuer à être le plus grand festival de cinéma au monde. Si personne n’a été surpris par les personnages asiatiques de Parasite de Bong Joon-ho et Le Lac aux oies sauvages de Diao Yi’nan, les distributions de Bacurau de Juliano Dornelles et Keleber Mendonça Filho et Atlantique de Mati Diop ont été remarqués. Le premier, une fable futuriste mais réaliste, s’est illustré par sa grande représentativité et diversité ethniques quand le second, hommage aux Sénégalais qui rêvent d’un avenir meilleur mais continuent de se noyer dans l’océan Atlantique, s’est démarqué par son panel de femmes fortes.

Bien visibles dans Port Authority, les Noirs n'ont pas souffert d'une représentation erronée voire honteuse avec Les Misérables de Ladj Ly — à l’instar des Maghrébins et des musulmans de France. Malgré un résultat vain, Le Jeune Ahmed des frères Dardenne avait au moins le mérite de proposer une plongée inédite (à leur niveau) dans l'Islam radical, à quelques mètres des clichés. Même son de cloche dans Mektoub, my love : intermezzo où les protagonistes d’origine tunisienne n’ont jamais souffert de leur couleur de peau. Il en va de même pour Frankie d’Ira Sachs : la couleur de peau de la belle-fille fictive d’Isabelle Huppert, de son époux et de leur fille n’a jamais été mentionnée !

A la Quinzaine des Réalisateurs, Alice et le Maire de Nicolas Pariser et Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky ont amené avec eux des personnages féminins forts, joués par des actrices de couleur (Léonie Simaga et Lauren ‘Lolo’ Spencer). La trame autour du vaudou haïtien a permis à des acteurs noirs (Juan Paiva, Wislanda Louimat) de se greffer au casting de Sick, Sick, Sick d’Alice Furtado et Zombi Child de Bertrand Bonello. Impossible de ne pas mentionner les deux femmes d’origine maghrébine qui ont revitalisé la Quinzaine, j’ai nommé Zahia Dehar et Mina Farid, sublimes héroïnes d’Une Fille facile de Rebecca Zlotowski. Enfin, une mention spéciale mérite d’être attribuée à Kiki Layne pour sa belle interprétation de fantôme en Valentino dans The Staggering Girl de Luca Guadagnino !

Cannes 2019 : La star du jour… Isabelle Huppert

Posté par wyzman, le 21 mai 2019

Star parmi les stars, Isabelle Huppert est à 66 ans un véritable monument du cinéma mondial.

Rare actrice à avoir obtenu deux Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes (Violette Nozière en 1978, La Pianiste en 2001), elle est avant tout la personnalité disposant du plus grand nombre de films en sélection officielle : 21 au total.

Avec les récents Elle de Paul Verhoeven (2016, sélection officielle) et L’Avenir de Mia Hansen-Løve (Quinzaine des Réalisateurs), on l’a aussi récemment vue sur la Croisette dans Happy End de Michael Haneke (sélection officielle) et La Caméra de Claire (2017, séance spéciale).

Outre une participation jury en 1984, elle a présidé celui-ci en 2009. Cette année, Isabelle Huppert présente Frankie d’Ira Sachs, l’histoire d’une célèbre actrice française qui se sait malade et décide de passer ses dernières vacances entourée de ses proches, au Portugal.

Cannes 2019: les films qu’on aimerait y voir (2/2)

Posté par redaction, le 14 avril 2019

Portrait de la jeune fille en feu, Jeanne, C'est extra, Une fille facile, Sybil, Proxima côté français. Lav Diaz, Cristi Puiu, Ari Aster, Kiyoshi Kurosawa, Corneliu Porumboiu, Atom Egoyan, Pavel Lounguine, Pedro Costa, Lou Ye côté grands noms du cinéma d'auteur international. On serait surpris de ne pas voir ces cinéastes sur la Croisette cette année. La Quinzaine a déjà préempté le Dupieux en ouverture. Mais quelques films pressentis, comme Ad Astra de James Gray (aux effets spéciaux pas prêts) ou Roubaix, une lumière d'Arnaud Desplechin (reparti en montage), pourraient manquer le rendez-vous. Il reste malgré tout de la place, toutes sections et sélections confondues pour quelques surprises et, rêvons, satisfaire quelques rêves.

About Endlessness de Roy Andersson
Lion d'or à Venise il y a cinq ans pour Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence, le vénérable et rare cinéaste suédois pourrait revenir sur la Croisette 19 ans après Chansons du deuxième étage. L'étrangeté du ton et la singularité du style devraient une fois de plus se mettre au service de ce récit à multiples histoires cherchant la rareté et la beauté de l'existence à travers divers personnages. Une fois de plus, on imagine bien un film oscillant entre burlesque et tragédie, pas loin d'un surréalisme appuyé par une voix-off plutôt que des dialogues, minimalistes. Une volonté d'universalisme qui séduira, dérangera ou laissera à distance.

Adoration de Fabrice du Welz
Le réalisateur belge de Calvaire et Alleluya, après un détour par Hollywood, revient à un thriller européen avec Thomas Gioria, Fantine Harduin, Benoît Poelvoorde, Béatrice Dalle et Laurent Lucas.. Bien évidemment Cannes a un œil sur lui : il y a été découvert à Cannes en 2005 (à La Semaine de la Critique) avec Calvaire, Vinyan jugé trop radical sera en fait à Venise en 2008, et retour à Cannes en 2014 (à La Quinzaine des Réalisateurs) avec Alléluia. Ici c'est l'histoire d'une rencontre entre Paul, jeune garçon de 12 ans qui vit avec sa mère au milieu d’une forêt, et Gloria, une adolescente schizophrène qui a pris la fuite. Le film vient d'être terminé cette semaine. On imagine bien ce drame horrifique en séance de minuit...

La prochaine fois le feu de Mati Diop
Ce premier film a été tourné à Dakar en wolof. Fille de chanteur, l'actrice de 35 rhums de Claire Denis se lance enfin dans un long métrage après une série de courts et moyens (Last Night, Atlantiques, Snow Canon, Big in Vietnam, Mille soleils) primés à Amiens, Lisbonne, Rotterdam (deux fois Tigre du meilleur court métrage) et une sélection à Venise. Entre lutte des classes et phénomènes étranges, ce portrait d'une jeunesse sénégalaise sous forme de fable devrait démontrer à quel point la cinéaste est une conteuse audacieuse. Anecdote: le film porte le même titre qu'un livre de James Baldwin.

Lucy in the sky de Noah Hawley
Avec sans doute Proxima d'Alice Winocour, et en l'absence d'Ad Astra, on pourrait s'envoyer en l'air dans l'espace avec ce drame SF du créateur de la série "Fargo". Le titre qui est celui d'une chanson d'Elton John (coucou Rocketman) est assez explicite. Lucy (Natalie Portman) est dans le ciel. Il s'agit là d'une astronaute qui revient sur terre après une mission qui a changé son existence au point de s'en remettre difficilement et de perdre le sens de la réalité. La question est de savoir si Fox Searchlight vise Cannes ou Venise, qui a plus d'empathie pour les films de ce genre (Gravity, First Man). Pour Portman, ce sera l'occasion de revenir sous les spotilights après Planetarium de Rebecca Zlotowski (échec), Song to song de Terrence Malick (sortie confidentielle), Annihilation de Alex Garland (sortie Netflix), Ma vie avec John F. Donovan de Xavier Dolan (sorti uniquement en France), Vox Lux de Brady Corbet (à Venise mais toujours pas sorti).

Little Joe de Jessica Hausner
Sélectionnée trois fois à Cannes, à chaque fois à Un Certain Regard (Lovely Rita, Hotel et Amour Fou), la réalisatrice de Lourdes a terminé son nouveau drame psychologique, et son premier film en anglais. Emily Beecham (The Calling) et Ben Whishaw (révélé à Cannes avec Bright Star de Jane Campion) sont des éleveurs de plantes quand l'une d'elle semble modifier la personnalité de ceux, humains ou animaux, qui la touchent. On voit mal cette chérie des grands festivals échapper à la Croisette, surtout avec une histoire aussi fascinante sur le papier.

Against All Enemies de Benedict Andrews
Les rumeurs sont contradictoires: la presse professionnelle l'a annoncé comme certain à Cannes, mais d'autres sources affirment que le film, acquis par Amazon, serait plutôt positionné pour Venise. Peu importe, on a envie de voir Kristen Stewart en Jean Seberg. On sait pourquoi l'actrice, membre du jury, avait à un moment donné les cheveux très courts et très blonds : elle incarnait la célèbre actrice immortalisée dans A bout de souffle dans cette histoire vraie qui raconte comment elle se battait pour les droits civiques et fréquentait l'indésirable Hakim Jamal (Black Panthers) tout en étant espionnée par le FBI. Période trouble... Le casting comprend Jack O'Connell, Anthony Mackie, Vince Vaughn et Yvan Attal en Romain Gary. On avoue que tout ça fait saliver.

It Must Be Heaven d'Elia Suleiman
17 ans après Intervention divine (prix du Jury) et dix ans après Le temps qu'il reste (son dernier film en date), le cinéaste palestinien, très rare, manque un peu au paysage cinématographique mondial avec son sens de l'humour décalé et ses images poétiques. On a forcément envie de voir sa nouvelle comédie humaine, (où l'erreur est source de gags), où l'identité et son pays, la Palestine, sont le fil conducteur. Tout comme Jacques Tati, il se met en scène dans cet environnement absurde, où son personnage fuit la Palestine pour se rendre compte qu'elle ne le quitte jamais.

Yesterday de Danny Boyle
Yesterday ça ressemble au titre d’une chanson des Beatles, mais si les Beatles n’avaient jamais existé pour personne sauf dans les souvenir d’un jeune chanteur ? Il n'y a pas qu'Elton John qui devrait faire swinguer Cannes. Les Beatles (ou plutôt l'absence des Beatles) sont de retour avec Richard Curtis, roi de la comédie anglaise au scénario, et Danny Boyle, cinéaste oscarisé, aux manettes. Dès la révélation de la bande annonce, l'histoire folle d'un musicien anglais (Himesh Patel), qui cherche à percer. Or, pour des raisons inconnues, après une panne de courant générale et un choc violent avec un bus, il est le seul à se souvenir des Beatles. Il reprend leurs chansons et connaît vite un succès mondial. Un feel-good movie sur la Croisette, Hey dude!

Frankie d'Ira Sachs
Premier film hors des USA pour Ira Sachs, avec un casting cinq étoiles: Isabelle Huppert, Marisa Tomei, Greg Kinnear, Jeremie Renier et Brendan Gleeson. Habitué aux festivals d'automne, cette- fois-ci, avec un producteur français, l'américain pourrait faire son entrée sur la Croisette. Trois générations de personnages vont vivre une journée à Sintra au Portugal qui va changer leur vie. Ira Sachs est l'un des cinéastes dont l'écriture fine n'est pas encore appréciée à sa juste valeur. Des films comme Keep the Lights On, Love Is Strange, Forty Shades of Blue ou le récent Brooklyn Village ont pourtant été chouchoutés par la critique.

Bacurau de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles
Après Aquarius, on veut évidemment retrouver le cinéaste brésilien. Avec deux géants, Udo Kier et Sonia Braga, le drame aux allures de western dans un futur proche se déroule cette fois-ci dans l’ouest de l’état de Pernambouc. Là encore, le cinéaste explore une communauté qui se bat contre un système qui les méprise. Le film devrait une fois de plus être l'occasion pour Cannes d'être une vitrine contestataire à la situation politique brésilienne.