De global, Netflix devient "glocal". La compagnie californienne continue de s'étendre. Tout d'abord à Paris. La société a annoncé la semaine dernière la réouverture d'une antenne parisienne (deux ans après sa fermeture). Cela va commencer avec trois nouvelles séries françaises, quatre films "originaux" et un documentaire. Jusque là, Netflix a produit la série en deux saisons Marseille, et développe avec Capa Drama la série Osmosis, avec Hugo becker et Agathe Bonitzer, et la sitcom Plan cœur, réalisée par Noémie Saglio (Connasse, princesse des cœurs) et Renaud Bertrand, et interprétée par Zita Hanrot, Sabrina Ouazani et Joséphine Draï.
De nouveaux projets
Netflix, qui avait promis de développer son offre française il y a quelques mois, a confirmé ses projets: la sitcom Family Business de Igor Gotesman (Five), sur l'ouverture d'un premier coffee shop en France, la série horrifique Marianne, coécrite par Samuel Bodin et Quoc Dang Tran (Dix Pour Cent, Nox) et la série Vampires, d'après le livre de Thierry Jonquet.
A cela s'ajoute quatre films: Banlieusards de Kery James et Leila Sy, avec Bakary Diombera, Jammeh Diangana et Kery James ; La Grande Classe, de Rémy Four et Julien War avec Jérôme Niel ; la romance Paris et une fête d'Elisabeth Vogler, avec Noémie Schmidt, Grégoire Isvarine et Lou Castel ; le docu Solidarité, de Stéphane de Freitas (À voix haute).
Sans oublier, la nouvelle version d'Arsène Lupin, avec Omar Sy dans le rôle du gentleman cambrioleur dans une série qui vise un public mondial.
Déjà installée à Londres et Amsterdam, Netflix va donc revenir à Paris, pour mieux se rapprocher de ses 3,5 millions d'abonnés (la plateforme en comptabilise 130 millions dans le monde). Après l'annonce d'une base de production à Madrid il y a trois mois, portée par le carton mondial de La Casa del Papel et par l'ambition d'inonder l'Amérique latine de productions hispanophones, Netflix a également révélé le 1er octobre qu'un quatrième bureau en Europe serait ouvert dans la capitale espagnole. Là encore il s'agit de se rapprocher de ses abonnés en leur offrant un contenu local, et exportable. La Casa del Papel est la série non-anglophone la plus vue de l'histoire de la plateforme dans le monde, au point de commander une troisième saison, exclusivement pour Netflix.
La bonne nouvelle c'est que la compagnie va reverser une part de ses revenus au système de production français et espagnol (2% en France), comme tous les diffuseurs.
Une grosse vague de concurrents
Cette stratégie anticipe sans doute le déferlement de concurrents (Salto pour les Français France Télévisions-TF1-M6, Disney et Hulu, Nordic 12 par les TV publiques scandinaves, etc...). D'autant que France Télévisions a récemment déclaré qu'elle ne cèderait plus les droits de ses programmes à Netflix (actuellement on peut y voir Dix pour Cent par exemple). Les fournisseurs de contenus de Netflix deviennent ses concurrents. Autant produire soi-même ses contenus dans ce cas. Car, en plus de cela, la législation européenne veut imposer un quota de 30% de programmes européens pour les plates-formes de streaming (et en cas de Brexit dur, est-ce que ça comprendra les productions britanniques?).
Mais Netflix est confronté à un autre problème. La guerre avec le Festival de Cannes, qui ne veut plus mettre en compétition des films qui ne seront pas projetés en salles, et la polémique avec le Festival de Venise, où Roma d'Alfonso Cuaron a remporté le Lion d'or alors qu'il ne sera peut-être pas diffusé au cinéma, montrent les crispations du secteur contre la plateforme. Avec ou sans chronologie des médias, les exploitants de plusieurs pays voient en Netflix un ennemi. La plateforme l'a bien compris, tout comme elle a saisi que les Oscars ne changeraient pas leur règlement, obligeant un film qui veut concourir à être projeté à New York et Los Angeles avant le 31 décembre.
Des films Netflix en salles (sauf en France)
Netflix met donc de l'eau dans son vin. Déjà avec Okja, la Corée du sud avait réussi à imposer une sortie en salles. Ce sera aussi le cas de Wolf Brigade. Le film 22 July, de Paul Greengrass, en compétition à Venise et prévu pour le 10 octobre sur Netflix, sera finalement lancé dans une centaine de salles dans le monde, notamment dans les grandes villes américaines, malgré le refus des réseaux AMC et Regal. Il sortira aussi dans les pays scandinaves le 4 octobre pour une semaine d'exploitation, mais également à Toronto, au Royaume Uni, en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Benelux et en Pologne.
Même procédé avec le nouveau film de Tamara Jenkins, Private Life, qui sera distribué dans une vingtaines de salles (New York, Los Angeles, Londres, Toronto...). Le nouveau film des frères Coen, The Ballad of Buster Scruggs, le film achevé d'Orson Welles, The Other Side of the Wind, et le film de David Mackenzie, Outlaw king, pourraient bénéficier de la même stratégie. Tout comme Roma afin qu'il puisse être nominable aux Oscars.
Cela ne changera rien pour la France. Hormis les festivals qui peuvent diffuser les films Netflix - ce sera le cas de Lumière à Lyon qui proposera le Orson Welles comme le Alfonso Cuaron -, la chronologie des médias, y compris celle qui est actuellement en discussion, empêche des sorties simultanées en salles et SVàD. Avec une victime: le cinéphile.