Les Guildes américaines choisissent leurs favoris de l’année

Posté par vincy, le 9 janvier 2014

Les trois plus importantes guildes américains ont dévoilé leurs différents favoris ces derniers jours. Un avant-goût pour les Oscars, même si, on l'a vu l'an dernier, cela ne signifie pas qu'ils soient nommés automatiquement pour la statuette suprême. Le vote pour les nominations aux Oscars s'est clos hier.

On notera que trois films sont distingués par toutes les guildes : Capitaine Phillips, Le Loup de Wall Street et American Bluff.

Guilde des Producteurs / Darry F. Zanuck Award

12 Years a Slave
American Hustle (American Bluff)
Blue Jasmine
Captain Phillips (Capitaine Phillips)
Dallas Buyers Club
Gravity
Her
Nebraska
Saving Mr. Banks (A l'ombre de Mary)
The Wolf of Wall Street (Le Loup de Wall Street)

Notons que la productrice Megan Ellison (et sa société Annapurna Pictures) voit deux de ses films retenus : American Bluff et Her.

Guilde des Réalisateurs

Alfonso Cuaron (Gravity)

Paul Greengrass (Capitaine Phillips)

Steve McQueen (12 Years a Slave)

David O. Russell (American Bluff)

Martin Scorsese (Le Loup de Wall Street)

C'est la 8e nomination pour Scorsese (qu'il a obtenu ce prix une seule fois, en 2006 pour Les Infiltrés), la seconde pour Russell (The Fighter, il y a deux ans) et la première pour les trois autres cinéastes.

Guilde des scénaristes

Adaptations

Tracy Letts (August: Osage County)
Richard Linklater, Julie Delpy et Ethan Hawke (Before Midnight)
Billy Ray (Capitaine Phillips)
Peter Berg (Du sang et des larmes)
Terence Winter (Le Loup de Wall Street)

Scénario original

Eric Warren Singer et David O. Russell (American Bluff)
Woody Allen (Blue Jasmine)
Craig Borten et Melisa Wallack (Dallas Buyers Club)
Spike Jonze (Her)
Bob Nelson (Nebraska)

Pour Woody Allen, 5 fois vainqueur de ce prix, il s'agit de sa 21e nomination. Un record.

Wall Street : 7 films pour comprendre la folie boursière

Posté par vincy, le 26 décembre 2013

Michael Douglas Leonardo DiCaprio Kevin Spacey

Si Le Loup de Wall Street a un défaut majeur, c'est bien celui d'une impression de déjà vu. Pas seulement parce que le film de Martin Scorsese est une sorte de réplique de Casino, mais aussi parce que l'univers des traders à Wall Street a déjà inspiré des films qui nous ont donné de véritables leçons de finances.

En 7 films, Hollywood a fait le tour de la folie des traders, des effets d'un crash boursier, de l'immoralité des transactions financières et autres OPA et IPO...

- Wall Street (1987). Oliver Stone. Michael Douglas aura un Oscar pour son personnage de requin, Gordon Gekko. C'est de manière indéniable le plus sensationnel et limpide des films sur la spéculation et la superficialité de ce métier. Stone n'avait pas seulement introduit le téléphone portable dans un film, il avait signé un pamphlet anti-libéral en réaction à l'idéologie économique dominante des années 80. Ironiquement, le film avait pour titre de travail Greed (Cupidité). L'un des 7 péchés capitaux.

- Wall Street : l'argent ne dort jamais (2010). Après la crise financière de 2008, Oliver Stone décide de retrouver Gekko. 23 ans après, les enjeux ont peu changé, mais les moyens ont fortement progressé pour faire du cash rapidement, par dessus la justice. Wall Street n'est que l'atome principal d'un monde qui décide de l'avenir d'un pays ou d'une entreprise dans des paradis fiscaux ou des villes comme Londres. Le film a été présenté à Cannes. Moins bon, certes, mais d'actualité hélas.

- Margin Call (2011). J.C. Chandor. Une crise financière, de l'intérieur. Comme un huis-clos où se joue l'avenir d'un monde, en l'occurrence une vénérable société de Wall Street. Paul Bettany, Kevin Spacey, Jeremy Irons, Stanley Tucci... autant de requins qui vont voir leur vie basculer en quelques heures. C'est aussi le premier film sur l'arnaque des comptes financiers de ces sociétés d'investissement. Le chateau de cartes s'écroule d'autant plus facilement que tout cela n'est que du vide. Et là encore, l'éthique n'est pas forcément la muse de ces "rois" qui restent impuissant dans la débacle. Un scénario écrit en quelques jours et qui sera nommé aux Oscars.

- Un fauteuil pour deux (1983). John landis. Eddie Murphy, dans l'un de ses premiers grands rôles, et Dan Aykroyd sont réunis pour le casse boursier de la décennie. Outre la fable sociale (la roue de la fortune tourne, le mépris des pauvres, l'impunité des riches), cette comédie est typique des années Reagan : la foi en l'argent. Mais grâce au duo de comédiens, c'est féroce et drôle. Le pire est que l'opération boursière est inspirée d'un fait réel. Au fil des ans, le film est devenu culte et reste un modèle dans le genre.

- Le bucher des vanités (1990). Brian De Palma. Tom Hanks, Bruce Willis, Melanie Griffith, et un roman de Tom Wolfe. C'était l'affiche parfaite. Ce sera le fiasco grandiose. Même si le film n'est pas réussit, ce qu'il évoque mérite qu'on s'y attarde. Il est à ranger dans la catégorie : je suis un faiseur de fric made in Wall Street, je suis invincible, et même insoupçonnable. Le bucher pour le vaniteux. De Palma s'intéresse davantage au puissant qui s'écroule pour un fait divers, et à cette impunité qu'ils ont dans leur ADN.

- American Psycho (2000). Mary Harron. Film détesté à sa sortie, sans doute parce qu'il a trahit le roman de Bret Easton Ellis, ce drame gore a surtout permis de poser un fondamental dans le cinéma : le métrosexuel lubrique, obscène, et sans morale incarné par Christian Bale. Il travaille à Wall Street (même si on ne le voit jamais bosser, parabole d'une activité professionnelle qui n'a aucun sens pour la société), il est donc dérangé. Comme DiCaprio est addict aux drogues et aux chattes, Bateman est accro au sexe et au sang.

Inside Job ( (2010). Charles Ferguson. Ce documentaire, avec Matt Damon en producteur et en guest, est un outil pédagogique incontournable pour comprendre la crise financière de 2008, dans sa globalité et dans ses effets : des millions de gens ont perdu leur job, leur maison. Des experts de plusieurs pays retracent les causes, les faits, les conséquences. C'est froid, clinique, terrifiant. Et le film a été oscarisé dans la catégorie documentaire. Dans le genre, il y a aussi Cleveland contre Wall Street.

Leonardo DiCaprio : un loup à Hollywood

Posté par geoffroy, le 24 décembre 2013

martin scorsese leonardo dicaprio

Le loup de Wall Street est la cinquième collaboration entre l’acteur Leonardo DiCaprio et le réalisateur Martin Scorsese depuis leur première rencontre (la fresque historique Gangs of New-York) sorti il y a 11 ans.

La date, comme le film, est charnière, puisqu’elle annonce, dans la fureur et le sang, l’explosion artistique d’un acteur encore "bouffé" par son statut d’icône à midinettes suite au succès planétaire de Titanic (1997). Au-delà de la notion même de fidélité entre deux hommes nourris d’une même passion, Gangs of New-York révèle au grand jour les ambitions, forcément hautes, d’un acteur passionné comme obnubilé par l’expertise de son travail autour du jeu. Las d’être sans cesse renvoyé au Jack Dawson de Titanic, DiCaprio va prendre son destin en main pour se construire une carrière brillante, en tout point exigeante, parsemée de choix presque toujours judicieux. Soit l’exact opposé des sirènes entonnées par les studios hollywoodiens. Pour autant, il ne sortira pas du système, ni s’empêchera d’apparaître dans de superbes productions réalisées par les plus grands réalisateurs américains. Sacrifice nécessaire – celle d’une gloire planétaire pas toujours désirée par l’intéressé –, pour obtenir la liberté artistique dans une industrie tellement normée.

Un tel paradoxe est rare, et reflète les raisons de l’amour du public américain envers celui qui aura su, mieux que quiconque, incarner dans ses différents rôles la complexité d’une Amérique à la fascination intacte. Et les figures ne manquent pas pour celui qui a eu très tôt la reconnaissance de ses pairs (même si, paradoxalement, il attend toujours son Oscar). Les figures auront été historiques (Howard Hughes dans Aviator, Hoover dans J. Edgar), littéraires (Jay Gatsby dans Gatsby le magnifique) ou témoins d’une époque (Amsterdam Vallon dans Gangs of New-York, Franck Abagnale Jr. dans Arrête-moi si tu peux, Franck Wheeler dans les Noces rebelles, Calvin Cardie dans Django Unchained, Jordan Belfort dans le Loup de Wall Street). Le reste de sa filmographie ne résiste pas à la notion du rôle dans sa dimension humaine, psychologique, en réaction avec l’environnement dans lequel il se confronte. Il illustre une Amérique tourmentée, fondée sur la violence, les subterfuges, mensonges et autres manipulations, une civilisation du chaos, intime et global, où le génie est toujours valorisée, mais mène souvent à sa propre destruction, où le cerveau est un ennemi intérieur et les pulsions des amies indomptables. Il est la folie américaine, centrée sur sa propre gloire, sonnée par sa chute inévitable, capable de se relever ou de s'amender.

Car, oui, il est presque toujours question avec DiCaprio de combat, de confrontation, d’interaction, de challenge, de perte de contrôle ou de survie. Inception, les Infiltrés, Mensonges d’état, Blood Diamond et, bien évidemment, Shutter Island, ont ceci en commun qu’ils n’enferment jamais l’acteur/personnage dans une case.

leonardo dicaprioL'héritier des géants hollywoodiens, de Cooper à Stewart

DiCaprio se débat alors comme un damné avec son/ses rôles (s) pour le (s) faire exister au-delà du genre ou des codes qui vont avec. Son exigence plaît. Son implication aussi. Sa façon de donner corps à un personnage, à coup sûr. Au point d’en faire parfois de trop, de flirter avec la caricature de l'excès. Néanmoins, il possède ce talent rare, presque magnétique, d’immortaliser après son passage les personnages qu’il aura incarné. En cela il perpétue le mythe propre aux géants d’un âge d’or du cinéma devenu intemporel. Il n’y a pas à sourciller, DiCaprio est une légende vivante, un acteur à part entière reconnaissable entre mille que le public veut voir. Il revendique, par son implication toute particulière, à la liberté du rôle. Peu importe où cela le mène. Une chose est sûre, vous ne l’avez jamais vu sauver le monde dans un blockbuster quelconque ou bien faire rire aux éclats la ménagère de plus de cinquante ans dans une comédie ordinaire. Par peur, évidemment, de devenir l’esclave d’un genre ou d’un rôle (il n’a jamais joué deux fois le même personnage), forcé qu’il serait de se plier aux codes hollywoodiens pour le moins avilissants. Pas étonnant alors que Scorsese en ait fait son égérie, tandis que son ancienne muse, De Niro, diluait son talent, jusqu'à industrialiser son jeu et s'autoparodier, dans des films médiocres.

Un duo très rentable

Le succès de Leonardo, qui dure depuis quinze ans, fait de lui une "bête" du box-office capable de monter un film sur son seul nom. Cette année, il enchaîne les hits, capable de passer de Tarantino à Luhrman en séduisant le plus grand nombre. Rien que dans les années 2000, il a été tête d'affiche de 8 films qui ont passé le cap des 100 millions de $ en Amérique du nord (en recettes ajustées à l'inflation de 2013), dont 4 d'entre eux qui ont rapporté plus de 300 millions de $ dans le monde. Et on comprend mieux le pacte Scorsese/DiCaprio à la lecture des box offices : tous les films du cinéaste avec l'acteur ont été des succès. 4 des 7 plus gros hits du réalusateur sont donc des films avec DiCaprio, Les Infiltrés en tête, puisque c'est le film de Scorsese le plus populaire en Amérique du nord. Le duo cumule ainsi 1 milliard de recettes dans le monde avec 4 films qui ont coûté moins de 400 millions de $.

leonardo dicaprioQuestion de maturité, de choix de carrière, d’exigence artistique. Adoré des studios, il s’est offert une liberté bien plus grande. En effet, si sa filmographie force le respect aussi bien dans son adhésion populaire que dans sa tenue qualitative, il le doit en grande partie aux réalisateurs qui l’ont fait tourner, Scorsese en tête. Avec Christopher Nolan, Clint Eastwood, Danny Boyle, James Cameron, Ridley Scott, Steven Spielberg, Quentin Tarantino, Sam Mendès, Baz Lurhmann ou encore Woody Allen, les conditions de son ambition émancipatrice sont réunies. Au même titre que l’empreinte qu’il est en train de laisser au cinéma comme, jadis, les Brando, Newman, McQueen, DeNiro et plus loin encore Peck, Stewart, Cooper...

En cela; il n'est pas étonnant qu'année après année, DiCaprio soit devenu à chaque fois l'acteur qui comptait, la star qu'on aimait, le futur monument qu'on devinait. Il a transcendé les générations et les publics. Il symbolise ce cinéma hollywoodien d'auteur qu'on apprécie tant. Il est à la fois une marque et un talent. Un monstre sacré et l'acteur d'une époque. Pas étonnant que Le Loup de Wall Street

Il a imposé son visage, ni beau comme un jeune premier, ni gueule comme un acteur mature, juste celui des grands hommes, comme des plus petits, et qui, par leur courage, habileté, petitesse, doute, passion ou désespoir, représentent, chacun à leur manière, une Amérique des possibles constamment torturée par sa propre histoire.