Eli Wallach (1915-2014) : le Roi de Brooklyn est mort

Posté par vincy, le 25 juin 2014

eli wallach

Eli Wallach, né à Brooklyn le 7 décembre 1915, est mort mardi 24 juin, à l'âge de 98 ans, selon une information du New York Times. Wallach est devenu célèbre pour avoir incarné Tuco dans le western spaghetti de Sergio Leone, Le Bon, la Brute et le Truand (il était le truand).

Wallach fait partie de la génération d'acteurs à avoir appliqué la fameuse "méthode" de l'Actor's Studio, dont il fut l'un des pionniers, en contact direct avec Lee Strasberg. Il fait ses débuts au théâtre, à la sortie de la seconde guerre mondiale, gagnant même un Tony Award du meilleur acteur pour une pièce de Tennessee Williams, La rose tatouée, en 1961.

L'un des sept mercenaires

Cinq ans plus tard, il fait ses premiers pas au cinéma chez Elia Kazan (Baby Doll). Premier rôle, tête d'affiche et sans doute sa performance la plus mémorable en propriétaire de champs de coton essayant de séduire la fille convoitée par son concurrent. Il tourne alors avec quelques un des plus grands noms du cinéma : Don Siegel (The Lineup, 1958), Henry Hathaway (Les sept voleurs, 1960), John Huston (Les désaxés, 1961), Martin Ritt (Aventures de jeunesse, 1962). En 1962, il fait partie de l'aventure de La Conquête de l'Ouest d'Henry Hathaway, John Ford et George Marshall. Sans oublier Les sept mercenaires, où il était un mexicain assez retors, pour ne pas dire vicieux, dans le film de John Sturges (1960). Maintenant que Wallach est mort, il ne reste plus que Robert Vaughn (81 ans) en vie parmi tout le groupe.

S'il reste cantonné aux seconds-rôles, il ne cesse de tourner  : western, aventures, parfois quelques comédies, fresque historique (Genghis Khan). On le voit ainsi dans Lord Jim (Richard Brooks, 1965), Opération Opium (Terence Young, 1966), Comment voler un million de dollars (William Wyler, 1966) mais aussi avec Belmondo et David Niven dans Le cerveau (Gérard Oury, 1969).

Pourtant après les années 60, les personnages deviennent moins marquants, trop souvent choisi pour être le shérif, le détective, le général... Il est enfermé dans son image. Les films sont moins intéressants. Il y a quelques exceptions : Independence de John Huston (1976), Les grands fonds de Peter Yates (1977), La théorie des dominos de Stanley Kramer (1977).

oscars 2011 eli wallachUn final flamboyant

C'est vers la fin des années 80 qu'Hollywood se souvient de cet acteur culte des années 60. Martin Ritt lui donne un rôle de médecin dans Cinglée, face à Barbra Streisand. Jack Nicholson (The Two Jakes), Francis Ford Coppola (Le Parrain III, en accro aux bonbons), Irwin Winkler (La Loi de la nuit), Edward Norton (Au nom d'Anna, où il est pour la deuxième foi un rabbin) ressuscitent cet immense acteur, cette gueule d'un cinéma d'antan. En 2010, on l'aperçoit dans l'excellent The Ghost Writer de Roman Polanski et dans le raté Wall Street : L'argent ne dort jamais d'Oliver Stone.

Mais c'est en 2003 qu'Eli Wallach marquera les esprits. Il n'est pas crédité au générique de Mystic River. Mais le symbole est là: le bon, Clint Eastwood, dirige, enfin, le truand.

80 films au compteur. Souvent des rôles de salauds, de méchants, de vilains, avant qu'on ne lui propose des personnages plus empathiques. Une carrière théâtrale très dense et triomphale jusqu'aux années 60 (de George Bernard Shaw à Ionesco, dont il était un grand admirateur, en passant par Jean Anouilh). Une présence continuelle sur le petit écran. Il alternera des choix cinématographiques parfois médiocres avec des pièces de théâtre comme Le journal d'Anne Frank, qu'il joue avec sa femme Anne Jackson et leurs deux filles, et des téléfilms ou séries populaires (comme Urgences ou Nurse Jackie). Il avait raconté son parcours dans une autobiographie, Le bon, la brute et moi, publiée en 2005.

Le secret de sa longévité

Il n'a jamais eu de vocations particulières à devenir comédien. Mais il aimait jouer. Complexé par sa taille (1m70), mari fidèle (il venait de fêter ses 66 ans de mariage avec Anne Jackson!), homme discret, partenaire des plus grands (Brando, McQueen, Monroe, Pacino, Brynner, Fonda, Hepburn, Gable...)  il a été l'un des comédiens les plus respectés et reconnus de sa génération : Nommé Roi de Brooklyn au Welcome Back to Brooklyn Festival en 1998, Oscar d'honneur en 2011, British Award du meilleur espoir en 1957 , un Emmy Award en 1967...

Il aura tourné durant plus de 60 ans. Lors d'une avant-première hollywoodienne, pour un film où il avait comme partenaire Kate Winslet (The Holiday), son épouse ne voyait toujours pas ce ces jeunes et belles femmes lui trouvaient.

Un mélange de charisme, de dérision, d'humilité sans doute. L'Académie des Oscars, en lui décernant une statuette honorifique, soulignait son aspect caméléon, sa capacité à incarner des personnages radicalement différents sans effort, tout en marquant chacune de ses interprétations d'une empreinte marquante.

C'est plutôt dans sa dualité qu'il faut trouver le secret de son jeu. Juif ayant grandit dans un quartier italien (au point de jouer essentiellement des latins au cinéma), époux qui ne jouait jamais les maris de sa femme quand ils étaient partenaires sur les planches, il incarnait au théâtre des petits hommes, "irrités" et "incompris", tandis qu'au cinéma, il appréciait les rôles de "bad guy", pour leur complexité. Truand à vie, mais pas trop.

Wall Street : 7 films pour comprendre la folie boursière

Posté par vincy, le 26 décembre 2013

Michael Douglas Leonardo DiCaprio Kevin Spacey

Si Le Loup de Wall Street a un défaut majeur, c'est bien celui d'une impression de déjà vu. Pas seulement parce que le film de Martin Scorsese est une sorte de réplique de Casino, mais aussi parce que l'univers des traders à Wall Street a déjà inspiré des films qui nous ont donné de véritables leçons de finances.

En 7 films, Hollywood a fait le tour de la folie des traders, des effets d'un crash boursier, de l'immoralité des transactions financières et autres OPA et IPO...

- Wall Street (1987). Oliver Stone. Michael Douglas aura un Oscar pour son personnage de requin, Gordon Gekko. C'est de manière indéniable le plus sensationnel et limpide des films sur la spéculation et la superficialité de ce métier. Stone n'avait pas seulement introduit le téléphone portable dans un film, il avait signé un pamphlet anti-libéral en réaction à l'idéologie économique dominante des années 80. Ironiquement, le film avait pour titre de travail Greed (Cupidité). L'un des 7 péchés capitaux.

- Wall Street : l'argent ne dort jamais (2010). Après la crise financière de 2008, Oliver Stone décide de retrouver Gekko. 23 ans après, les enjeux ont peu changé, mais les moyens ont fortement progressé pour faire du cash rapidement, par dessus la justice. Wall Street n'est que l'atome principal d'un monde qui décide de l'avenir d'un pays ou d'une entreprise dans des paradis fiscaux ou des villes comme Londres. Le film a été présenté à Cannes. Moins bon, certes, mais d'actualité hélas.

- Margin Call (2011). J.C. Chandor. Une crise financière, de l'intérieur. Comme un huis-clos où se joue l'avenir d'un monde, en l'occurrence une vénérable société de Wall Street. Paul Bettany, Kevin Spacey, Jeremy Irons, Stanley Tucci... autant de requins qui vont voir leur vie basculer en quelques heures. C'est aussi le premier film sur l'arnaque des comptes financiers de ces sociétés d'investissement. Le chateau de cartes s'écroule d'autant plus facilement que tout cela n'est que du vide. Et là encore, l'éthique n'est pas forcément la muse de ces "rois" qui restent impuissant dans la débacle. Un scénario écrit en quelques jours et qui sera nommé aux Oscars.

- Un fauteuil pour deux (1983). John landis. Eddie Murphy, dans l'un de ses premiers grands rôles, et Dan Aykroyd sont réunis pour le casse boursier de la décennie. Outre la fable sociale (la roue de la fortune tourne, le mépris des pauvres, l'impunité des riches), cette comédie est typique des années Reagan : la foi en l'argent. Mais grâce au duo de comédiens, c'est féroce et drôle. Le pire est que l'opération boursière est inspirée d'un fait réel. Au fil des ans, le film est devenu culte et reste un modèle dans le genre.

- Le bucher des vanités (1990). Brian De Palma. Tom Hanks, Bruce Willis, Melanie Griffith, et un roman de Tom Wolfe. C'était l'affiche parfaite. Ce sera le fiasco grandiose. Même si le film n'est pas réussit, ce qu'il évoque mérite qu'on s'y attarde. Il est à ranger dans la catégorie : je suis un faiseur de fric made in Wall Street, je suis invincible, et même insoupçonnable. Le bucher pour le vaniteux. De Palma s'intéresse davantage au puissant qui s'écroule pour un fait divers, et à cette impunité qu'ils ont dans leur ADN.

- American Psycho (2000). Mary Harron. Film détesté à sa sortie, sans doute parce qu'il a trahit le roman de Bret Easton Ellis, ce drame gore a surtout permis de poser un fondamental dans le cinéma : le métrosexuel lubrique, obscène, et sans morale incarné par Christian Bale. Il travaille à Wall Street (même si on ne le voit jamais bosser, parabole d'une activité professionnelle qui n'a aucun sens pour la société), il est donc dérangé. Comme DiCaprio est addict aux drogues et aux chattes, Bateman est accro au sexe et au sang.

Inside Job ( (2010). Charles Ferguson. Ce documentaire, avec Matt Damon en producteur et en guest, est un outil pédagogique incontournable pour comprendre la crise financière de 2008, dans sa globalité et dans ses effets : des millions de gens ont perdu leur job, leur maison. Des experts de plusieurs pays retracent les causes, les faits, les conséquences. C'est froid, clinique, terrifiant. Et le film a été oscarisé dans la catégorie documentaire. Dans le genre, il y a aussi Cleveland contre Wall Street.

Cannes 2010 : Oliver Stone fait son Michael Moore

Posté par Sabrina, le 15 mai 2010

oliver stoneDès ce vendredi 14 mai 2010, à l'occasion de la conférence de presse cannoise dédiée à son film Wall Street : L'argent ne dort jamais, Oliver Stone, accompagné de son équipe ouvrait à nouveau le débat. Vingt-trois années séparent les deux opus de Wall Street... Forcément, entre temps, quantités de choses ont évolué ! Ou pas...

On y a parlé de "corruption aux USA", de "cauchemar financier", de "concurrence", "moralité" et "remises en cause" ; Également de "pertes d'identité", "attaques", "rebellions", "reconstructions ", "idéaux", de "talent" et autres "compétences", de "pardon", "rejets", "éthique", "hostilités" et forcément de "colères".

QUESTIONS A OLIVER STONE

Le cinéaste est-il contre le capitalisme ? Considère-t-il l'argent est une arme de destruction de masse ?

" Je ne sais pas très bien si le capitalisme fonctionne où pas. Ce que je voudrais c'est qu'il y ait des réformes sérieuses qui soient appliquées dans ce domaine. On s'y attèle aux Etats-uUnis. Mais il y aurait aussi beaucoup à dire quant à des aboutissements dans de nombreux pays, en Grèce, au Royaume Uni... Je ne sais pas si on est tous en état d'ébriété.

En 1987, oui, je croyais que le capitalisme allait s'améliorer, s'amender. Mais ça n'a pas été le cas : il a empiré. En 1973 les salaires ont été gelés chez les travailleurs aux Etats-Unis, mais les bénéfices ont augmentés. Et on retrouve cela dans les salaires des présidents d'entreprises qui gagnent de l'argent aujourd'hui. Les présidents d'entreprises et les professionnels de la finance. Mais les travailleurs n'en gagnent pas et il faudrait corriger cela ".

Quand le réalisateur a-t-il pensé à réaliser ce deuxième volet ? La crise financière a-t-elle modifié ses projets ?

" Michael Douglas et Ed. Pressman sont venus me voir en 2006. Je ne voulais pas en fait parler de toute cette richesse. Il n'y avait aucune raison à l'époque de faire un film. Mais après le krach, bien sur, tout a changé. C'était comme une grave crise cardiaque ou un triple pontage. Ils ont mis des "stens", mais rien a été vraiment corrigé ou résolu. Le monde doit être vu depuis une nouvelle perspective maintenant. (...) Ils sont revenus en 2008 avec un script qui était bien meilleur et qui est devenu la base de ce film. Il fallait absolument le faire, c'était le moment ".

De la "prochaine bulle financière" : l'écologie (un point abordé dans le film)

"Ce serait une utilisation productive de l'argent de Wall Street. Pour aider des start-ups dans le domaine de l'écologie. Mais nous n'avons pas une politique aussi centralisée que celle de la Chine, par exemple. Notre gouvernement est un peu plus lent en la matière. Mais c'est ce que Wall Street pourrait faire. 40% des bénéfices des entreprises aux Etats-Unis étaient, voici quelques temps, des bénéfices d'entreprises financières.(...) Aujourd'hui c'est devenu complètement disproportionné".

Une autre histoire (famille, l'amour et argent,...) pour une bien semblable destination : la trahison

"Nous somme ici dans un contexte différent [eu égard au premier opus], car nous contons une histoire sur la famille. Il s'agit d'amour, argent et il y a surtout ce besoin d'amour, ce que tout le monde ressent : chacun ici, dans ce film, trahit les autres personnages, même Carrey trahit les autres, à un moment où à un autre".

De la compétition dans le monde du cinéma...

"Je pense que c'est là quelque chose de dangereux mais qui nous attire. Ca peut déboucher sur une accoutumance. Woody Allen, qui va être là cette semaine, avait dit aussi, pour les gens aux Oscar, que ça rendait les gens fous. La compétition : on aime bien ça, on est en concurrence, bien sur, lorsqu'on fait des films. Mais on apprends tous les uns des autres, on vole des scènes à d'autres films, qu'ils soient bons ou mauvais. Ca devient une sorte de bouillabaisse à la fin".

Oliver Stone oeuvre actuellement sur 3 projets de documentaires : le premier est cet ambitieux long-métrage sur l'Histoire secrète des USA (film qui ne dure pas moins de 10 heures). Viennent ensuite son documentaire traitant de Fidel Castro (une série d'entretiens) et celui qui nous emmènera vers tous les changement en Amérique de Sud.