Leonardo DiCaprio : un loup à Hollywood

Posté par geoffroy, le 24 décembre 2013, dans Business, Films, Projet, tournage.

martin scorsese leonardo dicaprio

Le loup de Wall Street est la cinquième collaboration entre l’acteur Leonardo DiCaprio et le réalisateur Martin Scorsese depuis leur première rencontre (la fresque historique Gangs of New-York) sorti il y a 11 ans.

La date, comme le film, est charnière, puisqu’elle annonce, dans la fureur et le sang, l’explosion artistique d’un acteur encore "bouffé" par son statut d’icône à midinettes suite au succès planétaire de Titanic (1997). Au-delà de la notion même de fidélité entre deux hommes nourris d’une même passion, Gangs of New-York révèle au grand jour les ambitions, forcément hautes, d’un acteur passionné comme obnubilé par l’expertise de son travail autour du jeu. Las d’être sans cesse renvoyé au Jack Dawson de Titanic, DiCaprio va prendre son destin en main pour se construire une carrière brillante, en tout point exigeante, parsemée de choix presque toujours judicieux. Soit l’exact opposé des sirènes entonnées par les studios hollywoodiens. Pour autant, il ne sortira pas du système, ni s’empêchera d’apparaître dans de superbes productions réalisées par les plus grands réalisateurs américains. Sacrifice nécessaire – celle d’une gloire planétaire pas toujours désirée par l’intéressé –, pour obtenir la liberté artistique dans une industrie tellement normée.

Un tel paradoxe est rare, et reflète les raisons de l’amour du public américain envers celui qui aura su, mieux que quiconque, incarner dans ses différents rôles la complexité d’une Amérique à la fascination intacte. Et les figures ne manquent pas pour celui qui a eu très tôt la reconnaissance de ses pairs (même si, paradoxalement, il attend toujours son Oscar). Les figures auront été historiques (Howard Hughes dans Aviator, Hoover dans J. Edgar), littéraires (Jay Gatsby dans Gatsby le magnifique) ou témoins d’une époque (Amsterdam Vallon dans Gangs of New-York, Franck Abagnale Jr. dans Arrête-moi si tu peux, Franck Wheeler dans les Noces rebelles, Calvin Cardie dans Django Unchained, Jordan Belfort dans le Loup de Wall Street). Le reste de sa filmographie ne résiste pas à la notion du rôle dans sa dimension humaine, psychologique, en réaction avec l’environnement dans lequel il se confronte. Il illustre une Amérique tourmentée, fondée sur la violence, les subterfuges, mensonges et autres manipulations, une civilisation du chaos, intime et global, où le génie est toujours valorisée, mais mène souvent à sa propre destruction, où le cerveau est un ennemi intérieur et les pulsions des amies indomptables. Il est la folie américaine, centrée sur sa propre gloire, sonnée par sa chute inévitable, capable de se relever ou de s'amender.

Car, oui, il est presque toujours question avec DiCaprio de combat, de confrontation, d’interaction, de challenge, de perte de contrôle ou de survie. Inception, les Infiltrés, Mensonges d’état, Blood Diamond et, bien évidemment, Shutter Island, ont ceci en commun qu’ils n’enferment jamais l’acteur/personnage dans une case.

leonardo dicaprioL'héritier des géants hollywoodiens, de Cooper à Stewart

DiCaprio se débat alors comme un damné avec son/ses rôles (s) pour le (s) faire exister au-delà du genre ou des codes qui vont avec. Son exigence plaît. Son implication aussi. Sa façon de donner corps à un personnage, à coup sûr. Au point d’en faire parfois de trop, de flirter avec la caricature de l'excès. Néanmoins, il possède ce talent rare, presque magnétique, d’immortaliser après son passage les personnages qu’il aura incarné. En cela il perpétue le mythe propre aux géants d’un âge d’or du cinéma devenu intemporel. Il n’y a pas à sourciller, DiCaprio est une légende vivante, un acteur à part entière reconnaissable entre mille que le public veut voir. Il revendique, par son implication toute particulière, à la liberté du rôle. Peu importe où cela le mène. Une chose est sûre, vous ne l’avez jamais vu sauver le monde dans un blockbuster quelconque ou bien faire rire aux éclats la ménagère de plus de cinquante ans dans une comédie ordinaire. Par peur, évidemment, de devenir l’esclave d’un genre ou d’un rôle (il n’a jamais joué deux fois le même personnage), forcé qu’il serait de se plier aux codes hollywoodiens pour le moins avilissants. Pas étonnant alors que Scorsese en ait fait son égérie, tandis que son ancienne muse, De Niro, diluait son talent, jusqu'à industrialiser son jeu et s'autoparodier, dans des films médiocres.

Un duo très rentable

Le succès de Leonardo, qui dure depuis quinze ans, fait de lui une "bête" du box-office capable de monter un film sur son seul nom. Cette année, il enchaîne les hits, capable de passer de Tarantino à Luhrman en séduisant le plus grand nombre. Rien que dans les années 2000, il a été tête d'affiche de 8 films qui ont passé le cap des 100 millions de $ en Amérique du nord (en recettes ajustées à l'inflation de 2013), dont 4 d'entre eux qui ont rapporté plus de 300 millions de $ dans le monde. Et on comprend mieux le pacte Scorsese/DiCaprio à la lecture des box offices : tous les films du cinéaste avec l'acteur ont été des succès. 4 des 7 plus gros hits du réalusateur sont donc des films avec DiCaprio, Les Infiltrés en tête, puisque c'est le film de Scorsese le plus populaire en Amérique du nord. Le duo cumule ainsi 1 milliard de recettes dans le monde avec 4 films qui ont coûté moins de 400 millions de $.

leonardo dicaprioQuestion de maturité, de choix de carrière, d’exigence artistique. Adoré des studios, il s’est offert une liberté bien plus grande. En effet, si sa filmographie force le respect aussi bien dans son adhésion populaire que dans sa tenue qualitative, il le doit en grande partie aux réalisateurs qui l’ont fait tourner, Scorsese en tête. Avec Christopher Nolan, Clint Eastwood, Danny Boyle, James Cameron, Ridley Scott, Steven Spielberg, Quentin Tarantino, Sam Mendès, Baz Lurhmann ou encore Woody Allen, les conditions de son ambition émancipatrice sont réunies. Au même titre que l’empreinte qu’il est en train de laisser au cinéma comme, jadis, les Brando, Newman, McQueen, DeNiro et plus loin encore Peck, Stewart, Cooper...

En cela; il n'est pas étonnant qu'année après année, DiCaprio soit devenu à chaque fois l'acteur qui comptait, la star qu'on aimait, le futur monument qu'on devinait. Il a transcendé les générations et les publics. Il symbolise ce cinéma hollywoodien d'auteur qu'on apprécie tant. Il est à la fois une marque et un talent. Un monstre sacré et l'acteur d'une époque. Pas étonnant que Le Loup de Wall Street

Il a imposé son visage, ni beau comme un jeune premier, ni gueule comme un acteur mature, juste celui des grands hommes, comme des plus petits, et qui, par leur courage, habileté, petitesse, doute, passion ou désespoir, représentent, chacun à leur manière, une Amérique des possibles constamment torturée par sa propre histoire.

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