Cannes 2013 : Où sont les femmes ? – Blood Ties

Posté par vincy, le 20 mai 2013

zoe saldana blood tiesGuillaume Canet ne peut pas être accusé d'être macho, ni son cosécnariste James Gray. Pourtant leur film Blood Ties, hors compétition à Cannes (et c'est déjà un trop grand honneur) électrisé mollement par l'abus de testostérone, offre un portrait affligeant de la femme. Pour ne pas dire révoltant. Certes, le film est la transposition d'un livre ancré dans une époque, mais pourquoi dépeindre ainsi, aujourd'hui, les femmes?

Au choix, elles sont putes, "infirmières" pour les bobos des mâles, même ceux à l'âme, ou dociles épouses. Marion Cotillard hérite du rôle de la prostituée, forcément camée, un peu grossière, et traître par la même occasion. Zoe Saldana est une gentille mère, qui n'hésite pas à lâcher le père de sa fille pour vivre "paisiblement" son rôle de femme au foyer chez un flic. Mila Kunis, qui avait au moins l'avantage de bosser, se marie avec un truand et abandonne toute activité professionnelle, devenant la patiente et passive épouse qui n'a plus rien à faire à part tomber enceinte. Ajoutons Lili Taylor, soeur des frères rivaux, qui ne sert qu'à cuisiner la dinde pour Thanksgiving et soigner leur père, bien traditionnaliste (comprendre : il préfère l'aîné, plus viril).

Une vision aussi "corrézienne" de la femme ("Pour moi, la femme idéale, c'est la femme corrézienne, celle de l'ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s'assied jamais avec eux et ne parle pas" dixit Jacques Chirac) stupéfait à notre époque. D'autant que les deux compères n'y vont pas avec le dos de la cuillère. On connaît l'adage "toutes des putes sauf ma mère" : dans Blood Ties, la mère des deux "héros" (et de la bonniche de soeur) est décrite comme "pute", "violente", "alcoolo", "vicieuse" et on en passe. Bref, elle a été chassée pour le bien commun de la famille. Sympathique vision qui est répétée, et donc appuyée, lorsque le meilleur pote du frère voyou se souvient : le pire souvenir de sa vie est la mort de son père et sa mère "n'était jamais à la maison" car "elle en n'avait rien à foutre". Décidément les mamans s'en prennent plein la gueule.

On peut toujours essayer de coller à un réalisme, souligner un manque de repères, décrire une société qui se désagrège, mais pourquoi en vouloir autant aux femmes? En 2013, cette vision du sexe opposé par deux scénaristes consacrées est tout simplement infecte : ils auraient pu montrer que la femme, même dans les années 70, avait un autre destin que celui de finir en prison, sur le trottoir ou derrière les fourneaux. Manque d'imagination ou, comme le film, reprise nauséeuse de clichés cinématographiques d'un autre temps? Imagine-t-on aujourd'hui un western où un cowboy affirme qu'un bon indien est un indien mort ?

On peut écrire et réaliser un "thriller" reprenant les codes d'un genre sans pour autant reproduire les poncifs idiots et désuets d'il y a 40 ans...