Cannes 70 : quelle place pour les femmes sur la croisette ?

Posté par cannes70, le 14 mai 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-4. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


C'est un peu la tarte à la crème des polémiques cannoises, la (vaste) question des femmes sur la Croisette. Les éléments, tout le monde les connaît : une seule femme palmée en 69 éditions (mais deux fois, puisque Jane Campion est la seule à avoir réussi le doublé Palme d'or du court et du long métrage), un nombre très faible de réalisatrices sélectionnées en compétition lors de certaines éditions récentes (2 en 2014, 1 en 2013, aucune en 2012), et en gros l'impression que les choses "sérieuses" (la réalisation et l'écriture) sont réservées aux hommes tandis que les femmes sont cantonnées dans le domaine glamour des montées des marches et de la présentation des cérémonies d'ouverture et de clôture.

D'accord, des études le rappellent régulièrement, il est plus difficile pour une femme de vivre de son travail de scénariste et / ou de se voir confier des budgets importants. Moins de films réalisés par des femmes sortent chaque année (moins d'un quart des réalisateurs de longs métrages français sont des femmes, moins de 20% à l'échelle européenne d'après une grande enquête menée en 2014), surtout si on regarde à l'échelle du cinéma mondial. L'offre est donc par définition moins large, et le problème existe en amont de Cannes.

Mauvais bilan


Pourtant, impossible de ne pas remarquer que Cannes est le festival européen d'envergure qui a le plus mauvais "bilan", notamment en terme de reconnaissance des réalisatrices. Rien que ces quinze dernières années, on compte ainsi trois femmes lauréates d'un Ours d'or (Ildikó Enyedi, Claudia Llosa et Jasmila Žbani), deux lauréates d'un lion d'or (Sofia Coppola et Mira Nair), et cinq réalisatrices couronnées d'un Léopard d'or (Ralitza Petrova, Milagros Mumenthaler, Xiaolu Guo, Andrea Staka et Sabiha Sumar). C'est loin d'être parfait, mais c'est toujours mieux que Cannes dont le compteur est bloqué à une dans toute son histoire (et en plus c'était en 1993, soit il y a presque 25 ans).

Malgré tout, on se doit de relativiser : peut-être y-a-t-il tout simplement beaucoup plus de femmes en compétition dans ces autres festivals internationaux ? En fait... pas vraiment. A Berlin, 4 en 2014 (2 à Cannes), 3 en 2015 (2 à Cannes), 2 en 2016 (3 à Cannes), 4 en 2017 (3 à Cannes). A Venise, 2 chaque année depuis 2014. A Locarno, 2 en 2014, 3 en 2015, 6 en 2016. On est très loin d'un début de parité, dans tous les cas. Et on vous passe les plus mauvaises années.

Un palmarès pas folichon


Autre début d'explication: peut-être que la palme d'or est l'arbre trop voyant qui cache la forêt de prix décernés à des femmes ? Après vérification... pas vraiment. Petit calcul rapide. En 69 édition, les réalisatrices en compétition officielle ont récolté :
- trois grands prix :  Journal à mes enfants de Márta Mészáros (1984), La forêt de Mogari de Naomi Kawase (2007), Les merveilles d'Alice Rohrwacher (2014)
- un prix de mise en scène : Récit des années de feu de Yuliya Solntseva (1961)
- un prix du scénario : Agnès Jaoui en 2004 pour Comme une image (avec Jean-Pierre Bacri)
- sept prix du jury : Samira Makhmalbaf en 2000 pour Le tableau noir et en 2003 pour A cinq heures de l'après-midi, Andrea Arnold pour Red road (2006), Fish tank (2009) et American honey (2016), Marjane Satrapi pour Persépolis (avec Vincent Paronnaud) en 2007, Maïwenn en 2011 pour Polisse.
A noter que deux comédiennes ont également obtenu ce fameux prix du jury un peu fourre-tout : Irma P. Hall pour The ladykillers (2004) et Catherine Deneuve pour Conte de Noël et l'ensemble de son oeuvre (tant qu'on y est) en 2008.

Si on s'autorise un peu de mauvais esprit, on constate qu'il y a eu plus de prix du jury attribués à des femmes que tous les autres prix confondus (hors prix d'interprétation, évidemment). Mais c'est bien sûr une coïncidence s'il s'agit du prix le moins prestigieux, pensé comme une sorte "d'encouragement" (entre parenthèse, Andrea Arnold doit commencer à se sentir assez encouragée, là, merci).

Et les jurys, dans tout ça ?


Mais si elles sont si mal récompensées, serait-ce parce que les femmes figurent peu dans les jurys ? Oui et non. Par exemple, la première présidente du jury fut Olivia de Havilland en 1965, suivie de Sophia Loren en 1966. À l'époque les femmes réalisatrices ne sont pas pléthores. La première à prendre la tête du jury officiel est Liv Ulllan en 2001. Et encore porte-t-elle les deux casquettes, cinéaste et actrice. Devinez qui fut la première réalisatrice non comédienne appelée à cette haute fonction ? Jane Campion, aka l'éternelle caution féministe de Cannes. En 1979, l'écrivaine Francoise Sagan occupe le poste prestigieux... mais ce sera la seule. Finalement, sur les 69 édition, on en est à... 11 présidentes. En revanche, depuis plusieurs années, le Festival fait attention à choisir des jurys paritaires. Ont été membres du jury (outre de nombreuses comédiennes) les cinéastes Sofia Coppola (2014), Naomi Kawase et Lynne Ramsay (2013), Andrea Arnold (2012), Marjane Satrapi (2008), Lucrecia Martel (2006), Agnès Varda (2005), Moufida Tlati (2001), Nicole Garcia (2000), Doris Dorrie (1999), Nana Djordjadze (1992)... Plus on remonte dans le temps, moins on en trouve. Mais il faut néanmoins mentionner la présence de quelques écrivaines, journalistes et productrices, tout de même.

Par contre, si on regarde du côté des autres jurys, rien que dans les années 2010, on trouve six présidentes cinéastes : Naomi Kawase (Cinéfondation et courts métrages, en 2016), Catherine Corsini (Caméra d'or, 2016), Nicole Garcia (Caméra d'or, 2014), Agnès Varda (Caméra d'or, 2013), Jane Campion (Cinéfondation et courts métrages, 2013), Claire Denis (Un Certain regard, 2010) et neuf "simples membres" cinéastes : Jessica Hausner (Un Certain regard, 2016), Delphine Gleize (Caméra d'or, 2015), Héléna Klotz (Caméra d'or, 2014), Noémie Lvovsky (Cinéfondation et courts métrages, 2014), Daniela Thomas (Cinéfondation et courts métrages, 2014), Isabel Coixet (Caméra d'or, 2013), Maji Da-Abdi (Cinéfondation et courts métrages, 2013), Tonie Marshall (Un Certain regard, 2012), Jessica Hausner (Cinéfondation et courts métrages, 2011). D'accord, certains noms reviennent. Mais on est déjà beaucoup plus près d'une véritable parité. Le constat pourrait donc être que lorsqu'on cherche les femmes à Cannes, il vaut mieux regarder ailleurs qu'en compétition.

Quoi que. Même dans les sections parallèles, tout reste lent. S'il y a 5 films réalisés par des femmes à Un Certain regard cette année, il n'y en avait que 3 en 2016, 3 en 2015, 6 en 2014. A la Semaine de la Critique, on compte 3 réalisatrices pour 4 réalisateurs cette année, mais 1 seule en 2016 et aucune l'année précédente. A la Quinzaine des réalisateurs, 7 sur 20 cette année, 5 en 2016, 3 en 2015. Il faudra encore quelques années pour voir si ce sont les "bonnes" années qui sont exceptionnelles ou si les "mauvaises" se raréfient.

Attention, futures cinéastes en vue


Le pire, c'est que la première sélection d'une réalisatrice en compétition à Cannes remonte à... 1947 (Paris 1900 de Nicole Vedrès). On ne peut pas dire que les choses évoluent très rapidement. Dans la compétition cannoise, en tout cas. Parce qu'ailleurs, heureusement, la situation est plus contrastée. Par exemple, les écoles de cinéma sont aujourd'hui pleines de jeunes femmes qui font jeu égal avec leurs collègues masculins. L'industrie du court métrage (bon indicateur des talents à venir) fait elle aussi la part belle aux réalisatrices. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il y a plus de femmes lauréates de la Palme d'or du court métrage que du long (six films récompensés entre 1986 et aujourd'hui, aucun auparavant) ou si la parité est mieux respectée dans les sélections de courts : cette année, 4 réalisatrices pour 6 réalisateurs à la Semaine de la Critique, égalité parfaite à la Quinzaine des Réalisateurs (5 de chaque), 7 réalisatrices (sur 16) à la Cinéfondation et 3 (sur 9) en sélection officielle.

Cela signifie qu'il existe déjà un vivier de jeunes réalisatrices que l'on devrait voir rapidement prendre position dans la prestigieuse compétition cannoise. On attend maintenant sur le tapis rouge des talents révélés à Cannes les années précédentes comme Julia Ducournau, Deniz Gamze Ergüven, Or Sinaï, Houda Benyamina, Ida Panahandeh, Atsuko Hirayanagi,  Claire Burger et Marie Amachoukeli, Clio Barnard, Sandra Hirtt... Et on tient à disposition des différents comités de sélection une liste fournie de jeunes réalisatrices prometteuses à suivre. Si les choses ne changent toujours pas à court terme, on sera en droit de commencer à y voir un système volontairement excluant. Car pour le moment, on a plutôt le sentiment que Cannes est surtout le reflet d'une société où la sous-représentation des femmes à des postes-clef est si intégrée que plus personne n'y fait réellement attention. C'est lorsqu'on commence à y réfléchir avec une once de volontarisme que le problème apparaît.

Femmes sur grand écran


Toutefois, si l'on prend un peu de recul, on constate au fond que l'endroit le plus important où les femmes ont toute leur place, ce sont les films. Ces dernières années, on a rencontré régulièrement de beaux personnages féminins qui, à eux seuls, font plus pour la progression de l'égalité hommes-femmes que bien des discours ou des lois paritaires. Dans l'histoire récente de Cannes, les film, ont même souvent eu des femmes pour personnages principaux. Et pas n'importe quelles femmes !

Impossible de les mentionner toutes, mais citons la résistante inflexible face à des promoteurs immobiliers sans scrupule dans Aquarius (Kleber Mendoça Filho, 2016), les guerrières manipulatrices de Mademoiselle (Park Chan-wook, 2016), la ninja mélancolique de The assassin (Hou Hsiao-hsien, 2015), le couple lesbien de Carol de Todd Haynes (2015) et celui de La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche (2013), les mères étonnement fortes et volontaires de Leonera de Pablo Trapero, d'une Famille brésilienne de Walter Salles et Daniela Thomas et de The exchange de Clint Eastwood (2008)...

Plus généralement, l'air de rien, on a croisé des femmes médecins (La fille inconnue des frères Dardenne, 2016), des cheffes d'entreprise (Elle de Paul Verhoeven, 2016), des juges (La tête haute d'Emmanuelle Bercot, 2015), des réalisatrices (Mia madre de Nanni Moretti, 2015), des photographes de guerre (Louder than bombs de Joachim Trier, 2015), des pianistes virtuoses (Amour de Michael Haneke, 2012), des policières (Polisse de Maïwen, 2011)... Et cette année, on verra même une astro-physicienne dans Les fantômes d’Ismaël d'Arnaud Desplechin. On a tout de même fait un peu de progrès depuis le personnage typique de "petite amie" ou de "mère" du héros.

D'autres beaux personnages féminins ont évidemment marqué l'histoire de Cannes depuis ses origines. Gilda dans le film éponyme de George Cukor (1948), femme libre à la sensualité exacerbée que ses amants ne parviennent pas à dompter  ; La cucaracha, pasionaria de la révolution mexicaine interprétée par Maria Felix, comédienne habituée aux rôles hauts en couleurs, dans le film d'Ismael Rodriguez (La cucaracha, 1959) ; la funambule Elvira Madigan, elle aussi éprise de liberté et d'absolu, sous les traits de Pia Degermark (Elvira Madigan de Bo Widerberg, 1967) ; la danseuse Isadora Duncan (Vanessa Redgrave) à l'impressionnante liberté de caractère est saisie devant la caméra de Karel Reisz qui capture l'audace de ses compositions chorégraphiques (Isadora, 1969) ; Alice, emblème des revendications et aspirations féminines dans Alice n'est plus ici de Martin Scorsese (1974) ; la soixantenaire amoureuse et peu soucieuse du qu'en dira-t-on dans Tous les autres s'appellent Ali de de Rainer Werner Fassbinder (1974) ; Yang Huizhen, la valeureuse guerrière prête à tout pour venger la mort de son père dans A touch of zen de King Hu (1975) ; la révolutionnaire, journaliste et théoricienne Rosa Luxemburg chez Margarethe von Trotta (Rosa Luxemburg, 1986) ; Rosetta, la jeune ouvrière en lutte pour retrouver un emploi à tout prix (Rosetta des frères Dardenne, 1999)...

Et au fond, puisqu'il faut bien commencer quelque part, reconnaissons que la présence de ces personnages féminins loin des sentiers battus est un excellent début pour parler de parité. On ne juge jamais un film sur le genre de son auteur, et ce serait un contre-sens de penser qu'une jurée a des goûts diamétralement opposés à ceux d'un juré. En art, il n'y a que des sensibilités variées, diverses et multiples, propres à chaque individu et non standardisées en fonction d'un genre ou d'une origine.

En revanche, ce qui reste d'un festival comme Cannes, ce que le grand public en voit et ce que l'Histoire en retient, ce sont les films, les sujets qu'ils abordent et les personnages qu'ils mettent en avant. C'est donc le point essentiel pour faire évoluer les mentalités. Et à force de voir ces personnages féminins forts, volontaires, brillants et tout simplement dignes d'intérêt sur grand écran, cela contamine naturellement les représentations sociales et les stéréotypes de genre. Jusqu'à rendre possible, demain, la présence de dix réalisatrices en compétition pour la Palme d'or. Chiche ?

Marie-Pauline Mollaret pour Ecran Noir

Les femmes au coeur du partenariat entre la multinationale du luxe Kering et le Festival de Cannes

Posté par vincy, le 1 avril 2015

Kering et le Festival de Cannes vont lancer le programme Women in Motion. Dans un communiqué du groupe Kering (Puma, Balenciaga, Saint Laurent, Gucci...) daté du 30 mars, le partenariat de cinq ans, révélé après l'arrivée de Pierre Lescure il y a quelques mois, se concrétise. Clairement, il s'agit d'une réponse à la critique lancinante sur le peu de place fait aux femmes dans les sélections du festival.

Deux axes ont été choisis:

A l’occasion du 68ème Festival International du Film de Cannes, Kering et le Festival de Cannes inaugureront la première édition du programme Women in Motion, destiné à mettre en valeur la contribution des femmes au 7ème art.

1. Durant tout le Festival de Cannes, les Talks Women in Motion débattront de la place des femmes dans le cinéma autour d’une personnalité qui viendra partager son point de vue. Cette série d’échanges traitera de la question du statut des femmes à celle de leur représentation au sein de la profession et à l’écran, ou encore des spécificités de leur point de vue narratif ou de leur regard derrière la caméra. Ces Talks Women in Motion, ouverts aux professionnels du cinéma et à la presse, seront organisés le matin.

2. Dès 2016, Kering et le Festival de Cannes remettront deux prix Women in Motion: l’un récompensant une contribution significative à la cause des femmes dans le cinéma, l’autre une jeune cinéaste de talent. Le premier prix Women in Motion récompensera la contribution d’une personnalité emblématique du cinéma incarnant les valeurs d’ouverture et de diversité promues par Women in Motion. Le premier lauréat sélectionnera à son tour une jeune femme cinéaste qui se verra remettre un prix Women in Motion du jeune talent féminin, venant soutenir l’un de ses projets.

Pour célébrer la création des Prix Women in Motion, un Prix d’Honneur exceptionnel sera décerné cette année. Il sera remis lors d’un « Dîner de la Présidence » du Festival de Cannes organisé le 17 mai 2015 par Pierre Lescure, Thierry Frémaux, et François-Henri Pinault.

François-Henri Pinault, Président-Directeur général du groupe Kering (et époux de Salma Hayek), précise que : «Le programme Women in Motion vise non seulement à mettre à l’honneur le talent des femmes du cinéma, mais aussi à souligner l’intérêt que leurs œuvres représentent pour les spectateurs. Leur donner plus de visibilité est essentiel quand on songe à l’impact que les films ont sur nos modes de pensée et, finalement, sur nos comportements de tous les jours. C’est précisément dans cet état d’esprit d’ouverture et d’enrichissement culturel que nous avons créé le programme Women in Motion ».

Thierry Frémaux, Délégué général du Festival International du Film de Cannes, ajoute que cette « partie intégrante du programme officiel du Festival de Cannes donnera une place supplémentaire aux femmes talentueuses du 7ème art et à leur regard sur le cinéma. Les Talks Women in Motion, dont je me réjouis de figurer parmi les premiers participants, seront également une occasion unique pour la profession de faire progresser la réflexion sur l’évolution nécessaire de la représentation des femmes et de leurs récits au sein de l’industrie du cinéma ».

Pierre Lescure, Président du Festival International du Film de Cannes, explique que le Festival va franchir « une nouvelle étape (...). Nous posons des jalons pour le cinéma de demain, un cinéma enrichi par une plus grande variété des points de vue et par la diversité des films ».

Kering et le cinéma, ce n'est pas un mariage arrangé. Par le biais de sa Fondation d’entreprise ou par l’intermédiaire de ses marques, est engagé pour la promotion et le développement du cinéma depuis plus de dix ans, en finançant des films, restaurant des œuvres, produisant des documentaires ou en soutenant des réalisateurs et des longs-métrages comme Fleur du Désert de Sherry Hormann (2009), Home de Yann-Arthus Bertrand (2009), Brave Miss World de Cécila Peck (2013), La Glace et le Ciel de Luc Jacquet (2015). Elle est associée dans Cinémaphore, la société de production commune de Julie Gayet et Charles Gillibert (lire notre actualité du 13 janvier 2014). Kering est également partenaire de l’Ecole de la Cité, qui fait partie de La Cité du Cinéma de Luc Besson. Enfin, elle sponsorise des institutions et festivals de cinéma de premier plan, tels que le Tribeca Film Institute (New York), Britdoc (Londres), le Los Angeles County Museum of Art (LACMA) ou encore le Festival Lumière (Lyon), dont Thierry Frémaux est le directeur général.

Hollywood: Les 10 espoirs féminins de l’année

Posté par kristofy, le 31 décembre 2014

stacy martin

L’industrie cinématographique est toujours largement dominée par les hommes, aussi bien devant que derrière la caméra et dans les bureaux des studios. Une minorité de femmes se fait visible de part son influence, en fait quelques célébrités déjà bien connues depuis plusieurs années. Où sont les (autres) femmes ? Cette année 2014 a vu le succès de plusieurs nouveaux noms relativement méconnus encore l’année dernière, des noms dont on va entendre encore plus l’année prochaine.

Le top du box-office américain montre que les actrices stars déjà bien reconnues sont une nouvelle fois performantes en terme de ventes de tickets de cinéma. Jennifer Lawrence a été à l’affiche de deux franchises lucratives X-Men:Days of future Past et surtout Hunger Games: La révolte - 1ère partie (et people de l’année avec ses photos intimes piratées); Scarlett Johansson était dans la suite Captain America:Le soldat de l'hiver et surtout dans Lucy de Luc Besson qui fait un carton mondial jusqu’en Chine, sans oublier l'excellent Under the Skin; Cameron Diaz reste une valeur relativement sûre de la comédie sexy avec Triple alliance et Sex Tape; la benjamine Emma Stone a été dans The Amazing Spider-Man:Le destin d'un héros, Magic in the Moonlight et Birdman; et Angelina Jolie assure autant comme actrice dans Maléfique que comme réalisatrice de Invincible. Aux USA on a remarqué Ava DuVernay comme première femme réalisatrice afro-américaine qui peut prétendre à un prix prestigieux (Golden Globe) pour son film Selma (à propos des droits civiques). L’actrice de l’année que tout le monde adore aura été Jessica Chastain qui a multiplié les projets ambitieux et applaudis : The Disappearance of Eleanor Rigby:Them, Mademoiselle Julie, Interstellar, et A Most Violent Year.

Voici 10 femmes qui ont pris le pouvoir à Hollywood cette année, 10 nouvelles femmes qui vont faire entendre leurs voix à l’avenir.

Gia Coppola: elle représente la troisième génération des Coppola à réaliser des films, après Roman et Sofia Coppola (dont elle est la nièce) et son illustre grand-père Francis Ford Coppola. Comme Sofia qui avait adapté un roman d’adolescence pour son premier film Virgin Suicides, Gia suit le même chemin avec Palo Alto, recueil de nouvelles écrites par James Franco sur son adolescence. Son film Palo Alto porte une certaine influence de sa tante, mais surtout il montre que Gia s’est fait un prénom derrière la caméra et s’est déjà affirmée comme une nouvelle réalisatrice à suivre. On attend son second long-métrage…

Mackenzie Davis: elle a été révélée surtout avec ses cheveux courts et son attitude punk de programmatrice informatique prodige dans la série Halt and Catch Fire (diffusée en juin aux USA puis en novembre en France). Au cinéma elle joue presque toujours la bonne copine d’un personnage principal, comme dans le romantique Breathe de Drake Doremus (au festival américain de Deauville 2013, mais resté inédit). En 2014 elle a été dans Et (beaucoup) plus si affinités (sorti le 29 octobre) l’amoureuse de Adam Driver, avec Daniel Radcliffe et Zoe Kazan; et dans That Awkward Moment l’amoureuse de Miles Teller, avec Zac Efron et Michael B. Jordan. Pour 2015 elle a déjà un petit rôle dans The Martian de Ridley Scott au milieu de Matt Damon  Jessica Chastain, Jeff Daniels, Sean Bean, Kristen Wiig, Chiwetel Ejiofor... Elle sera surtout en haut de l’affiche du drame A Country Called Home avec Imogen Poots (déjà ensemble dans That Awkward Moment) et du film de zombies et vampires The Kitchen Sink avec Vanessa Hudgens. Mackenzie Davis s’affirmera comme la nouvelle actrice multi-facette qui compte.

Brie Larson: elle figure dans le radar du cinéma américain depuis longtemps avec des petits rôles dans Scott Pilgrim, Greenberg, 21 Jump Street, The Spectacular Now, Don Jon… C’est son rôle principal dans States of Grace (sorti en avril) qui la rend incontournable. Ainsi en 2015 elle sera dans Trainwreckv de Judd Apatow, The Gambler avec Mark Wahlberg, Brooklyn Bridge avec Daniel Radcliffe.

Charlotte Le Bon: la pétillante canadienne adoptée en France (Astérix et Obélix:Au service de sa Majesté, L'Écume des jours, La Marche…) voit sa carrière d’actrice prendre un tremplin international. Cette année elle est dans le Yves Saint Laurent de Jalil Lespert (sorti en janvier, et cet été aux USA) mais surtout dans Les Recettes du bonheur de Lasse Hallström (sorti en septembre) coproduit par Steven Spielberg. Prochainement elle sera dans Bastille Day de James Watkins avec Richard Madden et Idris Elba, et dans The Walk de Robert Zemeckis avec Joseph Gordon-Levitt et Ben Kingsley. Dans ces trois films américains elle représente encore des personnages de jeune et jolie gentille, mais un producteur pourrait avoir la bonne idée d’en faire une méchante dans un film d'action...

Stacy Martin : c’est elle la jeune nymphe de Nymphomaniac de Lars Von Trier, ce qui la propulse comme la new-girl de l’année. Elle a été appelée pour plusieurs films prestigieux européens qui vont rythmer les festivals de 2015. A venir donc le britannique High Rise de Ben Wheatley (avec Tom Hiddleston, Sienna Miller, Jeremy Irons..) et l’italien Il racconto dei racconti de Matteo Garrone (avec Salma Hayek, John C. Reilly, Vincent Cassel,..). Le cinéma français aussi craque pour elle avec La Dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil de Joann Sfar et aussi Taj Mahal de Nicolas Saada. Les Américains sont déjà séduits. On la verra dans The Childhood of a Leader avec Robert Pattinson et Tim Roth.

Nicole Perlman : elle a écrit un scénario (sur la navette Challenger) pas encore porté à l’écran mais qui lui a permis de travailler sur différents scripts pour différents studios. Pour Marvel elle cherche dans leurs comics publiés ce qui pourrait inspiré un film, et elle travaille sur une bande de personnages bizarres (un râton-laveur, un arbre) dans l’espace… Son scénario est tellement bon qu’il est passé au réalisateur James Gunn, et cela est devenu le film le plus populaire de l’année aux USA: Les gardiens de la galaxie ! Elle est la première femme a avoir scénarisé un film estampillé Marvel, et comme le studio a pour stratégie de sortir un blockbuster chaque année, c’est elle qui travaille sur le script de leur premier film avec une super-héroïne en tant que personnage principal : Black Widow avec Scarlett Johansson.

Emily Ratajkowski : elle était un mannequin très peu habillée sur les pages glacées des magazines de mode, et elle a chauffé internet en dansant nue dans un célèbre clip. Cette bombe anatomique a été bien évidement repérée pour le cinéma. Elle a été adoubée actrice cette année par David Fincher qui lui a confié un rôle dans Gone girl aux côtés de Ben Affleck. Avec cette ligne prestigieuse sur son CV de comédienne, nul ne doute qu’on va la revoir de plus en plus onduler sur grand-écran. Déjà en 2015, elle sera à l’affiche de We Are Your Friends avec Zac Efron.

Gillian Robespierre : elle a écrit et réalisé un court-métrage qui lui a inspiré son premier long-métrage ensuite : son film Obvious Child (sorti cet été aux USA, et en septembre en France) n’a pas été programmé dans beaucoup de salles mais a fait beaucoup parlé de lui. Avec un thème sensible - l’avortement - elle signe une comédie à la fois pertinente et impertinente. Alors que Hollywood souffre de trop peu de femmes de talents pour initier des films de comédie (Diablo Cody, Lynn Shelton, Kristen Wiig, Jennifer Westfeldt...), cette Gillian Robespierre est arrivée comme une tornade rafraichissante.

Jess Weixler: Cette année, elle était la soeur de Jessica Chastain dans The Disappearance of Eleanor Rigby:Them (à Cannes et à Deauville), et la fille de Annette Bening dans The Face of Love (sorti en juillet), et on se souvenait d’elle adolescente dans le mordant Teeth… On va la revoir en 2015 dans Listen Up Philip de Alex Ross Perry (avec Jason Schwartzman), et aussi dans Trouble Dolls qu'elle a d’ailleurs co-écrit et co-réalisé en compagnie de Jennifer Prediger.

Shailene Woodley: 2014 c’est aussi l’année Shailene Woodley, avec successivement The Spectacular now (janvier), Divergente (avril), Nos Etoiles contraires (août), White Bird (octobre). Elle est annoncée dans un prochain film de Oliver Stone (avec Joseph Gordon-Levitt) et évidement dans la très lucrative franchise Divergente 2 et ses suites. La nouvelle Jennifer Lawrence?

Cannes 2014 – Lettre à… Jane Campion

Posté par MpM, le 14 mai 2014

Chère Jane, Madame la présidente,

Tout d'abord Welcome back in Cannes ! Vous avez avec le Festival une histoire (d'amour) ininterrompue que beaucoup vous envie, et c'est sans doute avec une sensation toute particulière que vous y revenez, cette année, dans la très belle fonction de présidente du jury.

Vous le savez sans doute, le Festival de Cannes est souvent critiqué pour la place congrue qu'il réserve aux femmes, et surtout aux réalisatrices. En 2012, que des hommes en course pour la Palme d'or. En 2013, il y avait une femme. En 2014, elles sont deux. A ce rythme, encore une petite dizaine d'années pour atteindre l'égalité...

Mais, bien sûr, le nombre de femmes en compétition officielle est l'arbre qui cache la forêt des inégalités : moins de réalisatrices (en France, elles sont 23%), moins de femmes scénaristes (27%), moins de réalisatrices écrivant leurs propres films (22%), peu de scénaristes de sexe féminin écrivant sans acolyte masculin (aucune dont c'est l'activité principale durant la dernière décennie)... et on ne parle pas des métiers plus techniques (4,3% de femmes machinistes, par exemple).

Le problème est plus grave qu'un simple déséquilibre numérique, et va au-delà d'une sélection cannoise. Le cinéma (paradoxalement) sera sans doute l'un des outils qui fera changer les mentalités, en normalisant la représentation des femmes à l'écran, et en combattant les stéréotypes.

Ce n'est pas toujours gagné, je vous l'accorde. Sans doute aurez-vous même une pensée pour cette vaste cause ce soir-même, lors de la cérémonie d'ouverture de ce 67e Festival de Cannes, lorsque vous découvrirez sur grand écran le Grace de Monaco d'Olivier Dahan, où l'on découvre une Grace Kelly, grande actrice devant l'éternel, poussée, par devoir et abnégation, à renoncer à son art pour endosser le rôle "de sa vie", lui dit-on, consistant à être épouse, mère et souveraine. Elle y est incarnée par une autre grande actrice, Nicole Kidman, à qui, il y a des années, un journaliste osa demander comment elle gérait d'être "une mère de famille qui travaille", preuve que certaines problématiques évoluent peu.

Aussi, lorsque le film s'achèvera, peut-être vous laissera-t-il un petit goût amer, qu'il ne faudra pourtant pas prendre comme un fardeau. Puisse au contraire cette sensation de gêne vous poursuivre tout au long de la quinzaine et vous pousser, non pas à privilégier les films réalisés par des femmes, ce serait leur faire injure, mais à regarder les films de la compétition avec le prisme d'une égalité homme/femme qui ne peut tout simplement pas être négociable.

Femmes scénaristes : un état des lieux accablant

Posté par MpM, le 6 mai 2014

femmesAprès les différentes polémiques sur le peu de réalisatrices en compétition au Festival de Cannes ces dernières années (2 en 2014, 1 en 2013, aucune en 2012), une étude récente dénonce la faible part de femmes scénaristes dans le cinéma français.

Camille Haddouf, chercheuse en économie à l'Université de Paris I et la scénariste Isabelle Wolgust dressent en effet un état des lieux accablant de la situation des femmes auteurs (scénaristes et réalisateurs qui écrivent eux-même leurs scénarios) sur la période 2003-2012.

Sur les 887 scénaristes comptabilités, seulement 27% sont des femmes, un chiffre qui tombe à 22% pour les réalisateurs écrivants. Aucune femme scénariste dont l'activité principale est l'écriture de scénario n'aurait par ailleurs écrit sans partenaire masculin pendant la décennie.

A noter également que plus le budget des films augmentent, plus la part de scénaristes de sexe féminin diminue : parmi les scénaristes, 20% écrivent des films à petit budget (moins d'un million d'euros) contre 7% pour des films de plus de 15 millions tandis que parmi les réalisatrices écrivantes, 18% écrivent des films dont le budget est inférieur à 1 million d'euros et seulement 3% des films dont le budget dépasse 15 millions.

Seul point positif, les choses évoluent doucement mais sûrement puisqu'entre le début et la fin de l'étude, la part des femmes scénaristes est passée de 15% à 34%. Celles des réalisatrices écrivantes s'élève désormais à 25% contre 17% en 2003.

La Guilde française des scénaristes met en garde contre ce "plafond de verre"qui étouffe la création dans le cinéma français et rappelle que depuis la création des César en 1976, 16 femmes ont reçu celui du meilleur scénario original ou adaptation mais l'ont toujours reçu avec au moins un homme, à l'exception de Coline Serreau (à deux reprises pour Trois hommes et un couffin en 1986 et La crise en 1993) et de Tonie Marshall pour Venus Beauté (Institut) en 2000.

Seule une réalisatrice a remporté le César du meilleur réalisateur (Tonie Marshall pour Venus Beauté (Institut)), et quatre le César du meilleur film (Coline Serreau pour Trois hommes et un couffin en 1986, Tonie Marshall pour Venus Beauté (Institut), Agnès Jaoui pour Le goût des autres en 2001, Pascale Ferran pour Lady Chatterley en 2007).

Mais si les chiffres viennent confirmer ce que l'on savait déjà, les propositions et solutions ne se bousculent pas au portillon, notamment pour informer et éduquer dès le plus jeune âge les scénaristes de demain, mobiliser les professionnels ou encore sensibiliser au problème le corps enseignant et les écoles de cinéma. En attendant, le combat pour faire évoluer les mentalités s'avère plus crucial que jamais. Où l'on reparle des stéréotypes de genre, alors qu'écrire ne nécessite pourtant aucune caractéristique physique particulière.

L’industrie cinématographique se demande toujours où sont les femmes

Posté par MpM, le 1 avril 2014

femmesLa question de la place des femmes dans l'industrie cinématographique semble revenir sur le devant de la scène avec la même régularité (et la même constance sournoise) que les allergies saisonnières. En mai 2012 déjà, l'absence de femmes dans les sélections cannoises faisait grincer les dents. En mai 2013, alors que des critiques virulentes s'étaient élevées face à la sélection d'une seule réalisatrice (Valéria Bruni-Tedeschi) en compétition officielle cannoise, la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti avait commandé une étude sur le sujet au Centre national du cinéma.

A quelques semaines de l'annonce de la sélection du Festival de Cannes 2014,  les premières conclusions de l'enquête viennent de sortir. Sans surprise, on apprend qu'en 2012, seulement 23% des réalisateurs de longs métrages de cinéma français étaient des femmes et que moins d'un quart des films agréés cette année-là ont été réalisés par des femmes.

Des chiffres à mettre en perspective d'une part avec ceux d'il y a seulement quelques années (18,4% de réalisatrices en 2008) et d'autre part avec ceux d'autres pays européens (18,4% à l'échelle européenne, 11,4% au Royaume Uni), pour mieux en appréhender la portée. Car si la situation française est franchement déséquilibrée, elle semble s'améliorer sensiblement au fil des ans et pouvoir, à terme, tendre vers une plus grande égalité entre réalisateurs et réalisatrices. Par ailleurs, en comparaison avec le cinéma européen dans sa globalité (et par extension le cinéma mondial), la France aurait plutôt tendance à montrer l'exemple.

Inégalités et clichés

Ce qui n'empêche nullement les remises en question, surtout au vu du reste de l'étude : femmes majoritairement présentes dans les métiers du cinéma traditionnellement considérés comme féminins (coiffeur-maquilleur à 76,6%, costumier-habilleur à 87,2% et  scriptes à 98,1%), films moins chers (devis moyen de 3,45 millions d'euros contre 5,66 pour les longs métrages réalisés par des hommes), rémunérations inférieures à celles des hommes (31,5% de moins pour une réalisatrice et rémunération horaire moyenne inférieure de 35,8%), etc.

Il paraît indéniable que le temps n'est désormais plus au constat, mais bien à l'action, en commençant par une évolution des mentalités. Dans une société où il n'est pas évident pour tout le monde de lutter contre les stéréotypes de genre, faire comprendre aux futurs professionnels qu'une femme peut être machiniste ou opératrice de prise de son ne semble pas complétement gagné, mais on part de si loin (4,3% de femmes machinistes, 3,1% d'électriciens...) que toute tentative est bonne à prendre.

De nombreux points restent par ailleurs à étudier pour comprendre la meilleure stratégie à adopter : l'enquête du CNC relève par exemple que le métier le plus mixte du cinéma est celui d'assistant réalisateur, avec 49,2% d'hommes et 50,8% de femmes. Mais quel pourcentage de chaque sexe passe lui-même à la réalisation et au bout de combien d'années ? Par ailleurs, si les budgets de films réalisés par des femmes sont inférieurs à ceux des films réalisés par des hommes, est-ce parce qu'elles parviennent moins facilement à les compléter, ou parce qu'elles travaillent sur des projets d'emblée moins coûteux ? Enfin, au-delà du pourcentage symbolique de femmes cinéastes, il serait intéressant de savoir quel pourcentage des femmes désirant tenter l'aventure y parviennent au final, et de le comparer à celui des hommes réalisateurs.

Des jurys au féminin à Cannes

En attendant, on est impatient de découvrir la sélection cannoise qui, quelle qu'elle soit, ne manquera pas de relancer le débat. Pour le moment, les femmes réalisatrices semblent devoir y être à l'honneur avec Jane Campion présidente du jury officiel, Noémie Lvovsky et Daniela Thomas dans le jury de la Cinéfondation et Andrea Arnold présidente du jury Nespresso de la Semaine de la Critique.

A suivre, donc. Mais une chose est d'ores et déjà certaine : il faut arrêter de blâmer le faible nombre de femmes réalisatrices pour justifier leur absence en compétition officielle. Même en prenant des hypothèses basses, il y a plus de 5% de films réalisés par des femmes de par le monde (ce qui correspondrait au 1 sur 20 de l'an passé). De plus, il serait  intéressant de considérer la sélection cannoise dans sa globalité avant de crier au scandale. En 2013, Valeria Bruni-Tedeschi était un peu l'arbre qui cachait la forêt (certes modestes) des 15 autres réalisatrices de longs métrages sélectionnées, toutes sections confondues.

Une charte pour l’égalité hommes-femmes dans le secteur du cinéma

Posté par MpM, le 16 octobre 2013

A l'initiative de l'association Le deuxième regard (réseau de professionnels du cinéma qui lutte contre les stéréotypes, et questionne notamment la question de la place des femmes dans le cinéma), Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, et Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes ont signé le 10 octobre dernier une charte en faveur de l'égalité hommes-femmes dans le secteur du cinéma.

Elles rejoignent le CNC et Arte France qui se sont eux-aussi engagés à encourager et favoriser le rayonnement des femmes dans un secteur encore trop souvent marqué par un profond déséquilibre entre les sexes.

La charte détaille cinq types d'actions destinés à rectifier ce déséquilibre :

- "sexuer" les outils statistiques afin de mieux cerner les problématiques en présence et de participer à une réflexion commune sur la place des femmes dans le cinéma ;
- favoriser la représentation proportionnelle des femmes et des hommes dans les instances de décision ;
- stimuler la création cinématographique en encourageant les projets qui subvertissent les représentations traditionnelles des femmes et des hommes ;
- sensibiliser les équipes aux questions de parité en luttant notamment contre les stéréotypes ;
- appliquer l’égalité salariale.

Des engagements qui s'inscrivent dans l'action d'Aurélie Filippetti qui, depuis son arrivée au ministère de la Culture, a fait de l'égalité hommes-femmes dans la culture l'une de ses préoccupations majeures. La ministre a notamment défini quatre grandes directives en faveur de la parité parmi lesquelles la mise en place d’un « observatoire de l’égalité » sur les nominations, rémunérations, programmations et accès aux moyens de production, le développement d'une politique incitative et la lutte contre les stéréotypes.

Le sujet n'en demeure pas moins sensible et complexe, propice à pas mal de malentendus, notamment de la part des professionnels qui craignent une entrave à leur liberté de programmation, ou une main mise sur leurs choix artistiques. On imagine mal des quotas imposés au Festival de Cannes pour présenter en compétition officielle plus de films réalisés par des femmes, par exemple...

D'où la nécessité de trouver un vrai équilibre entre politique volontariste et liberté de création. Mais peut-être est-ce là la chance du secteur, qui a tout à inventer pour permettre aux professionnels, hommes et femmes, d'avancer main dans la main vers leur but commun : le cinéma.

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Lire la charte dans son intégralité

Festroia 2013 : femmes, violence et stéréotypes

Posté par MpM, le 20 juin 2013

festroiaParmi les thèmes abordés par les films en compétition lors de cette 29e édition de Festroia, la violence faite aux femmes semble avoir été le plus récurrent. Une violence physique, souvent associée à des sévices sexuels, et émanant dans la plupart des cas du cadre familial.

Dans 90 minutes de la Norvégienne Eva Sørhaug, trois histoires distinctes mettent en scène un personnage féminin aux prises avec une forme particulière de violence conjugale.

La première (dont on ne verra pas le visage) est empoisonnée par son mari, par ailleurs prévenant et attentionné. La deuxième est assassinée par son ex-mari qui ne supporte pas d’avoir été remplacé par un autre homme. La troisième est battue et violée par son compagnon hystérique. Dans ce volet, la réalisatrice choisit de montrer frontalement les sévices (coups, humiliation, viol) dans des scènes par ailleurs à la photographie ultra-soignée et au découpage sophistiqué.

Des séquences quasi insoutenables qui décortiquent de manière implacable le mécanisme de maltraitance, dans lequel la victime est accusée d’être responsable de ce qui lui arrive et où le bourreau trouve une justification "punitive" à ses actes. Un point commun avec Halima’s path d’Arsen Anton Ostojic (Croatie), qui se déroule dans la Yougoslavie de la fin des années 70, et dans lequel un père (musulman) bat sa fille, coupable d’avoir entretenu une relation amoureuse avec un chrétien. Au nom de la sacro-sainte tradition du patriarcat, il se sent autorisé à la punir, voire à la tuer, sans que personne n’ait son mot à dire. Pourtant, plus tard dans le film, c’est elle qui aura besoin d’être pardonnée (pour avoir épousé un homme d’une autre religion), et non lui. La jeune femme est ainsi cantonnée par le scénario à son rôle de victime "volontaire",  ayant mérité ce qui lui est arrivé, et finissant par reconnaître ses "erreurs".

Trois autres films présentés en compétition 8 ballabordent également la violence exercée sur des femmes par leurs compagnons. Circles de Srdan Golubovic (Serbie), où une jeune femme d’origine serbe, battue par son mari, tente de recommencer sa vie à zéro. 8 ball d’Aku Louhimies (Finlande) dans lequel un dealer se déchaîne contre sa petite amie qui a osé s’élever contre lui. The girl and death de Jos Stelling (Pays Bas) qui présente la figure traditionnelle du protecteur jaloux n’hésitant pas à "corriger" sa maîtresse lorsqu’elle tombe amoureuse d’un autre.

L'amour comme sentiment de propriété

Il est frappant de constater que souvent, ces personnages masculins prétendent aimer celles qu’ils maltraitent. Un "amour" qui, chez eux, va de pair avec un fort sentiment de propriété. Comme si ces femmes aimées étaient des objets qu’on possède et traite à sa guise. Même chose d’ailleurs pour les personnages certes non violents, mais tout aussi possessifs de Brasserie romantique de Joel Vanhoebrouck (Belgique) et Halima’s path d’Arsen Anton Ostojic qui reviennent après une longue absence et attendent de leur petite amie qu’elle soit toujours disponible et prête à les suivre en un instant.

La plupart des réalisateurs portent un regard pessimiste sur ces relations amoureuses conflictuelles dans lesquelles les femmes sont toujours les victimes, prises au piège inextricable du chantage affectif et de la manipulation. Pour elles, il n’y a guère de moyens d’échapper à ce qui présenté comme leur destin : soit elles se soumettent en silence, soit elles sont condamnées à la fuite et l’errance. Plusieurs films insistent en effet sur le fait que leurs bourreaux (miraculeusement tout puissants) pourront les retrouver n’importe où.

viva belarusLa vraie libération de cette emprise malsaine ne peut alors venir que du recours à la violence. Ce renversement des rôles, qui transforme les victimes en bourreaux, les condamne (en un sens) à devenir exactement comme ceux qu’elles combattent. Ultime victoire de ces individus ne connaissant que la brutalité comme langage, et surtout curieuse manière de diviser la société entre victimes et bourreaux, sans troisième voie possible. Surtout lorsque l’on compare aux personnages masculins eux aussi confrontés à des actes de violence, et qui s’en sortent généralement par l’intelligence et la ruse, comme dans Viva Belarus! de Krzysztof Lukaszewicz (un jeune Biélorusse maltraité durant son service militaire ouvre un blog engagé pour critiquer le système) ou The girls and death de Jos Stelling (le jeune médecin prend sa revanche en jouant aux cartes).

Stéréotypes à gogo

Mais curieusement, force est de constater que dans les films de cette sélection, les personnages masculins sont très rarement présentés comme des victimes. Le rôle, surtout dans le cas de violence gratuite, est spécialement dévolu aux femmes, qui n’existent presque que dans cette optique. Et lorsque ce n’est pas le cas, les personnages véhiculent tous les stéréotypes traditionnels liés aux femmes : sujet de conversation qui unit les hommes (Into the white du Norvégien Petter Naess), bigotes crédules (The passion of Michel Angelo d’Esteban Larrain, Chili), épouse à reconquérir (Road north de Mika Kaurismaki, Finlande)…

Même le personnage de "femme forte" est une forme de stéréotype décliné avec plus ou moins de succès à travers le personnage d’Halima, mère courage yougoslave et seule protectrice de sa nièce (Halima’s path) ou celui d’Alice, dans Tango libre de Frédéric Fonteyne (Belgique), qui s’épanouit joyeusement dans un trio amoureux atypique. Même la restauratrice sûre d’elle de Brasserie romantique passe son temps à se sacrifier pour les autres, qu’il s’agisse de son frère ou de sa nièce.

Au final, seuls trois personnages alabama monroe féminins de la sélection semblent échapper aux stéréotypes traditionnels. Mieux écrits, plus développés, ils donnent enfin une image subtile de personnages qui, au lieu d’être des femmes, sont tout simplement des êtres humains, avec leur propre sensibilité et personnalité, et surtout qui ne se définissent pas uniquement par leur rapport à un homme (femme de, mère de). L’héroïne de Broken circle breakdown de Felix van Groeningen (Belgique) travaille dans le monde du tatouage et chante dans un groupe de bluegrass. Elle n’est pas dépendante de son compagnon (qu’elle refuse d’épouser) et sait reprendre sa liberté quand elle le souhaite.

Même chose avec la jeune journaliste engagée de Viva Belarus!, qui est sans cesse dans l’action, prête à se battre pour ses idées, et surtout à prendre des risques. Elle ne suit pas un homme qui serait son mentor, mais au contraire tente de convaincre son petit ami de la nécessité de militer.

baby bluesEnfin, la jeune fille haute en couleur de Baby blues (Kasia Roslaniec, Pologne) prend sa propre vie en mains. Elle est certes irresponsable et égoïste, mais elle poursuit son rêve (travailler dans la mode) et ne se laisse dicter aucun choix.

Sa personnalité multiple et créative se reflète dans ses tenues vestimentaires, originales et décalées. C’est une vraie adolescente d’aujourd’hui, bourrée de contradictions et de failles, qui surprend sans cesse le spectateur.

Des personnages enfin capables de rivaliser avec leurs homologues masculins pour dresser le portrait, tantôt émouvant, tantôt édifiant, d’êtres humains aux prises avec la vie. Preuve qu’il est possible, et surtout profitable, de s’extraire des éternels clichés sur ce qu’une femme est censée être pour se concentrer sur des personnalités et des destins particuliers.

Cannes 2013 : où sont les femmes ? – Roman Polanski et l’égalité des sexes

Posté par MpM, le 25 mai 2013

Vénus à la fourrureRoman Polanski a fait le grand écart le dernier jour du festival en proposant un film revendiqué comme une "satire du sexisme" (la Vénus à la fourrure) tout en tenant des propos eux-mêmes tendancieux lors de la conférence de presse du film.

"Je pense que cette tendance à vouloir mettre les hommes et les femmes à égalité est purement idiote. Je pense que c'est le résultat (...) des progrès de la médecine. La pilule a beaucoup changé les femmes de notre temps, en les masculinisant", a-t-il déclaré.

Sans doute est-ce pour cela que, dans la Vénus à la fourrure, les deux personnages ont des rôles sexués bien définis qui, s'ils évoluent au fil de l'histoire, restent toujours dans une certaine vision des rapports hommes/femmes.

D'abord, Vanda est une actrice vulgaire et Thomas un metteur en scène brillant. Puis elle devient le personnage de la pièce, distinguée et pure, avilie par les désirs coupables de l'homme qu'elle rencontre. Ensuite, elle est une dominatrice cruelle qui profite de celui qui l'adule ; avant de se transformer en victime soumise au bon vouloir de son amant. Pour finir, elle sera une déesse vengeresse intraitable. Autrement dit : une succession de stéréotypes manichéens qui cantonnent la femme à un petit panel de rôles archétypaux.

Et autant de clichés au nom de quoi ? Du romantisme. "Je pense que tout cela [la pilule et la recherche de l'égalité] chasse le romantisme de nos vies, et c'est bien dommage", a en effet précisé le cinéaste. Des propos surréalistes qui ressemblent à une mauvaise blague.

Si vraiment Roman Polanski pense ce qu'il dit, on l'invite à aller voir comment ça se passe dans les régions du monde où hommes et femmes ne sont pas placés sur un pied d'égalité  et où la pilule ne fait pas de "ravages" sur la féminité. On serait curieux de savoir ce qu'il trouve le plus romantique : les femmes traitées comme d'éternelles mineures par leurs frères, pères et maris, celles qui enchaînent les grossesses sans l'avoir désiré ou encore celles qui meurent sous le coup de leurs compagnons si virils.

Cannes 2013 : Où sont les femmes ? – My sweet pepper land

Posté par MpM, le 24 mai 2013

my sweet pepper landHiner Saleem est un grand cinéaste féministe. On a pu le deviner avec ses films précédents, et notamment Si tu meurs, je te tue, où son héroïne interprétée par Golshifteh Farahani devait s'émanciper par elle-même, sans l'aide d'un homme, aussi aimant soit-il.

Dans My sweet pepper land, l'actrice incarne une jeune institutrice confrontée à la méfiance et à l'intolérance des habitants du village où elle est mutée. Elle ne demande rien d'autre que le droit d'exercer sa profession en toute quiétude, sans être systématiquement infantilisée et surveillée. Mais le seigneur local, bien décidé à la faire renoncer à son poste, lance la rumeur selon laquelle elle a une aventure avant le nouveau commandant.

Les deux calomniés gardent la tête haute et, au lieu de nier et chercher à prouver leur bonne foi, ils répondent immanquablement que cela ne regarde pas leur interlocuteur. Jusqu'au bout,  ils garderont cette ligne qui redonne à l'héroïne un statut de sujet n'ayant à répondre de ses actes auprès de personne, pas plus les potentats locaux qu'à sa famille. "Je m'occupe de mon honneur, occupe-toi du tien" lance-t-elle à celui de ses frères qui veut la "punir" pour avoir porté atteinte à la réputation de la famille.

On sent dans ces quelques scènes toutes simples que pour Hiner Saleem, l'absolue liberté des êtres n'est pas négociable, quelles que soient les coutumes ou la tradition. Dans le Kurdistan fraîchement indépendant, tout reste à construire et réinventer, à commencer par une vraie égalité des sexes. Le cinéaste prouve avec My sweet pepper land que bien du chemin reste à accomplir, mais il montre en même temps les premières lueurs d'espoir, à travers le personnage de Goven, parfaitement émancipée, mais aussi des combattantes ayant pris le maquis ou encore de certains hommes (le commandant, l'un des frères de Goven) qui la traitent rigoureusement comme une égale. Dans une société encore profondément patriarcale, affirmer que l'on peut avoir du respect pour sa famille tout en vivant sa vie comme on l'entend est à la fois un acte courageux, militant et éminemment humaniste.