BIFFF 2016 : Corbeau d’or pour le japonais I am a hero de Shinsuke Sato

Posté par kristofy, le 11 avril 2016

Le 34e BIFFF, le Bruxelles International Fantastic Film Festival, s’est déroulé comme les autres années dans une joyeuse ambiance : plus d’une centaines de films au programme, et environ 53 000 spectateurs ont été de nouveau fidèles au rendez-vous (dont l'Entarteur Noël Godin et la réalisatrice Axelle Carolyn). Les attentats du 22 mars en Belgique la semaine précédant le début du festival n’auront eu aucune incidence sur le cinéma, à l'exception de l’absence de Kevin Smith, et c’est tant mieux ! Même la zombie-parade s’est traînée dans les rues.

Une centaine de films donc, certains en avant-première mondiale ou européenne, avec de la fantasy, du thriller, de la science-fiction, des fantômes, des psychopathes divers et des zombies affamés… Les trois nouvelles répliques cultes de cette année (peut-être reprises par les Bifffeurs l’année prochaine ?) auront été “Nimus” (une petite fille qui cherche son lapin, que ses parents sont en train de manger dans What we become de Bo Mikkelsen), “la la la” (trois notes à chanter pour reconnaître la personne qui va nous aimer dans The virgin psychotics de Sono Sion) et “wunderbar” (la satisfaction des petites créatures dans Yoga hosers de Kevin Smith).

Grand prix pour I am a hero


La plupart des films ont été vus par différents jurés dans le cadre de la Compétition internationale, la Compétition européenne, la Compétition 7e Orbit, la Compétition Thriller… Cette année, l'Asie est particulièrement à l'honneur avec le Corbeau d'or pour le film japonais I am a hero de Shinsuke Sato,adaptation d'un manga.Dans un pays qui sacralise la bande-dessinée (un musée, des sculptures et des illustrations de BD sont partout dans la ville), voilà une récompense assez symbolique de la grande proximité entre 9e art et 7e art.

Ont aussi été distingués deux films coréens tandis qu'une mention était attribuée à un chinois. En revanche, Yoga hosers de Kevin Smith est une petite déception et seuls deux gros favoris ont véritablement émergé et logiquement été récompensés : I am a hero, grand prix donc, et Anacleto, agent secret, prix du public.

Les autres titres forts du BIFFF comme par exemple 31Hardcore Henry, Green room, The survivalist, Summer camp, Veteran, Memories of the sword, Scherzo Diabolico, Le cadavre de Anna Fritz... ne figuraient pas dans la compétition internationale, mais ils ont bien fait sensation. Même le très très romantique The beauty inside en provenance de Corée a laissé les Bifffeurs muets d'émotion, eux qui d'habitude n'hésitent pas à partager leur joie (quand c'est bien sanglant) ou leur désapprobation (quand c'est ennuyeux).

Tout le palmarès

Le palmarès de la Compétition Internationale, avec autour du président du jury Jaume Balaguero, les actrices Bai Ling et Jasna Kohoutova, et Marc Caro et Luigi Cozzi :

- Corbeau d’Or, Grand Prix : I am a hero, réalisé par Shinsuke Sato (le dernier film présenté en compétition aura été le meilleur, un film de zombies spectaculaire, jouissif), sortie le 23 avril au Japon.
Corbeau d’Argent ex aequoThe Phone réalisé par Kim Bong-joo (polar où un homme essaye d'empêcher sa femme de mourir un an après son assassinat)
Corbeau d’Argent ex aequoSeoul station réalisé par Yeon Sang-ho (une classique histoire de zombies sans relief mais en film d'animation, par l'auteur de The king of pigs passé par Cannes)
- Mention spéciale : The arti : the adventure begins de Huang Wen Chang (film d'animation avec des marionnettes)

Le palmarès des autres sections :

Méliès d’Argent : Demon, réalisé par Marcin Wrona (en effet une belle surprise, revoir ici)
Prix ThrillerThe Photographer, réalisé par Waldemar Krzystek
Prix du 7e Parallèle : Traders, réalisé par Rachael Moriarty et Peter Murphy (l'irrévérence british ou plutôt irlandaise frappante, des désespérés organisent des duels à mort avec à la prime les économies du vaincu)
- Prix du Public : Anacleto, agent secret (Spy time), réalisé par Javier Ruiz Caldera (son deuxième prix du public après son film précédent Ghost Graduation en 2013, il était d'ailleurs favori, à revoir ici)

BIFFF 2016 : les fantômes font-ils encore peur ?

Posté par kristofy, le 6 avril 2016

Strange houseS'il y a un endroit où il n’est pas rare de se retrouver face à un fantôme, c’est bien le festival fantastique de Bruxelles, et de manière générale se faire tuer ou revenir d’entre les morts est d’ailleurs un peu la vie du BIFFF…
On attendait donc beaucoup des maîtres asiatiques avec leurs nouveaux films du genre spooky, tout en étant curieux des autres apparitions d'esprits, et finalement la véritable bonne surprise est venue de Pologne.

On a apprécié la belle ambiance étrange avec Sensoria, où une fillette recherche une mère en Suède, la vengeance sanglante d'orgueil adolescent dans Some kind of hate aux Etats-Unis, ou encore l'invocation d'un mauvais esprit qui ne veut plus partir en Russie avec le passable Queen of spades, mais trois films en particulier nous ont marqués :

The strange house, réalisé par Danny Pang : les frères Pang resteront toujours les réalisateurs qui ont secoué Hong-Kong avec leurs premiers films Bangkok Dangerous et The Eye (d’ailleurs ils ont ensuite eu des remakes américains). Danny et Oxyde Pang travaillent ensemble sur leurs films mais depuis quelques années, ils travaillent parfois en solo surr certains projets. La France les a quelque peu oubliés depuis Re-cycle pourtant présenté à Cannes en 2006 alors que depuis il y a eu tout de même le succès chinois Out of inferno 3D (d’ailleurs passé par le BIFFF en 2014, sorti directement en dvd en 2015).

Hélas ce n’est pas avec The strange house que ça va changer : une jeune fille accepte la proposition de se faire passer pour une autre morte qui lui ressemble face à une grand-mère presque mourante, elle va voir des fantômes dans cette autre famille qui semble vouloir la tuer pour un héritage à moins que… Le scénario bancal peine à se redresser avec un twist final, les personnages sont outrageusement mal joués, la musique et les effets sonores essaient de sauver une mise-en-scène guignolesque. On espère que Danny Pang a été plus inspiré pour son film suivant Blind Spot

Ghost theater, réalisé par Hideo Nakata : Même malheureux constat d'oubli pour l’auteur de Ring et Dark water, mais en moins pire. Depuis Chatroom son thriller américain en 2010 ses autres films d’épouvante tournés au Japon (The suicide forest, The complex…) ne sortent plus en France, pas même son remake très réussi de Monsterz que Hideo Nakata était pourtant venu présenté à Deauville en 2014 (et toujours pas disponible non plus en dvd).

Avec Ghost theater il reprend ghost theatre la classique figure de la poupée maléfique, ici elle est sur la scène d’un théâtre comme accessoire d’une grande pièce dont c’est les répétitions et différentes actrices dans le rôles principal vont être troublées par cette poupée qui va faire perdre la vie à différentes personnes de la troupe… Histoire classique sans surprise, le déroulé en images est plutôt lent et ne fait d’ailleurs jamais peur, le film ne laisse aucun souvenir particulier sauf si on en était encore au début des années 2000. Un faux-pas de Hideo Nakata sans conséquences.

Demon, réalisé par Marcin Wrona : Il s’agit du troisième long-métrage de ce Polonais habitués des festivals (ses deux premiers films ont eu de multiples récompenses), son dernier film aussi puisqu’il s’est suicidé à l’automne dernier à 42 ans… Le début de Demon est un peu laborieux avec un jeune-homme qui s’apprête à se marier avec une femme dont il ne connaît pas vraiment la famille, le couple prévoit des travaux dans une ancienne maison et en creusant un trou lui va découvrir un squelette. La cérémonie du mariage commence et elle va durer toute la nuit, et ce sont ces heures de fête pour les uns et de malheurs pour les autres qui occupent alors toute la durée du film : depuis sa macabre découverte le marié ne semble plus être le même, son esprit serait possédé par l’âme d’une fille décédée depuis plusieurs générations…

Marcin Wrona réussit le tour de force de faire plutôt une comédie à partir d’un cas de possession, il utilise la figure d’un dibbouk (l’âme d’une personne morte qui s’attache à un vivant dans la religion juive) peu traitée au cinéma, il fait le portrait de la Pologne d’aujourd’hui tout en évoquant celle d’antan, et surtout son récit est celui d’un mariage où les proches de la mariée (le père qui réprouve cette union, le prétendant éconduit, le prêtre qui veut surtout rentrer chez lui, un médecin qui se cache son alcoolisme…) tentent de sauver les apparences afin que tout se passe bien pour les nombreux invités alors que le marié n’est plus du tout lui-même… Demon est original parce qu’il s’éloigne d’un fantôme qui fait peur aux vivants (et au spectateur) et s'intéresse plutôt aux conséquences dramatiques de son apparition avec en prime un certain humour : une belle surprise.