Bagdad Café de Percy Adlon (1987)
L'histoire: Une touriste allemande quitte son mari et se perd en plein désert, avec la valise de son époux. Elle s'arrête au Bagdad Café, un vieux motel sur la route 66. La bavaroise se retrouve dans un rade poussiéreux, refuge à marginaux, tenu par une mère célibataire épuisée. L'étrangère va bouleverser tout cet équilibre précaire et attirer de nouveaux clients grâce à ses talents de magicienne.
Pourquoi il faut le voir? Outre le tube lent et hurlant, "Calling You", qui a fait le tour du monde, le film a été un gros succès (plus tard décliné en série TV et en comédie musicale), en France notamment (2,3 millions de spectateurs, deux César). A la fois mélo et comédie, ce feel-good movie a été une sensation des années 1980 alors qu'il est dépourvu d'intrigue. C'est sans doute ce qui le rend assez atemporel. Son esprit de liberté et son message positif (les barrières culturelles et les préjugés s'effondrent) font de cette fantaisie folklorique une fable généreuse.
La Ballade de Narayama de Shohei Imamura (1983)
L'histoire: En 1860, dans un village pauvre du Japon, les habitants atteignant 70 ans doivent aller mourir tranquillement sur le sommet de Narayama, aidés par leur fils aîné. La mère de Tatsuhei a 69 ans et se résigne pour le grand départ, alors qu'elle est encore vaillante. Elle règle les affaires de famille (mariages, dépucelage, et autres garantie que tout aille mieux après sa mort).
Pourquoi il faut le voir? Palme d'or en 1983, cette adaptation d'une nouvelle de Shichiro Fukazawa (la deuxième après celle de Keisuke Kinoshita en 1958) est remarquable par son réalisme, filmé en décors naturels, avec un regard presque documentaire. Imamura joue les peintres d'un Japon cruel, primitif et conservateur, tout en apportant un lyrisme sublime et une émotion palpable entre la mère et son fils. Le naturalisme et l'animalerie qui composent les plans montrent à quel point l'homme reste un "sauvage" et même un barbare. Sans aucun doute un des film les plus sombres et les violents derrière ce récit communautaire en apparence banal.
Central do Brasil de Walter Salles (1998)
L'histoire. Dora est une retraitée de l'éducation nationale qui travaille à la gare centrale de Rio de Janeiro, en écrivant des lettres pour les analphabètes. Elle est aigrie, a priori peu sympathique. Un jour, le jeune fils d'une de ses clientes, tuée dans un accident de circulation, laissée à la rue, se pointe devant elle. Sans aucune culpabilité, Dora le vend à un trafiquant d'organes. Mais sa voisine lui fait comprendre que cette fois-ci elle a été un peu trop loin. Elle récupère Josué, 9 ans, et accepte de partir dans le Nordeste pour retrouver le père du garçon. La vieille dame va progressivement s'adoucir...
Pourquoi il faut le voir? Ours d'or et Ours d'argent de la meilleure actrice à Berlin, prix du public à San Sébastian, deux fois nommé aux Oscars, Golden Globe du meilleur film en langue étrangère, Central do Brasil a été l'un des films phénomènes de l'année, révélant un documentariste dans le domaine de la fiction. Sentimental, acide, ce film dans la veine du néo-réalisme italien a permis à sa comédienne Fernanda Montenegro d'être couronnée un peu partout après 40 ans de carrière. Mais ce qu'on retient de cette histoire belle et touchante, c'est la générosité qui s'en dégage Cette quête identitaire, cette espérance enfouie dans une société dure, où la survie sociale et matérielle et les illusions mystiques vendues par les évangélistes laissent peu de place à la sincérité. Un vrai coup de cœur à l'époque. Et encore maintenant, sans doute par la surdose d'humanité qui s'en dégage.
La femme à abattre de Raoul Walsh et Bretaigne Windust (1951)
L'histoire: Un truand chargé de témoigner contre le patron d'un syndicat du crime est tué, malgré la protection de la police. Le chef du groupe criminel peut donc être libéré, en l'absence de preuves contre lui. Un inspecteur de police décide de trouver une preuve pour le confondre définitivement.
Pourquoi il faut le voir? Humphrey Bogart est ici à l'affiche de son dernier film avec la Warner Bros, après 25 ans de bons et loyaux services. En soi c'est notable. Pourtant The Enforcer a d'autres atouts. La construction avec plusieurs flashbacks était assez novatrice pour l'époque (tout s'alterne: l'enquête et la traque). La sémantique aussi, qui fait passer le film noir au film de gang, avec des mots "nouveaux", jargon de maffieux inconnu des flics comme des spectateurs. Et puis il y a cette particularité d'une co-réalisation. En fait Vretaigne Windust est tombé malade durant le tournage, Raoul Walsh a pris le relais, tournant l'essentiel du film. Classe, le cinéaste n'apparaît pas au générique, persuadé que ce film permettrait à Windust de s'affirmer dans le milieu.