Nice girls don’t stay for breakfast : Robert Mitchum à l’honneur dans un film et dans un livre

Posté par MpM, le 27 février 2019

Robert Mitchum, l'inoubliable interprète de La nuit du chasseur de Charles Laughton et des Nerfs à vif de Jack Lee Thompson, a disparu depuis plus de vingt ans, mais demeure encore l'un des acteurs les plus charismatiques de l'histoire hollywoodienne. En cette fin février, les fans, les nostalgiques, les cinéphiles en général mais aussi ceux qui le connaissent mal ont de quoi se réjouir car il est de retour à la fois sur grand écran dans un documentaire riche en images d'archives, Nice girls don't stay for breakfast de Bruce Weber, et en librairie, avec le très beau livre Mitchum X Weber aux éditions La Rabbia.

Le film montre notamment Robert Mitchum au travail, au début des années 90 (il enregistre un album de reprises) et compile différents témoignages auxquels s'ajoutent le récit à la première personne du réalisateur et des extraits de ses films. Bruce Weber, photographe de renom, était en effet parvenu à convaincre Mitchum de se laisser filmer, et de partager ses souvenirs devant la caméra.

Pourtant, on le sent réticent à se livrer. Il est souvent élusif, préférant répondre par une blague, ou un bon mot, que de parler véritablement de lui-même. Le film, parfois, y perd en cohérence, ou donne l'impression de passer un peu à côté de son sujet. Qu'importe, ces images et ces paroles rares sont précieuses, car elles nous permettent de côtoyer, à des années de distance, le vrai Robert Mitchum, à la fois éloigné du cliché du sex symbol, et néanmoins terriblement séduisant et drôle.

Le livre qui accompagne cette sortie, lui, associe les clichés de Bruce Weber, pour la plupart inédits, à différentes images d'archives et coupures de presse, ce qui en fait une mine d'or pour tous les amoureux du cinéma. Photos de films y côtoient portraits et clichés plus spontanés, qui recomposent l'image publique du comédien, entre faux dur et vrai séducteur. Des anecdotes s'y mêlent également, souvenirs de Benicio del Toro ou Johnny Depp, ou encore de Mitchum lui-même.

Avec ce livre, Bruce Weber propose ainsi clairement un bel ouvrage (d'ailleurs publié dans une édition limitée à 1500 exemplaires numérotés) plutôt qu'une biographie ou un livre de témoignages plus traditionnels. Il offre ainsi un panorama riche et fascinant des différents visages de Robert Mitchum, que l'on revisite avec la même fascination qu'à l'époque de l'âge d'or d'Hollywood.

Cannes 70: Cachez ces seins qu’il ne faudrait pas voir!

Posté par vincy, le 4 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-44. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Simone Silva Robert Mitchum © WikipediaSi aujourd'hui, on s'offusque de voir une magnifique Claudia Cardinale retouchée sur l'affiche du 70e Festival de Cannes, imaginez ce qui est arrivé quand, en 1954, l'actrice Simone Silva fit scandale durant le Festival de Cannes en étant photographiée "topless".

C'était l'époque des starlettes: en 1953, le cinéma avait créé Brigitte Bardot sur la Croisette, avant la déferlante des comédiennes italiennes.  C'était aussi les prémices de la Révolution sexuelle et du féminisme. En 1954, deux événements littéraires majeurs ont acté la naissance de l'émancipation du corps de la femme. D'abord, en juin, la parution du sulfureux et sado-masochiste Histoire d'O de Pauline Rage, édité par Jean-Jacques Pauvert (qui sera jugé deux ans plus tard pour avoir osé publié les œuvres du Marquis de Sade). Ensuite, la remise du Prix Goncourt à la théoricienne du féminisme, Simone de Beauvoir, pour Les Mandarins, cinq ans après son essai fondamental Le deuxième sexe.

En 1954, la France n'a pas encore découvert le naturisme ou les couvertures du magazine Lui. Playboy vient juste de naître outre-Atlantique.

Sur la Croisette cannoise, tout juste élue Miss Festival, l'actrice britannique Simone Silva, 26 ans alors, née en Egypte de parents franco-italiens, fait sensation. Pas loin, Robert Mitchum pique-nique en public aux îles de Lérins. La jeune femme laisse tomber son soutien-gorge dévoilant ainsi son opulente poitrine, tout en cachant ses seins avec ses mains. La voyant mitraillée par les photographes, le "bad boy" d'Hollywood, Mitchum, en bon gentleman qui se respecte et pas dégonflé, joue avec ses paluches autour de ces seins...

Soyons honnêtes: les médias et les photographes ont adoré capter ce moment libertin et ludique, pour ne pas dire "libéré" des carcans puritains. Le Festival a moins apprécié, terrifié par cette publicité considérée comme vulgaire et indigne de sa réputation.

mitchum silva cannes 1954

Car au départ, c'est bien un scandale diplomatique qui se profile à cause de ces seins nus. On est aussi en pleine guerre froide. L’Amérique crie au scandale et demande le boycott du Grand Bob (qui tournera quand même l'un de ses chefs d'œuvre l'année suivante: La nuit du chasseur). Le Festival oblige Simone Silva à quitter Cannes. Sous la pression de l'opinion publique aux Etats-Unis (rappelons qu'on ne montre toujours pas un téton aujourd'hui à la télévision américaine), la délégation américaine suit le mouvement et abandonne le soleil de la Côte d'Azur. Robert Favre Le Bret, alors délégué général du Festival, part négocier pour convaincre les Américains de rester en compétition. Par sanction contre Cannes, "synonyme de débauche", Grace Kelly ne participera pas au Festival. Tant qu'il y aura des hommes de Fred Ziinneman repartira quand même avec un prix spécial.

Le destin de Simone Silva fut tragique par la suite. Elle venait chercher à Cannes une notoriété. L'actrice a cru pouvoir aller travailler à Hollywood. Une fois son visa rejeté, elle revient au Royaume Uni, mais sa carrière ne décolle pas et on la retrouve morte chez elle trois années plus tard. Simone Silva a payé lourdement son audace et sa naïveté.

La justice s'empare du topless

Mais on peut la remercier d'avoir provoqué un déclic, avant l'heure. Car dix ans plus tard, à Saint-Tropez, les femmes commencent à faire du "topless" sur la plage: le monokini arrive dans les rayons et facilite le dévoilement de la partie haute du corps. En juillet, un restaurateur a d'ailleurs demandé à Claudine, une jeune fille du coin, de jouer au ping-pong les seins découverts. Les photographes sont là encore ravis. Mais il faut savoir que des maires ont signé des arrêtés pour interdire cette pratique (ça vous rappelle une autre polémique plus récente?). Le restaurateur et Claudine ont été condamnés en septembre. Non pas à cause du monokini de la jeune femme mais parce qu'elle s'était exhibée contre une rétribution, dans un but publicitaire, et dans le cadre d'une mise en scène planifiée. Autrement dit, la Justice n'a pas condamné les seins nus de la "délinquante" (qui sera finalement relaxée après une longue querelle juridique) mais la manipulation des masses par une image "osée": "Le spectacle de la nudité n'a rien qui puisse outrager une pudeur normale même délicate s'il ne s'accompagne pas de l'exhibition des parties sexuelles, ou d'attitudes ou gestes lascifs ou obscènes." Victoire pour les nénés!

Les seins nus sur les plages vont accompagner le mouvement d'émancipation des femmes, affirmant leur corps, s'affranchissant du passé et des hommes. Dix ans plus tard, les maires autorisent officiellement les femmes à ne porter qu'une culotte sur les plages, aux yeux du public. Et aujourd'hui ça ne choque quasiment plus personne. Les Tartuffe ont perdu la guerre que Simone Silva avait déclenché il y a 63 ans.

Festival Lumière – Jour 3 : 100% Scorsese-De Niro

Posté par Morgane, le 16 octobre 2015

Troisième jour de festival Lumière, ce sera une journée purement scorsesienne avec Casino en matinée et Les Nerfs à vif en soirée. Deux films des années 90 que tout opposent, hormis la présence magistrale de Robert de Niro.

"Même si ma peau en dépend, je dois te faire confiance."

C'est Laure Marsac qui vient nous présenter Casino. Pour l'actrice césarisée (La Pirate de Jacques Doillon) ,Casino c'est un film démentiel. "1 million de dollars rien que pour les costumes de Robert De Niro et Sharon Stone, une lumière incroyable de Robert Richardson dont c'est la première collaboration avec Scorsese, le superbe montage de l'immense Thelma Schoonmaker, la monteuse fidèle de Scorsese. C'est pour moi le plus beau film de Martin Scorsese, le plus beau rôle de Sharon Stone et un des plus beaux rôles de Joe Pesci. C'est un film sur la circulation de l'argent, le travail mais aussi un film intimiste au départ puisque c'est une véritable histoire d'amour." Une tragédie même, où les flammes de l'enfer, le sang sur le sable et la coke en stock détruisent un à un les "rois" de Vegas et avec eux leurs ambitions démesurées.

Elle explique également en quoi Casino est un film précurseur. "Lorsque l'on regarde Casino aujourd'hui, on voit qu'il est annonciateur de certaines écritures de séries telles que Soprano ou The Wire." Pour résumer, selon elle, c'est "LE film de Scorsese!!!" La quintessence flamboyante de ses films de mafia, comme une prolongation des Affranchis, où les codes amoureux du Temps de l'innocence se fracassent au réel. C'est aussi le premier film "glamour" du maître, celui qui préfigure les Aviator et autres Loup de Wall Street: le strass n'est que le vernis d'une Amérique qui se décompose sous le poids d'un matérialisme/consumérisme destructeur. Et à chaque fois la folie emporte l'homme.

Et en effet quel bonheur de voir cette grande salle comble à 10h du matin pour revoir Casino sur un grand écran, moi qui n'ai eu l'occasion de le voir que sur un écran de télévision. Ce film prend aux tripes et sur les quasi 3h, pas une seule fois on ne décroche. Le scénario est impeccable, la façon qu'a Scorsese de filmer est happante (on se balade avec la caméra au sein du casino dans une scène d'ouverture superbe) et le trio De Niro, Stone et Pesci est absolument sans fausse note. C'est un véritable chef d'oeuvre de Scorsese, qui utilise à la perfection la musique classique comme rock.

"Je suis peut-être le grand méchant loup"

Le soir, on retrouve De Niro, dans un tout autre genre. "Martin Scorsese réalise ce film en 1991 lorsque sa carrière est à son apogée. Il vient de réaliser Les Affranchis un an auparavant avec Robert De Niro qui y joue un gangster qui a des règles. Ici on le retrouve dans la peau de Max Cady, un homme sans foi ni loi."

Les Nerfs à vif est un film de commande pour Scorsese, commande passée par Universal. Il fait donc un remake du Cape Fear de 1962 de Jack Lee Thompson avec Gregory Peck et Robert Mitchum (clin d'oeil au film original, ils ont tous deux un petit rôle dans la nouvelle version). Scorsese remplace Gregory Peck par Nick Nolte et Robert Mitchum par Robert De Niro et modifie quelque peu le Cape Fear original en en faisant un thriller quasi excessif et ultra-violent. Un film de genre outrancier (comme les tatouages de De Niro, dont on peut admirer tous les détails sur une photographie exposée à la Cinémathèque française). La musique d'Elmer Bernstein colle parfaitement au mode thriller avec ces fameuses notes graves et angoissantes qui semblent se répéter à l'infini.

Scorsese arrive à mettre sa griffe sur ce remake mais le côté suspens est quelque peu laissé de côté. Il se focalise principalement sur l'exagération des effets et une violence extrême. Pour Les Nerfs à vif, l'enthousiasme est un peu moins fort. Le film est plus convenu, a vieilli. Les personnages de la famille Bowden sont effleurés et on ne ressent que peu d'empathie à leur égard finalement. En revanche, on sent que Martin Scorsese s'est fortement impliqué dans le personnage de Max Cady pour faire de lui un véritable psychopathe à qui Robert De Niro prête admirablement ses traits. En voyant ces deux films le même jour, on voit bien le rapport fusionnel entre le comédien et le cinéaste, cet effet de miroir troublant entre le maître et son double. C'est aussi une manière de rappeler que leur collaboration ne se limite pas au triptyque Taxi Driver-Raging Bull-Les Affranchis. C'est bien parce que leur filmographie commune est si variée (comédie, boxe, thriller, mélo musical...) qu'ils ont l'un et l'autre construit leur mythologie dans le 7e art. Ils étaient capables de tout, mais l'un sans l'autre, on peut se demander si l'Histoire du cinéma, qu'ils ont marqué fortement durant plus de 20 ans, n'aurait pas été différente.

Impossible aujourd'hui de penser à De Niro sans évoquer ses rôles chez Scorsese.

Jean Simmons (1929-2010), si désirée…

Posté par vincy, le 23 janvier 2010

jean_simmons_gallery_17.jpgElle avait un physique qui nous rappelait Vivien Leigh, quelque chose d'Audrey Hepburn avant l'heure.  Une beauté de tragédienne. C'est d'ailleurs dans Hamlet, de Laurence Olivier, en 1948, en sublime Ophélie qu'elle fut révélée au grand public. Jean Simmons est décédée à presque 81 ans, près de Los Angeles, des suites d'un cancer du poumon.

Sans aucun court dramatique cette londonienne née en janvier 1929 a tout appris sur le tas. Elle commence à 15 ans avec Give us the Moon et enchaîne les petits rôles. Pour elle, c'est un métier, qui lui fait gagner de l'argent. Dans César et Cléopatre (avec Leigh, Stewart Granger et Claude Rains, elle est une harpiste). David Lean lui offre son premier personnage important, celui d'Estella, jeune, dans Les grandes espérances. Grâce à Lean, elle commence à prendre plaisir au jeu. Les rôles s'étoffent et le grand Laurence Olivier la transforme à jamais en Ophélie. Elle y reçoit sa première nomination à l'Oscar (du meilleur second rôle féminin) et un prix d'interprétation à Venise (où le film est aussi Lion d'or).

Ironiquement ce sera son prix le plus prestigieux, hormis un Golden Globe récompensant sa "carrière très variée" en 1958. En tournant un deuxième film avec Stewart Granger, elle se marie avec lui et s'exile à Hollywood. Beauté un peu diaphane, silhouette gracieuse, elle devient vite l'ange diabolique idéal, un peu pervers.  "J'ai toujours aimé avoir des rôles de méchante, ce qui n'est pas vraiment ma nature", avouait-elle. Simmons devient tête d'affiche de thrillers et de polars. Après la Rank en Grande Bretagne, elle est liée à la 20th Century Fox aux Etats-Unis.

En 1952, Otto Preminger l'engage pour être Un si doux visage, avec Robert Mitchum. Le tournage fut "viril" avec des conflits permanents entre Preminger et Mitchum, et le producteur Howard Hugues qui refusait d'arbitrer les différents.Elle débute aussi sa carrière dans les péplums. On notera L'Egyptien, de Michael Curtiz, en 1954, avec Gene Tierney et Victor Mature, avec qui elle a souvent joué ; Spartacus de Stanley Kubrick en 1960, où elle retrouve Laurence Oliver, mais aussi Tony Curtis et Kirk Douglas. Comme Ingrid Bergman, Jeanne Moreau et Elsa Martinelli, elle avait refusé le personnage de Varinia, qui échoua à Sabine Bethman avant que Kubrick ne la vire et le repropose à Simmons. Mais le péplum le plus marquant c'est La tunique en 1953. Enorme succès populaire (le film aurait rapporté 485 millions de $ s'il était sorti en 2010), il a aussi fait les unes de la presse people quand  Stewart Granger menaça avec une arme l'acteur principal du film, Richard Burton, qui a eu une liaison avec Simmons. Ils divorceront en 1960, après dix ans de mariage.

Jean Simmons  continue les productions à costume comme La Reine Vierge où elle incarne la Reine Elisabeth I, mais elle varie les styles aussi. Aux côtés de Spencer Tracy elle joue The Actress, comédie de George Cukor, où un certain Anthony Perkins débute ; face à Marlon Brando en Napoléon Bonaparte, elle est Désirée. Elle le retrouve, en adepte de l'armée du salut, dans Blanches colombes et vilains messieurs (Guys and Dolls) du grand Joseph L. Mankiewicz, avec Franck Sinatra. Elle tourne quelques films de Robert Wise, mélo ou comédie. Un western de William Wyler, avec Gregory Peck. Ce sont souvent de jolis succès en salles. Simmons est populaire, sans être une star de premier plan.

En 1960 elle croise le chemin de Richard Brooks, son époux de 1960 à 1977. Il la dirige dans Elmer Gantry, le charlatan, avec Burt Lancaster. Stanley Donen la fait jouer avec Cary Grant (et Deborah Kerr et Robert Mitchum, fidèles partenaires de l'actrice) dans Ailleurs l'herbe est plus verte. Et à partir de 1961, sa carrière décline, après 10 ans de starisation. Elle tourne moins et commence à se tourner vers le petit écran. Son mari lui offre un rôle en 1969, dans The Happy Ending. Un drame qui lui vaut sa deuxième nomination à l'Oscar (de la meilleure actrice).

Sur le grand écran, elle ne fera plus rien de vraiment marquant. Sa carrière se prolonge à la télévision, dans des téléfilms et des feuileltons prestigieux, ou en guest star (dans Star Trek!). Elle ne s'est jamais arrêtée, faisant des voix de dessin animé. Elle sera ainsi aux Etats-Unis, la grand mère Sophie du château ambulant de Miyazaki. Son dernier film, après 14 ans d'absence au cinéma, Shadows in the Sun (site officiel), est sorti en juin dernier.

Elle a eu deux enfants. Tracy Granger et Kate Brooks, un de chacun de ses mariages. les prénoms rendent honneur au couple mythique du 7e art, et amis de Simmons, Spencer Tracy et Katharine Heburn.