Prix Lumière pour Martin Scorsese: « C’est très émouvant pour moi de recevoir cet hommage dans la ville où le cinéma est né »

Posté par Morgane, le 18 octobre 2015

Vendredi 16 octobre, 19h30, l'Amphithéâtre de la cité internationale de Lyon fait salle comble, comme tous les ans depuis 7 ans pour cette occasion si spéciale qui ponctue le Festival Lumière. Après Clint Eastwood, Milos Forman, Gérard Depardieu, Ken Loach, Quentin Tarantino et Pedro Almodovar, cette année c'est Martin Scorsese à qui va être remis le Prix Lumière… mais des mains de qui? Les suppositions vont bon train. Le choix de Taxi Driver projeté à la suite de cette cérémonie laisse libre cours à notre imagination… On en vient à rêver que Robert De Niro himself vienne remettre le Prix à Martin Scorsese qui lui a offert ses plus grands rôles!

La traditionnelle séance de photocall devant l'effigie de la star du jour commence. Tout le monde passe sous les flash des photographes et les applaudissements du public. Jean-François Stévenin, Jane Birkin, Vincent Perez, Elsa Zylberstein, Françoise Fabian, Richard Anconina, Pierre Lescure, Thierry Frémaux, Michèle Laroque, Géraldine Chaplin, Tony Gatlif, Anne Le Ny, Pierre Richard, Michel Hazanavicius, Bérénice Béjo, Tahar Rahim, Léa Drucker, Edouard Baer, Vincent Lacoste, Hippolyte Girardot, François Cluzet, Salma Hayek… Le bal du 7e Art français.

Nombreux et divers hommages à un des grands maîtres du 7e Art

Et c'est au tour du grand Scorsese de faire son entrée sous un tonnerre d'applaudissements.

La soirée peut alors commencer avec les traditionnelles dix minutes de montage montrant les films projetés durant cette édition 2015. Puis c'est au tour de Camelia Jordana de prendre le micro pour entonner un New York, New York sensuel et intimiste.

La chanteuse laisse la place à Robert De Niro qui n'a malheureusement pas pu être là en chair et en os mais qui a tenu à envoyer un message de 25 secondes (apparemment ce n'est pas un grand parleur) à Martin Scorsese, concluant par ces mots : "amuse-toi bien!"

Puis une petite dizaine de films des Frères Lumière (sur les 1500 environ qu'ils ont tournés) sont projetés dont un sur Istanbul (en hommage à Elia Kazan) et un sur New York (spécialement projeté pour Scorsese).

C'est au tour d'Abbas Kiarostami de rendre hommage à Martin Scorsese en projetant son court-métrage Thanks Marty tout en contemplation dans un paysage enneigé.

Les musiques des films de Scorsese se suivent sans se ressembler sous les doigts du pianiste Jean-Michel Bernard pour laisser place ensuite à un extrait de Around midnight, film de Bertrand Tavernier (1986) dans lequel Scorsese n'est cette fois plus réalisateur mais acteur aux côtés de François Cluzet et Dexter Gordon.

Jane Birkin prend ensuite le micro et entonne As time goes by.

Et de conclure avec un extrait de Laurel et Hardy au Far West (1937) qui avait été projeté aux obsèques d'Alain Resnais, décédé l'année dernière. Thierry Frémaux nous apprend alors que parmi les amitiés de Scorsese il y avait Alain Resnais et que tous deux aimaient beaucoup débattre pour savoir quel malheur serait le plus grand. Ne plus voir de films ou ne plus faire de films? Pas sûr qu'ils aient un jour trouver la réponse.

"Celui qui se perd dans sa passion perd beaucoup moins que celui qui perd sa passion."

Les invités de Martin Scorsese, parmi lesquels Géraldine Chaplin, Tony Gatlif, Max von Sydow, Suleymane Cissé, Matteo Garrone, Jean-Pierre Jeunet, David Tedeschi (co-réalisateur avec Martin Scorsese du documentaire 50 year of argument), Abbas Kiarostami, Olivia Harrisson etc., viennent alors sur la scène pour accueillir Martin Scorsese.

Thierry Frémaux et François Cluzet lisent à deux voix la lettre adressée par Bertrand Tavernier, malheureusement absent, à Scorsese et qui se conclue ainsi : "Celui qui se perd dans sa passion perd beaucoup moins que celui qui perd sa passion."

Et ce sera finalement des mains de Salma Hayek que Martin Scorsese reçoit le Prix Lumière 2015. Le choix de Salma Hayek est quelque peu surprenant sachant qu'ils n'ont jamais tourné ensemble… L'émotion était du coup beaucoup moins forte qu'avec Quentin Tarantino qui s'était vu remettre le Prix par Uma Thurman en présence de Harvey Keitel ou encore avec Ken Loach et Eric Cantona ou Gérard Depardieu et Fanny Ardant. Déjà l'année dernière le choix de Juliette Binoche pour remettre le Prix à Pedro Almodovar (alors qu'étaient présentes Marisa Paredes, Rossi de Palma et Elena Anaya) nous avait étonné mais Juliette Binoche lui avait tout de même adressé un beau discours tandis que là, pas un mot de la part de Salma Hayek… Bref, on aurait aimé une belle surprise pour cette remise du Prix à ce grand homme du Cinéma. On n'osait espérer Robert de Niro ou Leonardo DiCaprio ou même Sharon Stone, mais quand le choix de la projection de Taxi Driver après la cérémonie a été annoncé (alors qu'il était déjà projeté à plusieurs reprises durant la semaine du Festival), le nom de Robert De Niro était dans tous les esprits… So sad

Mais cela n'a tout de même pas empêché Martin Scorsese de nous honorer d'un beau discours commençant en ces termes : "Je ne sais pas si je vais survivre à cela. C'est très émouvant pour moi d'être ici ce soir et de recevoir cet hommage dans la ville où le cinéma est né." Il a parlé de son amour du cinéma né de son asthme et de ses parents qui, ne sachant que faire de lui, l'emmenaient alors énormément au cinéma avec eux. L'ouverture au monde que lui a apporté le cinéma, puis le bonheur de pouvoir enfin faire des films et de pouvoir continuer à en faire. Ce besoin par la suite de préserver des films (qui l'a conduit à créer The Film Foundation's World Cinema Project) qui est venu non pas d'un désir mais bien d'une colère et d'une frustration de voir tant de beaux films disparaître.

Petit homme au débit de paroles impressionnant, Martin Scorsese est apparu avant tout comme un grand homme du Cinéma, un de ceux qui fait que le paysage cinématographique actuel est ce qu'il est. Car le cinéma de Scorsese, et ce depuis son premier long-métrage Mean Streets (1973), ne déçoit pas ou si peu. Car son univers musical classique, rock ou jazz nous transporte. Car sa caméra sait toujours être au bon endroit et trouver le bon rythme. Car ses personnages sont emblématiques et qu'on n'oubliera jamais Travis dans Taxi Driver, Jake La Motta dans Raging Bull, Jimmy, Henry et Tommy dans Les Affranchis, Max Cady dans Les nerfs à vif, Ace et Nicky dans Casino, Amsterdam dans Gangs of New York ou bien encore Jordan dans Le Loup de Wall Street. Et pour tout ça,la salle a ovationné ce petit italo-américain devenu géant de son art et lui a adressé un immense MERCI.

Martin Scorsese prévoit un 9ème film avec Robert de Niro

Posté par vincy, le 16 octobre 2015

Vendredi 16 octobre, Martin Scorsese a donné une master class dans le cadre du Festival Lumière à Lyon, juste avant de recevoir le Prix Lumière pour l'ensemble de son oeuvre.

A cette occasion, il a révélé qu'il travaillait actuellement sur un nouveau film qu'il espère tourné avec Robert De Niro, 20 ans après Casino, leur dernière collaboration. "C'est un film qui s’appellera The Irishman et nous travaillons toujours sur les modalités" et "notamment sur "nos" emplois du temps respectifs et les financements". Le projet n'est pas nouveau mais il a toujours été reporté, pour cause d'incompatibilités d'agendas.

Scorsese doit terminer la post-production de Silence, adaptation d'un livre de Shûsaku Endô, sur des missionnaires chrétiens au Japon au XVIIe siècle. Et il développe aussi une nouvelle série pour la chaîne américaine HBO, "Vinyl", sur l'industrie du disque dans les années 70, qu'il co-produit avec Mick Jagger. Et il est toujours engagé sur l'adaptation de Le diable dans la ville blanche d'Erik Larson, avec Leonardo DiCaprio.

Robert De Niro et Martin Scorsese ont travaillé ensemble sur 8 films, de Mean Streets en 1973 à Casino en 1995. Leur plus gros succès (en fréquentation) en Amérique du nord est le film commandé par Universal, Les nerfs à vif en 1991. Leur collaboration n'a jamais vraiment cartonné au box office nord américain, hormis avec Taxi Driver qui avait rapporté 28M$ en 1976 (109M$ aujourd'hui en tenant compte de l'inflation. En France, Taxi Driver reste le film avec De Niro le plus vu en salles (2,75 millions d'entrées).
Au Box office américain, Leonardo DiCaprio a été bien plus profitable pour Scorsese puisqu'à part Les nerfs à vif, quatre des cinq plus gros succès du cinéastes sont avec DiCaprio en tête d'affiche (Les infiltrés, Aviator, Shutter Island, Le Loup de Wall Street). En France, c'est aussi grâce à Shutter Island et Le Loup de Wall Street que le réalisateur a pu attiré plus de 3 millions de spectateurs dans les salles. Enfin, c'est aussi avec Les Infiltrés que Scorsese a obtenu son précieux Oscar du meilleur réalisateur, plus de 20 ans après la Palme d'or de Taxi Driver.

De Niro a bien plus profité à Scorsese que l'inverse. Car si les rôles populaires de l'acteur sont issus de comédies ou d'autres cinéastes comme Coppola, De Palma ou Cimino, c'est bien grâce à Scorsese qu'il a reçu son Oscar et son Golden Globe (Raging Bull). Sur 5 nominations aux Oscars, il en a reçu trois pour un film de Scorsese et sur 8 nominations aux Golden Globes, il en doit 4 à son réalisateur fétiche. Peu importe les prix ou le box office: on sait tous que le duo Scorsese-De Niro a produit les trois meilleurs films de leur carrière: Taxi Driver, Raging Bull et Les affranchis. C'est avec ces films que le duo est devenu mythique en quinze ans...

Festival Lumière – Jour 3 : 100% Scorsese-De Niro

Posté par Morgane, le 16 octobre 2015

Troisième jour de festival Lumière, ce sera une journée purement scorsesienne avec Casino en matinée et Les Nerfs à vif en soirée. Deux films des années 90 que tout opposent, hormis la présence magistrale de Robert de Niro.

"Même si ma peau en dépend, je dois te faire confiance."

C'est Laure Marsac qui vient nous présenter Casino. Pour l'actrice césarisée (La Pirate de Jacques Doillon) ,Casino c'est un film démentiel. "1 million de dollars rien que pour les costumes de Robert De Niro et Sharon Stone, une lumière incroyable de Robert Richardson dont c'est la première collaboration avec Scorsese, le superbe montage de l'immense Thelma Schoonmaker, la monteuse fidèle de Scorsese. C'est pour moi le plus beau film de Martin Scorsese, le plus beau rôle de Sharon Stone et un des plus beaux rôles de Joe Pesci. C'est un film sur la circulation de l'argent, le travail mais aussi un film intimiste au départ puisque c'est une véritable histoire d'amour." Une tragédie même, où les flammes de l'enfer, le sang sur le sable et la coke en stock détruisent un à un les "rois" de Vegas et avec eux leurs ambitions démesurées.

Elle explique également en quoi Casino est un film précurseur. "Lorsque l'on regarde Casino aujourd'hui, on voit qu'il est annonciateur de certaines écritures de séries telles que Soprano ou The Wire." Pour résumer, selon elle, c'est "LE film de Scorsese!!!" La quintessence flamboyante de ses films de mafia, comme une prolongation des Affranchis, où les codes amoureux du Temps de l'innocence se fracassent au réel. C'est aussi le premier film "glamour" du maître, celui qui préfigure les Aviator et autres Loup de Wall Street: le strass n'est que le vernis d'une Amérique qui se décompose sous le poids d'un matérialisme/consumérisme destructeur. Et à chaque fois la folie emporte l'homme.

Et en effet quel bonheur de voir cette grande salle comble à 10h du matin pour revoir Casino sur un grand écran, moi qui n'ai eu l'occasion de le voir que sur un écran de télévision. Ce film prend aux tripes et sur les quasi 3h, pas une seule fois on ne décroche. Le scénario est impeccable, la façon qu'a Scorsese de filmer est happante (on se balade avec la caméra au sein du casino dans une scène d'ouverture superbe) et le trio De Niro, Stone et Pesci est absolument sans fausse note. C'est un véritable chef d'oeuvre de Scorsese, qui utilise à la perfection la musique classique comme rock.

"Je suis peut-être le grand méchant loup"

Le soir, on retrouve De Niro, dans un tout autre genre. "Martin Scorsese réalise ce film en 1991 lorsque sa carrière est à son apogée. Il vient de réaliser Les Affranchis un an auparavant avec Robert De Niro qui y joue un gangster qui a des règles. Ici on le retrouve dans la peau de Max Cady, un homme sans foi ni loi."

Les Nerfs à vif est un film de commande pour Scorsese, commande passée par Universal. Il fait donc un remake du Cape Fear de 1962 de Jack Lee Thompson avec Gregory Peck et Robert Mitchum (clin d'oeil au film original, ils ont tous deux un petit rôle dans la nouvelle version). Scorsese remplace Gregory Peck par Nick Nolte et Robert Mitchum par Robert De Niro et modifie quelque peu le Cape Fear original en en faisant un thriller quasi excessif et ultra-violent. Un film de genre outrancier (comme les tatouages de De Niro, dont on peut admirer tous les détails sur une photographie exposée à la Cinémathèque française). La musique d'Elmer Bernstein colle parfaitement au mode thriller avec ces fameuses notes graves et angoissantes qui semblent se répéter à l'infini.

Scorsese arrive à mettre sa griffe sur ce remake mais le côté suspens est quelque peu laissé de côté. Il se focalise principalement sur l'exagération des effets et une violence extrême. Pour Les Nerfs à vif, l'enthousiasme est un peu moins fort. Le film est plus convenu, a vieilli. Les personnages de la famille Bowden sont effleurés et on ne ressent que peu d'empathie à leur égard finalement. En revanche, on sent que Martin Scorsese s'est fortement impliqué dans le personnage de Max Cady pour faire de lui un véritable psychopathe à qui Robert De Niro prête admirablement ses traits. En voyant ces deux films le même jour, on voit bien le rapport fusionnel entre le comédien et le cinéaste, cet effet de miroir troublant entre le maître et son double. C'est aussi une manière de rappeler que leur collaboration ne se limite pas au triptyque Taxi Driver-Raging Bull-Les Affranchis. C'est bien parce que leur filmographie commune est si variée (comédie, boxe, thriller, mélo musical...) qu'ils ont l'un et l'autre construit leur mythologie dans le 7e art. Ils étaient capables de tout, mais l'un sans l'autre, on peut se demander si l'Histoire du cinéma, qu'ils ont marqué fortement durant plus de 20 ans, n'aurait pas été différente.

Impossible aujourd'hui de penser à De Niro sans évoquer ses rôles chez Scorsese.

Festival Lumière – Jour 2 : le Bubby de Rolf De Heer et le King de Martin Scorsese

Posté par Morgane, le 14 octobre 2015

Deuxième jour du festival Lumière à Lyon. De l'Australie à New York, on se dépayse en quelques heures.

Bubby le bad boy australien

Aujourd'hui direction la salle obscure du Cinéma Opéra pour découvrir Bad Boy Bubby (1993) de Rolf De Heer présenté ici en avant-première avant sa ressortie en salles le 11 novembre prochain. Le pitch attire, intrigue (un enfant sauvage de 35 ans, enfermé depuis sa naissance, fait pour la première fois l'expérience du monde extérieur…), tout comme la bande-annonce.

Rolf De Heer est là en personne, fraîchement débarqué de Tasmanie, pour nous présenter son film. Il a aussi inauguré sa plaque rue du Premier Film hier après-midi. C'est un cinéaste australien majeur. Il réalise des films très politiques, abordant notamment la thématique aborigène - The Tracker, 10 canoës, 150 lances et 3 épouses et Charlie's Country. Les deux derniers ayant été présentés et primés à Cannes dans la section Un Certain Regard. Son travail a donc marqué l'Histoire du cinéma australien de par ses thématiques qui font encore polémique dans les débats nationaux (la politique, les aborigènes, les marginaux…).

Ce film a été tourné à Adelaide il y a de cela 23 ans et l'on peut noter une anecdote peu commune : il y a eu 32 directeurs de la photographie sur ce film. Pourquoi? Rolf De Heer nous explique: "C'est compliqué! Quand j'ai commencé à travailler sur ce film, 11 ans avant de le faire, je pensais que ce serait mon tout premier film et je n'avais donc aucune attente en ce qui concernait le financement. Je pensais alors devoir tourner les week-end et travailler la semaine pour le financer. Je pensais également qu'il faudrait deux ou trois ans pour filmer et le problème serait que je ne pourrai pas garder la même équipe aussi longtemps. J'ai alors résolu ce problème dans le script même. J'ai enfermé mon personnage!!! J'ai retiré tout l'extérieur pendant 35 ans. Une fois libéré, tout ce qu'il voit, il le voit pour la première fois et ça pouvait donc ressembler à n'importe quoi. J'ai alors eu l'idée de prendre un chef opérateur différent pour chaque lieu que Bubby va découvrir.

Mais 11 ans plus tard, Bad Boy Bubby est en réalité le quatrième film que je réalise. On a un budget correct et je peux donc filmer en une seule fois. Mais j'ai conçu le film avec l'idée de tous ces chefs opérateurs alors je décide quand même de le faire ainsi. Ce qui s'est avéré une belle idée avec trois résultats inattendus : On ne voit pas qu'il y a 32 directeurs de la photographie différents. À chaque nouveau chef opérateur une nouvelle et terrible énergie émergeait! Et avec cette idée, les financeurs nous prenaient pour des dingues et nous ont donc foutu la paix durant le tournage!"

Quant au côté culte de son film, y avait-il pensé? "Non. La réussite de ce film est quelque chose de très inattendu. C'est le public qui fait d'un film un film culte!" Le film a gagné 4 "Oscars" australiens (dont meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleur acteur) et trois prix à Venise (Grand prix spécial du jury, Prix FIPRESCI)?

"Bubby, pas fait pour l'extérieur"

Rolf De Heer nous souhaite donc une bonne projection, les lumières s'éteignent et l'on plonge au coeur de cette expérience peu banale. Dès les premières images le spectateur est happé par cet univers glauque dans lequel Bubby est enfermé par sa mère depuis 35 ans. Une unique pièce sombre, des cafards qui rasent les murs, un chat martyrisé, une relation mère/fils plus qu'incestueuse, le décor est posé et on sait d'ores et déjà que ce film ne nous laissera pas indifférent.

Puis le monde de Bubby s'élargit quand il finit par sortir de sa prison mais l'univers qu'il découvre n'en est pas moins sordide et absurde. Le film oscillant entre folie et scènes totalement surréalistes est tout à la fois dérangeant et émouvant. Les quelques longueurs que l'on peut éprouver dans la deuxième partie du film ne lui retire pas son côté ovni qui nous met une bonne claque. Bad Boy Bubby appartient à ses films qui marquent, qui dérangent et dont on ressort soulagés qu'il soit fini tout en étant à la fois fascinés…

Scorsese et sa Valse des pantins

Le temps de prendre l'air quelques minutes et on replonge de suite dans la salle du Cinéma Opéra pour découvrir cette fois la Valse des pantins (The King of Comedy, 1982) de Martin Scorsese.

C'est Delphine Gleize, réalisatrice notamment de La permission de minuit avec Vincent Lindon, qui vient présenter le film.

Elle nous explique qu'à sa sortie le film avait été un échec commercial car, comparé à Raging Bull, film précédent du réalisateur, celui-ci apparaît trop classique. Le film est alors soutenu par la presse mais boudé par le public. Pourtant le film, sélectionné en compétition à Cannes, a reçu le prix du scénario aux British Awards et le titre de meilleur film de l'année par les Critiques de cinéma de Londres.

Selon elle, il y a dans ce film "trois grands numéros d'acteurs : Robert De Niro, Jerry Lewis et la révélation du film, Sandra Bernhard, mélange de Mick Jagger et Courtney Love, qui est l'incarnation même du corps de l'acteur qui parle. Elle est fascinante et traduit à elle seule la folie du New York du tout début des années 80."

"Mieux vaut être Roi d'un soir que Charlot toute sa vie"

L'ambiance est ici un peu plus détendue que dans Bad Boy Bubby même si le thème de la folie y est également abordé.

Robert De Niro y campe Rupert Pupkin (alias The King) dans un rôle bien loin de ceux qu'il a tenu jusqu'alors dans les films de Scorsese (Mean Streets, Taxi Driver, New York, New York ou encore Raging Bull). Il est ici un comique, adorateur de Jerry Langford (Jerry Lewis), star du stand-up, prêt à tout pour percer. À tel point que son obsession tourne réellement à la folie.

Martin Scorsese aborde son sujet sous l'angle de la comédie mais celle-ci est noire. On ne sait parfois si l'on doit rire ou pleurer, aussi amusés que attristés par ce personnage de comique. Ce film donne l'occasion à Scorsese de montrer une autre facette du New York fou des années 80... Comme une suite à New York, New York. Il porte là un regard cruel sur le monde du show-business. Et encore une fois, plus dure sera la chute pour celui qui s'approchera trop du soleil...

Festival Lumière 2015: Martin Scorsese à l’honneur

Posté par Morgane, le 18 juin 2015

martin scorsese

Le Festival Lumière qui se déroule chaque année à Lyon ouvrira ses portes le lundi 12 octobre pour une semaine complète entièrement dédiée au 7e Art.

Alors oui, octobre c'est encore dans longtemps. Il y a d'abord l'été, les grandes vacances et même la rentrée avant de penser au mois d'octobre. Certes, je suis bien d'accord avec vous. Mais aujourd'hui, le Festival a dévoilé son Prix Lumière 2015 (très en avance par rapport à d'habitude). Roulement de tambour, ce n'est autre que le grand Martin Scorsese (qui recevra donc le Prix le vendredi 16 octobre) qui succèdera à Clint Eastwood, Milos Forman, Gérard Depardieu, Ken Loach, Quentin Tarantino et Pedro Almodovar. Que des grands messieurs (mais où sont les femmes dans tout ça???) du Cinéma...

Martin Scorsese est à lui seul un monstre sacré du Cinéma! Cinéaste à la filmographie hallucinante, Martin Scorsese a réalisé un grand nombre de longs métrages et de documentaires dont beaucoup d'entre eux sont considérés comme des chefs d'oeuvre... Taxi Driver, pour lequel il reçoit la Palme d'Or au Festival de Cannes en 1976, New York New York, Raging Bull, Les Affranchis, Les Nerfs à Vif, Casino, Gangs of New York, Les Infiltrés, Shutter Island, Le Loup de Wall Street etc...

Martin Scorsese a également réalisé plusieurs documentaires, consacrés principalement à des figures emblématiques de la musique (il fait d'ailleurs partie de l'aventure du film Woodstock en 1970). Il réalise des documentaires sur Eric Clapton, Bob Dylan, les Rolling Stones, le Blues (Du Mali au Mississippi) et d'autres encore.

D'autres de ses documentaires sont consacrés eux à la politique. Martin Scorsese a aussi approché le petit écran en réalisant le tout premier épisode de la série Boardwalk Empire. Bref, Martin Scorsese est une sorte de génie touche à tout...

Il réalise actuellement Silence, avec Liam Neeson, Andrew Garfield, Adam Driver, Ciaran Hinds et Tadanobu Asano (lire notre actualité du 13 mai 2013).

C'est donc avec beaucoup de plaisir, et une bonne dose d'impatience, que le public du Festival Lumière va pouvoir plonger et replonger dans l'univers scorsesien durant toute une semaine... On aurait presque envie de dire "Vivement octobre!"