Le palmarès du 26e festival de Dinard a braqué un peu artificiellement toute la lumière sur A couple in a Hole de Tom Geens, lauréat des prix du public et de la mise en scène ainsi que du Hitchcock d'or, plus haute distinction décernée par le grand jury. Pourtant, dans une compétition plutôt homogène, les cinq autres films en lice auraient tout aussi bien pu retenir l'attention des jurés, tant chacun avait une proposition thématique ou formelle à défendre. Retour sur cette compétition éclectique et dense.
Visiblement mieux produit que les autres, Kill your friends de Owen Harris raconte sans fausse note le parcours de Steven, directeur artistique dans une maison de disques, qui cherche à obtenir la promotion de ses rêves.
Cynique, exalté et surtout follement drôle, le film (adapté du roman de John Niven) bénéficie d'une mise en scène stylisée et chic qui rend le spectateur complice du personnage principal, et témoin de ses turpitudes aussi délirantes qu'immorales.
Cerise sur le space cake, Nicholas Hoult campe avec gourmandise ce personnage d'arriviste torturé et désabusé prêt à tuer père et mère pour réussir. Probablement ce qu'on a vu de plus abouti dans la compétition, à découvrir en salles le 2 décembre.
Dans un autre registre, Departure d'Andrew Steggall est une chronique adolescente subtilement portée par le personnage central, un jeune Britannique fantasque et romantique (merveilleusement incarné par Alex Lawther, un nom à retenir) qui passe quelques jours en France pour aider sa mère à vider leur maison de vacances. La relation qu'il tisse avec un jeune Français plus brut de décoffrage est pleine de charme et d'humour.
Malheureusement, le film bascule dans sa 2e partie vers le drame inutile, et flirte presque avec le vaudeville. Sans parler de la fin qui, elle, frise le ridicule. Comme dans plusieurs films de la compétition cette année, le scénario de Departure manque de cohésion et reste inabouti, créant une grande déception tant il était maîtrisé dans sa première heure.
Même problème pour Couple in a hole qui propose des très beaux moments de cinéma avant de se perdre dans des poncifs sur le deuil et la culpabilité.
Si on aime très fort la première partie du film, presque mutique et en fusion totale avec la nature, la surenchère dans le drame lacrymal transforme peu à peu l'appréciation en agacement, voire en incompréhension.
A noter malgré tout que jury et public se sont retrouvés sur le film, qui réunit proposition esthétique presque radicale et émotions universelles.
Autre exemple de scénario qui perd le fil, Just Jim (première réalisation du jeune acteur Craig Roberts) raconte le quotidien morne de Jim, ado complexé qui est le paria de son lycée. Lorsqu'il rencontre Dean, un mystérieux Américain décidé à le rendre cool, tout semble devoir aller mieux... en apparence.
Souvent drôle et décalé, proposant quelques jolies idées de mise en scène, le film ne tient pourtant pas totalement ses promesses. Il échoue notamment à aller jusqu'au bout de son sujet, pas assez audacieux pour oser un finale plus radical.
Quant à The violators d'Helen Walsch, il s'agit du seul film de la compétition qui mette en scène une jeune fille. Shelly, une adolescente déscolarisée de 15 ans, essaye d'assurer un foyer stable et aimant à son jeune frère qui a été abandonné par sa mère. D'une grande beauté, elle fait la convoitise de tous les hommes du voisinage, dont certains sont prêts à tout pour l'ajouter à leurs tableaux de chasse...
Magnifiquement incarnée par la sublime Lauren McQueenil, cette héroïne ne manque ni de force, ni de volonté, et se défend avec beaucoup d’intelligence contre les prédateurs qui l'entourent. Elle porte et sa famille et le film sur ses épaules, sans pathos ni clichés. On ne peut hélas pas en dire autant du film lui-même qui souffre d'incohérences de scénario et de quelques grosses ficelles désolantes qui en font un objet assez inégal.
A noter qu'American hero de Nick love était lui aussi en course pour le Hitchcock d'or, mais présenté dans une version non définitive. De ce fait, il nous a été interdit d'en parler avant avril 2016.
Nous en profiterons donc pour mentionner à la place ce qui était probablement le meilleur film à Dinard cette année, mais qui figurait hors compétition,The survivalist de Stephen Fingleton. Ce premier long métrage perpétuellement sur le fil, qui flirte à la fois avec ultra-réalisme et fantastique onirique, se déroule dans une période terrible de famine et de pillages. Un homme survit au milieu des bois en cultivant une petite parcelle de terre, et en se protégeant de toute intrusion extérieure. Un jour, deux femmes affamées et épuisées débarquent chez lui et lui demandent de l'aide. Une oeuvre forte, violente et intense qui décortique le mécanisme fragile des rapports humains et propose une version minimaliste et épurée du film de survie post-apocalyptique. Un long métrage envoûtant qui n'a pas (encore) de distributeur, à l'image de quatre des six films en compétition, mais qu'il serait impossible de ne pas découvrir prochainement en France.