Le festival de Vesoul s’invite à Paris

Posté par MpM, le 16 mars 2011

Comme tous les ans, l'auditorium du Musée Guimet propose aux Franciliens de découvrir les meilleurs films présentés au Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul. Du 30 mars au 1er avril prochains seront ainsi projetés les deux Cyclos d'or ex-aequo P.S. de Elkin Tuychiev et Addicted to love de Liu Hao, également auréolés du Coup de cœur du Jury Guimet et du Prix Emile Guimet. Les spectateurs auont par ailleurs la possibilité de voir le film d'ouverture du festival, le très touchant Voleur de lumière de Aktan Arym Kubat, qui est sorti en salles il y a plusieurs semaines.

Cette année, le festival de Vesoul a réuni près de 30000 spectateurs qui se sont pressés pour voir l'un des 80 films sélectionnés. Pour la 8e fois, le Musée Guimet était invité à récompenser un réalisateur dont le film (fiction ou documentaire) apporte un éclairage culturel remarquable sur l’Asie. C'est le cas d'Addicted to love qui raconte une histoire d'amour entre deux retraités de Pékin et de P.S., qui montre les dissensions entre deux frères en Ouzbékistan.
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Auditorium du Musée Guimet
30 et 31 mars à 12h15, 1er avril à 20h30
Renseignements

Le voleur de lumière : fable sensible et juste sur la modernité

Posté par kristofy, le 2 mars 2011

voleur de lumièreL’histoire : On l'appelle Monsieur Lumière. Dans ce village perdu au milieu des montagnes Kirghizes, il entretient les lignes, trafique parfois les compteurs pour venir en aide aux plus démunis.

Cœur ouvert et généreux, il écoute, conseille, conforte les peines et tempère les disputes conjugales de ces villageois oubliés par la civilisation moderne.  Il a un rêve : construire sur les montagnes des éoliennes pour alimenter toute la vallée en électricité. Mais il va devoir faire face à des hommes puissants et corrompus qui sont les nouveaux maîtres du pays.

Notre avis : Une petite merveille qui vient du Kirghizistan, aussi peu facile à situer sur une carte que peu visible sur grand écran, un pays où les films produits chaque année se comptent sur les doigts de la main. Le voleur de lumière réussit pourtant à embrasser à la fois l'émouvant portrait d'un homme qui pense au futur et les changements en cours dans son pays qui bouleversent le présent.

Dans un petit village reculé au fin fond des montagnes du Kirghizistan, les habitants sont particulièrement isolés du monde moderne, beaucoup n’ont pas les moyens d’avoir l’électricité. Il y en a un que les autres surnomment Monsieur Lumière parce qu' il trafique les compteurs électriques pour ceux qui ne peuvent pas payer. Comme d’autres, il participe à sa manière à rendre la vie plus facile dans cet endroit perdu. Et il a une grande idée : et si le village produisait sa propre électricité en installant des éoliennes ?

Le voleur de lumière montre avant tout un homme qui veut agir pour le bien de son village mais qui va se heurter à des intérêts supérieurs… Car le personnage principal est apprécié de tout le monde sauf des autorités, à cause justement de ses raccordements électriques pirates. Mais les temps changent et la vaste terre commune aux villageois est l’objet de la convoitise d’un groupe étranger d’investisseurs chinois. A l’image du célèbre combat de David contre Goliath, on décèle dans cette intrigue la menace du profit économique destiné à un petit nombre à l’encontre d’un progrès social partagé. Il y a alors le dilemme de partir loin en ville pour un avenir hasardeux ou de rester au village sans beaucoup d’espoir.

Aktan Arym Kubat avait déjà fait rayonner le cinéma Kirghize avec ses films Le fils adoptif et Le singe. Celui-ci a même été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2010, et il a aussi été choisi comme film d’ouverture du dernier  Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul. A l’occasion de cette première, le réalisateur avait échangé quelques mots avec les spectateurs, dont voici un condensé à destination du public qui est maintenant invité à découvrir ce beau film en salles.

En plus d’être le réalisateur vous êtes là aussi l’acteur principal ?

Aktan Arym Kubat : C’est un hasard, jamais je n’ai pensé à jouer dans un film. Mais à force de chercher quelqu’un qui correspondeAktan Arym Kubat au personnage et que je ne trouvais pas, alors mon équipe à commencé à me taquiner en me disant de le faire moi-même, et puis je l’ai fait. Avec la technologie du retour vidéo, je regardais sur l’écran si je me satisfaisais comme acteur ou pas.

Le film est représentatif du Kirghizistan d’aujourd’hui ?

Aktan Arym Kubat : C’est un pays d’Asie centrale avec un début de processus démocratique qui connaît des accidents, mais il y a eu deux révolutions du peuple. Il y a toujours des volontés de se saisir de la terre pour l’exploiter et faire des profits. Si quelqu’un se met en travers du chemin de quelqu’un qui veut le pouvoir, c’est possible de l’écarter. Il y a eu des meurtres non élucidés, la vie d’un être humain ne vaut pas grand-chose...

Quand votre film a-t-il été tourné ?

Aktan Arym Kubat : Mon film a été tourné entre les deux révolutions. Mais ce qu’on avait cru acquérir après la première, ce n’était pas réel. On a terminé le tournage en mars 2010, et en avril il y a eu une autre révolution qui est arrivée, plus violente que la première. D’ailleurs, aujourd’hui, notre président est une femme. Toutefois, Le voleur de lumière n’est pas un film folklorique ou ethnique, c’est surtout un film humaniste, et ce qu’il montre va au delà des frontières.

Crédit photo de droite : Michel Mollaret

Vesoul 2011 : un palmarès accro à l’amour

Posté par kristofy, le 16 février 2011

Le 17ème Festival international des Cinémas d’Asie de Vesoul a une nouvelle fois été un succès : la richesse de la sélection et la convivialité des organisateurs ont réunit cinéphiles curieux et cinéphages fidèles (28 700 spectateurs soit 10% de progression). Tout comme l’année dernière ce sont surtout deux films en particulier qui ont séduit les différents jurys : le chinois Addicted to love de Liu Hao, et plus rarement en lumière en provenance Ouzbékistan le film P.S. de Elkin Tuychiev, ils remportent chacun plusieurs prix.

Pour Addicted to love de Liu Hao (photo), déjà présenté au Festival de San Sebastian, les jurys ont reconnu un film parfaitement abouti, sensible et enthousiasmant, avec des personnages émouvants et un traitement cinématographique original, d’où se dégagent pudeur, tendresse et humour. Le réalisateur est félicité pour la justesse et la délicatesse avec lesquelles il peint ses personnages, et pour sa façon d'aborder avec subtilité la vieillesse et sa place au sein de la famille.

Pour P.S. de Elkin Tuychiev le film aborde les mythes et la folie en une construction cinématographique qui traduit les réalités complexes de la vie contemporaine. Quand différents facteurs comme une dictature du pouvoir, dictature de l'esprit, pression médiatique, pression sociale, pression familiale... conduisent à une privation de libertés alors la seule issue possible devient la folie. En multipliant métaphores et énigmes, le film est une source de questionnement pour le public.

Le Jury International était présidé par le réalisateur coréen Lee Myung-se (Mon amour mon épouse, Sur la trace du serpent, Duelist…), et composé de l’actrice libanaise Darina Al Joundi, du réalisateur iranien Mojtaba Mirtahmasb et de la réalisatrice cambodgienne réalisateur Roshane (L'important c'est de rester vivant).

Cyclo d’or (ex-aequo) :
P.S. de Elkin Tuychiev (Ouzbékistan) et Addicted to love de Liu Hao (Chine)

Grand Prix du jury :
Running among the clouds de Amin Farajpoor (Iran)

Mention spéciale du jury :
Where are you going? de Park Chur-woong (Corée)

Prix du Jury NETPAC (Network for the Promotion of Asian Cinema):
P.S. de Elkin Tuychiev (Ouzbékistan)

Prix Emile Guimet (du Musée National des Arts Asiatiques de Paris) :
Addicted to love de Liu Hao (Chine)

Coup de cœur Emile Guimet (du Musée National des Arts Asiatiques de Paris) :
P.S. de Elkin Tuychiev (Ouzbékistan)

Prix Langues' O (Institut National des Langues et Civilisations Orientales) :
Addicted to love de Liu Hao (Chine)

Coup de cœur Langues' O (Institut National des Langues et Civilisations Orientales) :
Ridding the dreams de Girish Kasaravalli (Inde)

Prix du public long métrage de fiction :
Voyage avec Haru de Masahiro Kobayashi (Japon)

Prix du public film documentaire :
Les égarés de Christine Bouteiller (Cambodge-France)

Prix Jury Jeunes :
Homeless in Japan de K.M. Lo (Singapour)

Prix du Jury Lycéen :
Running among the clouds de Amin Farajpoor (Iran)

Cyclo d’or d’honneur :
Kim Dong-ho, le fondateur et directeur du Festival International du Film de Pusan (Corée du Sud), pour l'ensemble de son action en faveur du cinéma.

Le choix du film de clôture est un symbole du soutien du FICA au réalisateur iranien Jafar Panahi : Le cercle, qui avait remporté le Lion d’Or à Venise en 2000. Jafar Panahi avait été le président du jury à Vesoul en 2004, et un Cyclo d’Or d’honneur lui avait décerné l’année dernière en 2010 quand déjà il ne pouvait plus sorti d’Iran. Durant le festival la situation de Jafar Panahi a été plusieurs fois évoquée (pétition à signer, minute de silence avant une séance), surtout lors de la journée de mobilisation internationale du 11 février. Le cercle racontait des histoires de femmes qui subissent diverses discriminations et violences en Iran, une dizaine d’années plus tard il est interdit pour Jafar Panahi de faire des films.

Le prochain Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul aura lieu du 14 au 21 février 2012.

Vesoul 2011 : le tour de l’Asie en 90 films

Posté par kristofy, le 15 février 2011

Ce sont pas moins de 90 films qui sont programmés à Vesoul et, si certains nous sont déjà connus, les œuvres présentées sont autant de films anciens très rares et inédits sur grand écran ou de films récents découverts ici en avant-première. 90 films en provenance de toute l'Asie et qui délivrent un regard atténuant finalement les différences culturelles...

Tout d’abord le regard de l’enfant est toujours un point de vue qui interpelle. Dans La petite fille de la terre noire de Jeon Soo-il on découvre une petite fillette qui grandit avec des responsabilités qui ne sont pas de son âge : prendre soin de son grand frère attardé mental et de leur père qui a perdu son travail, sombrant dans l’alcoolisme alors que la famille doit être expulsée de leur maison. Dans La rivière Tumen de Zhang Lu c’est la fragile amitié entre un garçon nord-coréen immigré clandestin et un garçon chinois qui va être mise à mal avec les conflits entre les réfugiés de Corée du Nord affamés et les villageois de Chine. Susa de Pirveli Rusudan est un des films très remarqué de la compétition : un gamin de douze ans, vendeur ambulant de bouteilles de vodka, est sous la pression des policiers et d’adolescents qui font du racket ; le retour de son père qu’il ne connaît pas vraiment sera peut-être l’opportunité d’aller vers une vie plus agréable.

Le déracinement est aussi sources de nombreux drames humains. Autre favori de la compétition, Where are you going ? de Park Chur-woong montre les dilemmes de cinq membres d’une famille dont le logement dans un bidonville est menacé par des promoteurs immobiliers : le gouvernement veut réaménager cette zone et souhaite voir les habitants partir ailleurs alors que la mégapole voisine est une ville riche où ils n’ont pas leur place. Dans Le brouillard de Kim Soo-young un homme fuit Séoul pour revenir dans son village natal, il regrette son mariage sans véritable amour et séduit une femme qui espère  découvrir une autre vie dans la capitale. Ensemble, ils vont vivre une parenthèse de passion ardente (avec notamment une scène sensuelle assez osée pour l’époque en 1967).

La condition de la femme provoque de multiples questions, et cela très tôt d’ailleurs dans le cinéma coréen. Si Im Kwon-taek est reconnu comme un cinéaste majeur (avec plus d’une centaine de films !), son chef d’œuvre de 1986 n’a quasiment jamais été vu en France. Il s’agit de La mère porteuse (Sibajee) où il y a déjà plusieurs siècles (au temps de la dynastie Lee) un notable et riche seigneur et son épouse ne peuvent avoir d’enfant, son devoir est absolument d’être le père d’un fils (pas d’une fille) pour pérenniser le nom et la succession de la famille. Il ‘achète’ contre des arpents de rizière la fertilité d’une jeune campagnarde de 17 ans, mais alors qu’elle doit seulement procréer et donner son bébé commence une histoire d’amour interdite… En 1968 dans Les pommes de terre, q’unique film et chef d’œuvre du réalisateur de Kim Sung-ok (scénariste de Le brouillard), on revient dans les années 1920 sous l’occupation japonaise, une jeune fille quitte son village et sa famille pour suivre un mari qu’on lui a choisi ; il va se révéler être particulièrement fainéant et elle devra travailler pour entretenir son époux : les situations drôles et injustes se suivent pour en faire déjà un manifeste féministe.

Fractures sociale et familiale

L’ensemble de ces films cités histoires et personnages les plus divers comportent tous en filigrane une observation sociale de l’interdépendance entre des plus riches et des plus pauvres, mais aussi une critique politique (envers le gouvernement ou à l’aristocratie en place) plus ou moins allusive.

Mais cette édition 2011 est sous le signe la famille dans toutes ses composantes, comme l’indiquent Martine et Jean-Marc Thérouanne du FICA de Vesoul : "La famille est soit encensée comme pilier de la société, foyer de solidarité, centre d’épanouissement ; soit décriée comme milieu d’aliénation de l’individu, lieu de lutte d’intérêt ente fratries, instrument d’oppression du système familial patriarcal. Les films d’hier et d’aujourd’hui reflètent l’image de ce que furent les familles traditionnelles et dessinent les formes nouvelles qu’elles prennent". Ces différentes facettes se reflètent notamment avec des films aussi divers que L’enfant de Kaboul de Akram Barmak, Une famille chinoise de Xiaoshuai Wang, Le mariage de Tuya de Quan’an Wang, Shower de Yang Zhang, Le mariage des moussons de Mira Nair, Les Sept jours de Shlomi et Roni Elkabetz, 4:30 de Royston Tan, Serbis de Brillante Mendoza.

Vesoul 2011 : Rithy Panh et le Cambodge d’aujourd’hui

Posté par kristofy, le 12 février 2011

Le Cambodge est un des deux pays, avec la Corée, qui est à l’honneur du 17ème Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul. On y attendait son réalisateur emblématique, le plus connu à l'étranger, Rithy Panh, qui a une longue histoire avec le Festival, puisqu'il y avait présenté Un soir apèrs la guerre en 1999.

Un réalisateur occupé par son tournage

Mais il n’est pas encore arrivé pour cause de tournage de son nouveau film, Gibier d'élevage, produit par ARTE. Le film est issu de l'Atelier de la Cinéfondation à Cannes. Il a planté sa caméra au Cambodge pour raconter une histoire d'enfants. En 1972, un avion américain bombarde la piste Ho Chi Minh et s'écrase dans les montagnes cambodgiennes. L'unique survivant, un afro-américain, est capturé par les enfants d'un village isolé. Ils le cachent aux yeux des adultes et jouent avec cet homme comme ils le feraient avec un animal domestique jusqu'au jour ou des maquisards Khmers rouges découvrent leur secret... Il s'agit d'une parabole sur l'asservissement du peuple cambodgien par les Khmers rouges. Rithy Panh, dans sa note d'intention évoque une rencontre entre deux mondes : celui des enfants endoctrines par les Khmers rouges et celui d'un pilote noir tombe du ciel. Aux yeux des enfants, par sa nationalité, sa race, sa langue, il n'est pas qu'un ennemi, mais aussi une bête. Gibier d'élevage devrait être prêt pour le prochain Festival de Cannes.

Si Rithy Panh est le plus connu des cinéastes cambodgiens, il n'est cependant pas le seul réalisateur venu de ce petit pays coincé entre le Vietnam, le Laos et la Thaïlande.

Il faut savoir que la plupart des 400 films cambodgiens réalisés entre 1960 et 1975 sont perdus ; le cinéma est quelque chose qui a d’ailleurs presque disparu aujourd’hui : seuls une dizaine de films ont été produits en 2010, ils sont tournés en quelques jours avec du matériel vidéo. Il n’existe plus de lieux de projections au Cambodge (les écrans de cinéma se comptent sur les doigts de la main), et faute de lieu de diffusion, le 7e art est moribond; si quelques films sont piratés sur CD, les noms de Hitchcock, Truffaut ou Spielberg y sont complètement inconnus. A l'inverse, pour la plupart des touristes occidentaux qui visitent le Cambodge, le pays se résume souvent au temple d'Angkor. Le travail de Rithy Panh est de nous ouvrir les yeux sur les conséquences d'un carnage sur une civilisation.

Un pays de survivants

Le Cambodge porte toujours le poids de sa tragique histoire : entre 1975 et 1979 les Khmères rouges causeront un génocide où un quart de la population (près de 2 millions de personnes) trouva la mort. Les divertissement sont bannis (sauf quelques œuvres de propagande), et Rithy Panh est justement l’artisan majeur de la réappropriation de la mémoire détruite par ce régime tyrannique. Vesoul programme 7 films du réalisateur (et une dizaine d’autres réalisés dans les années 60, dont deux inédits, par Norodom Sihanouk, le seul cinéaste qui est aussi roi d’un pays). Parmi ces films :

S21, la machine de mort Khmère rouge, documentaire  qui revient dans l'enfer du camp S21, lieu où ont été déportés, torturés et tués plus de 17 000 personnes. Rithy Pan revient sur ces lieux avec un survivant qui se confronte à d’anciens bourreaux : les geôliers décrivent leur ‘travail’ de ‘destruction’ de prisonniers après les avoir forcé à avouer des complots invraisemblables de trahison. Avec une devise comme ‘mieux vaut arrêter par erreur que laisser l’ennemi nous ronger de l’intérieur’ les Khmères rouges obtenaient de chaque victime une cinquantaine de noms d’autres personnes à arrêter, l’endoctrinement était tel que des enfants ont dénoncé des parents… Les pratiques du camp S21 sont restées impunies faute de procès qui n’a jamais eu lieu.

Les artistes du théâtre brûlé (photo) : Le film s’intéresse aux conséquences du génocide, en particulier d’éradication d’une histoire culturelle avec une absence d’infrastructure. Il y a toujours des artistes mais aucune salle de spectacle, d’autant plus que la télévision est maintenant partout. Dans un théâtre en ruine des comédiens répète une scène sans espoir, trouver de l’argent pour se nourrir au jour le jour est un vrai problème.

Le papier ne peut pas envelopper la braise : Les témoignages déchirants des condition de (sur)vie de prostituées. Vendre son corps est le seul moyen pour certaines femmes pour se nourrir, et aider une partie de sa famille. Elles subissent les pires violences (des clients et des souteneurs), doivent faire face à des grossesses (avortements et naissances), sont victimes de maladies (dont le sida sans même le savoir) et de la drogue… La prostitution est à la fois assumée ("qui fait le bien reçoit le bien, qui fait le mal reçoit de l’argent") et insupportable, comme si cet échappatoire faisait reculer une absence d’avenir.

À travers chacun de ses films Rithy Pan s’intéresse aux différentes facettes du Cambodge en explorant la négation d’humanité par de multiples témoignages.

Une institution singulière : Bophana

En parallèle des films de Rithy Pan, Vesoul présente aussi une sélection de films issus du programme Bophana, qui coproduit le nouveau film du cinéaste. Le centre Bophana est une institution  initiée par Rithy Pan qui a pour objectif  de réunir toutes les archives audiovisuelles du Cambodge afin de sauvegarder (photo) et restaurer une partie du patrimoine culturel du pays. Il est charge aussi d'une éducation audiovisuelle, notamment avec des ateliers pour initier l’émergence de nouvelles œuvres, des diffusions de films...

En étant programmés à Vesoul, c'est la première fois que quatre de ses films sont vus à l'extérieur du pays.

A Blurred way of life de Soa Sopheark montre une jeune fille qui ne peut poursuivre des études car elle doit vendre des journaux pour rapporter un peu d’argent à ses petits frères et sœurs et sa mère malade du sida ; A pedal man de Yos Katank s’attache au quotidien d’un vieux chauffeur de cyclo (vélo-taxi) qui ne peut plus parcourir de longue distance : il gagne une misère et ça ne fera qu'empirer ; My yesterday night de Chan Lida montre le travail précaire d’une femme qui devient chanteuse dans des bars ; I can be who I am de Chhoun Sarin s’intéresse au ‘ladieboy’, ces garçons qui se sentent filles et qui se travestissent, avec la difficulté d’être compris ou non par leur famille et les insultes des autres, …

Ces différents films du programme Bophana reflètent la société actuelle du Cambodge avec une approche documentariste, ce sont en même temps les débuts de jeunes talents prometteurs, qui croient au témoignage par l'image, observent ce pays, certes cicatrisant toujours ses plaies ouvertes, mais poussé par l'énergie de sa mutation.

Vesoul 2011 : Girish Kasaravalli face au public

Posté par kristofy, le 11 février 2011

garasavalliGirish Kasaravalli est un réalisateur indien qui est connu des festivaliers de Vesoul car son précédent film Gulabi Talkies avait été primé ici en 2009. Il compte déjà plus d’une dizaine de longs-métrages, et c’est son dernier film qui est montré en avant-première au FICA, dans le cadre de la compétition.

Riding with dreams est à l’opposé du folklore de Bollywood, puisqu' il évoque plutôt une région de l’Inde et le système des castes de population et nous fait vivre la mort avec deux points de vue différents sur un même évènement. Il commence d’ailleurs avec dans le générique une citation de Jean-Luc Godard : "une histoire doit avoir un début, un milieu et une fin ; mais pas nécessairement dans cet ordre".

Irya le fossoyeur du village a en rêve une vison de la divinité Siddha, ce qui est le signe d’un décès pour lequel il lui faut creuser une tombe qui lui rapportera un peu d’argent ; tandis que les proches du respectable Gowda dissimulent sa mort le temps de conclure une vente de terres à une usine. Le serviteur et la famille riche sont pris au piège de leur mensonge et risquent de devoir affronter l’opprobre de la communauté tandis que le pauvre Irya et sa femme vont douter de leur foi…

Suite à la projection, le public a eu l’occasion d’interroger le réalisateur Girish Kasaravalli. Voici un extrait de la discussion en attendant une possible sortie en salles de Riding with dreams.

- Quel est le point de départ du film ?

- Girish Kasaravalli : C’est une histoire tirée d’une nouvelle d’un jeune auteur, j’ai toujours voulu faire un film sur ce thème : la place des mythes dans notre vie contemporaine. L’Inde a subit la colonisation britannique pendant deux siècles, Anglais qui ont fait en sorte que nos mythes et traditions disparaissent progressivement.  Mais le fait est qu'aujourd’hui, au nom du progrès, l’Inde agit un peu de la même manière envers les populations tribales marginalisées. Les Britanniques plaçaient leurs traditions au-dessus des nôtres, avec une hiérarchie qui les rendait inférieures. Malheureusement, cette hiérarchisation continue aujourd’hui pour les rites de certaines régions.

- Que représente la figure de Siddha ?

- GK : La religion hindoue est immense et compte plusieurs courants, par rapport à un mort on pratique soit une crémation soit ailleurs un enterrement, comme c’est le cas ici dans la région du nord du Karnataka. Dans cet endroit particulièrement aride avec des sécheresses, il y a la croyance en Siddha. Ce n’est pas un dieu mais plutôt comme un saint pour faire un parallèle avec un contexte chrétien. Pour simplifier, l’hindouisme compte trois dieux qui sont Brahma, Vishnu et Shiva, et ceux qui ont foi en Shiva croient en Siddha qui est lié à l’idée de destruction avant une renaissance.

- La déconstruction du récit interpelle…

- GK : Le nouvelle originale commence avec un petit flash-back, où le personnage se demande si son rêve ne se réalisait pas. J’ai choisi d’aller beaucoup plus loin avec quelques allers-retours dans la chronologie du récit, c’est plus intéressant ainsi. C’est aussi en relation avec une tradition orale que l’on a de raconter une histoire qui compte plusieurs narrations.

Crédits photos : Michel Mollaret

Vesoul 2011 : interview de Kim Dong-ho, créateur du festival de Pusan

Posté par kristofy, le 10 février 2011

Kim Dong-hoKim Dong-ho (à gauche, et ci-dessous avec Jean-Marc Thérouanne, délégué général du Festival)  a reçu du 17ème FICA de Vesoul un Cyclo d’Or d’honneur pour ses actions pour la promotion du cinéma. Il est notamment l'un des membres fondateur du NETPAC (Network for the Promotion of Asian Cinema) en 1990. D’ailleurs, chaque année à Vesoul, il y a un jury du NETPAC (cette année le président est Dharmasena Pathiraja).

Kim Dong-ho est aussi et surtout le Directeur honoraire du Festival International du film de Pusan en Corée du Sud. Ce festival né de son initiative est devenu le plus important festival de cinéma en Asie à la fois en tant que marché du film et en tant qu’espace de découverte de nouveaux talents. L’occasion d’une interview pour évoquer près de 60 ans d’histoire du cinéma coréen.

Ecran Noir : Présentez-nous le festival de Pusan…

Kim Dong-ho : Le festival de Pusan a été créé en 1996, c’est un festival international qui présente des films du monde entier, et en particulier qui fait découvrir aussi un très large panorama de films asiatiques. L’année dernière, nous avons montré à Pusan 304 films. Ce festival a aussi mis en place un système de soutien aux jeunes cinéastes et jeunes producteurs.

EN : Dans les années 1960, il y a eu un mouvement de renaissance du cinéma coréen, puis une tendance inverse dans les années 1970, que s’est-il passé ?

Kim Dong-ho : Il est vrai qu’entre 1956 et la décennie des années 60, il y a eu un âge d’or du cinéma coréen avec des cinéastes très talentueux, comme Kim Su-yong. A partir des années 70, on peut dire en effet qu'on a connu une régression de notre cinéma à cause de plusieurs facteurs. Tout d’abord avec l’apparition de la télévision, le cinéma coréen a perdu beaucoup de spectateurs, une tendance dans le monde entier d’ailleurs. Ensuite, on peut penser évidement aux censures exercées par le gouvernement de l’époque, la censure était particulièrement sévère pendant les années 70 et aussi les années 80. Cette censure avait pour effet une non-liberté dans le choix des sujets, de plus la liberté d’expression en général était réduite.

EN : Comment le cinéma coréen est devenu ces Kim-Dong-ho
dernières années non seulement un géant du cinéma asiatique mais aussi mondial ? avec Park Chan-wook, Bong Joon-ho, Kim Ki-duk, Lee Chang-dong, Kim Jee-woon…

Kim Dong-ho : A partir de 1995, on peut parler de la deuxième renaissance du cinéma coréen, avec la combinaison de plusieurs facteurs qui ont été bénéfiques. Déjà, il y a eu une abolition de la censure, les cinéastes ont eu la liberté de choisir de traiter le sujet qu’ils voulaient. Ensuite, il y a eu aussi un système d’aides de l’état avec des subventions pour la production des films. Et surtout ces conditions ont encouragé des jeunes cinéastes à prendre la relève et à participer à faire du cinéma coréen leur cinéma. Vers la fin des années 90, diverses insitutions se sont engagées pour la promotion et la diffusion du cinéma coréen, bien entendu il y a le festival de Pusan mais aussi le KOFIC (Korean Film Council, équivalent à notre CNC). Une chose intéressante est que notre patrimoine cinématographique n’est pas oublié avec par exemple l’organisation de rétrospective des films des années 60. Le film La Servante de Kim Ki-young qui date justement de 1960 a été restauré et a de nouveau été un succès en salles (d’ailleurs en sélection Cannes Classics en 2008). C’est un classique qui a aussi fait l’objet d’une nouvelle version par Im Sang-soo : The Housemaid était à Cannes en 2010.

EN : Les screen quotas en Corée ont connu quelle évolution ?

Kim Dong-ho : Le système de screen quotas a en fait commencé durant les années 70, ce système a été créé pour protéger la part de marché du cinéma coréen face aux films occidentaux et notamment américains. En 1984, les distributeurs américains ont obtenus plus de liberté en pouvant distribuer eux-mêmes leurs films en Corée sans passer par l’intermédiaire d’un distributeur coréen, à partir de ce moment-là le gouvernement a renforcé le système de screen quotas. Il s’agissait d’imposer un nombre de films coréens dans les salles de cinéma pour éviter trop de films étrangers et ainsi soutenir notre production. Ce quota était de 146 jours par an. Mais en 2004, un nouveau gouvernement en Corée a cédé à la pression des Etats-Unis qui veulent que leurs films américains occupent le maximum d’écrans, le screen-quota a donc été réduit à la moitié, soit 73 jours par an. Cette réduction a provoqué des inquiétudes pour le cinéma coréen… Cependant, en même temps, notre cinéma a gagné en compétences et en talents, alors cet assouplissement des screen quotas a eu peu d’influence car les films coréens rencontrent par leurs qualités des grands succès en salles et en même temps aussi à l’international.

 Merci à Cho Myoug-jin pour la traduction.

Crédits photos Christophe Maulavé & Michel Mollaret

Vesoul 2011 : le jury international

Posté par MpM, le 9 février 2011

jury

Le jury international est arrivée à Vesoul, prêt à découvrir les neuf longs métrages qui sont en compétition pour le Cyclo d'or 2011. De gauche à droite sur notre photo, on reconnaît Darina Al Joundi (réalisatrice, actrice et scénariste libanaise), Lee Myung-se (réalisateur coréen et président du jury), Roshane Saidnattar (réalisatrice cambodgienne) et Mojtaba Mirtahmasb (réalisateur iranien).

C'est le long métrage Wang Liang’s Ideal du Chinois Gao Xiongjie qui ouvrira les hostilités lors de la séance officielle de ce soir. Le palmarès sera annoncé lors de la soirée de clôture le 15 février prochain.

Crédit photo : Michel Mollaret

Vesoul 2011 : liaison sans escale avec Pusan, Corée du sud

Posté par kristofy, le 9 février 2011

Kim Dong-hoOuverture aux couleurs de la Corée du Sud pour cette 17e édition du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul qui a débuté mardi soir avec la remise d'un Cyclo d'or d'honneur à Kim Dong-ho (notre photo), créateur et directeur honoraire du Festival de Pusan.

Créé en 1996 suite à une volonté politique, le Festival de Pusan s'est imposé au fil des ans comme le plus important festival international du film en Asie, grâce notamment à la qualité du cinéma coréen et l'appui des studios hollywoodiens. En plus de promouvoir un cinéma novateur et clairement "d'auteur", il propose un marché du film extrêmement important. Tous les grands noms du continent asiatique contemporain ont fait leurs débuts à Pusan, qu'il s'agisse de Jia Zhangke, Hong Sang-soo, Kim Ki-duk ou encore Im Sang-soo. C'est donc assez logiquement que Vesoul rendait hommage à son créateur Kim Dong-ho, celui que Jean-Marc Thérouanne, délégué général du festival,  appelle "le Gilles Jacob de Corée".

Les deux autres temps forts de cette ouverture ont été l'ovation faite Aktan Arym Kubatà Jafar Panahi lors de son apparition dans le diaporama présenté en début de soirée (rappelant que le cinéaste iranien, président du jury en 2004, demeure dans les esprits vézuliens) ainsi que la projection du Voleur de lumière du Kirgiz Aktan Arym Kubat (photo de droite). Le film raconte l'histoire d'un homme simple et gentil qui rend des services à tout le monde, souvent à son propre détriment. Cet "être pur" est joué par le réalisateur lui-même, qui a parsemé son film de références politiques et d'une certaine dose de satire sociale.

Un joli coup d'envoi pour ce 17e FICA, à découvrir en salles le 2 mars prochain. En attendant, c'est parti pour sept jours de cinéphilie asiatique durant lesquels plus de 26 000 spectateurs venus de toute la France sont attendus.

Coécrit par MpM
Crédits photos : Michel Mollaret

Vesoul 2011 : l’Asie n’a plus de frontières…

Posté par kristofy, le 8 février 2011

Le plus ancien festival de cinéma asiatique d'Europe se trouve à Vesoul (Haute-Saône, Franche-Comté, autant dire un coin perdu de la France moderne) et il ouvre ses portes aujourd'hui. On y  découvrira les films de toute l'Asie (c'est-à-dire du Proche à l'Extrême-Orient), même si cette 17ème édition du FICA, Festival International des Cinémas d’Asie, mettra particulièrement à l’honneur le Cambodge et la Corée.

Vesoul présentera environ 90 films partagés entre plusieurs sections thématiques, dont une vingtaine de films inédits en France qui seront appréciés par 6 Jurys (le jury International, le jury NETPAC, le jury Musée National des Arts Asiatiques Guimet de Paris, le Jury Langues O'-INALCO, un Jury Lycéen et un Jury Jeunes).

Pour le Cambodge le réalisateur Rithy Panh, artisan de la réappropriation de la mémoire détruite par les Khmers rouges, est attendu à Vesoul avec en même temps 23 oeuvres couvrant 1950-2010.

Le regard sur le cinéma coréen déroulera 65 ans de cinéma (1945-2010) en 27 films clés, avec la présence de Kim Dong-ho, directeur honoraire du Festival de Pusan, le plus important festival de cinéma asiatique.

Certains films sur le thème des "Familles d'Asie" composeront un tableau des familles d'hier et d'aujourd'hui vues par les cinéastes asiatiques. On rendra aussi hommage avec Paprika à Satoshi Kon, le génial cinéaste d'animation récemment disparu.

Enfin, le FICA de Vesoul affirmera son soutien au réalisateur et ami du festival Jafar Panahi, condamné en Iran à 6 ans de prison et 20 ans d'interdiction d'exercer son métier de cinéaste, en projetant son film Le Cercle (lion d'or à Venise) lors de la clôture du Festival.