Edito: Tonton, Charlie, Michel et les autres…

Posté par redaction, le 7 janvier 2016

Triste début d'année 2016. Pour ne pas dire macabre. On aurait envie de voir la vie en rose, elle serait immédiatement fanée. Déjà, tradition française, on est envahit par les commémorations. Mitterrand il y a 20 ans, Charlie Hebdo il y a un an. Le deuil s'éternise. Il faut savoir regarder le passé, le comprendre, mais de là à nous détourner du présent, à obscurcir l'avenir... On est loin du carpe diem avec ce gavage de nostalgie, ce réveil de traumatismes, cet enchaînement à des fantômes. Pas de quoi retrouver le moral.

Et quand bien même, on ferait abstraction de cette actualité célébrant des faits d'un autre temps - paradoxe -, nous voici endeuillés jour après jour. Michel Delpech, Vilmos Zsigmond, Silvana Pampanini, René Vautier, Pierre Boulez, Robert Stigwood, Jean-Pierre Fougea et Michel Galabru ont déjà tiré leur révérence, le premier de l'an à peine passé. Certains auront révolutionné leur art, d'autres auront marqué par leur singularité, et d'autres encore auront contribué à des émotions mémorables. Galabru, c'est encore un cas à part. Populaire, le talent parfois grandiose, souvent gâché, le truculent comédien, capable de jouer du Pagnol et du Feydeau, du Dubillard et du Molière, un Gendarme burlesque et un assassin fascinant, unique quand il faut sortir une tirade sur le Nord de la France et mécanique quand on lui demande de jouer les guignols face à une star, il avait donné 65 ans de sa vie à son métier. Artisan permanent, amuseur public, maître respecté, c'est une époque qui s'éteint un peu plus. Le dernier Gendarme, le dernier membre de la Cage aux folles. Il n'y aura peut-être plus de Galabru. Aujourd'hui il faut des comiques, jeunes, épilés, propres sur soi. Il faut du bankable, de l'aseptisé, du séducteur d'ados, des demi-dieux médiatiques (et suivis sur Twitter).

Un peu plus cette époque s'efface. Mais que construisons-nous comme légendes, monstres sacrés pour demain? Ce n'était pas mieux avant. Ce qui compte c'est que ce soit aussi bien, et même mieux, après. En ce début d'année noire, il est primordial de mettre de la couleur, de créer des codes nouveaux, de trouver, accompagner les oeuvres et les personnalités qui feront des années 2000-2010 une belle époque, et pas seulement une période de crise démoralisante. Demain, c'est maintenant. Tant que nous sommes vivants.

Le chef opérateur Vilmos Zsigmond éteint la lumière (1930-2016)

Posté par vincy, le 4 janvier 2016

Vilmos Zsigmond

Né en Hongrie le 16 juin 1930, le chef opérateur Vilmos Zsigmond est décédé le 1er janvier 2016 à l'âge de 85 ans. Il fut oscarisé pour son travail sur Rencontres du Troisième Type de Steven Spielberg et trois fois nommé pour la statuette (Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino, La Rivière de Mark Rydell et Le Dahlia noir de Brian de Palma). Pour lui, le cinéma était un art et devait le rester.

Durant près de cinq décennies, son immense talent a servi quelques uns des plus grands cinéastes américains et contribua à des films cultes voire exceptionnels: Robert Altman (John McCabe, Le privé), John Boorman (Délivrance), Jerry Schatzberg (L'épouvantail, Vol à la tire), Steven Spielberg (Sugarland Express), Brian de Palma (Obsession, Blow Out, Le bûcher des vanités), Martin Scorsese (La dernière Valse), Mark Rydell (The Rose), Michael Cimino (Les Portes du Paradis), George Miller (Les sorcières d'Eastwick), Jack Nicholson (The Two Jakes), Rochard Donner (Maverick), Sean Penn (Crossing Guard) ou Woody Allen (Melinda et Melinda, Le rêve de Cassandre, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu).

Travail de l'image

Autant dire qu'aucun de ses films ne se ressemblait vraiment. Considéré comme l'un des dix plus grands chefs opérateurs de son époque, il savait manier les contrastes, éclairer les visages, renforcer l'intrigue par son immense talent. Son point de vue, selon lui, devait uniquement servir le scénario. Capable de désaturer une image pour la rendre mélancolique ou au contraire, d'exacerber les couleurs pour renforcer les antagonismes, il n'a cessé de se renouveler au fil des ans, en s'adaptant aux styles des cinéastes qui l'enrôlaient. Il a aussi abondamment utilisé la technique du « flashage » qui donne un aspect laiteux à l'image, réduisant les contrastes. "Sur The Black Dahlia, de Brian de Palma, on a filmé en pellicule, et ensuite on a fait la post-production en numérique. Ce qui m'a permis d'atténuer la couleur et de donner une impression de noir et blanc, J'aime le numérique pour « manipuler » le film : la couleur avec moins de couleur ! J'aime le noir et blanc, quand les ombres s'accentuent" prenait-il comme exemple pour démontrer l'évolution de son métier tout en conservant ses principes et sa vision artistiques.

"Je pense qu'un film ce sont des images. Le cinéma a besoin de bonnes images. Je pense que si vous n'avez pas de bonnes images, vous n'aurez pas un bon film. Tout film devrait être réellement visuel" expliquait-il.

L'image du travail

Ayant fuit la Hongrie juste après l'invasion russe en 1956, il avait commencé par des films à petits budgets jusqu'à sa rencontre avec Robert Altman. En collaborant ensuite sur les premiers films de Spielberg et De Palma, il était devenu très rapidement l'un de ceux qui comptaient dans la profession. Avec Spielberg, il ne s'est jamais vraiment senti à sa place. Il confia plus tard qu'il était, durant le tournage de Rencontres du Troisième type, sur un siège éjectable en permanence. Il a éprouvé en revanche de plus grandes satisfactions avec Michael Cimino et Mark Rydell, assez fier de l'aspect documentaire de The Rose ou de ses collaborations avec Michael Cimino, même si le tournage ruineux et compliqué des Portes du Paradis a empêché les deux hommes de se retrouver sur un plateau de cinéma. Il se souvient aussi du tournage heureux de The Sugarland Express, avec Spielberg: "On ne parlait pas de millions, il y avait de la joie dans le travail. Un petit budget mais de grandes stars ! Puis les choses ont commencé à changer avec Star Wars, ou encore avec Rencontres du troisième type de Spielberg."

C'était sans doute là son génie: capable de mettre en lumière un film noir, une comédie, un polar ou un drame avec des ambiances froides ou glamour, un style réaliste ou hollywoodien. Du documentaire à la télévision, il a également exploré d'autres formats, réalisant même un film, The Long Shadow, avec Liv Ullmann et Michael York (1992).