Cannes 70 : Mon royaume pour une Palme

Posté par cannes70, le 10 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-38. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Depuis l'aube des temps du cinéma, c'est-à-dire 1895, le barde de Stratton upon Avon a été une source d'inspiration pour les réalisateurs et les producteurs du monde entier. Depuis l'aube des temps des festivals, c'est-à-dire 1946, Shakespeare a fait quelques embardées sur la Croisette pour des adaptations parfois réussies, parfois non, faisant du bruit et de la fureur ou beaucoup de bruit de rien.

Une Palme d'or pour une plume en or

Avant Kenneth Branagh et son Henry V en 1990, Shakespeare au cinéma rimait surtout avec Laurence Olivier et Orson Welles. Jamais retenu en compétition pour les trois adaptations dont il fut l'acteur et le réalisateur, Laurence Olivier n'a donc pas pu prétendre à des prix sur la Croisette pour Hamlet (Oscar du meilleur film et du meilleur acteur néanmoins), Henry V ou Richard III. Petite consolation, ces trois titres furent présentés à Cannes Classics en 2007.

Déjà remarqué au théâtre grâce à son travail avec le Mercury Theatre, le génie à l'oeuvre derrière et devant la Caméra pour Citizen Kane est le seul jusqu'à présent à avoir reçu la Palme d'or pour une adaptation de Shakespeare. Représentant officiellement le Maroc pour Othello, Orson Welles a donc connu cet unique honneur en 1952 avec son incarnation du Maure vénitien dans un cadre dépouillé et des décors d'Alexandre Trauner. À ses côtés, Micheál MacLiammóir est un bien serpentin Iago et la française Suzanne Cloutier la fragile et innocente Desdémone, victime des subtiles manigances qui vont détruire son compagnon, incapable de surmonter le monstre aux yeux verts de la jalousie.

Cerise sur le gâteau en 1966, le Falstaff de Welles toujours reçoit le prix du XXe anniversaire et le Prix de la Commission supérieure technique. Pour son auteur, il s'agit de son meilleur film, juste devant La Splendeur des Amberson. Sa mise en scène possède une énergie rugueuse et son interprétation tonitruante le fait glisser d'une apparente bouffonnerie à une profondeur de caractère noyée sous les kilos qui l'alourdissent. Son Falstaff, protagoniste de plusieurs pièces de Shakespeare, apparaît comme un double symbolique du cinéaste dans ses dimensions multiples, émouvant, drôle et intelligent malgré ses travers, ses emportements et ses faiblesses physiques comme morales. Un homme trahi par le prince devenu roi, comme Welles le fut par Hollywood.

En 1955, une version soviétique signée Lev Arnchtam et Leonid Lavrovsky de Roméo et Juliette recevait le Prix du film lyrique, à l'unanimité, un enthousiasme aussi lyrique que sa dénomination qui pourrait laisser penser que le président cette année là était Jean Cocteau, mais c'est à un jury dirigé par Marcel Pagnol que l'on doit cet honneur singulier remis à ce film-ballet porté par la musique de Prokofiev et mis en mouvement par les danseurs du Bolchoï. L'année suivante, l'URSS propose un autre Othello, sous la direction de Sergueï Ioutkevitch et qui ne semble pas avoir démérité pour le jury d'alors, avec un Prix de la mise en scène, sacré défi si peu de temps après le chef d'oeuvre de Welles, encore frais dans les esprits. Une troisième variante, l'Otello de Franco Zeffirelli, sera en compétition en 1987.

Kenneth Branagh est apparu à Cannes à deux reprises en tant que troisième grand acteur-cinéaste-shaekespearophile. En 1993, il est en compétition avec Beaucoup de bruit pour rien dont il est l'un des interprètes principaux aux côtés de Emma Thompson, son épouse d'alors et une fidèle de la compétition cannoise à cette période. Il signe une comédie enjouée, peut-être la meilleure adaptation de l'auteur dans le registre de la comédie. La distribution, délicieusement hétéroclite (preuve du talent de «casteur» souvent surprenant de Branagh) réunit Keanu Reeves, la débutante Kate Beckinsale, le déjà oscarisé Denzel Washington et Michael Keaton fraîchement sorti de sa période Batman.

Il revient quatre ans plus tard hors-compétition avec la première adaptation intégrale de Hamlet dans laquelle on retrouve la crème du cinéma anglais (Richard Attenborough, Julie Christie, Derek Jacobi, John Gielgud, Judi Dench et Kate Winslet quasiment à ses débuts, quelques mois avant Titanic) et quelques invités internationaux dont les vétérans américains Charlton Heston et Jack Lemmon, ainsi que Billy Crystal et Robin Williams ou le français Gérard Depardieu. Une version passionnante malgré les quatre heures de la version intégrale, la version courte n'ayant aucun sens artistique.

To be Macbeth of the best... or not


La pièce de théâtre la plus sombre, la plus crue, la plus sauvage du dramaturge a d'ailleurs inspiré le meilleur et le pire des adaptations sur grand écran de Shakespeare à Cannes. À tout seigneur, tout honneur avec Roman Polanski qui a dirigé une version cinglante et sanglante de Macbeth présentée hors-compétition en 1972. Il saisissait dans toute sa folie et son horreur les tourments d'un couple d'ambitieux dont le destin tragique suivait un cours inexorable malgré les signes de leur fin annoncée et les Cassandre qui annoncent leur tourment futur. Climat fantastique magistralement composé par le cinéaste dans ce premier long-métrage tourné après le meurtre de son épouse. À défaut de se risquer à le comparer à une catharsis, son adaptation est d'une étonnante grande violence, radicale, mettant en images des meurtres présentés hors champ chez Shakespeare.

En 2015, Justin Kurzel était moins heureux avec sa version académique et balourde malgré un couple interprété par Marion Cotillard et Michael Fassbender qui auraient pu apporter beaucoup de subtilité à leur jeu. Hélas, il leur est difficile de briller dans cette version sans substance et hystérique au style lourdement affecté. Les fulgurances de couleur de Adam Arkapaw, tournées dans les paysages de plaine et de montagne d’Ecosse, peuvent être saluées mais de belles images ne font pas un film.

En 1959, le tchécoslovaque Jirí Trnka était en lice pour la Palme pour une version en marionnettes du Songe d'une nuit d'été. Hors-compétition en 1997, on découvrait Où est mon Roméo d'Abbas Kiarostami au sein du film collectif Chacun son cinéma signé par une trentaine de grands cinéastes réunis par Gilles Jacob pour célébrer le soixantième anniversaire du festival. Des femmes réunies dans le silence d'une salle de cinéma regardaient en communion la version de Franco Zeffirelli de Roméo et Juliette.

Les textes du dramaturge apparaissent également parfois au détour de citations, notamment extraites de Macbeth. Ainsi, De bruit et de fureur est devenu le titre d'un grand moment de cinéma brut, poétique et politique, d'une force inébranlable sur la banlieue, présentée à Cannes en 1988 dans le cadre de la section des Perspectives du cinéma français. Pas de lien avec le texte d'origine mais une citation utilisée de façon marquante par Jean-Claude Brisseau qui partage avec le dramaturge un goût pour le fantastique qui s'immisce dans un contexte réaliste. La même citation est utilisée en ouverture du Woody Allen Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, présenté hors compétition en 2010 : «la vie est un récit conté par un idiot, plein de bruit et de fureur et qui ne signifie rien». Un résumé parfait de ce texte ?!

Pascal le Duff de Critique-Film

BIFFF 17 : Safe Neighborhood, bijou de comédie horrifique

Posté par kristofy, le 10 avril 2017

C'est bientôt le réveillon de Noël, il y a plein de décorations lumineuses à l'extérieur de la maison, les parents se préparent à partir pour une soirée en couple, ils ont appelé la fidèle babysitter qu'ils connaissent bien pour garder leur fils de 12 ans... bientôt 13 ans en fait ! Il a les hormones qui bourgeonnent et avec son pote ils discutent en rigolant de comment ça serait de toucher une fille. Voila justement la babysitter qui arrive, le copain s'en va ainsi que les parents. La babysitter est une jolie blonde qui doit bientôt déménager pour étudier à l'université, c'est le moment pour le garçon de tout faire pour la draguer.

Voila pour les 5 premières minutes de Safe Neighborhood de Chris Peckover, et on se doute que ce décor un peu cliché du film de Noël va vite devenir un peu moins "safe", d'autant plus que le film est sélectionné au BIFFF. Un coup de téléphone d'un inconnu, c'est perturbant, quelqu'un qui aurait pu rentrer derrière une porte pas fermée, c'est inquiétant, une brique lancée à travers une vitre, c'est effrayant, et quelqu'un de masqué dans la maison, c'est terrifiant !

Cette situation est typique d'un film d'horreur de type slasher, mais la suite des événements est inédite. D'ailleurs ça fait longtemps qu'on n'a pas été malmené par un plan machiavélique qui fait peur, depuis quand ? Depuis Scream de Wes Craven ? Safe Neighborhood arrive comme un nouveau Scream : un méchant fascinant qui a (presque) tout prévu, quelques rebondissements imprévisibles, des mises à mort originales...

Après un premier acte avec autant d'humour que de suspens le film prend par surprise un autre virage plus sanglant. L'histoire se concentre quasiment dans le huis-clos d'une maison (mais immense avec plusieurs étages et beaucoup de portes... et son jardin), il y aura durant le récit plusieurs personnages qui vont y entrer mais certains n'en ressortiront pas vivants. On y verra un guets-apens d'une ingéniosité et d'une perversité qui feront bien sursauter (et aussi rire).

Un film bien malin qui en profite pour confirmer la révélation des talents de Olivia DeJonge (dans The Visit de M. Night Shyamalan) et de  Levi Miller (héros de Pan face à Hugh Jackman). Safe Neighborhood a l'intelligence de jouer avec les attentes des spectateurs déjà fan de ce genre de film pour les surprendre, c'est un bijou de comédie horrifique.

Cannes 70 : quelle place pour les compositeurs en 70 compétitions ?

Posté par cannes70, le 9 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-39. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

La musique est l’un des éléments indispensables à beaucoup de chef d’oeuvres du cinéma (que serait Vertigo sans la musique de Bernard Herrmann ?), elle s’est aussi faite remarquer au sein des films des 70 ans de compétitions cannoises. C’est à Cannes que s’est fait entendre pour la première fois le “chabadabada” de Un homme et une femme (1966) de Claude Lelouch sur une musique de Francis Lai.

On peut citer le thème lyrique de Doctor Zhivago (1966) de Maurice Jarre, la ballade de Mon Oncle de Jacques Tati, le thème décalé de Anton Karas joué à la guimbarde dans Le Troisième homme (1949) de Carol Reed, la clarinette de Philippe Sarde dans Le Locataire de Polanski (1975) et sa chanson pour Romy Schneider dans Les Choses de la vie (1970), les expérimentations électroniques de Alain Goraguer pour La Planète sauvage (1973), le synthétiseur de Giorgio Moroder sur Midnight Express (1978) ou celui de Vangelis sur Les Chariots de feu (1981), le saxophone de Bernard Herrmann pour la descente aux enfers de Taxi Driver (1976), la guitare dobro de Ry Cooder pour les grands espaces de Paris, Texas (1984), celle plus fantomatique de Neil Young dans Dead Man (1995) ou celles plus dissonantes de Howard Shore dans Crash (1996) de Cronenberg, le hautbois et les chœurs de Ennio Morricone dans Mission (1986), le thème obsédant de Jerry Goldsmith dans Basic Instinct (1992) ou le piano plus romanesque de Michael Nyman dans La Leçon de piano de Jane Campion (1993).

Qu’elle soit minimaliste et pointilliste (la délicate partition de Carter Burwell pour Barton Fink, 1991, celle plus vagabonde de Caro Diaro de Nicola Piovani) ou plus spectaculaire telle celle de Goran Bregovic dans La Reine Margot, la musique a eu ses gloires à Cannes. Mais il faut avouer que depuis une quinzaine d’année, les musiques marquantes se font plus rares, les deux derniers cas majeurs pouvant être cités seraient les cuivres suaves de Alberto Iglesias sur Tout sur ma mère (1999) de Almodovar, ainsi que les atmosphères lugubres doublés d’instants jazzy de Angelo Badalamenti sur Mulholland Drive (2001) de Lynch. Il ne s’agit pas là que d’une question d’appréciation personnelle, mais de la trace laissée par ces B.O. On peut estimer ce qu’a fait Cliff Martinez pour les films de Refn en compétition (Neon Demon), mais l’impact historique est moindre au regard des exemples pré-cités. Il manque peut-être alors un relais lors du festival et des événements associés.

La musique comme sujet du film

Aussi, il y a différents types de musique de film. Il y a celle qui ne cherche pas à être la vedette, cette musique dont l’objectif est de servir le film, et non de se servir elle-même. C’est de celle-ci dont il était question, et parfois certaines sortent du lot par des choix forts (le choix d’un instrument soliste, la place accordée à un thème). Et il y a aussi la musique comme sujet du film (Bird en 1988, Velvet Goldmine en 1998, Last Days en 2005, Ma Vie avec Liberace et Inside Llewyn Davis en 2013) et de son genre même (la comédie musicale) qui a pu arpenter les 70 ans de festival.

On peut relever par ordre chronologique Ziegfeld Follies (1948) et Un américain à Paris (1952) de Minnelli, Funny Face (1957) de Donen, tous les trois sont avec une musique de Gershwin, Les Parapluies de Cherbourg (1964) de Demy (et les chansons de Michel Legrand), All That Jazz de Bob Fosse, et dans les années 2000, Dancer in the dark (Lars Von Trier / Bjork), Moulin Rouge (Baz Luhrmann / Craig Armstrong), Les Chansons d’amour (Honoré / Beaupain).

Il était plus aisé pour la musique de ces films de se faire remarquer. La musique se fait surtout entendre quand elle se voit.

Musique originale versus musique prééxistante

Il faut également distinguer la musique dite “originale” (celle qui implique le travail sur mesure d’un compositeur), à la musique dite “préexistante”. Celle-ci, convoquant bien souvent des morceaux que l’on reconnaît, se fait plus facilement remarquer et évince même la reconnaissance du compositeur impliqué quand ces deux musiques co-existent. Kavinski pour Drive a éclipsé la partition de Cliff Martinez, et personne ne se souvient du compositeur au générique de Polisse de Maïwenn (Stephen Warbeck), mais tout le monde a en tête la chanson de Keedz sur laquelle danse Joey Starr. Quelle injustice d’entendre des auditeurs dans un bar écoutant cette chanson dire “ah, c’est la musique de Polisse”...

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Cannes 2017: auteurs et blockbusters qui alimentent les rumeurs

Posté par vincy, le 9 avril 2017

Dans quelques jours, Thierry Frémaux va présenter le programme de la sélection officielle cannoise. Un peu plus tôt que prévu pour un festival qui commencera un peu plus tard que d'habitude, élection présidentielle française oblige. Il y aura des habitués, des espoirs montants et des auteurs réputés. Le cocktail habituel.

Après avoir parcouru la liste des habitués de la Croisette et celle des cinéastes émergents mais néanmoins réputés, finissons avec les grands auteurs, plus rares à Cannes, et les blockbusters, souvent hors-compétition.

Deux œuvres dans cette liste sont prévues pour la télévision, et c'est ce qui rend les choses encore plus excitantes. D'abord Okja de Bong Joon-ho pour Netflix (lire notre article du 15 août 2016 et bien sûr Twin Peaks de David Lynch, Palme d'or, et par conséquent membre du club VIP du Festival.

Côté Hollywood, beaucoup se sont désistés, de Alien à Pirates des Caraïbes, en passant par Dunkerque (really?). Mais il y a un favori avec War Machine de David Michôd, qui signerait le retour de Brad Pitt sur les marches. Sinon on peut recenser les autres divertissements de la saison comme King Arthur: Legend of the Sword de Guy Ritchie, le Pixar Cars 3, seul film d'animation américain qui tient la corde depuis que Moi moche et méchant 3 a préféré faire son AP mondiale à Annecy en juin, ou encore La Momie, avec Tom Cruise.

Mais les américains ont d'autres cartouches pour venir en force cette année avec How to Talk to Girls At Parties de John Cameron Mitchell, The Phantom Thread de Paul Thomas Anderson, Detroit Riot Project de Kathryn Bigelow, Suburbicon de George Clooney, Mother! de Darren Aronofsky ou encore Borg vs MacEnroe de Janus Metz Pedersen. Seul souci: les studios visant les Oscars préféreront sans doute présenter ces films dans un festival d'automne, et certains sont encore en montage ou en post-prod.  Le Cameron Mitchell semble quand même parmi les favoris pour la compétition. Mais allons-y,r êvons (beaucoup) avec une avant-première de Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve!

Et sinon, on peut aussi compter sur Victoria et Abdul de Stephen Frears, Blade of the Immortal de Takashi Miike, Face de Malgorzata Szumowska, The Snowman de Tomas Alfredson, Le vénérable W. , documentaire de Barbet Schroeder, Roma d'Alfonso Cuaron (la présence du réalisateur oscarisé pour Gravity ferait l'événement, même s'il a davantage de liens avec Venise) et surtout Sunset de Laszlo Nemes, s'il est prêt, puisqu'il est en tournage selon nos informations. Il signerait le come-back du réalisateur du Fils de Saul, deux ans après avoir été révélé à Cannes.

De France, les grands noms ne manquent pas non plus. Le Rodin de Jacques Doillon (dont la sortie est calée le 24 mai en France) semble assurer du déplacement. Mais c'est aussi parmi ces non habitués cannois que se trouvent les projets les plus excitants pour cette 70e édition du Festival: Les lunettes noires de Claire Denis, Au revoir à-haut de Albert Dupontel, Les gardiennes de Xavier Beauvois, Marvin d'Anne Fontaine, Fleuve noir d'Erick Zonca, 20 ans après La vie rêvée des anges,  La douleur d'Emmanuel Finkiel ou encore l'adaptation de HHhH de Laurent Binet (prix Goncourt du premier roman en 2010) par Cédric Jimenez avec Jason Clarke et Rosamund Pike. En animation, le retour du coréalisateur de Ernest & Célestine, Benjamin Renner, avec Le grand méchant renard, aurait sa place.

Cannes 70 : 1939, l’année où tout a (presque) commencé

Posté par cannes70, le 8 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-40. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


La genèse d'un festival reste parfois mystérieuse ou peut se limiter à la plus belle et plus envoûtante des motivations : la passion du cinéma, ou pour ceux qui n'y entravent que dalle, à la cinéphilie maladive. L'envie de créer un festival peut commencer par l'envie égoïste, surtout de nos jours, de montrer des films que vous n'avez pas vus (ou pour ceux de plus grande envergure à faire venir des touristes) et glisser vers quelque chose de plus généreux, l'idée de transmettre et de partager des œuvres enrichissantes. L'ouvrage Cannes 1939, le festival qui n'a pas eu lieu d'Olivier Loubes, publié récemment chez Armand Colin, revient sur l'origine précise les origines de l'existence du Festival International du Film de Cannes, après d'autres ouvrages et articles moins détaillés ou précis.

Un Festival en résistance


En premier lieu, il faut remercier les dérives de la Mostra de Venise, sous les pressions de quelques fascistes et autres monstres historiques mais aussi de quelques personnalités plus positives tout de même. En 1937, Hitler n'est pas content du prix spécial attribué au chef d'oeuvre pacifiste La Grande Illusion de Jean Renoir et, insulte suprême, de l'absence au palmarès de tout film allemand. Reprise en mains des délibérations l'année suivante : le jury du festival italien (créé en 1932) choisit un film américain. Intervention de la «diplomatie» nazie à grand renfort de menaces claires. Résultat : Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl, la «star» du cinéma de propagande nazie, reçoit le trophée suprême, la Coupe Mussolini, le troisième Reich autorisant un ex-æquo local, Luciano Serra, pilote de Goffredi Alessandrini.

Parmi les jurés échaudés figure le diplomate français Philippe Erlanger. Dans le train qui le ramène à Paris lui vient l'idée de créer un festival de cinéma libéré du poids des décisions gouvernementales. «Dès lors que les circonstances enlevaient à la Mostra une indispensable objectivité, pourquoi, si, miraculeusement, la paix était sauvée, ne pas créer en France un festival modèle, le Festival du monde libre ?». Son ministre de tutelle, Jean Zay (éducation nationale) et Albert Sarraut, à l'Intérieur, soutiennent son idée.

L'auteur de l'ouvrage, Olivier Loube, prend bien soin d'insister sur le fait qu'Erlanger, qui sera le premier  délégué général jusqu'en 1951, n'est pas le seul père de la manifestation mais que son implication n'en est pas moins importante. La mise en oeuvre n'est pas aisée, mais un an seulement après, le premier festival est programmé, du 1er au 20 septembre 1939, en concurrence frontale avec la Mostra. Dans un premier temps, Biarritz est choisie, mais son cadre lumineux, et un meilleur soutien financier, permettent à Cannes de rentrer dans l'Histoire du 7e Art.

La presse spécialisée soutient dans l'ensemble ce projet, malgré quelques réserves chez certains, sur l'existence d'un rival à Venise (plus ancien donc plus légitime, dans un cadre plus propice à l'évasion), ou sur les conditions pour le bon exercice d'un festival prestigieux. Maurice Bessy, futur délégué général du Festival de Cannes de 1971 à 1977, fait part de ses doutes dans Cinémonde le 30 août 1939 : «Le choix de Cannes ne saurait être que provisoire. Il ne convient pas de transformer ce festival en une simple affaire hôtelière. Le cinéma a déjà assez de mal pour se débarrasser de ses marchands de soupe», ajoutant «pourquoi avoir choisi ce mois de septembre, particulièrement plein dans le métier cinématographique ? Il y a près de trente films actuellement en chantier qui sont presque tous tournés à Paris (...). Comment avoir à Cannes les producteurs, les ouvriers, les artistes des films s'ils ne peuvent quitter Paris ? Et si on ne les a pas, comment donner à cette manifestation toute l'efficacité qu'elle doit comporter ?». Lire le reste de cet article »

BIFFF 17 : rencontre avec Fabrice Du Welz

Posté par kristofy, le 8 avril 2017

Il a secoué Cannes avec Calvaire puis Venise avec Vinyan. Après la parenthèse malheureuse d’un film de commande en France (Colt 45), il était revenu à ses amours avec Alleluia qui avait de nouveau secoué Cannes. Il est ensuite parti expérimenter un film de commande aux Etats-Unis : Message from the King, une histoire de vengeance emmenée par Chadwick Boseman, et avec Luke Evans, Teresa Palmer et Alfred Molina. Il en est revenu et – scoop – il s’apprête à tourner cet été un autre film pour terminer une trilogie d’amour fou dans les Ardennes : Calvaire, Alleluia, et prochainement Adoration.

Fabrice Du Welz est donc le cinéaste belge le plus fantastique du moment, lui qui est déjà venu des dizaines de fois au BIFFF comme spectateur a fait découvrir son nouveau film Message from the King puis a participé à une masterclass. Il était d’ailleurs accompagné de son scénariste (et producteur) Vincent Tavier, du chef-op Manu Dacosse et de la monteuse Anne-Laure Guégan.

Influences

Mon premier grand choc cinématographique a été Massacre à la tronçonneuse, un choc que je n’ai jamais retrouvé dans ma vie. Après, il y a eu des films comme L’exorciste, Psychose, et donc Hitchcock et d’autres : ça a été une arborescence dont le point 0 est Massacre à la tronçonneuse. C’est un film témoin des années 70 aux Etats-Unis, film d’horreur pour drive-in, film de festival en passant par Cannes et même film d’art projeté au MOMA. Ce film sublime le grotesque, le grotesque étant autant poétique que fascinant.

J’ai une grande admiration pour Brian De Palma, c’est un cinéaste architecte passionnant, tout comme Park Chan-Wook avec qui j’ai eu l’occasion de discuter et qui était là pour l’ouverture du BIFFF. Je tiens Bergman comme l’un des plus grands cinéastes, et son film L’heure du loup est peut-être le plus grand film d’horreur, ça obsède aussi Lars Von Trier. J’aime autant De Palma que Bergman que Cronenberg ou Argento que des films avec Jean Lefèbvre, il ne faut pas faire de hiérarchie. Je suis d’abord cinéphile avant d’être cinéaste, le cinéma des autres m’intéresse plus que le mien.

Calvaire


Assez jeune j’ai eu ce désir de faire du cinéma. J’avais un projet de court-métrage mais personne en Belgique n’a voulu le produire, sauf Vincent [Tavier]. Pour mon premier long-métrage Calvaire, il faut se souvenir qu’à l’époque, vers 2003-2004, ce qu’on appelle le "film de genre", ça n’existait plus chez nous, donc c’est compliqué, on recommence à en re-parler avec le Haute tension de Alexandre Aja. On a eu une commission qui nous a suivi pour une avance et un autre producteur et Calvaire a pu se faire.

Vu le scénario pour un premier film on avait une belle part d’inconscience... Le début de l’histoire c’est en gros un gars qui tombe en panne près d’une auberge, en fait c’est un peu le début de Psychose, dans Calvaire y’a aussi un travestissement d’ailleurs. Une idée de départ était d’avoir Philippe Nahon pour le psychopathe, mais Jackie Berroyer avec qui j’avais fait un court m’a dit "prend-moi je serais mieux", et en fait comme il semble plus normal ça en fait un psychopathe encore plus efficace, et Philippe Nahon a eu un autre rôle. Si on y réfléchit, une clé du succès du film Harry un ami qui vous veut du bien c’est que le psychopathe c’est le gentil bonhomme Sergi Lopez et pas Laurent Lucas qui aurait été trop évident.

Vinyan


Sur Calvaire et Vinyan, j’étais obsédé par la forme, peut-être un peu trop. Je préfère partir d’un réalisme pour aller vers l’abstraction. Vinyan est peut-être mon film préféré alors que c’est peut-être celui qui a été le plus décrié par le public. Le scénario était très écrit et je faisais mon Apocalyse now en Thaïlande, je m’intéressais beaucoup trop à la forme du film et aux paysages et j’ai amputé plein de choses du premier acte du scénario ; c’est dommage car ça approfondissait la relation de couple au début. Le plan final avec Emmanuelle Béart nue entourée des enfants apporte une grâce magnifique juste après la scène d’horreur où Rufus Sewell est déchiqueté. La maladie mentale est un antagonisme fort à l’intérieur d’un personnage.

Alleluia


Pour Alleluia, j’ai croisé dans un festival Yolande Moreau et j’ai eu envie de faire un film avec elle dans un rôle de salope intégrale. L’idée a pris du temps à devenir le scénario que vous connaissez, d’après l’histoire des tueurs de la lune de miel, et trouver le bon casting a été difficile surtout pour le rôle masculin. Car pour un rôle de méchant, il y a des candidats mais pour un rôle de lâche beaucoup moins, en plus il y avait cette dimension délicate de dépendance sexuelle. Lola Duenas a été prodigieuse, pareil pour Laurent Lucas.

Je n’aime pas trop le réalisme dans le cinéma francophone. Tout le monde veut se réclamer de Pialat et ça m’emmerde un peu. N’importe quel acteur ou vedette en France fait un film, bêtement, sans vision. Il y a des réalisateurs qui filment des scénarios, ça ne m’intéresse pas. Je veux transcender le scénario, aller au delà, ce qui m’intéresse c’est les sensations et faire des choix de mise en scène.  Le plateau est mon espace où je vis pleinement, je mime les actions et même je parle aux acteurs durant les prises...

Message from the King

J’ai de la chance car je peux encore tourner aujourd’hui ce que je veux où je veux, mais à un moment on a besoin d’un peu de succès au box-office pour continuer. C’était un peu le moteur pour avoir accepté Colt 45 qui était un film de commande, mais ça a été une mauvaise expérience.

En France, on court après des financements de la télévision et des acteurs vedettes qui prennent un gros chèque, c’est compliqué de progresser. Mon nouveau film Message from the King est aussi un film de commande aux Etats-Unis, et là ça a été une collaboration idéale avec les acteurs, ça a été plus difficile pour la post-production, mais c’est le système américain qui fait que tout le monde producteurs et agents veut donner son avis contre le réalisateur.

Comme pour mes autres films, j’ ai tourné en pellicule, avec d’ailleurs des techniciens pas au niveau comme un pointeur (first ac) qui faisait du flou mais que je ne pouvais pas virer, bref on a tourné le film en 28 jours.

Netflix ?

La France est l’un des rares pays où il y aura une sortie en salles de cinéma (le 10 mai), pour les autres ça sera sur Netflix. J’aurais préféré que mon film soit acheté par un distributeur du genre Lions Gate avec une sortie en salles partout, mais il a été acheté par Netflix qui a proposé plus d’argent, c’est les affaires des producteurs qui ne me demandent pas mon avis.

Netflix a un budget de volume d’achats de films supérieur aux studios traditionnels. Netflix, ils ont les prochains films de Martin Scorsese et de Bong Joon-ho, eux-aussi vont viser les Oscars. Il va y avoir plus de concurrence entre les différentes sociétés de streaming comme Netflix et Amazon et d’autres, à l’avenir je suppose qu’il va y avoir des contrats pour signer des réalisateurs sur 4 ou 5 films pour s’attacher des talents. L’arrivée des différents sites de streaming comme Netflix ça va chambouler plein de choses pour le cinéma…

Cannes 2017: quels espoirs pourraient être confirmés sur la Croisette?

Posté par vincy, le 8 avril 2017

Dans quelques jours, Thierry Frémaux va présenter le programme de la sélection officielle cannoise. Un peu plus tôt que prévu pour un festival qui commencera un peu plus tard que d'habitude, élection présidentielle française oblige. Il y aura des habitués, des espoirs montants et des auteurs réputés. Le cocktail habituel.

Outre les habitués du Festival qui sont pressentis, de nombreux cinéastes découverts à Cannes ou dans les grands festivals de Berlin et Venise pourraient être promus en sélection officielle ou même en compétition. Ces talents pourraient être à Cannes cette année en faisant monter d'un cran leur réputation.

C'est le cas de cinéastes français comme Deniz Gamze Erguven (Mustang) avec Kings (photo) ou Serge Bozon (Tip Top) avec Madame Hyde qui passeraient ainsi de la Quinzaine des réalisateurs au Palais des festivals.

Pour les européens, on a le choix : Paolo Virzi (Folles de joie, grand triomphateur aux derniers prix David di Donatello) avec The Leisure seeker, son premier film anglophone ; Jonas Carpignano (Mediterranea) avec A Ciambra, extension en long métrage de son court récompensé à Cannes en 2014 ; Michelangelo Frammartino (Le quattro volte) avec Late Spring ; Andrew Haigh (Week-end, 45 ans, doublement primé à Berlin) avec Lean on Pete (photo) ; Andrew Hulme (Snow in Paradise) avec The Devil Outside ; Michaël R. Roskam (Bullhead, qui avait révélé Matthias Schoenaerts) avec Le fidèle ; Loving Vincent, biopic sur Van Gogh, de Dorota Kobiela et Hugh Welchman ; Urszula Antoniak (Nothing Personal) avec Beyond Words ; Nanouk Leopold (Îles flottantes) avec Cobain ; Daniel Sandu, rare roumain en lice cette année, avec One Step behind the Seraphim ; Clio Barnard (révélé sur la Croisette avec Le géant égoïste) et son Dark River ; Lisa Langseth (Pure) avec Euphoria ; Myroslav Slaboshpytskiy (The Tribe) avec un film sans titre autour de Tchernobyl.

La diversité géographique compte aussi sur le contingent des autres continents: Haifaa al-Mansour (Wadjda) avec Mary Shelley ; Amr Salam (Excuse my French) avec Sheikh Jackson ; Kaouther Ben Hania (Le challat de Tunis) avec Beauty and the Dogs ; Matt Potterfield (Used to Be Darker) avec Sollers Point ; Diego Lerman (Refugiado) avec Une espèce de famille ; Santiago Mitre (El estudiante) avec La cordillera ; Warwick Thornto (Caméra d'or avec Samson et Delilah) avec Sweet Country ; David Zellner (Kid-Thing) avec Damsel ; Sean Baker (Tangerine) avec The Florida Project (photo) ; Samuel Maoz (Lebanon, Lion d'or) avec Foxtrot ; les frères Safdie (Lenny and the Kids) avec Good Time ; Ziad Doueri (L'attentat) avec The Insult ; Trey Edwards Shults (Kirsha) avec It comes at night ; David Robert Mitchell (It Follows) avec Under the Silver Lake ; Geremy Jasper avec son premier long Patti Cake$ ; Michael Matthews avec Five fingers from Marseilles ; et rêvons avec Annihilation d'Alex Garland (Ex Machina).

Cannes 70 : la croisette, carrefour des cinémas du monde

Posté par cannes70, le 7 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-41. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

On voit à Cannes des films venus du monde entier, et il y a bien peu d'autres endroits sur terre où des dizaines de gens, journalistes comme simples cinéphiles, font de longues files d'attente, parfois à la limite du pugilat, pour regarder un film singapourien, colombien ou mauritanien. Mais si ces films existent et peuvent être vus, appréciés et récompensés, c'est en partie grâce à un volontarisme fort qui leur permet de voir le jour coûte que coûte. Parmi les mécanismes d'accompagnement de ces cinématographies les plus fragiles et les plus singulières, Cannes abrite depuis 2009 ce qui s'appelait à l'origine "Les cinémas du monde" et qui est depuis devenu "La fabrique cinéma".

Créer un langage qui rapproche mais aussi qui met en avant nos différences


Voici comment Gilles Jacob présentait la 1e édition du programme : "Je suis heureux de fêter la naissance du nouveau Pavillon Les Cinémas du Monde dont l’intitulé même fait écho à la mission du Festival d’accueillir tous les créateurs, d’où qu’ils viennent, tous les cinémas, libérés de leurs frontières, et de leur apporter reconnaissance et soutien".

La marraine de l'événement, Juliette Binoche, proposait elle un texte engagé qui sonne avec encore plus de force aujourd'hui. Il commençait par ces mots : "Je n’ai rien à faire de l’Art s’il n’est pas là pour nous aider, nous provoquer, nous pousser vers nos limites. Nous avons tous besoin de nouveau. L’étranger est ce nouveau, il est là pour entrer dans nos peurs, nous faire voir. Sans l’étranger, on meurt. Nous ne sommes pas pareils mais nous nous ressemblons. Le Pavillon Les Cinémas du Monde est un tremplin pour retisser des liens, en inventer d’autres, mettre en mouvement des douleurs cachées, créer un langage qui rapproche mais aussi qui met en avant nos différences" et s'achevait ainsi : "La France est marraine du cinéma, sa diversité en est la preuve".

A ses côtés, le parrain Abderrahmane Sissako convoquait Malraux : "Promesse de lien et d’ouverture, le Pavillon Les Cinémas du Monde, pour éviter de n’être qu’un slogan, doit se rappeler André Malraux qui disait : « La culture n’est pas qu’un héritage, mais un combat de tous les jours »."

Un accompagnement adapté à chaque projet


Depuis, le pavillon des Cinémas du monde a peut-être changé de nom, mais pas d'ambition. Développé par l’Institut français pour favoriser l’émergence de la jeune création des pays du sud sur le marché international, en  collaboration avec le Festival de Cannes et le Marché du Film, le programme permet chaque année à une dizaine de réalisateurs et leurs producteurs de venir sur la croisette pour présenter et défendre leurs projets de premier ou deuxième long métrage.

Concrètement, les lauréats bénéficient d’un accompagnement adapté à leur projet et à leur niveau d’expérience professionnelle. Ils sont conseillés par un coach personnel qui les aide à identifier leurs besoins (réécriture, coproduction, distribution, territoires visés…) et à élaborer un programme de rendez-vous professionnels ciblés. On leur apprend à développer leur réseau professionnel et à se familiariser avec les thématiques liées à la production et au marché. Pendant le Festival, ils bénéficient de séances de travail spécifiques, participentaux programmes du marché du film et ont accès à toutes les sélections cannoises.

Lors de la première édition, on comptait par exemple parmi les films invités l'éthiopien Teza de Haile Gerima, Prix du meilleur scénario et prix spécial du jury à la Mostra de Venise 2008, Grand prix au Festival international du film d'Amiens 2008, Grand prix des Journées cinématographiques de Carthage 2008 et Étalon d'or de Yennenga au FESPACO 2009. L'année suivante, l'un des projets en développement sélectionné était Par le fenêtre (Window view) de Caroline Leone (Brésil) qui a remporté le prix Fipresci au dernier Festival de Rotterdam sous le titre Pela janela.

On vient également de découvrir en salles le très beau et complexe Mate-me por favor d'Anita Rocha da Silveira (Brésil) qui a participé à la Fabrique en 2012 et a eu les honneurs du festival de Venise en 2015. En février dernier, c'est un film issu de la Fabrique 2014, The Wound de John Trengove (Afrique du Sud), qui a fait l'ouverture de la section Panorama du Festival de Berlin, après un passage remarqué par Venise et Sundance.

Un dispositif plus général d'aide aux cinémas du monde


Depuis sa création, le programme peut ainsi se vanter d'avoir aidé et accompagné 148 réalisateurs et producteurs, en provenance de 56 pays, dont 21 pays francophones, pour un total de 81 projets. Cinq films sont prêts pour une diffusion prochaine, et qui sait, peut-être que l'un d'entre eux sera présenté durant la 70e édition du Festival de Cannes. Pour ce qui est des projets sélectionnés par la Fabrique cette année, et qui ont été révélés mardi, il faudra bien sûr attendre encore quelques années avant de découvrir le résultat final, mais ils donnent d'ores et déjà l'espoir de voir prochainement des films du Kénya, de Malaisie, du Myanmar ou encore du Mali sur la scène internationale.

Et ce n'est pas tout ! En parallèle de leurs activités cannoises, les cinémas du monde proposent toute l'année deux autres programmes : l’Aide aux cinémas du monde qui apporte son soutien à des cinéastes étrangers conduisant un projet en coproduction avec la France (246 films depuis sa création en 2012, dont une Palme d'or, Winter sleep de Nuri Bilge Ceylan, et un grand succès cannois et international, Mustang de Deniz Gamze Ergüven ) et la Cinémathèque Afrique, un fonds de films africains des années 60 à nos jours destinés à une diffusion non commerciale à l’étranger, ce qui fait de la France le premier acteur de la diffusion du cinéma africain.

Tout est donc mis en oeuvre pour qu'un nouveau pays rejoigne prochainement l'Inde, le Brésil, la Chine, la Turquie, l'Algérie et la Thaïlande  dans la liste des principaux pays dits "du sud" à avoir reçu une ou plusieurs Palmes d'or. En attendant, on espère déjà voir le cinéma africain revenir en compétition en 2017, et la sélection toutes sections confondues prouver une nouvelle fois que, comme l'écrivait Gilles Jacob pour fêter le 1er anniversaire des cinémas du monde, Cannes "doit être un second foyer pour tous les artistes du monde".

Marie-Pauline Mollaret pour Ecran Noir

Cannes 2017: quels habitués pourraient revenir sur la Croisette?

Posté par vincy, le 7 avril 2017

Dans quelques jours, Thierry Frémaux va présenter le programme de la sélection officielle cannoise. Un peu plus tôt que prévu pour un festival qui commencera un peu plus tard que d'habitude, élection présidentielle française oblige. Il y aura des habitués, des espoirs montants et des auteurs réputés. Le cocktail habituel.

Les "abonnés" du Festival sont nombreux à être dans la course, mais ils ne seront pas tous élus. Ainsi le film Mektoub is Mektoub d'Abdellatif Kechiche ne pourra certainement pas faire le déplacement puisque sa saga familiale a donné finalement deux films (Les dés sont jetés, Pray for Jack) et sort ainsi de la zone contractuelle avec son financeur, France Télévisions. Une procédure risque d'empêcher le cinéaste palmé d'être à Cannes cette année. De même rien ne dit que Amant double de François Ozon ne soit prêt.

Pour le reste, les films suivants ne seront pas tous en compétition, ou même en sélection officielle. Certains opteront aussi pour une première plus tardive à Venise ou Toronto, quand d'autres ne trouveront tout simplement pas leur place dans le menu équilibriste du sélectionneur.

La bataille française va faire rage, comme chaque année. Car, aux titres suivants, il faut ajouter ceux que nous mentionnerons dans nos articles autour des étoiles montantes ou des grands auteurs (plus rares sur la Croisette): Jeannette de Bruno Dumont, Redoutable de Michel Hazanavicius (qui pourrait être un film d'ouverture), Les fantômes d'Ismaël d'Arnaud Desplechin, Barbara de Mathieu Amalric, Nos années folles d'André Téchiné et D'Après une histoire vraie de Roman Polanski sont les grands noms les plus propices à entrer dans la compétition.

Côté européen, on attend du poids lourd avec de multiples palmés et primés cannois: The Killing of a Sacred Deer de Yorgos Lanthimos, Submergence de Wim Wenders, The Square de Ruben Östlund, You Were Never Really Here de Lynne Ramsay, A Gentle Creature de Sergei Loznitsa, Happy End de Michael Haneke (on peut parier sur celui-là), In The Fade de Fatih Akin, Loveless d'Andreï Zyaguintsev, Thelma de Joachim Trier, Superfluous Man de Kornel Mundruczo et Wild Pear Tree de Nuri Bilge Ceylan.

D'Asie, on attend A Radiance (Hikari) de Naomi Kawase, The Third Murder de Hirokazu Kore-eda, Before We Vanish de Kiyoshi Kurosawa et La caméra de Claire de Hong Sang-soo. Ce dernier film est, avec le Hzneke et le Bozon, l'un des trois films avec Isabelle Huppert qui pourrait monter les marches.

D'Afrique, on pourrait revoir Mahamat-Saleh Haroun (Une saison en France).

Enfin, des Amériques, le contingent d'abonnés n'est pas en reste: Wonderstruck de Todd Haynes, The Beguiled (Les proies) de Sofia Coppola, Downsizing d'Alexander Payne (même si rien n'est certain sur l'achèvement du film qui nécessite pas mal d'effets spéciaux), Logan Lucky de Steven Soderbergh, et bien sûr Wonder Wheel de Woody Allen (forcément hors-compétition). Plus au sud, Zama de Lucrecia Martel, April's Daughter de Michel Franco et Where Life is Born de Carlos Reygadas tiennent la corde. Comme on le verra au fil de cette série ce pourrait être une année très mexicaine.

Cannes 70 : Atom Egoyan, tisser sa toile

Posté par cannes70, le 6 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-42. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Année 2014. Captives du réalisateur canadien Atom Egoyan est en compétition à Cannes. C'est la 6e fois que le réalisateur canadien est en lice pour la Palme d'or. Il fait en quelque sorte figure d'habitué, même s'il a presque toujours été oubliés dans les palmarès. Ce ne sera malheureusement pas mieux cette fois-ci. Pire, comme cela arrive régulièrement pendant le Festival, Captives ne séduit pas la presse et Egoyan se retrouve rejeté avec un film qui démontre, pourtant plus que jamais, ce que signifie être Cinéaste.

Captives représente en effet une œuvre somme dans la filmographie du réalisateur, l’aboutissement d’un travail artistique pluriel : ses films (longs et courts métrages), certes, mais aussi ses mises en scène d’opéra, ses installations et projets vidéos. Tout ce travail vient imprégner son œuvre toute entière. Captives est un film qui rend compte de cette logique.

Dès l’âge de quinze ans, Egoyan écrit des pièces de théâtre, ce qu’il continue à faire à l’université où il rencontre le compositeur Mychael Danna, avec qui il formera un duo de choc complémentaire et interdépendant tout au long de sa carrière. Venir du théâtre leur permet, lors de leurs premiers pas au cinéma, respectivement en tant que réalisateur et compositeur, de jouir d’une grande liberté d’exploration. Ils développent ensemble un langage cinématographique musical commun, dont témoignent l’ensemble des films du cinéaste.

"Je conçois ma façon de filmer en laissant un espace pour la musique."

L’opéra, auquel il dédie une grande part de son travail de création, et son intérêt pour la musique de films, de ses films, amènent Atom Egoyan à prendre connaissance de la façon dont la musique permet de raconter une histoire. Cet apport musical permet au cinéaste de développer un sens et une maîtrise accrue de la narration au cinéma. Il va plus loin en prenant soin de laisser à la musique une place importante lors de la réalisation et du montage du film, un espace nécessaire et essentiel à la compréhension du récit. La musicalité de son écriture se retrouve de film en film et devient un élément majeur pour la réception de son œuvre. De Speaking parts à Captives, en passant par Exotica et De beaux lendemains, la musique de Mychael Danna participe à la compréhension des récits et films du cinéaste.

Captives : Une jeune fille, Cassandra, est retenue captive par un homme, Mika, membre d’un réseau pédophile. Le temps passe et la police piétine laissant Tina, la mère de Cassandra, dans une vie en suspens. Matthew, le père de l’enfant, quant à lui, continue à arpenter les routes à la recherche de sa fille perdue. Avec le temps, des indices viennent indiquer que Cassandra est toujours en vie.

Captives propose d’aller au-delà de ses précédentes propositions de cinéma. La Flûte Enchantée [1], l’opéra composé par Mozart sur un livret signé Schikaneder offre des clés très importantes pour saisir les différents niveaux d’interprétation du film. Mozart et Schikaneder s’inspirent en premier lieu de trois contes pour écrire leur opéra : Lulu ou la flûte enchantée ; Nadir et Nadine et Les garçons sages, trois récits où des hommes retiennent prisonnière une jeune fille dans l'idée d'assouvir leur désir sexuel et leur soif de pouvoir.

Deux mondes en concurrence


La Flûte Enchantée : Le Prince Tamino est envoyé par la Reine de la Nuit afin d’aller délivrer sa fille Pamina des prisons du mage Sarastro. Guidé par les trois Dames de la Reine, Tamino sera accompagné de Papageno, un oiseleur haut en couleur. A Papageno revient un carillon et à Tamino une flûte magique – deux instruments qui les aideront dans leur périple. Truffé de mises à l’épreuve, le parcours de Tamino pour délivrer et conquérir Pamina se charge de symboles qui, de scène en scène, les mènent vers l’amour et la lumière.

La Flûte enchantée représente d’après les propos d’Atom Egoyan, deux mondes, « l’un en apparence d’illumination rationnelle», (ce n’est pas sans rappeler qu’Ignaz Von Born, franc-maçon ayant en partie inspiré le personnage de Sarastro, était membre de « l’Ordre des Illuminés »), représenté par Sarastro et ses initiés avec leur culte secret, et l’autre sur « un monde de superstitions et de magie représenté par la Reine de la nuit», mère de Pamina, au royaume de la nuit.

Dans Captives, ces deux mondes sont présents : l’un est le monde de « noirceur suprême et de contrôle » représenté par Mika et ses initiés avec leur réseau pédophile secret, et l’autre est le monde de magie et de conte enneigé de Tina (la mère de Cass) mais aussi de Matthew (le père de Cass). Mika détient captive Cassandra. Il vie à travers l’obsession qu’il a développée pour le personnage de la Reine de la nuit. Mika écoute et chante l'air de la Reine de la nuit, cherchant ainsi à devenir lui-même le eprsonnage. Le film commence d’ailleurs sur une scène très claire où il regarde, sur un des écrans placé en hauteur sur un mur de sa maison, un extrait de l’opéra, le moment où la mère se lamente du kidnapping de sa fille. Il finira par devenir la Reine de la nuit après l’enlèvement de l’enquêtrice, lorsqu’il lui apparaîtra chantant cet air de la reine.

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