Cannes 70 : les Palmes d’or, bonheurs et malheurs au box office

Posté par vincy, le 14 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-65.

En 70 ans, les films récompensés par le prix suprême de la compétition du Festival de Cannes - d'abord le Grand Prix jusqu'en 1955 et de 1964 à 1974 puis la Palme d'or de 1955 à 1963 et depuis 1975 - ont connu des destins très divers en salles.

Aux Etats-Unis, seulement trois films, tous américains, ont été des grands succès publics : Fahrenheit 9/11, Pulp Fiction et Apocalypse Now. Quelques-uns s'en sont sortis honorablement au box office (La leçon de Piano, All That Jazz, Le Pianiste, Taxi Driver, Sexe mensonges et vidéos) mais la plupart ont rapporté moins de 2 millions de $ de recettes.

Mais prenons la France, pays cinéphile et pays hôte, autrement dit celui qui médiatise le mieux le prix cannois, comme instrument de mesure.

Les plus grands succès sont anciens : Le troisième homme, Le salaire de la peur, Quand passent les cigognes sont les seuls films à avoir séduit plus de 5 millions de spectateurs. Si on met la barre à 3 millions, on peut ajouter Le monde du silence, La loi du seigneur, Orfeu negro, Le Guépard, Un homme et une femme, M.A.S.H., et Apocalypse Now (qui date de 1979!). Mais durant cette période "faste", il y a aussi eu de sérieux flops en salles: cinq films avant 1979 ont attiré moins de 250000 spectateurs, soit autant que depuis 1979. C'est en fait le nombre de gros succès qui a diminué depuis les années 1980.

En effet, depuis La Leçon de Piano et Pulp Fiction (1993 et 1994 respectivement), seul un film (américain) a passé la barre des 2 millions d'entrées, le documentaire de Michael Moore, Fahrenheit 9/11. Et depuis le début du millénaire, on compte 4 millionnaires "seulement" dont trois productions françaises.

Il est indéniable que l'impact d'une Palme est moindre aujourd'hui, si on prend les données brutes. En moyenne, un film palmé attire deux fois moins de spectateurs qu'il y a 40 ans. Mais on peut aussi relativiser. Sans Palme, quel film turc, chinois, serbe, danois, roumain ou thaïlandais aurait atteint les scores de Winter Sleep, Adieu ma concubine, Papa est en voyage d'affaires, Pelle le Conquérant, 4 mois 3 semaines et 2 jours ou Oncle Boonmee ? Grâce à une Palme d'or, des cinéastes comme Haneke, Loach, Moretti, Leig ou Cantet ont élargi grandement leurs publics. Bien sûr il y a des contre-performances : Dheepan, qui fut le pire échec de Jacques Audiard, par exemple.

Cependant on ne peut pas juger la qualité des Palmes avec le seul baromètre des entrées. D'autant que d'autres films primés à Cannes ont cartonné en salles, sans être palmé. Mais surtout parce que ça ne viendrait pas à l'idée de minorer une Palme "pas très populaire" pour les frères Coen, Abbas Kiarostami , Cristian Mungiu, Theo Angelopoulos, Luis Bunuel ou Andrzej Wajda.

Mais globalement, pour des films d'auteur, voire pointus, l'effet Palme d'or se fait ressentir à chaque fois, si on prend en compte l'évolution d'un marché qui se contracte pour diverses raisons (arrivée de la télévision dans les années 1960, des multiplexes dans les années 1990, de la vidéo à la demande dans les années 2010). En dehors du prestige pour le cinéaste et les producteurs, des éventuelles récompenses glanées par la suite, le film palmé bénéficie d'un "label" qui lui permet de séduire un public curieux qu'il n'aurait sans doute pas touché sans cette récompense. Si on peut critiquer les choix du jury de l'an dernier - la Palme pour Moi Daniel Blake, le Grand prix pour Juste la fin du monde - les deux films ont été les plus "populaires" en salles parmi tous les films de la compétition. Même si le Grand prix a dépassé la Palme en nombre d'entrées.

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Cannes 70 : All the love you Cannes, Troma sur la croisette

Posté par cannes70, le 13 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-66.


Les documentaires ayant pour sujet le Festival de Cannes ne sont pas légion – quelques-uns ont été tournés pour la télévision, mais se concentrent généralement sur le glamour et les stars d’Hollywood en passage éclair sur la Côte d'Azur. Présentes sur la Croisette tous les ans depuis 1971, les équipes de Troma Entertainment, menées par le charismatique Lloyd Kaufman, ont fêté leur trentième séjour à Cannes en tournant un film, sobrement intitulé All the love you Cannes !, qui dévoile une facette moins glamour et finalement peu connue du Festival : celle d’un business acharné, où les boites de production indépendantes se battent littéralement pour vendre leurs films et rembourser le moindre centime engagé…

Pour ceux qui ne connaîtraient pas Troma Entertainment, il s'agit d'une société de production américaine, créée au début des années 1970 par Lloyd Kaufman, et spécialisée dans les films d'exploitation de série Z tendance horreur trash, souvent mâtinés de comédie, et tirant, surtout depuis les années 90, vers le nanar volontaire. Produits avec des budgets dérisoires, les films Troma sont appréciés d'une large communauté de fans dans le monde entier ; la connivence avec le public est totale, l'humour vole bien souvent au ras des pâquerettes, mais le tout est mis en boite avec une telle bonne humeur et un tel esprit frondeur que l'on ne peut que rendre les armes et s'avérer conquis.

Les thèmes récurrents des productions Troma sont le sexe, le gore et la violence, dans un maelstrom de délire politiquement incorrect au-dessus duquel flotte, depuis des années, l'ombre de la menace atomique. La plus populaire des productions Troma, qui allait donner le « La » au reste de leur productions durant les trente années suivantes, est Toxic, également connu sous son titre original The toxic avenger (Michael Herz et Lloyd Kaufman, 1984). Le personnage principal de Toxic, un gringalet devenu un super-héros mutant, difforme et monstrueux, sous l'effet de l'exposition à un baril de déchets toxiques, est d'ailleurs devenu la « mascotte » de Troma à travers le monde.

Tourné lors de l’édition 2001 du Festival de Cannes, le film All the love you Cannes ! (écrit et réalisé par Gabriel Friedman, Lloyd Kaufman et Sean McGrath) était, à l’origine, un projet de documentaire sur la façon dont les équipes de Troma Entertainment assurent la promotion, la vente et l’achat de longs-métrages sur le Marché du Film, salon professionnel qui se tient en parallèle du Festival de Cannes ; l’ambition du métrage était également de signer une espèce de « guide » vidéo à destination des apprentis-cinéastes, afin de prouver au public que l’on peut tout à fait vivre le Festival en low-cost, et qu'un réalisateur en herbe peut réussir à se frayer un chemin parmi les pros en se ramenant sur la Croisette avec sa bite, son couteau, et sa bobine sous le bras.

Durant sa première moitié, All the love you Cannes s’avère un document complet et plutôt informatif, réussissant le tour de force de demeurer relativement « sérieux » dans sa façon d’aborder le travail, bien réel, accompli sur place par les équipes de Troma (même si les blagues potaches ne sont jamais loin avec ces grands enfants turbulents).

Les équipes de bénévoles s’expriment avec franchise, notamment les « Tromettes », qui évoquent leurs difficultés à parader en petite tenue dans les rues de Cannes, bondées de badauds pendant le Festival : il faut remettre les passants à leur place, subir les mains ou doigts des libidineux de passage ; l’une d’entre elles, Jen Amato, se voit tel un « morceau de viande » dans le regard des autres – un quotidien qui cache tout de même un certain malaise derrière l’esprit festif. Les joyeux drilles de Troma sont de toute façon assez mal vus des festivaliers en général ; dans leurs bureaux installés au Carlton, la proximité immédiate des bureaux des exécutifs de Warner (et de leur petit chien) leur vaudra par exemple quelques plaintes et autres désagréments.

A mi-métrage, All the love you Cannes prend subitement une tournure assez différente : vampirisée par la personnalité turbulente de Doug Sakmann, la deuxième partie du film se concentre sur les différents déboires qu’il subit (et provoque, souvent) durant son séjour mouvementé à Cannes. Homme à tout faire de Troma depuis 2000, Sakmann a pêle-mêle occupé les postes d’acteur, producteur, cascadeur, preneur de son, monteur, directeur artistique, directeur marketing, designer de costumes, décorateur, maquilleur, assistant réalisateur ou réalisateur de seconde équipe, réalisateur, scénariste, directeur photo, directeur de production ou encore responsable des effets spéciaux. Lire le reste de cet article »

L’édition 2017 du Festival 2 Valenciennes ouvre ses portes

Posté par wyzman, le 13 mars 2017

Depuis maintenant 7 ans, le Festival 2 Valenciennes vient épicer nos mois de mars. Et cette année encore, les organisateurs ont tout fait pour ravir les cinéphiles de 7 à 77 ans. Après avoir découvert la présidence de Bernard-Henri Lévy et  Patrice Leconte, le public peut désormais faire connaissance avec les différentes sélections de l'édition 2017 qui débute aujourd'hui.

Ainsi, avant la soirée d'ouverture de ce soir et la diffusion de Finding Phong (premier documentaire en compétition), le Festival 2 Val comme l'appellent les intimes rendra hommage à Bernard-Henri Lévy à travers la projection de Peshmerga dès 18 heures. Parmi les 6 films documentaires internationaux sélectionnés, nous garderons un oeil sur L'Opéra de Jean-Stéphane Bron  ainsi que La Jeune fille et son aigle d'Otto Bell. Qui repartira avec le Grand Prix du Documentaire, le Prix de la Critique, le Prix du Public et le Prix des Etudiants ? Réponse ce mercredi 15 mars à 20 heures.

Et comme l'an dernier, la compétition fictions s'annonce exceptionnelle. Le jury composé de Patrice Leconte, Mélanie Bernier, Lolita Chammah, Jean-Marie Dreujou, Zoé Felix, Marc Fitoussi, Bernard Menez, Claire Nebout, Nathalie Richard, Fabrizio Rongione et Brigitte Sy devra départager les 8 longs métrages sélectionnés. Parmi ceux-ci, on trouve notamment Sage Femme de Martin Provost, Les Mauvaises herbes de Louis Belanger, Une Vie ailleurs d'Olivier Peyon et Wilson de Craig Johnson. Bref, tout un programme.

Avec Nathalie Corré à la présentation, Marthe Keller et François Berléand en invités d'honneur et Jean-Carl Feldis, Laurent Lufroy et Michel Carliez pour les animations, cette nouvelle édition s'annonce déjà incontournable. Pour rappel, le palmarès de la compétition côté fictions sera dévoilé ce samedi avant la projection du Chanteur de Gaza de Hany Abu-Asad, le film de clôture. Au passage, trois petits conseils, ne passez pas à côté de Going to Brazil de Patrick Mille (en séance spéciale), Boule et Bill 2 de Pascal Bourdiaux (en séance en famille) et 1:54 de Yan England (en section jeune public). Pour plus d'informations, c'est par ici.

Cannes 70 : Caméra d’or, l’avoir… ou pas

Posté par cannes70, le 12 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-67.


En février dernier, la réalisatrice et scénariste hongroise Ildikó Enyedi obtenait l'Ours d'or à Berlin pour son cinquième long-métrage, On Body and Soul. Il y a presque trente ans, en 1989, elle recevait la caméra d'or des mains de Raf Vallone lors du 42e festival de Cannes, pour son premier film  Mon XXe siècle. Entre les deux récompenses, elle a présenté deux films à Venise, un à Locarno, et a notamment été membre du jury au festival de Berlin. Elle a également connu une longue traversée du désert (elle n'avait pas tourné pour le cinéma depuis 1999) avant ce retour triomphal.

Un destin étonnant, dont on a eu envie de se demander s'il est singulier dans l'histoire de la Caméra d'or, ou au contraire plutôt exemplaire. Que deviennent en effet ces cinéastes distingués dès leurs premiers pas dans le long métrage et dont on pourrait dire que les meilleures fées (qui ont pour noms Michel Deville, Abbas Kiarostami, Agnès Varda ou encore Wim Wenders) se sont penchées sur leur berceau ?

Un prix de cinéphiles


C'est Gilles Jacob qui a l'idée, en 1978, de créer un prix pour distinguer le meilleur premier film toutes sélections confondues (y compris Cannes Classic et, jusqu'à sa suppression, la section Perspective du cinéma français). Au départ, ce sont les critiques présents qui votent, puis à partir de 1983, un  jury spécifique est constitué, en majorité de journalistes, de critiques et de "cinéphiles". Il se dote en 1987 d'un président du jury (c'est le compositeur Maurice le Roux qui inaugure la fonction) et se professionnalise peu à peu (la dernière mention d'un juré "cinéphile" remonte à 2005).

Dès le départ, il y a derrière cette récompense symbolique la volonté de rappeler que Cannes ne peut pas seulement être le lieu du couronnement et de la validation, mais doit également chercher à être celui de la découverte et du renouveau. C'est dans cette optique qu'est créée cette même année la section Un Certain regard  (destinée à l'origine à promouvoir des œuvres singulières et des auteurs en devenir), puis en 1998 la Cinéfondation qui invite des films d'école.

Ceux qui l'ont eue... et les autres


Près de 40 ans après la remise de la première Caméra d'or (pour Alambrista ! de Robert Malcom Young), on a largement le recul nécessaire pour constater que les différents jurys ont parfois révélé des cinéastes devenus incontournables, mais aussi que certains lauréats auront été les hommes (ou les femmes - elles ont réalisé ou coréalisé 14 longs métrages récompensés sur les 40) d'un seul film. Sans doute parce qu'une Caméra d'or, comme la plupart des prix couronnant des premières œuvres, est toujours en partie un pari sur l'avenir. Il y a finalement peu de réalisateurs, aujourd'hui habitués cannois, qui aient remporté cette récompense : ni Wong Kar wai sélectionné en 1989 pour As tears go by, ni Jacques Audiard (Regarde les hommes tomber en 1994), ni Quentin Tarantino (Reservoir dogs en 1992), ni Xavier Dolan (J'ai tué ma mère en 2009), ni même Steven Soderbergh (Sexe, mensonges et video en 1989) qui, lui, a eu directement la palme d'or... excusez du peu !

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Damien Chazelle va vous faire chanter avec « La La Land » et « Guy & Madeline »

Posté par cynthia, le 12 mars 2017

Après avoir mené la danse aux Golden Globes, aux Baftas et aux Oscars (six statuettes malgré l'accident de la catégorie du meilleur film), La La Land a déboulé en version karaoké dans une centaine de salles en France depuis le 11 mars.

Entre tata Yvette qui adore, grand-mère, maman, le frère, le boyfriend, la girlfriend, la boulangère du coin, etc... La La Land est devenu un membre de la famille depuis sa sortie en salles en janvier dernier (2,4 millions de spectateurs en France). Cette nouveauté chantante va ravir les fans qui n'arrêtent pas d'écouter et de chanter la bande originale sous la douche (ne mentez pas, nous vous entendons d'ici!). Composée et orchestré par Justin Hurwitz (récompensé aux Golden Globes et aux Oscars) les titres City of Stars ou encore Another day of sun n'ont pas fini de vous faire chanter.

Comme une bonne nouvelle n'arrive pas seule, la bande originale de Guy and Madeline on a Park Bench sortira le 17 mars et sera disponible sur Spotify.

Avant de réaliser les films Whiplash et La La Land, Damien Chazelle a démarré sa carrière avec Guy & Madeline on a Park Bench, une comédie musicale jazz qu'il a écrite et dirigée pendant ses études à Harvard. L'histoire d'un jeune couple (une star de la trompette en devenir et une introvertie désorientée) dont la relation s'étiole malgré leur amour naissant. Deux cœurs brisés que l'espoir et le regret animent tour à tour, et qui tentent de trouver un sens à leur nouvelle vie sans l'autre... un peu un La La Land avant l'heure n'est-il pas?

Chazelle était persuadé qu'un film si centré sur le monde du jazz et de la tap dance (les claquettes) nécessitait une excellente partition. Par chance, Justin Hurwitz, son collègue d'Harvard, a été engagé pour relever le défi de composer Guy and Madeline et il s'en est sorti brillamment. Ayant eu l'honneur d'avoir écouté cette sublime bande originale, nous pouvons affirmer la réussite de Hurwitz à mettre en lumière les paroles de Damien Chazelle, en mariant les sonorités sensibles des grandes formations du début du 20ème siècle avec celles des petits groupes d'aujourd'hui.

Disponible le 17 mars prochain chez Milan Music, la bande originale de ce film illustre à la perfection la genèse d'un partenariat hollywoodien, qui a donné naissance à une multitude de classiques de l'époque moderne. En quelques notes nous voyons Damien Chazelle derrière sa caméra.

Le plus jeune réalisateur oscarisé et Justin Hurwitz n'ont pas terminé de faire vibrer nos yeux et nos tympans. Même si le prochain film de Chazelle, un biopic sur l'astronaute sur Neil Armstrong, ne sera certainement pas musical. Sortie prévue à l'automne 2018.

Cannes 70 : et pour la première fois à l’écran… John Cleese

Posté par cannes70, le 11 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années...

Aujourd'hui Jour J – 68

Parmi les personnalités auxquelles nous rendrons hommage dans ce dossier spécial sur les 69 premières années du Festival de Cannes, John Cleese n'est pas la première, et de loin, à laquelle l'on pense lorsque l'on évoque les habitués de la Croisette. Ce qui en aucun cas ne m'empêchera de saluer le plus grand des Monty Python (1,95 m environ). Le prétexte de cet hommage ? Un film présenté en compétition dont la SEULE blague vraiment drôle est ce carton ci-dessus. Ça fait peu, j'en conviens.

Introducing Grandeur et descendance

La comédie «pure», directe, dénuée de profondeur dramatique, reste relativement rare à Cannes, même si le rire s'invite souvent dans les séances du théâtre Lumière (on en reparlera plus en détails, comme par hasard, le 1er avril). La présence de Grandeur et descendance de Robert Young en compétition reste l'une des grandes énigmes de l'histoire du festival. En 1993, cette comédie que l'on peut au mieux qualifier de pas totalement nulle est sélectionnée aux côtés de Adieu ma concubine de Chen Kaige et La Leçon de piano de Jane Campion qui récolteront une Palme d'or ex-aequo mais aussi de Naked de Mike Leigh, Le Maître de marionnettes de Hou Hsiao-hsien ou Raining Stones de Ken Loach.

Même pour les amateurs de comédies à l'anglaise, le résultat est très moyen, avec un manque d'invention flagrant et une écriture paresseuse. Pourtant, ce gag idiot dans son générique m'a fait rire alors et ne cesse de me faire rire depuis, comme ça, pour rien. Introducing John Cleese en 1993 après presque trente années de bons et loyaux services, je tente de résister mais je trouve ça drôle. Je suis faible.

Le récit suit la vengeance de Tommy Butterfly Rainbow Peace Patel (Eric Idle, autre membre des Python et auteur du scénario) spolié de son héritage royal à la suite d'une inversion de bébés par une domestique trop ambitieuse. Adulte, il tente de récupérer le trône en tentant lamentablement d'assassiner le plutôt gentil mais niais Henry, interprété par Rick Moranis (le maître des clefs dans SOS Fantômes) qui a renoncé au cinéma dans ces années-là et n'est jamais revenu depuis.

Les quelques apparitions de John Cleese en avocat guère scrupuleux sauvent ce film de l'anonymat total. Elles nous rappellent, si besoin était, son génie comique. Dans l'ensemble de ses apparitions, il fait preuve d'un sacré tempérament qui passe par son physique qu'il prend plaisir à malmener, une dimension snob dans ses attitudes et sa façon de s'exprimer, les interrogations métaphysiques qui semblent frapper son visage lorsqu'il est décontenancé par un propos de son interlocuteur ou lorsqu'il tente de répliquer péniblement avec éloquence (cela ne marche pas toujours), ses yeux grands ouverts pour exprimer la surprise, un art élaboré de la colère rentrée, une nervosité de tous les instants. Lire le reste de cet article »

Ma vie de Courgette continue sa récolte de prix

Posté par vincy, le 11 mars 2017

Le film d'animation franco-suisse Ma vie de Courgette a reçu deux nouvelles récompenses au Cartoon Movie Tributes. Grand prix et prix du public à Annecy, deux fois césarisé (meilleur film d'animation et meilleure adaptation), primé à Angoulême, San Sebastian, Bratislava, Varsovie, Zurich, aux European film awards, aux prix Lumière, et duo révélations des Trophées du Film Français, le film de Claude Barras continue de récolter les honneurs puisque vendredi 10 mars il a reçu deux prix professionnels au Cartoon Movie, le forum européen du cinéma d'animation, à Bordeaux.

Il a été distingué par le prix du producteur européen de l’année (Rita productions, Blue Spirit Productions et Gebeka Films) et le prix du réalisateur européen de l’année. Et indirectement, même le troisième prix lui a été décerné puisque Angel film, société danoise, a été honoré du prix du distributeur européen de l’année. Le distributeur est spécialisé dans les films d’animation qui sortent dans les pays scandinaves de Ernest et Célestine à... Ma vie de Courgette.

Présenté en avant-première mondiale à la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, le film, nommé aux Oscars, a attiré plus de 770000 spectateurs en France et environ 80000 entrées dans le reste du monde.

Cannes 70 : les cinéphiles ont aussi leur festival

Posté par cannes70, le 10 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-69.


Il y a 50 ans, il était très difficile pour un(e) non professionnel(le) d'avoir accès à des projections durant le Festival de Cannes, que ce soit dans l'ancien palais ou dans l'une ou l'autre des nombreuses salles de cinéma que comptait la ville à l'époque. Concernant les films projetés dans l'ancien palais, il y avait la chasse à l'invitation qui pouvait s'avérer fructueuse ... ou pas. Pour ce qui est des salles de cinéma, quelques pionniers ont commencé à tenter leur chance, demandant humblement la permission à une ouvreuse (eh oui, à l'époque, il y avait encore des ouvreuses dans les cinémas !) d'assister à une projection, ce qui se traduisait le plus souvent par la promesse de rester jusqu'à la fin du film : autoriser des spectateurs à quitter la salle au bout d'une demi-heure, c'était courir le risque de décourager d'éventuels acheteurs de ce film !

Avec le temps, les choses se sont organisées : durant les années 80, le spectateur lambda était admis aux projections du cinéma espagnol données au Star, une autre salle projetait les films allemands, une autre les films des pays du nord de l'Europe, une autre encore les films australiens. En fait, c'était surtout la barrière de la langue qui filtrait les spectateurs, tous ces films étant projetés en version originale sous-titrés en anglais sauf les films parlant anglais qui, eux, n'étaient pas sous-titrés du tout !

Une accréditation spécifique

Aujourd'hui, les spectateurs non professionnels ont droit à leur accréditation officielle, l'accréditation Cannes Cinéphile. Certes, elle vient en dernier dans la hiérarchie des accréditations cannoises mais elle a la mérite d'exister et elle permet à tout(e) cinéphile en bonne santé et bien organisé de voir gratuitement une cinquantaine de films durant les 12 jours que dure le Festival. Des films provenant des diverses sélections : Officielle, Quinzaine des Réalisateurs, Un Certain Regard, Semaine de la Critique et Acid.

Bien que presque toutes les salles leur soient théoriquement accessibles, le lieu privilégié des accrédités Cannes Cinéphile est sans conteste le théâtre de La Licorne, située à Cannes La Bocca. Une salle d'habitués, une salle dans laquelle se nouent des amitiés entre cinéphiles, une salle dans laquelle se confrontent des avis sur les films, une salle qui, l'an dernier, par exemple, n'avait pas compris, dans sa grande majorité, le buzz fait par la presse autour du film Toni Erdmann, presque unanimement considéré comme trop long et trop répétitif.

Chaque année, environ 4000 accréditations Cannes Cinéphiles sont accordées. Voici les liens qui permettent d'accéder à cette forme de Graal cinéphilique, à condition, toutefois, de s'y prendre avant le 15 mars :
- conditions d'accès
- manuel d'accréditation

Bons plans pour cinéphiles sans badges

Pour les personnes non accréditées, une file dernière minute est mise en place dans les salles Cannes Cinéphiles et permet, une fois que les accrédités sont entrés, d'accéder aux salles gratuitement et dans la mesure des places disponibles. Concernant les films de la Quinzaine des Réalisateurs, une billetterie payante permet de voir les films projetés dans la salle Théâtre Croisette au JW Marriott ainsi qu'au cinéma les Arcades.
Quant à la Semaine de la Critique, elle permet aux non accrédités d’accéder gratuitement à ses projections officielles qui ont lieu à l’Espace Miramar. Les billets délivrés donnent accès à une file non prioritaire, permettant d’assister aux projections dans la limite des places disponibles.

Pour finir, un endroit sympathique pour voir facilement des films pendant le Festival de Cannes : le domaine Agecroft à Mandelieu La Napoule, lieu où s'est implanté depuis de nombreuses années le Festival "Visions Sociales" organisé par la Caisse centrale des activités sociales (CCAS) du personnel des industries électriques et gazières.

Jean-Jacques Corrio de Critique-film

Double dose de Sautet et Ventura à la Filmothèque du Quartier latin

Posté par MpM, le 10 mars 2017

Ciné Sorbonne, qui nous a habitués à ses ressorties précieuses et inspirées, propose cette semaine à la Filmothèque du Quartier latin une double dose de Claude Sautet avec une réédition numérique restaurée de L'arme à gauche (1965) et Classe tous risques, son premier film réalisé en 1960 (en réalité le deuxième, mais il se considérait seulement "technicien" de Bonjour sourire tourné en 1955). Ce sera également une double ration de Lino Ventura puisque l'acteur est à l'affiche des deux films. À ses côtés, on retrouve Leo Gordon et Sylva Koscina pour le premier, Jean-Paul Belmondo, Sandra Milo et Marcel Dalio pour le second.

Malgré le flot ininterrompu de nouveautés qui atteignent nos écrans chaque semaine, ce serait dommage de faire l'impasse sur ces deux fleurons du cinéma de patrimoine français, ne serait-ce que parce qu'ils sont l'occasion de (re)découvrir dans l'œuvre "de jeunesse" de Claude Sautet les prémisses de son cinéma à venir. L'arme à gauche, polar, raconte l'enquête que mène un navigateur pour retrouver le bateau qu'il était chargé d'expertiser, et qui a disparu. "C'est un film de genre ?" demande Michel Boujut dans ses Conversations avec Claude Sautet (Actes sud, 2001). "Oui, je l'ai pris comme un exercice de style. Une sorte d'abstraction. J'avais en tête la mémoire vague de tous ces films d'aventures américains dans les Caraïbes" répond le réalisateur.

Classe tous risques, adapté d'un roman de José Giovanni, suit la vengeance d'un gangster que ses amis ont trahi. "Il ne me restait qu’à traiter une noire romance à travers une violence sèche, un langage volontairement pauvre et antilittéraire. Je voyais l’occasion de faire un film français, avec tout ce que j’avais appris dans les séries B américaines." explique Claude Sautet à Michel Boujut. Son troisième film, en 1970, sera les Choses de la vie, qui rompt avec le cinéma de genre et révèle l'incommensurable talent du cinéaste pour ces comédies dramatiques subtiles et brillantes qui deviendront sa marque de fabrique.

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L'arme à gauche et Classe tous risques de Claude Sautet
A voir à la Filmothèque du Quartier latin jusqu'au 28 mars

Cannes 70 : 1946, la 1e édition à travers les critiques de l’époque

Posté par cannes70, le 9 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-70.


L'ambition initiale avec ce premier texte était de faire un tour complet des critiques d'époque de la première édition du Festival de Cannes qui se déroula du 20 septembre au 5 octobre 1946. Après 1278 heures (environ) passées à traquer des avis éclairés de journalistes issus de Combat, l'Aurore ou les Nouvelles Littéraires pour chacun des 45 longs-métrages présentés en compétition (!!! - je ne me plaindrai plus jamais de sélections pléthoriques) j'ai décidé de capituler lamentablement et de cibler quelques œuvres emblématiques. Il reste peu de traces des opinions éclairées sur les films les plus rares, dont certains ont pourtant reçu un Grand Prix.

Rappelons en bref que tout le monde (ou presque ) avait gagné, comme à L'École des Fans, histoire de ne vexer aucune nation ayant engagé plus d'un film. Pas de documents sur La Terre sera rouge de Bodil Ipsen, La Ville basse de Chetan Anand, Iris et le Cœur du lieutenant de Alf Sjöberg (l'un des premiers habitués de Cannes) ou Les Hommes sans ailes de Frantisek Cáp, aucun article au passage de la presse régionale de l'époque dans la bibliothèque de la Cinémathèque Française (oui, je balance) qui a pourtant bien dû couvrir l'événement...

C'est dommage, ceci dit, cela intrigue et donne envie de traquer ces lointaines archives qui permettraient d'en savoir plus sur ces productions internationales aujourd'hui absentes des radars des cinéphiles et leur réception critique. Et là vous me dites : «mais tu aurais pu contacter le Festival de Cannes, ils ont peut-être quelque chose ?!?». Et oui, là, vous me prenez au dépourvu, j'avoue une incompétence journalistique qui fait le désespoir de ma famille et la honte de ma profession.

Dans l'ouvrage Cannes Memories co-signé Jean-Louis Siboun et Frédéric Vidal (avec la collaboration de l'indispensable Jean-Claude Romer) qui évoque les 45 premières années du festival, un seul texte critique d'époque représente l'année 1946, écrit par Pierre Rocher pour Nice-Matin : « On n'eut jamais cru qu'il y eut tant de gens qui s'intéresseraient au cinéma. Les fauteuils étaient au premier occupant sans que l'on se souciât des numéros portés sur les cartes d'invitation. Les ouvreuses tâtonnaient, dans l'obscurité de la salle, comme des chauves-souris, et un sacré rideau mi-ouvert mi-fermé, jetait sur l'écran un faux jour qui faisait hurler le jury isolé dans sa loge ». Une citation pas très éclairante sur la qualité des films mais c'est hélas la seule...

D'après les mots du père des César, Georges Cravenne (Paris-Soir), les journalistes n'étaient de toute façon guère nombreux : « on fut à peine une dizaine », peut-on lire dans l'ouvrage Le Festival de Cannes sur la scène internationale de Loredana Latil, préfacé par Gilles Jacob.

Une aveugle et un alcoolique égéries du premier festival


Pour lancer (enfin, me direz-vous) cet article, évoquer les deux premiers lauréats des prix d'interprétation, Michèle Morgan pour La Symphonie pastorale de Jean Delannoy et Ray Milland pour Le Poison de Billy Wilder, permet de faire un peu de mauvais esprit. Il est franchement ironique que ces pionniers du palmarès jouent l'une, une aveugle, l'autre un alcoolique. Des esprits honteusement sarcastiques (sur lesquels pèse mon plus profond mépris) pourraient y déceler un résumé bien confortable du mode de vie des critiques au festival.

Commençons par la regrettée comédienne, disparue l'hiver dernier, qui priait Jean Gabin de l'embrasser lorsqu'il lui fit nonchalamment une remarque d'ordre esthétique sur ses yeux, beaux certes, mais sur un quai à la visibilité réduite. Dans le journal Ambiance du 9 octobre 1946, le film est ainsi décrypté : « le style et la pensée d'André Gide sont […] aussi peu picturaux que possible et les notations psychologiques du grand écrivain ne semblent guère destinées à être traduites en images. Jean Delannoy a vaincu toutes ces difficultés avec brio et une classe dignes d'éloge. Il est parvenu à transcrire les sentiments les plus intimes des héros et l'évolution d'une action qui n'est, à tout prendre, qu'une action strictement intérieure, avec une netteté et une rigueur qui assurent à son film une progression régulière et comme irrésistible. On dira peut-être que c'est du cinéma statique. Mais comment pourrait-il en être autrement puisqu'il s'agit seulement de la transposition d'éléments invisibles en éléments visibles. […] La cadence voulue par Delannoy est empreinte d'une sorte de majesté. »

Dans l'Aube du 26 septembre, on ne fait pas dans la demi-mesure non plus en complimentant ce film, en rejetant les autres ainsi qu'en se plaignant de la qualité de la projection. Remarquons que l'on parle peu du film au final, avec en titre Enfin, du bon cinéma (oui, déjà on se plaint de la qualité de la sélection) : « Le festival a commencé véritablement dimanche par la projection de La Symphonie pastorale. Jusqu'à cet instant, nous avons eu la désagréable impression d'assister à de quelconques séances cinématographiques dans une petite ville de France, avec tout l'inconfort et la médiocrité que cela peut impliquer. Théoriquement, du moins nous l'espérions, le festival devait être un concours âprement disputé entre les grandes œuvres filmées de dix-neuf nations. En fait, la lutte se circonscrira entre une demi-douzaine de productions qui laissent les autres derrière elles. […] C'est pour nous une satisfaction particulière qu'une réalisation française vienne trancher avec tant de médiocrité. […] Nous ne saurions passer sous silence les conditions par trop défectueuses de la projection. Être obligé de supporter quatre coupures de films par séance, deux inversions de bobines, un mauvais réglage du son, un cadrage maladroit, le tout dans des conditions d'inconfort exceptionnelles, voilà qui ne se justifie pas dans une manifestation de cette importance ».

Michèle Morgan, comédienne de génie

George Charensol dans Les Nouvelles Littéraires souligne lui aussi le talent de Morgan : « si le caractère de Gertrude nous satisfait pleinement, c'est qu'une comédienne de génie lui insuffle une vie intérieure qui déborde largement le cadre du film ». Toujours autour de ce film, il s'agace de certains commentaires liés aux problèmes cités plus haut : « Les lecteurs m'excuseront si, au lieu de les entretenir d'incidents sans importance et sans intérêt, je leur parle des films présentés à Cannes. Je sais bien que le dernier mot du snobisme est de dire du mal du Festival de cannes [Oui, déjà !!!] mais le snobisme et la mauvaise foi ne sont pas mon fort ». Et pan dans le bec !

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