Fin de l’histoire pour Jean-Loup Dabadie (1938-2020)

Posté par redaction, le 24 mai 2020

Romancier, dramaturge, et surtout parolier et scénariste, Jean-Loup Dabadie est mort à l'âge de 81 ans. Côté chansons, on lui doit des tubes comme "Partir" et "Ma préférence" pour Julien Clerc, "Holidays" et "Lettre à France" pour Michel Polnareff, et des chansons pour Jean Gabin, Dalida, Claude François, Régine, Juliette Gréco, Johnny Hallyday, Marie Laforêt, Mireille Mathieu, Yves Montand, Serge Reggianni ("L'italien"), Michel Sardou ("Chanteur de jazz"),... Sans oublier que l'Académicien a signé quelques uns des meilleurs sketches de Guy Bedos pour la scène.

Côté cinéma, ce fut un brillant dialoguiste et observateur des mœurs de son époque, les années 1970 pendant lesquelles il fut un des plus prolifiques et brillants auteurs.. C'est évidemment sa collaboration avec Claude Sautet qui restera dans les mémoires de cinéphiles: Les choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Vincent François Paul et les autres, Une histoire simple, Garçon...

Mais Labadie était aussi un prince de la comédie, à commencer par Le sauvage de Jean-Paul Rappeneau, dans un registre aventures, La gifle de Claude Pinoteau, dans un genre plus familial, ou Un éléphant ça trompe énormément et sa suite Nous irons tous au paradis d'Yves Robert, summum de la comédie amicale entre mecs. Avec Yves Robert, la collaboration a été régulière (Clérambard, Salut l'artiste, Courage fuyons, Le bal des casse-pieds), tout comme avec Pinoteau dans des genres plus variés (Le silencieux, La septième cible). Labadie a aussi écrit des films de Philippe de Broca, François Truffaut, Francis Girod, avec moins de succès. Clara et les chics types de Jacques Monnet en 1981 sonne même comme un requiem à son style.

Si son talent s'étiole à partir des années 80, en musique comme au cinéma, il reviendra sur le grand écran avec trois films consensuels de Jean Becker, La tête en friche, Bon rétablissement et Le collier rouge. Mais jamais il n'avait retrouvé ce talent qui aillait le rythme et les bons mots, le verbe cinglant et le silence vibrant qui faisaient des étincelles dans ses récits amoureux, dramatiques ou drôles, des années Pompidou-Giscard.

Michel Piccoli (1925-2020), son dernier saut dans le vide

Posté par vincy, le 18 mai 2020

Michel Piccoli est mort le 12 mai a-t-on appris ce lundi 18 mai à l'âge de 94 ans. Né le 27 décembre 1925, l'un des plus grands comédiens français s'est éteint des suites d'un accident cérébral.

Prix d'interprétation à Cannes en 1980 pour Le Saut dans le vide, Ours d'argent du meilleur acteur à la Berlinale en 1982 pour Une étrange affaire, Léopard de la meilleure interprétation masculine à Locarno en 2007 pour Les Toits de Paris et prix David di Donatello du meilleur acteur en 2012 pour Habemus papam, il a derrière lui une carrière vertigineuse au cinéma comme au théâtre. Avec aucun César dans son escarcelle, scandale perpétuel.

Il a tourné avec les plus grands: Jean Renoir, René Clair, Luis Bunuel, Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Jacques Demy, Costa-Gavras, Michel Deville, Heanri-Georges Clouzot, Alfred Hitchcock, Marco Ferreri, Claude Sautet, Claude Chabrol, Louis Malle, Marco Bellocchio, Ettore Scola, Leos Carax, Jacques Rivette, Youssef Chahine, Manoel de Oliveira, Bertrand Blier, Elia Suleiman, Raoul Ruiz, Claude Miller, Theo Angelopoulos, Nanni Moretti, Alain Resnais...

De 1945 à 2015, il a traversé tout le cinéma, avec des rôles variés, où sa justesse en faisait un artiste de la précision. Un parcours éclectique mû par la curiosité et l'amour de son art. Il était un géant du cinéma européen.

Lire notre portrait: Piccoli, Alors voilà.


C’est finalement Gilles Jacob qui en parle le mieux. L’ancien président du Festival de Cannes avait écrit un livre d’entretiens avec le comédien il y a cinq ans : «Michel, c'était l'art du comédien : la classe, l'élégance et la pudeur, la tendresse et l'extravagance, la fraîcheur de ceux qui ont gardé leur âme d'enfant. Il représentait aussi la cocasserie. L'envie de surprendre et de laisser germer ce grain de folie qui font les très très grands. C'est pour cela que les plus grands cinéastes comme Marco Ferreri, Claude Sautet et Jean-Luc Godard l'ont utilisé magnifiquement. On ne dirigeait pas Piccoli. On le filmait. C'était inutile de lui donner des explications. Le personnage qu'il interprétait le guidait, et l'imprégnation du personnage. Il accueillait l'évidence des... choses de la vie. La France est orpheline d'un fils. Il nous laisse son œuvre et notre chagrin.»


C'est entendu, Michel Piccoli est un monstre sacré. Qu’il admire le corps de Bardot, qu’il séduise Deneuve, qu’il tombe amoureux de Schneider, qu’il se gave avec Ferreol ou qu’il cabotine avec Miou-Miou, Piccoli a toujours su trouver le ton juste, précis, modulant parfaitement sa voix, maîtrisant à merveille son regard.

Le sortilège du destin

Michel Piccoli naît à Paris le 27 décembre 1925 dans une famille musicienne : une mère pianiste, issue d'une famille bourgeoise, et un père violoniste venant d'un milieu modeste. Son enfance se partage entre la capitale et la Corrèze. A 20 ans, il s'affranchit de la bourgeoisie familiale et fait ses débuts au cinéma avec une figuration dans le film de Christian Jaque, Sortilèges. Après quelques rôles de cinéma et quelques pièces de théâtre, il fait la rencontre de Luis Buñuel. "J'ai écrit, moi acteur obscur, à ce metteur en scène connu pour qu'il vienne me voir dans un spectacle. Il est venu. Nous sommes devenus amis. C'est un culot de jeune homme formidable, non ?". C'est le début d'une longue complicité : Michel Piccoli jouera dans six de ses films dont les fameux Journal d'une femme de chambre, Belle de jour et Le charme discret de la bourgeoisie.
Amoureux des livres, des idées, de cette effervescence intellectuelle de l’après guerre, Piccoli croise le tout Saint-Germain-des-Prés et connaît Boris Vian (il reprendra son Déserteur dans un disque hommage à Reggiani), Jean-Paul Sartre et Juliette Gréco qui sera sa compagne pendant onze ans.

Séducteur ou gouailleur, grossier ou élégant, mystérieux ou rêveur, Piccoli a traversé l’histoire du cinéma. Il tourne beaucoup, dès les années 1950. On le croise ainsi dans French cancan, Les grandes manœuvres, Marie-Antoinette… Des seconds-rôles qui aboutiront à celui qui déclenchera tout, dans Le doulos, avec Belmondo, de Jean-Pierre Melville en 1962. Le chapeau lui va bien. Il ne le quittera pas l’année suivante dans Le Mépris, de Godard, où il s’impose comme un grand de sa génération. Dès lors, il trouve sa place dans des univers variés. La jeune génération française avec Jacques Rozier, Paul Vecchiali, Agnès Varda, Alain Cavalier, Michel Deville, Alain Resnais, Nadine Trintignant, les cinéastes de l’exil, comme Bunuel et Costa-Gavras, les grands noms du 7e art français (René Clément, Henri-Georges Clouzot) ou le cinéma italien, puisqu’il parle couramment la langue.

De cette époque on retient alors Compartiments, La Guerre est finie, Les Demoiselles de Rochefort, Benjamin ou les mémoires d'un puceau, La chamade, et bien sur son passage chez Hitchcock dans L’étau. S’il n’a pas le statut de star d’un Belmondo ou d’un Delon, il est, à l’instar de Noiret, un de ces acteurs qui compte rapidement dans le cinéma européen.

Le grand saut

Fidèle avec ses cinéastes fétiches - Bunuel, Ferreri, Sautet -, c’est justement avec ce dernier que sa stature va évoluer. En 1970, il est à l’affiche des Choses de la vie (enchaînant ensuite un grand écart avec Philippe de Broca, les très belles Noces rouges de Claude Chabrol et Yves Boisset). Un drame intime et existentialiste bouleversant, qui amorce un tournant dans la carrière du réalisateur et relance celle de Romy Schneider. C’est aussi le plus grand succès au box office du comédien. Il a alors ce charme discret de la bourgeoisie, qu’il se délectera à transformer en décadence totale dans La grande bouffe de Marco Ferreri, grand pamphlet d’une civilisation sur-consommatrice et autodestructrice.

Car pour lui, le cinéma doit refléter le chaos et la folie du monde, quitte à se confiner et s’isoler dans Themroc de Claude Garaldo, 47 ans avant notre confinement actuel. Il peut jouer aussi bien un homme de loi qu’un escroc, un ministre qu’un médecin, un ami qu’un roi. Après Vincent, François, Paul et les autres, de Sautet, il doit cependant patienter jusqu’en 1979 pour retrouver un grand personnage, celui du juge Mauro dans Le saut dans le vide de Marco Bellocchio, sublime mélo noir, qui lui fait décrocher un prix d’interprétation à Cannes. Deux ans avant son prix d’interprétation à Berlin, dans Une étrange affaire, en patron prédateur.

Insatiable curiosité

Dès les années 1980, il oscille entre fidélité (Boisset, Ferreri, Demy, Bellocchio, Godard) et découvertes, entre quelques succès comme la Passante du Sans-Souci, toujours avec Schneider, ou Que les gros salaires lèvent le doigt ! de Denys Granier-Deferre. Il passe ainsi du Prix du danger à La nuit de Varennes, d’Ettore Scola, de La Diagonale du fou, en champion d’échecs, à des films de Jacques Doillon ou de Claude Lelouch.  Dans ces années-là, il croise Youssef Chahine (Adieu Bonaparte), Leos Carax (Mauvais sang), Maroun Bagdadi (L’homme voilé), autant de films audacieux et sélectionnés dans les festivals. Mais il tourne aussi Le paltoquet et Milou en mai, beau succès public de Louis Malle.

Piccoli est insaisissable. Il n’est jamais là où on l’attend. Il peut-être doux ou colérique, las ou vivifiant, dans des œuvres exigeantes ou des films plus consensuels. Surtout, il sait vieillir au cinéma. Et alors que Delon et Belmondo s’éclipsent progressivement, piégés par leur image de superstar, lui s’amuse à être peintre voyeur dans La belle noiseuse de Rivette ou emmerdeur homosexuel dans Le bal des Casse-pieds de Robert. Il ose tourner dans des courts métrages de débutants comme Guillaume Nicloux, s’’amuse à être monsieur cinéma chez Varda, à être en costume princier pour Molinaro, à jouer son propre personnage chez Bertrand Blier, à se lancer dans la réalisation (Alors voilà, en 1998). Il découvre aussi les univers d’Enki Bilal (dans un film SF) ou de Raoul Ruiz (dans une psychanalyse surréaliste). Et puis il rencontre Manoel de Oliveira, qui lui offre l’un de ses plus beaux personnages, dans Je rentre à la maison. Toute la sensibilité et la subtilité de Piccoli transpercent l’image.

Habemus Maestro

Piccoli est insaisissable, atemporel et sans étiquette. Il n’est jamais là où on l’attend. Il peut-être doux ou colérique, las ou vivifiant, dans des œuvres exigeantes ou des films plus consensuels. Surtout, il sait vieillir au cinéma. Et alors que Delon et Belmondo s’éclipsent progressivement, piégés par leur image de superstar, lui s’amuse à être peintre voyeur dans La belle noiseuse de Rivette ou emmerdeur homosexuel dans Le bal des Casse-pieds de Robert. Il ose tourner dans des courts métrages de débutants comme Guillaume Nicloux, s’’amuse à être monsieur cinéma chez Varda, à être en costume princier pour Molinaro, à jouer son propre personnage chez Bertrand Blier, à se lancer dans la réalisation (Alors voilà, en 1998). Il découvre aussi les univers d’Enki Bilal (dans un film SF) ou de Raoul Ruiz (dans une psychanalyse surréaliste). Et puis il rencontre Manoel de Oliveira, qui lui offre l’un de ses plus beaux personnages, dans Je rentre à la maison. Toute la sensibilité et la subtilité de son jeu transpercent l’image. « L’acteur n’existe que dans le regard des autres » selon lui. Là on redécouvrait aussi bien Piccoli qu’on s’émerveillait de la jeunesse d’Oliveira.

« Je ne veux pas être élitiste, mais je sais que je serais incapable de réaliser quelque chose qui plairait au plus grand nombre » explique-t-il alors qu’il vient « d'entrer sur le marché du travail dans les rôles de grands-pères. Les carottes sont cuites ». Sans agent, sans César, narrateur permanent de documentaires, fictions (Intervention divine d’Elia Suleiman) ou films d’animation (La prophétie des grenouilles de Jacques-Rémy Girerd), il poursuit ses rêves sans trop d’efforts. Que ce soit au théâtre jusqu’à la fin des années 2000 avec un rôle-sacre, le Roi Lear, ou au cinéma. Il continue à tourner pour les cinéastes d’avant mais s’aventure aussi chez Bertrand Bonello, Theo Angelopoulos, ou même Bertrand Mandico. C’est évidemment en pape dans Habemus Papam de Nanni Moretti en 2011 qu’il semble signer sa performance crépusculaire, loin de toute noirceur, et proche  d’un hédonisme lumineux. « Le bonheur est toujours une quête à renouveler » disait-il. Durant 70 ans de métier, il a su appliquer cet idéal.

Le charme discret de Stéphane Audran s’envole (1932-2018)

Posté par vincy, le 27 mars 2018

Elle était l'actrice chabrolienne par excellence. Stéphane Audran, née Colette Dacheville le 8 novembre 1932; s'est éteinte le 27 mars à l'âge de 85 ans. A l'affiche de deux films oscarisés (Le charme discret de la bourgeoisie, Le festin de Babette), Prix d'interprétation à Berlin (Les biches), à San Sebastian (Le boucher), aux Bafta britanniques (Le charme discret..., Juste avant la nuit) et César du meilleur second-rôle féminin (Violette Noziere), la comédienne était l'une des figures emblématiques du cinéma français des années 1960 et 1970.

Au delà de cette beauté (rousse, blonde ou brune selon les rôles) qui captait si bien la lumière, de ses yeux verts hypnotiques et de sa voix reconnaissable entre mille, elle avait un talent réel à composer des personnages éclectiques dans des univers souvent dramatiques, avec cette distance un peu froide qui lui était propre. ESi elle a tourné en 1959 avec Eric Rohmer, dans Le signe du lion, c'est bien sa rencontre avec Claude Chabrol (décédé en 2010) qui forgea son destin cinématographique. C'est Gérard Blain qui organisa le rendez-vous. Elle obtient alors un petit rôle dans Les cousins (1959). Chabrol et elle entament une relation amoureuse, qui sera fusionnelle à l'écran.Il lui fera tout jouer, séductrice, angoissée, calme, douce, criminelle... La bourgeoise idéale. Ensemble, ils tournent Les bonnes femmes, Les Godelureaux, L'œil du malin, Landru, Marie-Chantal contre le docteur Kha, La ligne de démarcation, Le scandale.... Pas souvent les meilleurs films du réalisateur, et souvent des échecs financiers. En 1968, avec Les biches, avec Jean-Louis Trintignant, reçoit un Ours d'argent à Berlin. Audran est enfin remarquée comme actrice et Chabrol renaît. Il l'enrôle ensuite pour La femme infidèle et surtout Le boucher, avec Jean Yanne (1970), film noir sous tension sur un amour impossible. Chabrol continue ainsi sa filmographie avec sa première muse (avant Huppert): Meurs filmographies semblent indissociables: La rupture, Juste avant la nuit, Les noces rouges, Folies bourgeoises, Les liens du sang, Violette Nozière durant les années 1970, puis plus sporadiquement ensuite avec Le sang des autres, Poulet au vinaigre, Jours tranquilles à Clichy, Betty et L'ivresse du pouvoir.

Stéphane Audran, épouse de Jean-Louis Trintignant dans les années 1950, en concubinage avec Claude Chabrol à partir de 1959 (et mère de Thomas Chabrol) avant de se marier puis de divorcer en 1980, a connu ses plus grands rôles quand elle s'est émancipée de son pygmalion. La comédienne a été à l'affiche de nombreux films moyens signés pourtant Jacques Pinoteau, Jean Delannoy, Philippe Labro... Mais avec les reconnaissances pour Les biches et Le boucher, son élégance et son magnétisme ont séduit Luis Bunuel (Le Charme discret de la bourgeoisie), une histoire de repas impossible entre notables. La gastronomie, thème chabrolien par excellence, va aussi être son porte-bonheur. Ce film lui ouvre les portes des grands cinéastes et du cinéma anglo-saxon. Dans les années 1970, elle tourne avec Orson Welles (dans l'inachevé The Other Side of the Wind, bientôt restauré et complété), Samuel Fuller (Un pigeon mort dans Beethoven Street, Au-delà de la gloire, Les voleurs de la nuit), une adaptation internationale d'un Agatha Christie (Dix petits nègres) et surtout Claude Sautet (Vincent, François, Paul… et les autres, où elle est la femme d'Yves Montand, qu'elle quitte).

Dans un registre plus populaire on la voit chez Michel Audiard et Georges Lautner, dans La cage aux folles 2 et 3. Ces vingt dernières années, elle apparaît dans des comédies oubliables comme Arlette, Belle-Maman, J'ai faim, Ma femme d'appelle Maurice... En 1981, elle retrouve Huppert, sa partenaire de Violette Nozière dans Coup de Torchon de Bertrand Tavernier, épouse de Noiret policier devenu assassin. Parmi les films qui ont marqué sa carrière, on note aussi Mortelle randonnée de Claude Miller, Les saisons du plaisirde Jean-Pierre Mocky, et La fille de Monaco d'Anne Fontaine, son dernier film il y a dix ans.

Mais Stéphane Audran s'est offert un chant du cygne somptueux, avec une autre grande bouffe, Le festin de Babette (1987) de Gabriel Axel. C'est sans doute son dernier grand rôle, mais aussi l'un des plus beaux. En cuisinière renommée fuyant une France répressive dans un Danemark austère, elle brille à la lumière des bougies, accomplissant des merveilles avec la nourriture: elle habite littéralement ce film, sélectionné à Cannes et oscarisé l'année suivante.

Ce qui plaisait chez Audran, c'était son jeu subtil, jamais dans l'effet ou la surdramatisation. Sa sincérité transperçait l'écran. Actrice discrète, elle revendiquait cette sobriété. Pas étonnant alors que ce démystificateur de Chabrol ait trouvé en elle toutes les facettes de la femme, qu'elle soit infidèle ou sans amour, vulgaire ou fatale, garce ou vulnérable. Honnête (et engagée), mal exploitée par le cinéma français, l'actrice restera l'une de ces incarnations d'une France en mutation, à la fois enracinée et libérée, classique et moderne, "pompidolienne" en quelque sorte.

Double dose de Sautet et Ventura à la Filmothèque du Quartier latin

Posté par MpM, le 10 mars 2017

Ciné Sorbonne, qui nous a habitués à ses ressorties précieuses et inspirées, propose cette semaine à la Filmothèque du Quartier latin une double dose de Claude Sautet avec une réédition numérique restaurée de L'arme à gauche (1965) et Classe tous risques, son premier film réalisé en 1960 (en réalité le deuxième, mais il se considérait seulement "technicien" de Bonjour sourire tourné en 1955). Ce sera également une double ration de Lino Ventura puisque l'acteur est à l'affiche des deux films. À ses côtés, on retrouve Leo Gordon et Sylva Koscina pour le premier, Jean-Paul Belmondo, Sandra Milo et Marcel Dalio pour le second.

Malgré le flot ininterrompu de nouveautés qui atteignent nos écrans chaque semaine, ce serait dommage de faire l'impasse sur ces deux fleurons du cinéma de patrimoine français, ne serait-ce que parce qu'ils sont l'occasion de (re)découvrir dans l'œuvre "de jeunesse" de Claude Sautet les prémisses de son cinéma à venir. L'arme à gauche, polar, raconte l'enquête que mène un navigateur pour retrouver le bateau qu'il était chargé d'expertiser, et qui a disparu. "C'est un film de genre ?" demande Michel Boujut dans ses Conversations avec Claude Sautet (Actes sud, 2001). "Oui, je l'ai pris comme un exercice de style. Une sorte d'abstraction. J'avais en tête la mémoire vague de tous ces films d'aventures américains dans les Caraïbes" répond le réalisateur.

Classe tous risques, adapté d'un roman de José Giovanni, suit la vengeance d'un gangster que ses amis ont trahi. "Il ne me restait qu’à traiter une noire romance à travers une violence sèche, un langage volontairement pauvre et antilittéraire. Je voyais l’occasion de faire un film français, avec tout ce que j’avais appris dans les séries B américaines." explique Claude Sautet à Michel Boujut. Son troisième film, en 1970, sera les Choses de la vie, qui rompt avec le cinéma de genre et révèle l'incommensurable talent du cinéaste pour ces comédies dramatiques subtiles et brillantes qui deviendront sa marque de fabrique.

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L'arme à gauche et Classe tous risques de Claude Sautet
A voir à la Filmothèque du Quartier latin jusqu'au 28 mars

Voyage à travers le cinéma français, une épopée cinéphilique envoûtante

Posté par vincy, le 12 octobre 2016

A priori un documentaire de trois heures et dix minutes, cela peut faire peur. Pourtant ce Voyage à travers le cinéma français que propose Bertrand Tavernier est époustouflant et mérite qu'on s'y attarde.

Leçons érudites

En tout premier lieu parce qu'il s'agit de véritables leçons de cinéma. Un décryptage érudit de la mise en scène (il faut voir comment on nous explique la manière dont Melville faisait ses champs contre-champs), de l'écriture, du jeu d'acteur (Gabin, sa lenteur et sa maîtrise) mais aussi de la manière dont se fabrique ce 7e art si collectif et si égomaniaque. Et ce jusqu'au défuntes salles de cinéma de quartier qui ressuscitent en citant Luc Moullet. Tavernier nous explique pourquoi telle scène est réussie et comment telle séquence a été concoctée. Le réalisateur joue le rôle d'un professeur qui veut divertir son auditoire, avec des anecdotes (comment est née la gueule d'atmosphère d'Arletty, comment un décorateur transforme Un jour se lève) ou des courriers lus en voix off (Aragon louant l'esthétique de Godard).

Le tout est illustré par des dizaines d'extraits plus ou moins longs, de films classiques ou méconnus. Une odyssée inestimable ponctuée d'interviews et d'archives (dont cette engueulade mémorable entre Belmondo et Melville). "Imaginez que vous êtes au cinéma" annonce Bertrand Tavernier en préambule. Et en effet c'est un film sur le cinéma qui se déroule devant nos yeux. Mais pas seulement.

Les souvenirs personnels de Tavernier et ses choix sélectifs

Et c'est là tout le risque de ce documentaire, présenté en avant-première mondiale au dernier festival de Cannes. Car il faut expliquer sur quel axe le film, presque trop riche, tient en équilibre: d'un côté les souvenirs personnels de Tavernier, qui servent de fil conducteur. L'enfance au sanatorium (dépucelage cinématographique), l'adolescence au pensionnat (frénésie cinématographique), jeunesse active, d'attaché de presse à assistant réalisateur en passant par la défense de Henri Langlois (prise de conscience où cinéma et politique s'entremêlent). De ce point de vue, on pourrait être frustrés. Tavernier ne se dévoile pas tant que ça, et à quelques exceptions, il ne partage que des faits assez neutres qui ne sont que les étapes de sa vie.

De l'autre côté, ce voyage dans le temps n'a rien d'exhaustif, ce qui peut également être frustrant. Si la liste des cinéastes cités est longue, le film se concentre sur quelques personnalités et un certain style de cinéma. On peut imaginer plusieurs "voyages", similairement thématiques. Il le faudrait tant on reste parfois sur sa faim quand il fait d'abondantes références à Bresson, quand il flirte avec Autant-Lara, quand il éclipse des Clouzot, Verneuil ou Clément.

Fantômes et légendes

Une fois le cadre et le scénario posés, et le parti-pris assumé, le documentaire enchaîne les chapitres. Chacun est suffisamment long pour ne pas être superficiels: Jacques Becker, Jean Renoir, Jean Gabin, la musique de film (Jaubert, Kosma), Eddie Constantine, les productions de Beauregard, la bande Truffaut-Chabrol-Godard-Varda, Edmond Gréville, Jean-Pierre Melville, et Claude Sautet. Tavernier ne masque pas ses émotions: il admire sans pudeur et avec sincérité. Il est tombé dedans quand il était petit. Le cinéma qu'il fait renaître a un air de famille, avec Belmondo, Ventura, Piccoli... Il y a quelques femmes: Bardot, Moreau, Schneider, qui achève ce marathon cinéphile en s'en allant vers un hiver incertain.

Il réunit ainsi les fantômes et les légendes. Convoque les génies (qui peuvent aussi être indignes). Car il ne cache pas les zones d'ombres, ceux qui ont eut des comportements dégueulasses, les sales caractères d'êtres jamais mythiques, égratigne le scénariste Melville et le lâche Renoir. Voyage à travers le cinéma français est une aventure aussi humaine qu'humaniste. Tavernier propose un panorama d'un certain cinéma français, classique, même si toujours moderne, et assez masculin, mais il s'agit avant tout d'une série de portraits de ceux qui ont marqué le 7e art mondial, ces ambassadeurs de l'exception française.

Point de vue et images d'un monde

Car, finalement, ce que l'on retient est ailleurs. A l'image, par les films et les cinéastes/comédiens choisis, Bertrand Tavernier nous "enferme" dans une période, des années 1930 aux années 1970. Le noir et blanc domine. C'est Hôtel du nord, La grande illusion, Casque d'or, Le doulos, La bête humaine, Le jour se lève, Les 400 coups, Cléo de 5 à 7, Classe tous risques... Ça n'est ni une compilation, ni une anthologie, c'est un point de vue subjectif, amoureux, enthousiasmant d'un passionné de l'art cinématographique dans toute sa "variété", que ce soit des combats à mains nues de Constantine ou du regard de Signoret.

Or, ce voyage étourdissant est avant tout un voyage dans le temps. Un tableau de la France, celle du Front populaire, de l'Occupation, de l'après-guerre, des trente glorieuses. On voit évoluer, de Becker à Sautet, un pays, sa société, son peuple et ses métiers. Pas surprenant alors de constater que ce sont des films éminemment français qui ont été sélectionnés dans ce portfolio de prestige. On y parle de camembert, on y chante la Marseillaise, les putes sont belles et romantiques, ... Un voyage romanesque, plus balzacien que flaubertien. On y plonge comme dans un feuilleton social mais jamais vraiment dramatique..

Finalement, à l'instar des films de Melville, tout semble irréel et atemporel. Une déclaration d'amour teintée de nostalgie. Un cinéma français qui est capable de mettre "les larmes aux yeux".

Festival Lumière – Jour 4: Sautet et Cimino au service de monstres sacrés

Posté par Morgane, le 17 octobre 2014

Ce quatrième jour du Festival Lumière s'entame sous la pluie… rien de tel pour courir se réfugier dans les salles obscures qui sont toutes, ou presque, combles depuis le début de la semaine!

Pour se protéger de la pluie, rien ne vaut un bon Claude Sautet (Une histoire simple), présenté par le critique de cinéma N.T.Binh qui a signé le documentaire Claude Sautet ou la magie invisible.

Une histoire simple (1978) est la cinquième collaboration entre le réalisateur et Romy Schneider. On ressent le lien très fort qui les unit. C'est Sautet qui l'a sortie de son image juvénile à l'écran et qui en a fait une icône française d'adoption. On la retrouve ici après la trilogie Les choses de la vie, Max et les ferrailleurs et César et Rosalie, dans un rôle de "la quarantaine" que Claude Sautet avait promis de lui écrire. Et puis après le film Vincent, François, Paul et les autres, Romy Schneider avait envie qu'ils fassent un film un peu moins masculin; ce qui est en bel et bien le cas dans Une histoire simple. Les hommes sont présents, certes, mais ils gravitent, comme des satellites, autour des personnages féminins, celui de Marie en tête. Femme forte et déterminée, elle prend son destin en main, avorte, quitte son homme et vit sa vie de femme. Une histoire simple est un film féministe avec en toile de fond une peinture sociale (mouvement féministe, licenciements, difficultés économiques…) dissimulée derrière ses personnages. C'est un véritable "film à message" qui "diffuse un climat prenant, d'une façon qui ne se voit pas" comme le dit N.T.Binh.

Pour ce rôle Romy Schneider recevra le César de la meilleure actrice et remerciera Jean-Loup Dabadie et Claude Sautet de lui avoir écrit ce très beau rôle.

michael cimino"si jamais tu foires ça, je te vire du film et je prends le scénario."

Ce quatrième jour, c'est aussi celui de Michael Cimino. Pas très friand des festivals en général, il nous fait l'honneur de venir à Lyon pour la troisième fois consécutive. Lors des projections du festival, il est là, discret, au fond de la salle, refusant de commenter Side by Side lorsque Thierry Frémaux l'interpelle. Mais pour son film Le canardeur, devant une salle pleine à craquer, il prend le micro et ne manque pas, après un "Waouh!" impressionné de nous raconter quelques anecdotes sur ce tournage, son premier en tant que réalisateur (1974).

"Vous allez voir mon premier film et ma dernière bonne expérience en tant que réalisateur!". C'est un premier film au casting superbe: le grand Clint Eastwood et le fameux Jeff Bridges qui sont, selon ses propres mots, "ce qu'Hollywood a de meilleur!"

Michael Cimino revient sur les débuts de ce film, nous apprenant que Clint Eastwood, ayant lu le scénario, avait voulu l'acheter. Mais pour Cimino il n'en était pas question. Ce dernier est donc allé à la rencontre de Clint Eastwood et s'en est suivi à peu près ce dialogue:

"- Tu penses que tu peux me diriger?

- Oui.

- Alors il y a une chose à faire.

- Laquelle?

- On va passer un deal…

- Lequel?

- Je te donne trois jours pour filmer. Si ça me plait, ok. Mais si jamais tu foires ça, je te vire du film et je prends le scénario.

- Ok, we have a deal!"

Et c'est donc comme ça que le film a débuté, par cette simple conversation et "ce challenge que m'a lancé ce géant" explique Cimino.

Quant à Jeff Bridges, c'était également son premier choix pour le rôle de Lightfoot. Clint Eastwood et Jeff Bridges étant les seuls à qui il ait fait lire le scénario à Hollywood. Jeff Bridges avait alors une seule chose à faire sur le tournage, faire rire Clint Eastwood, chose qui ne s'était jamais vue à l'écran! Et ça a marché! En effet, Clint Eastwood qui joue habituellement mâchoires plutôt serrées sourit franchement, rarement certes mais franchement quand même, dans Le canardeur.

Film à mi-chemin entre le western moderne et le buddy road movie, Le canardeur frappe fort, encore plus fort lorsqu'on sait que c'est un premier film. Les dialogues sont percutants et les personnages très bien construits et attachants: Lightfoot pour son humour à toute épreuve et pour la fraîcheur qu'il insuffle face au personnage un peu plus sombre de John Thunderbolt, qui cache ses blessures. Bridges recevra sa deuxième nomination à un Oscar pour son interprétation de Lightfoot.

Michael Cimino montre avec ce film que dès ses débuts il était déjà un jeune virtuose de la caméra...

Fin de vadrouille pour Marie Dubois (1937-2014)

Posté par redaction, le 15 octobre 2014

marie duboisMarie Dubois est morte à l'âge de 77 ans ce mercredi 15 octobre, près de Pau. Elle était jolie, talentueuse, avec ce visage un peu moderne des Annie Girardot dans les années 60. Elle aura donné la réplique aux plus grands: Belmondo, Trintignant, Depardieu, Moreau, Huppert, Brasseur, Montand, De Funès, Noiret, Giannini, Kinski, Blier, Piccoli, Brynner, Fonda (père et fille), Lafont, Ventura, Lollobrigida, Simon...

Mais une sclérose en plaques la ronge depuis ses 23 ans et l'oblige a, progressivement, quitté les plateaux de cinéma depuis le milieu des années 80.

Dans un entretien au site Doctissimo, le 25 février 2003, elle explique: « J'avais 23 ans lorsque la maladie s'est déclarée. C'était après le tournage du film de François Truffaut Tirez sur le pianiste. Heureusement, cette première alerte n'a pas été trop sévère et je me suis empressée de l'oublier ; mais la maladie, elle, ne m'a pas oubliée Elle m'a rattrapée après le tournage de La menace, avec Alain Corneau, quelques vingt ans plus tard. Ces années de répit m'ont permis de mener à bien ma carrière sans que la maladie ne soit omniprésente. »

Née Claudine Huzé le 12 janvier 1937 à Paris, elle débute avec la Nouvelle vague, tournant avec Eric Rohmer (Signe du lion, 1959), Jean-Luc Godard (Une femme est une femme, 1961) et François Truffaut (Tirez sur le pianiste, 1960, Jules et Jim, 1962). Truffaut fut son mentor. C'est lui qui a choisi son nom de scène (emprunté à un roman de Jacques Audiberti, intitulé Marie Dubois).

La Grande Vadrouille et douze ans plus tard un césar

Après ses débuts, Marie Dubois, actrice capable d'être tragédienne et dramatique autant que comique, va alterner les grands succès populaires et les grands auteurs: Week-end à Zuydcoote d'Henri Verneuil, La Chasse à l'homme d'Édouard Molinaro, La Ronde de Roger Vadim, Les Grandes Gueules de Robert Enrico, Le Voleur de Louis Malle et bien entendu La Grande Vadrouille de Gérard Oury en 1966.

De 1967 à 1973, elle tourne souvent, mais les films sont moins remarquables. On la voit quand même dans Gonflés à bloc avec Tony Curtis, Bourvil et Mireille Darc et elle obtient le prix d'interprétation de l'Académie Nationale du Cinéma pour son rôle dans Les Arpenteurs en 1972.

En 1973, lle retrouve alors un second souffle, avec Le Serpent d'Henri Verneuil, Vincent, François, Paul et les autres de Claude Sautet, L'innocent de Luchino Visconti, La Menace d'Alain Corneau, qui lui vaudra un César du meilleur second rôle féminin en 1978, Mon oncle d'Amérique d'Alain Resnais et Garçon ! de Claude Sautet.

A partir de 1984, elle se raréfie. Elle est nominée au César du meilleur second-rôle pour Descente aux enfers de Francis Girod, en 1987. On la retrouvera en vieille duchesse dans Les Caprices d'un fleuve de Bernard Giraudeau et chez Claude Chabrol dans Rien ne va plus.

En 2002, elle publie ses mémoires, J'ai pas menti, j'ai pas tout dit (Plon).

Festival Lumière – Jour 2 : le mélange des genres

Posté par Morgane, le 15 octobre 2014

Le Festival Lumière donne la possibilité de faire de véritables grands écarts cinématographiques en un seul jour. On peut entamer sa journée aux côtés de Capra pour commencer avec entrain, changer de rythme avec Sautet, (re)découvrir Kotcheff et enfin respirer une bouffée de nostalgie avec Reitman et ses héros de Ghostbusters.

C'est aussi un peu ça la magie du Festival Lumière. Tous les genres se côtoyant, le Cinéma avec un grand C est à l'honneur et chaque séance (ou presque) est présentée par un talent du 7ème Art qui n'est là que pour une seule et même raison: faire partager sa passion.

Ghostbuster "ressemble à un film d'Alain Resnais"

C'est Rachid Bouchareb qui présente La Vie est belle de Frank Capra devant une salle comble! "J'ai vu ce film sept ou huit fois et je pleure à chaque fois à la fin." Il définit Frank Capra comme un réalisateur engagé, politique, qui souhaite nous faire réfléchir à travers des films empreints de tendresse, de partage et de solidarité. Il est le cinéaste de la bouteille à moitié pleine et La vie est belle est un exemple qui illustre très bien cela.

Capra fait preuve ici d'un optimisme à toute épreuve montrant sa foi en l'humanité malgré certains déboires successifs que subit George Bailey. C'est aussi un film rempli d'humour, dans les dialogues comme dans les situations (le trio Dieu, Joseph et Clarence qui espère gagner ses ailes d'ange en venant en aide à George). C'est, comme le dit Rachid Bouchareb, "un merveilleux conte" qui n'a pas eu le succès escompté à sa sortie en 1946 mais qui a connu par la suite un véritable succès télévisé où il est rediffusé depuis chaque année à Noël.

jean hugues angladePour Nelly et Monsieur Arnaud, c'est Jean-Hugues Anglade qui vient en discuter. "Les films de Claude Sautet ont été pour moi une véritable révélation dans les années 70. Et j'ai eu la chance de faire partie de l'aventure pour son dernier film" dans lequel il incarne Vincent Granec, l'éditeur auquel s'adresse Monsieur Arnaud pour publier son livre et qui succombera aux charmes de la ravissante Nelly. Jean-Hugues Anglade nous parle de l'incroyable intransigeance de Sautet, de son goût du détail, de son envie de perfection jusque dans l'harmonie entre la couleur de la cravate et le papier peint dans une scène.

Avec ce film, Claude Sautet suit tout en douceur ce couple particulier que forment Michel Serrault et Emmanuelle Béart en qui il retrouve son idéal féminin qu'il avait perdu à la mort de Romy Schneider.

Changement de décor direction le Canada avec Ted Kotcheff toujours présent pour dire quelques mots aujourd'hui sur L'apprentissage de Duddy Kravitz (Ours d'or à Berlin en 1974). Et tout comme la veille pour Wake in fright, ce dernier ne manque pas d'anecdotes. La genèse de ce film remonte donc à 1957 lorsqu'il vient vivre dans le sud de la France où il rencontre Mordecai Richler qui deviendra par la suite un grand romancier canadien. Selon eux, à la façon d'Hemingway, ils se devaient de venir en Europe en laissant l'Amérique derrière eux afin de pouvoir vivre leur art.

En 1959, Mordecai Richler rédige L'apprentissage de Duddy Kravitz et "je lui ai dit que j'en ferai un grand film". Ted Krocheff cherche alors des financements durant plusieurs années mais en vain. Un producteur est enfin intéressé mais veut de Duddy Kravitz soit grec et non juif. Hors de question! Un autre était également sur les rangs mais l'histoire devait se dérouler à Pittsburgh et non à Montréal. No way! Il aura donc fallu attendre 14 ans avant que Ted Kotcheff puisse réaliser ce film sans dénaturer le livre de son ami grâce à la création d'un fonds de développement du film canadien.

On est ici assez loin de Wake in fright mais on a toujours ce rythme, cette vitesse tant chez le personnage que dans la réalisation. Cela donne au film un rythme incroyable, une urgence palpable chez Duddy Kravitz (qui la ressent physiquement), cette impatience, ce besoin d'avancer vite, très vite dans le monde, de devenir adulte avant l'heure quitte à griller quelques étapes et à s'en mordre les doigts…

On fait ensuite un bon de 10 ans en avant pour finir la journée sur un air de nostalgie avec Ghostbusters (1984). 30 ans tout juste et le film fait toujours son petit effet! Certes les effets spéciaux paraissent bien démodés, mais ils nous rappellent tout de même que pour l'époque, ils étaient plutôt bien réussis…

C'est Rebecca Zlotowski qui nous le présente avec cette réelle envie de choisir un film populaire, un film de série B mêlant comédie romantique (Bill Murray superbe en incorrigible dragueur) et science-fiction. Parabole d'un capitalisme qui est en train de disparaître, elle trouve très intéressant de le revoir aujourd'hui avec un autre regard et surtout dans le contexte actuel. Elle trouve même qu'étrangement il "ressemble à un film d'Alain Resnais".

Une journée faite de tours et de détours cinématographiques nous rappellent que le 7ème Art, c'est avant tout de nombreux regards et tout autant de manières de les mettre en histoires et en images.