Le prix Louis-Delluc 2008 consacre le monde rural

Posté par vincy, le 12 décembre 2008

prix louis delluc (c) vincy thomas
Avec surprise, Gilles Jacob, président du jury du Prix Louis-Delluc, a annoncé calmement que le Prix Louis-Delluc du premier film était décerné à Samuel Collardey, pour son film sorti en salle la semaine dernière, L'apprenti. Le film n'était pas dans la liste des trois finalistes. Puis, sans tambours ni trompettes, au premier étage du Fouquet's, une partie du jury de ce Goncourt du cinéma sur l'estrade, les caméras en face, le nom du 66e prix Louis-Delluc est annoncé : Raymond Depardon (pour La vie paysanne, diffusé au dernier festival de Cannes). L'apprenti a séduit 19 446 curieux dans les salles, tandis que La vie moderne a attiré en six semaines 200 017 spectateurs. "Il y a un retour à la terre et un hommage au documentaire" explique Gilles Jacob. "Une forte majorité s'est dégagée en faveur de ce film, même si nous avons à un moment imaginé de donner le prix ex aequo aux Plages d'Agnès d'Agnès Varda."

gilles jacob raymond depardon (c) vincy thomasUne demi-heure plus tard, les primés arrivent. En tenue de week-end. Point trop de formalisme. Gilles Jacob revient, entouré des lauréats : "un grand metteur en scène, un grand docuemntariste, un homme d'image, un homme de son..." Il insiste même sur cette singularité. Car, hormis Être et avoir en 2002, le genre n'a jamais reçu ce prix. "On en avait assez d'entendre "C'est un photographe qui fait du cinéma", alors que cela fait 30 ans qu'il fait des films, et des films magnifiques."

gilles jacob et samuel collardey (c) vincy thomasDepardon prend la parole. "L'important c'est de faire du cinéma." Il semble heureux. "Cela fait longtemps que vous me suivez. C'est l'aboutissement d'un parcours, une nostalgie transformée. C'est une évolution qui remonte à l'enfance, un hommage à la cinéphilie, aux cinéastes qui m'ont appris "le bon angle"."

L'obsession d'avoir le juste regard sur les choses : "Je suis toujours un photographe qui recherche la bonne place, filmer ces paysans a été un exercice de conscience et de puissance cinématographique car je ne pouvais pas les faire répéter". Il s'explique, sans amertume, que "le documentaire n'est pas toujours facile, il y a beaucoup de solitude, il faut beaucoup d'énergie et une idée fixe."

raymond depardon (c) vincy thomas raymond depardon photographie (c) vincy thomasDepardon rebondit sur l'actualité en parlant de Werner Herzog et de son cinéma vérité, où l'on ne peut pas faire répéter les acteurs. Puis il laisse Samuel Collardey connaître son quart d'heure de gloire. "Les paysans sont à l'honneur et j'en suis très fier. Je suis aussi très fier d'être associé à Raymond Depardon". Il se place directement en héritier de Depardon, avoue que, depuis la Fémis il s'est laissé accompagner par sa vision cinéphilique. Profils paysans lui a "donné envie de filmer".

La filiation est respectée. Ce cinéma-vérité, cette caméra sans artifice, ce romanesque crû demeure le genre de films qui a le vent en poupe auprès du jury du prix Louis-Delluc ces dernières années. Raymond Deaprdon connaît une saison de tous les honneurs avec une pièce de théâtre adaptée de ses films et mise en scène par Zabou Breitman, une exposition à la Fondation Cartier. Après un César du meilleur film documentaire en 1995, le Delluc 2008 est le plus important prix de cinéma qui lui est décerné.

Un pas en avant pour l’audiodescription

Posté par Morgane, le 12 décembre 2008

Mercredi 10 décembre, la charte de l’audiodescription a été paraphée dans une des salles du Cinéma des Cinéastes par des signataires tels que le CNPSAA (Comité Nationale pour la Promotion Sociale des Aveugles et des Amblyopes), l’Association Valentin Haüy, En Aparté, Titra Film, Arte, TF1, France Télévisions, SRF, DIRE, SDI et UPF.

L’audiodescription ou comment rendre la culture accessible à tous. A l’occasion de cette conférence de presse, plusieurs orateurs sont intervenus afin de revenir sur « le moment historique » que représentait cette signature et sur l’audiodescription et son statut. Le maître-mot de ces interventions reste la volonté de rendre la culture, ici visuelle, accessible à tout un chacun. Alors, en quoi consiste ce procédé ? Coup de projecteur sur l’audiodescription.

L’audiodescription : Pourquoi ? Comment ? La question du « Pourquoi ? » trouve sa réponse dans le vœu d’universalité dont se réclame l’outil culturel incluant ainsi les personnes handicapées et ici, plus particulièrement, les personnes aveugles. L’audiodescription a alors pour but de leur donner accès aux images dont regorge aujourd’hui notre société, que ce soit à travers le cinéma, la télévision, le musée etc…

Le court métrage Anna d’Alejandro Gonzalez Inarritu, appartenant à l’œuvre collective Chacun son cinéma (réalisée à l’occasion du 60ème anniversaire du Festival de Cannes) dans lequel un homme « décrit » l’image à son amie aveugle dans une salle de cinéma en est un très bon exemple.

« L’audiodescription consiste à décrire les éléments visuels d’une œuvre cinématographique au public non voyant et malvoyant, pour lui donner les éléments essentiels à la compréhension de l’œuvre (décors, personnages, actions, gestuelle…). Le texte enregistré est calé entre les dialogues et les bruitages et mixé avec le son original de l’œuvre ». La présente charte a donc pour but de donner un cadre, principalement éthique, à l’audiodescription. Laure Morisset et Frédéric Gonant (comédiens et audiodescripteurs) en ont rappelé les points fondamentaux :

- Le choix des mots est essentiel tout comme le respect de l’œuvre.

- L’audiodescripteur se doit d’être objectif et ne doit pas chercher à imposer ses propres sentiments mais à les provoquer. Pour cela, il doit se livrer à une analyse rigoureuse de l’image et de la bande-son.

- L’audiodescripteur doit respecter l’auditeur avec une description qui soit en mesure de se faire oublier, de se fondre dans le film lui-même.

L’audiodescription : retour sur un développement français lent. La France est en effet en retard dans le domaine de l’audiodescription. Apparue aux Etats-Unis en 1975 grâce à Gregory Frazier, professeur à l’université de San Francisco, et à August Coppola (frère du célèbre Francis Ford), doyen de cette même université, l’audidescription a fait ses timides premiers pas dans l’Hexagone il y a de cela 20 ans. Alors que cette pratique est devenue courante en Angleterre, au Canada, en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis et autres, la France a, elle, un wagon de retard que cette charte, on le souhaite, comblera.

Le procédé est présenté pour la première fois en France lors du festival de Cannes 1989 avec des extraits audiodécrits des Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot et des Enfants du Paradis de Marcel Carné. Le premier film entièrement audiodécrit par l’Association Valentin Haüy n’est autre qu’Indiana Jones et la dernière croisade de Steven Spielberg, également en 1989. Concernant le théâtre, Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare est la première représentation audiodécrite, en 1990, au Théâtre National de Chaillot. Quant à la chaîne Arte, elle a été la première a diffusé des films en audiodescription à partir de 1999.

A ce jour, en France, environ 300 films sont audiodécrits. TF1, en septembre dernier, a proposé Les bronzés 3 dans ce format spécifique. La ville de Paris, régulièrement depuis 2004, propose au cinéma Arlequin et plus récemment au MK2 Quai de Seine, des films La môme, Un long dimanche de fiançailles, Paris, Comme une image, ou encore lors de sa sortie nationale, Entre les murs. Cette charte fera en sorte que ce nombre ne cesse d’augmenter et qu’à terme, l’audiodescription s’intègre à toutes les productions.

Poitiers : des nouvelles d’Afrique

Posté par MpM, le 12 décembre 2008

Où sont-ilsDepuis quelques années déjà, l’Afrique semble le continent oublié (négligé ?) des grandes compétitions internationales. Alors que l’Asie et l’Amérique latine sont tour à tour les chouchous des comités de sélection, l’Afrique, elle, passe systématiquement son tour. Kini et Adams d'Idrissa Ouedraogo, le dernier film africain à avoir été présenté en compétition à Cannes, remonte déjà à 1997 ! Une des excuses souvent avancée pour justifier cette absence est le fait que le continent tourne peu. Or, rien qu’à Nollywood, l’équivalent nigérian d’Hollywood, il se produit chaque année quelque 1200 films. Et les écoles fleurissent sur le continent, du Maroc à la Tunisie, du Ghana au Burkina Faso, du Bénin à l’Afrique du Sud.

D’où ce focus sur l’Ecole africaine organisé par les Rencontres Henri Langlois, avec preuve par l’image que le cinéma africain existe et mérite d’être montré. En 6 longs métrages et 14 courts, les festivaliers ont ainsi la possibilité de se faire une idée plus précise du dynamisme et de la créativité de ses cinéastes, ainsi que de ce qui les préoccupe. Sur l’échantillon des films d’école présentés à Poitiers, on compte notamment une large part de documentaires et de fictions réalistes, inspirées de faits réels, qui confirment le pouvoir de témoignage, voire de dénonciation, conféré au cinéma par les jeunes générations. Au Maroc, Alaa Eddine Aljem critique les rituels ancestraux liés au mariage. Au Sénégal, Fabacary Assymby Coly et Angèle Diabang Brener interrogent la "douleur de l’exil" en rencontrant deux opposants politiques haïtiens exilés depuis quarante ans. Au Ghana, Afeafa Nfojoh dénonce l’esclavage moderne de la pratique Trokosi qui consiste à donner ses filles au prêtre du village pour expier les pêchés de la famille.

Les jeunes cinéastes compensent le manque de moyens techniques et d’expérience par une vitalité d’esprit et une audace qui forcent le respect. D’accord, les jeunes actrices d’Ezanetor, le court métrage d’Afeafa Nfojoh, ont un jeu outré, mais en dépit de ses innombrables maladresses, le film sensibilise le public au problème du Trokosi et n’hésite pas à dénoncer la complicité passive de la société. Entre les mains de tels cinéastes, le cinéma redevient mode d’expression, vecteur de prise de conscience et moteur d’action collective.

Son pouvoir de divertissement n’en est d’ailleurs pas pour autant nié, comme le prouve le très réussi Où sont-ils de Kossa Lelly Anité, ou la quête impossible de Lelly, jeune cinéaste du Burkina Faso, désireuse de rencontrer le "Belge typique". A la fois réflexion sur l’identité (construite, innée, revendiquée, héritée, acquise…) et déambulation pleine d’humour dans le Bruxelles contemporain, ce documentaire réconcilie un cinéma africain qui serait irrémédiablement lié aux traumatismes du passé avec un cinéma occidental forcément détenteur de la modernité et du savoir-faire. Logique, puisque le film est le résultat d’une collaboration entre Belgique et Burkina Faso, donnant un aperçu très prometteur de ce que pourrait être une telle collaboration à grande échelle.