Les reprises de l’été: Edward Yang, Takeshi Kitano, Ernst Lubitsch et un film queer culte

Posté par vincy, le 8 août 2018

A Brighter Summer Day d'Edward Yang (1991)

L'histoire: Dans les années 60, Xiao Si'r, jeune adolescent, fils d'un réfugié politique chinois, vit à Taiwan. Comme tous les jeunes gens de sa condition il fréquente les gangs qui se mènent une guerre sans merci.

Pourquoi il faut le voir? Edward Yang transpose ici une histoire vraie aussi dramatique que douloureuse. Le cinéaste taïwannais, né à Shanghaï, est mort à l'âge de 59 ans aux Etats-Unis il y a 11 ans. C'est un cinéaste peu connu a priori, par rapport à ses compatriotes (dont Hou Hsiao-hsien pour le quel il a été interprète et compositeur de la musique du film Un été chez grand père). Pourtant ses 7 longs métrages ont reçu de prestigieuses récompenses à Locarno, Berlin et à Cannes (prix de la mise en scène pour l'ultra sensible Yi Yi en 2000). C'est la jeunesse qui l'intéresse ici dans ce "Roméo et Juliette" violent où des ados paumés cherchent à exister au milieu d'une société moralisatrice. A Brighter Summer Day est considéré comme l'un de ses deux chefs d'œuvre avec Yi Yi. Cette chronique sensible et sociale décrypte (avec une sublime esthétique) aussi le phénomène de groupe, le lien entre père et fils, la vaine révolte de la jeunesse face aux institutions (nation, parents, éducation, culture, etc....). Tout est affaire de lien chez lui, de ces relations qui forgent l'identité malgré soi.

A Scene at the Sea de Takeshi Kitano (1991)

L'histoire: Un jeune éboueur sourd-muet se prend d'une passion obsessionnelle pour le surf. Soutenu par le regard protecteur de sa fiancée, sourde-muette comme lui, le jeune homme progresse, d'apprentissages éprouvants en compétitions harassantes, jusqu'à ce que la mer les sépare.

Pourquoi il faut le voir? Tout le monde connaît Kitano en Yakuza et autres rôles de flics et films de mafias. Mais dans les années 1990, Kitano a été un cinéaste marquant pour ses histoires douce-amère, à l'humour ironique, à la sensibilité palpable, et même à l'émotion débordante. A Scene at the Sea est un tournant, pour ne pas dire un virage dans l'œuvre de "Beat Takeshi". C'est son premier film sans gangsters. Le héros est sourd muet et se réfugie dans la passion du surf. Romantique, le film est aussi naturaliste avec cette mer comme horizon indépassable, ce soleil éclatant, le silence et l'amour comme seuls bruits au chaos environnant. Le plus surprenant finalement c'est qu'il s'agit d'un film en apparence légère et en profondeur sublime. Car ce film sur un exclu de la société est peut-être son plus beau, son plus lumineux, son plus coloré. Il y a quelque chose de californien dans l'air et même de hippie. Kitano n'hésite pas à fustiger l'exploitation, la soumission, les inégalités, l'injustice. Même si le soleil se noircit sur la fin, le bonheur est quand même là, dans une larme et un sourire.

Le lieutenant souriant d'Ernst Lubitsch (1931)

L'histoire: L'empereur du Flausenthurm et sa fille, la princesse Anna, sont en visite à Vienne. Pendant le défilé, le lieutenant Niki lance un sourire à son amie Franzi mais la princesse Anna le prend pour elle. Niki doit l'épouser pour réparer l'offense...

Pourquoi il faut le voir? Un roman de Hans Müller, une opérette (1907) et puis un film, inconnu, d'Ernst Lubitsch. Un film musical avec sa dose de "tubes" de l'époque un peu désuet, avec deux stars: le Français Maurice Chevalier et la future oscarisée (et née en France) Claudette Colbert. Le premier était à son apogée, la seconde à ses débuts de vedette. Ce fut la plus grosse recette de l'année pour la Paramount. Aux débuts du cinéma parlant, Lubitsch expérimentait toutes les possibilités offertes par le son. Le lieutenant souriant a été nommé à l'Oscar du meilleur film. Mais ce qui rend le film précieux, outre la mise en scène déjà virevoltante du réalisateur et son talent pour les duos alchimiques, c'est que le film est rare. A cause d'une sombre affaire de droit d'auteur lié à la version muette de l'opérette au cinéma (Rêve de valse, 1925), le film a longtemps été impossible à projeter ou diffusé puis considéré comme perdu. Il a fallu attendre les années 1990 pour retrouver une copie. L'état de la copie a nécessité un long travail de restauration et il ne fut visible qu'à partir de 2008. Une occasion en or pour découvrir ce joyau joyeux du patrimoine.

Fraise et Chocolat de Tomas Gutierrez Alea (1994)

L'histoire: Dans un quartier de la Havane, David, un étudiant militant du parti communiste est chargé d'enquêter sur les activités transfuges d'un marginal, Diego. Ce dernier, homosexuel et fier de son pays, tombe amoureux de David.

Pourquoi il faut le voir? Alors que Cuba ouvre la voie au mariage entre personnes du même sexe, il y a près de 25 ans, le cinéma cubain nous offrait l'un des plus beaux films "queer" (interprété par des acteurs à la beauté ravageuse). Torride, sensuel, mélodramatique, le film a d'abord été un immense triomphe dans les festivals (9 prix à celui de La Havane, un prix spécial du jury et le Teddy Award à Berlin, le prix spécial du jury à Sundance, un Goya espagnol du meilleur film hispanophone, une nomination à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère). Ce film où se côtoient politique et sexualité a étonnement réussi à franchir les grilles de la censure castriste. Après tout, l'idée de départ est quand même d'espionner un homme, homosexuel et érudit, suspecté comme dissident au régime communiste. Un étudiant militant, hétéro, beau comme un Dieu va en fait devoir s'ouvrir l'esprit et les deux hommes vont apprendre à dépasser leurs préjugés. Ce n'est pas un film gay mais plutôt un film sur la tolérance face à une société rigide. Toute l'histoire tend vers le contact entre les deux hommes: se toucheront-ils enfin? Il n'est pas question de sexe, mais c'est finalement plus pour contourner la censure. Le cinéaste a préféré la parabole. La force de Fraise et Chocolat est finalement d'être un des plus beaux récits sur l'homophobie, évoquant aussi bien la répression des homosexuels que la paranoïa de l'Etat. Malgré cela, sans doute à cause du régime dictatorial de son pays, le cinéaste évite les sujets qui auraient pu fâcher Cuba frontalement.

L’école de la vie : quand les rêves se heurtent à la réalité

Posté par redaction, le 16 novembre 2017

Maite Alberdi a suivi le quotidien d'adultes trisomiques fréquentant une institution spécialisée au Chili. Son documentaire, L'école de la vie, poignant, interroge sur la place que la société leur réserve aujourd'hui.

Rita, Ricardo, Anita et Andres sont atteints du syndrome de Down, la trisomie 21. Ils se retrouvent presque quotidiennement dans un atelier pour confectionner des gâteaux. Ils travaillent, mais ne gagnent pas suffisamment d'argent pour mener une vie autonome. Ils ont des rêves, comme les autres, mais ils se heurtent à une société qui ne leur permet pas de les réaliser.

Ainsi, Ricardo aspire à recevoir un salaire qui lui permettrait d'être indépendant. De leur côté, Andres et Anita voudraient se marier et vivre ensemble, mais leurs familles s’y opposent. Et quand Andres veut quand même acheter une alliance à Anita, il se voit refouler par le bijoutier parce que son portefeuille est loin de contenir la somme nécessaire pour l'acquérir. Quant à Rita, ses désirs se limitent à se faire offrir une poupée Barbie pour son anniversaire et à manger du chocolat en cachette.

Réalisatrice et productrice, Maite Alberdi a vécu au contact d'une tante trisomique. C'est de cette expérience que l'idée lui est venue de faire ce film. Elle a prospecté un peu partout au Chili et n'a finalement trouvé qu'une seule institution accueillant des adultes trisomiques. Avec une petite équipe, elle a ensuite tourné sur une année, à raison de quatre fois par semaine, pour s'imprégner du quotidien des personnages. Elle a accumulé 200 heures de rushes et le montage a duré un an. Au final, le résultat est impressionnant. Car elle a pu capter des scènes de vie étonnantes, parfois tristes, parfois joyeuses et drôles, en tous cas jamais ironiques à l'égard des personnages.

"Aucun dialogue n'a été écrit en amont et mes personnages ne jouent pas", raconte Maite Alberdi. "Ils sont intelligents et disent tout ce qu'ils pensent".

Cette spontanéité rend attachant chacun des personnages, pourtant plus ou moins sympathiques, tous différents les uns des autres. Le documentaire ne répond pas aux questions qu’on se pose sur leur situation. Mais on s'interroge sur les peurs d'une société qui, peut-être par facilité, cantonne les trisomiques dans un quotidien cadré, sans donner à ceux qui semblent suffisamment autonomes la possibilité de vivre de manière plus indépendante. Car si le quotient intellectuel moyen chez les jeunes adultes équivaut à celui d'un enfant de 8 ou 9 ans, l'ampleur de cette déficience est très variable d'une personne à l'autre. Certains arrivent à l'âge adulte en étant pratiquement autonomes, sachant lire et écrire, alors que d'autres n’ont pas les mêmes capacités. C’est un nouveau fait de société car l'espérance de vie des personnes trisomiques augmente. Dans les pays développés, elle est aujourd'hui de 65 à 70 ans, contre seulement 12 ans en 1947.

Il ressort malgré tout beaucoup de lumière du documentaire de Maite Alberdi, qui est accompagné par une musique entraînante. Une belle leçon de vie.

Pierre-Yves Roger

4 questions à Brian Selznick, auteur et scénariste du Musée des merveilles

Posté par vincy, le 15 novembre 2017

Présenté en compétition à Cannes, Le Musée des merveilles (Wonderstruck) est l'adaptation du roman jeunesse éponyme de Brian Selznick (paru chez Bayard jeunesse), l'auteur de Hugo Cabret.

Au sommet du Palais, sur la terrasse du Mouton-Cadet Wine Bar, sous un soleil tapant du mois de mai, nous avions rencontré l'auteur et scénariste du film. Car pour la première fois, il a écrit pour le cinéma. L'homme ne fait pas son âge, tout juste quinquagénaire, a le physique californien, la parole aisée, la séduction facile. Professionnel et sympathique, élégant et souriant, l'écrivain et primo-scénariste répond à nos questions.

Ecran Noir: quand avez-vous eu l'idée d'adapter votre roman Le musée des merveilles?
Brian Selznick: Après la cérémonie des Oscars de 2012, quand Hugo Cabret était nommé, Sandy Powell, la costumière de Hugo, est venue à San Diego, chez nous, et m’a fait rencontré le scénariste du film John Logan. Sandy travaille pour Martin Scorsese et pour Todd Haynes, c'est elle qui a fait les costumes de Carol. Ce soir-là, John Logan m'a lancé l'idée d'adapter mon livre, et il m'a d'ailleurs accompagné durant tout le processus. Quand j’ai revu Sandy Powell, elle était avec Todd Haynes. Ils étaient à Chicago, pour une exposition sur David Bowie. Todd y présentait son film Velvet Goldmine. Il a immédiatement connecté avec l'histoire. Ça lui parlait personnellement. Il a du coup annulé et retardé des projets sur lesquels il s’était engagé juste après Carol.

Ecran Noir: En tant qu'auteur et scénariste, avez-vous du faire des choix , des sacrifices?
Brian Selznick: C’est très fidèle au livre mais le producteur m’avait prévenu qu’à cause du budget, il fallait trouver des moyens pour contourner les problèmes. Un scénario doit avancer. Ainsi la semaine au musée, dans le livre, devient un seule nuit dans l’établissement, dans le film. La séquence où Rose donne la lettre à Ben, où elle lui raconte son histoire, aurait du être filmée avec des décors, des acteurs, comme une vraie longue séquence de flashbacks. Pour palier à ça, Todd Haynes a repris l’idée du Diorama, qui fait écho à Babydolls son premier film, avec des marionnettes qui résument les situations. Franchement, je trouve que c’est une idée brillante.

Ecran Noir: Entre Scorsese et Haynes, ce sont deux styles très opposés. Comment avez-vous perçu cette différence?
Brian Selznick: Martin Scorsese avait changé l’intention du livre Hugo Cabret, qui était un hommage au cinéma à travers un livre. Il en a fait un hommage au livre avec le cinéma. Il a juste utilisé mes dessins pour faire le storyboard. Sur ce film, je n’étais qu’observateur, un observateur privilégié. Tout y était à grande échelle. Un énorme studio réunissait chaque métier, qui disposait chacun de sa propre pièce. Il y avait un accessoiriste pour reproduire une boite d’allumettes française, une équipe de recherche, les costumiers, les décorateurs. Chez Todd Haynes, tout était sur un même étage avec un atelier de costumes qui se replissait chaque jour, les services de la production, le directeur artistique. Et cette fois-ci j’étais sur le tournage. Je pouvais m'impliquer davantage.

Ecran Noir: puisque nous sommes dans les différences, le film repose sur une différence majeure, que certains voient comme un handicap, la surdité. Pourquoi ce sujet?
Brian Selznick: Tout s’est déclenché quand j’ai vu un documentaire sur les malentendants, Through Deaf Eyes, diffusé sur PBS. C'est à partir de là que j'ai trouvé la matière de mon livre. Mais, concernant la surdité, vous avez raison : il faut parler de différence et pas de handicap. En tant qu’homosexuel, je me suis retrouvé dans leur situation. Comme quelqu’un qui veut être peintre dans une famille de médecin ou un Juif se marie avec une goy. Moi j’étais un enfant différent, dans une famille hétérosexuelle. J’ai découvert qu’il y avait d’autres gens comme moi quand je suis arrivé à New York, puis j’ai découvert la culture queer après la fac. Je ne savais pas que Boy George ou Village People étaient gays. J'étais comme un sourd au milieu de personnes entendantes. Chez les malentendants tout est visuel. Tous les messages passent par les yeux, y compris la langue des signes. Mais l’important c’est comment on vit en étant différent. Todd Haynes s’est toujours intéressé à ça. Certes, il est queer, mais ses films ne parlent pas que de ça. Il a cette sensibilité qui se traduit très bien, par exemple, quand il filme la rencontre de Ben et Jaimie. Il y a une connexion. Une amitié immédiate. Ils se reconnaissent. Et il sait filmer ça. Et puis, pour la partie muette, il y avait des acteurs sourds. C’était important de les intégrer à ce film. Au total, on parlait six langues sur le tournage : anglais, espagnole, langue écrite, langue des signes… C'est ce qui le rend universel, à mon avis.

En 2016, 204 films ont été rendus accessibles pour les malvoyants et malentendants

Posté par vincy, le 7 janvier 2017

En 2016, 204 films sont sortis en France avec une adaptation aux personnes souffrant d'un handicap auditif ou visuel. C'est une hausse de 33% par rapport à 2015 selon le bilan de l'association Ciné Sens, chargée de sensibiliser et de promouvoir l'accessibilité du cinéma, des salles et des films.

Les versions sous-titrées pour les sourds et malentendants (SME) et l'audiodescription pour les aveugles et malvoyants (AD) ont fait un bond considérable grâce aux recommandations de la Commission Supérieure Technique de l'Image et du Son (CST) sur l'accessibilité des livrables DCP (Digital Cinema Package) permettant de simplifier la diffusion des versions "adaptées".

Onze distributeurs ont ainsi mis à disposition plus de 10 films en version adaptée: Metropolitan (16), Mars Distribution (15), Pathé Distribution et StudioCanal (13 chacun), Diaphana, Disney, Gaumont et Wild Bunch (12 chacun), 20th Century Fox France et SND (11 chacun) et Universal (10). "Certains se sont lancés dans une adaptation systématique ou presque des films qu’ils proposent, et les mettent à disposition des salles sur un DCP d’exploitation unique, avec les clés KDM correspondantes envoyés systématiquement. D’autres proposent des adaptations selon le profil du film" rappelle l'association.

En décembre, la DMA, Délégation Ministérielle à l’Accessibilité, a conçu un guide à l’usage des Etablissements Recevant du Public ( ERP), ce qui concernent les cinémas, pour les accompagner dans leurs réflexions et la mise en oeuvre de l’accueil des personnes porteuses de handicap.

Le 1er Festival du Film sur le Handicap est lancé

Posté par vincy, le 9 septembre 2016

Aujourd'hui commence la 1ere édition du Festival International du Film sur le Handicap (FIFH) à Valenciennes avant de migrer à Montpellier du 12 au 14 septembre. Et c'est à Cannes du 16 au 21 septembre qu'il résidera officiellement, avec les soirées d'ouverture et de clôture.

Cette première édition est soutenue par le romancier et académicien Erik Orsenna, les comédiens Pierre-Loup Rajot, Pascal Duquenne, les réalisateurs, producteurs et scénaristes Nicolas Vannier, Charles Nemes, ainsi que Louise Depardieu, Jean-Louis Langlois, le pianiste Nicholas Mc Carthy… Jean-Claude Carrière en est le Parrain d’honneur. C'est aussi la possibilité de débattre de la place du handicap dans le cinéma : "Le nombre de salles équipées augmente, le téléchargement sur son smartphone de l'audiodescription révolutionne la programmation ainsi que le plan d'acquisition par les exploitants d'équipements dédiés. Les 800 établissements de cinéma et leurs 4?000 salles sont concernés. Aujourd'hui 140 copies adaptées de tous les films sortant en France existent. Nous militons pour plus d'audio-description et d'une meilleure qualité, en particulier avec une diction claire effectuée par des professionnels" explique l'organisation, où l'on retrouve l'équipe du Festival des Très Courts, maissi aussi l'auteur de BD Philippe Caza en tant que directeur artistique.

Au total, 130 films, courts et longs métrages, en compétition répartis en huit sélections (fictions, documentaires, clips musicaux & publicitaires, animation, jeunesse, 3ème ange) seront proposés aux jurys.

Les 6 longs métrages fiction en compétition sont:
Po de John Asher / USA
La jeune fille sans mains de Sébastien Laudenbach / France
Pies en la tierra de Mario Pedernera / Argentine
Alma de Diego Rougier / Chili
El despertar de Camila de Rosario Jimenez Gili / Chili

Côté documentaires, les six films en compétition sont:
Gabor de Sébastian Alfie / Bolivie - Espagne
Diarios do canal de Felipe Kowzlczuk / Brésil
Free de Tomislav Zaja / Croatie
Take your time – Arayashiki de Seiichi Motohashi / Japon
Guillaume au pays des Merveilles de Pierre-Louis Levacher / France

Mimi & Lisa: un film animé et coloré dont l’héroïne est non-voyante

Posté par vincy, le 7 avril 2016

30 jours pour un scénario, 30000 euros par épisode, 3 mois pour le tourner: voilà les six histoires de Mimi & Lisa qui débarquent sur les écrans français ce 6 avril. Le film animé de Katarina Kerekesova n'est pas un film comme les autres. Conseillé à partir de 5 ans, ce moyen métrage de 45 minutes distribué par Cinéma Public Films, spécialisé dans les films d'animation singuliers pour les enfants: " C’est cette finesse d’écriture qui nous a convaincus de distribuer la série Mimi & Lisa. Ce programme ne se contente pas de sensibiliser aux handicaps, il montre aussi à quel point nous nous complétons tous. La tolérance n’est qu’une étape, la fraternité une finalité."

L'histoire: Timide et non-voyante, Mimi perçoit le monde différemment grâce à ses autres sens. Lisa, sa voisine de palier délurée, est toujours prête à provoquer des situations amusantes. Ensemble, elles découvrent les univers de leurs voisins dans lesquels le moindre objet peut devenir le théâtre d’une aventure fantastique, avec l’imagination pour seule frontière.Car pour s’échapper de son environnement morose et enfermé, il faut aller chercher la vie derrière les portes et profiter de l’imagination débordante des enfants. Car c’est bien grâce à eux que béton, escaliers et paliers deviennent terre, collines et forêts. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, la cécité de Mimi ne fait pas d’elle une super-héroïne ; c’est même plutôt l’extravagante Lisa qui entraîne son amie vers des situations extraordinaires. Mais face aux dangers qu’elles inventent, les deux doivent agir de concert, chacune profitant des forces de l’autre.

L'origine: "J’ai commencé à penser à “la fille aux yeux fermés” accidentellement, après avoir lu une chronique sur une école de non-voyants. Les enfants rapportaient à l’écrit la visite d’une exposition de fruits qu’ils avaient le droit de toucher" explique la réalisatrice Katarina Kerekesova. "Et soudain, la petite Mimi est apparue, au milieu de ces enfants. Submergée par les émotions, elle gardait les yeux fermés sans pour autant perdre cette rationalité si particulière chez les enfants non-voyants. (...) Je ne racontais pas d’histoires sur une pauvre petite aveugle ; mon héroïne avait de nombreuses capacités surprenantes. Nous explorions ensemble un monde fantastique, rempli de possibilités. Quelque chose de particulièrement naturel pour l’animation. À cette époque, j’étais réalisatrice de films d’animation pour adultes mais je voulais déjà créer des choses pour les enfants" ajoute-t-elle.

La construction: "Chaque épisode se conclut sur un dialogue entre les filles et leurs parents, avant de se coucher. Comme si l’enfant racontait son rêve avant même d’avoir dormi. C’est une bonne remarque, je n’avais jamais vu les choses de cette manière. La réponse simple est que tout doit rentrer dans l’ordre pour les héroïnes à la fin de chaque épisode. Comme nous n’avons pas de narrateur dans la série, nous devions utiliser Mimi et Lisa pour rendre compte de ce qui s’est passé. Et si elles racontent leurs histoires au lit, avant de dormir, c’est parce que la série a été pensée pour la télévision slovaque comme une histoire légère à regarder avant de se coucher. On espérait que ce genre de fin permettrait aux enfants de sauter dans leur lit et de passer une bonne nuit".

Un pas en avant pour l’audiodescription

Posté par Morgane, le 12 décembre 2008

Mercredi 10 décembre, la charte de l’audiodescription a été paraphée dans une des salles du Cinéma des Cinéastes par des signataires tels que le CNPSAA (Comité Nationale pour la Promotion Sociale des Aveugles et des Amblyopes), l’Association Valentin Haüy, En Aparté, Titra Film, Arte, TF1, France Télévisions, SRF, DIRE, SDI et UPF.

L’audiodescription ou comment rendre la culture accessible à tous. A l’occasion de cette conférence de presse, plusieurs orateurs sont intervenus afin de revenir sur « le moment historique » que représentait cette signature et sur l’audiodescription et son statut. Le maître-mot de ces interventions reste la volonté de rendre la culture, ici visuelle, accessible à tout un chacun. Alors, en quoi consiste ce procédé ? Coup de projecteur sur l’audiodescription.

L’audiodescription : Pourquoi ? Comment ? La question du « Pourquoi ? » trouve sa réponse dans le vœu d’universalité dont se réclame l’outil culturel incluant ainsi les personnes handicapées et ici, plus particulièrement, les personnes aveugles. L’audiodescription a alors pour but de leur donner accès aux images dont regorge aujourd’hui notre société, que ce soit à travers le cinéma, la télévision, le musée etc…

Le court métrage Anna d’Alejandro Gonzalez Inarritu, appartenant à l’œuvre collective Chacun son cinéma (réalisée à l’occasion du 60ème anniversaire du Festival de Cannes) dans lequel un homme « décrit » l’image à son amie aveugle dans une salle de cinéma en est un très bon exemple.

« L’audiodescription consiste à décrire les éléments visuels d’une œuvre cinématographique au public non voyant et malvoyant, pour lui donner les éléments essentiels à la compréhension de l’œuvre (décors, personnages, actions, gestuelle…). Le texte enregistré est calé entre les dialogues et les bruitages et mixé avec le son original de l’œuvre ». La présente charte a donc pour but de donner un cadre, principalement éthique, à l’audiodescription. Laure Morisset et Frédéric Gonant (comédiens et audiodescripteurs) en ont rappelé les points fondamentaux :

- Le choix des mots est essentiel tout comme le respect de l’œuvre.

- L’audiodescripteur se doit d’être objectif et ne doit pas chercher à imposer ses propres sentiments mais à les provoquer. Pour cela, il doit se livrer à une analyse rigoureuse de l’image et de la bande-son.

- L’audiodescripteur doit respecter l’auditeur avec une description qui soit en mesure de se faire oublier, de se fondre dans le film lui-même.

L’audiodescription : retour sur un développement français lent. La France est en effet en retard dans le domaine de l’audiodescription. Apparue aux Etats-Unis en 1975 grâce à Gregory Frazier, professeur à l’université de San Francisco, et à August Coppola (frère du célèbre Francis Ford), doyen de cette même université, l’audidescription a fait ses timides premiers pas dans l’Hexagone il y a de cela 20 ans. Alors que cette pratique est devenue courante en Angleterre, au Canada, en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis et autres, la France a, elle, un wagon de retard que cette charte, on le souhaite, comblera.

Le procédé est présenté pour la première fois en France lors du festival de Cannes 1989 avec des extraits audiodécrits des Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot et des Enfants du Paradis de Marcel Carné. Le premier film entièrement audiodécrit par l’Association Valentin Haüy n’est autre qu’Indiana Jones et la dernière croisade de Steven Spielberg, également en 1989. Concernant le théâtre, Le Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare est la première représentation audiodécrite, en 1990, au Théâtre National de Chaillot. Quant à la chaîne Arte, elle a été la première a diffusé des films en audiodescription à partir de 1999.

A ce jour, en France, environ 300 films sont audiodécrits. TF1, en septembre dernier, a proposé Les bronzés 3 dans ce format spécifique. La ville de Paris, régulièrement depuis 2004, propose au cinéma Arlequin et plus récemment au MK2 Quai de Seine, des films La môme, Un long dimanche de fiançailles, Paris, Comme une image, ou encore lors de sa sortie nationale, Entre les murs. Cette charte fera en sorte que ce nombre ne cesse d’augmenter et qu’à terme, l’audiodescription s’intègre à toutes les productions.