Turbulences en Italie. Et pas seulement à cause des affaires de moeurs et de corruption mafieuse qui discréditent chaque jour un peu plus Silvio Berlusconi et sa clique. Le gouvernement italien, dans un premier temps avait décidé de baisser son aide au prestigieux festival de Venise, qui passait ainsi de 7,1 millions d'euros à 4 millions. Autant dire qu'il y a avait péril sur la Lagune... En dessous d'un certain montant, le Festival ne peut plus être organisé dans de bonnes conditions, alors que la concurrence est vive : Toronto (et son nouveau Palais) attire de plus en plus de professionnels et de journalistes, Cannes lifte son Bunker (voir notre actualité du 20 mars dernier), son proche (et récent) rival Festival de Rome prend de l'ampleur ... et Venise investit lourdement dans son nouveau complexe permettant de mieux accueillir les festivaliers.
Sans compter que le Ministre de la Culture, Sandro Bondi, était moqué, critiqué, insulté en Italie comme à l'étranger à cause de diverses provocations dignes du temps de Mussolini (il considérait que c'était au gouvernement italien d'avoir à choisir le palmarès du Festival). Il avait boycotté les festivals de Cannes (voir voir notre actualité) et de Locarno, et avait sous-entendu que les films devaient désormais obtenir l'aval de son Ministère pour obtenir des subventions : manière de rétablir une forme de censure politique. Le Ministre avait disparu des médias après le choc émotionnel qu'a causé le délabrement des ruines de Pompéï, qui tombaient ... en ruine. En fait, il a même décidé de faire grève, en ne venant plus à son Ministère, lassé par les critiques à son égard...
Berlusconi a donc tout remis à plat. Les coupes budgétaires (drastiques) prévues ont été annulées. C'était 568 millions d'euros par an en moins qu'il aurait fallu aller chercher. Le budget de la Culture sera à peu près équivalent à celui de l'an dernier. Et surtout le Ministre a été démis de ses fonctions. Sandro Bondi est remplacé par le ministre de l'agriculture, Giancarlo Galan, ancien gouverneur de la région du Véneto, et donc très proche du Festival de Venise, mais peu relié à la Culture. Tout cela a permis d'éviter une grave crise, et des grèves dans le secteur de l'industrie cinématographique et dans celle des spectacles.
Une partie du financement proviendra d'une nouvelle taxe sur l'essence. La mesure a été adoptée en urgence pour éviter une grève générale : environ 150 millions d'euros de fonds supplémentaires par an pour le secteur de la culture proviendront de la hausse de 1 à 2 centimes du prix de l'essence (20 euros par an et par véhicule). Cela permet de réapprovisionner les fonds à destination du spectacle vivant (428 millions d'euros) et de financer le crédit d'impôt culturel (cinéma et spectacle vivant).
A l'inverse, le gouvernement a aboli une taxe sur les billets de cinéma qui devaient permettre de financer les aides aux productions de films. Les exploitants avaient hurlé contre cette ponction, qui, pour le coup aurait été utile, à condition qu'elle soit coordonnée. Depuis des années, les professionnels réclament des aides plus stables provenant de tous les supports de diffusion, télévision et internet inclus. On comprend que Berlusconi, patron d'un groupe qui rassemble des chaînes de télévision comme des distributeurs de films, ne soit pas très favorable à cette mesure, qui réduirait ses marges bénéficiaires. Par conséquent, le cinéma italien dépend de chaînes publiques et privées, qui, indirectement, dépendent de Silvio Berlusconi.
Car, durant cette crise, c'est bien le cinéma italien qui était le plus concerné, le plus agressé par le gouvernement. Le Fonds unique pour le spectacle, l'équivalent de l'Avance sur recettes en France, devait voir sa dotation divisée par deux (soit 213 millions d'euros en moins!). L'Istituto Luce, en charge de la conservation et de la diffusion du cinéma national, doit se résoudre à une aide de 7,5 millions d'euros, soit un quart de ses budgets précédents. La fermeture de l'institut est à craindre. Les cinéastes les plus connus ont décidé de protester.
Pour l'instant, l'ensemble des artistes restent vigilants. La fragilité du secteur ne permet pas encore d'établir un diagnostic favorable sur le moyen terme.