Vesoul 2014 : regard sur le cinéma vietnamien

Posté par MpM, le 17 février 2014

10e moisChaque année, le Festival international des cinémas d'Asie de Vesoul consacre une section à un pays d'Asie francophone. Cette année, c'est le Vietnam qui est à l'honneur avec une sélection d'une dizaine de films retraçant les temps forts de la cinématographie vietnamienne depuis la réunification du pays le 30 avril 1975, et à l'exception des films réalisés par des Vietnamiens de nationalité étrangère ("Viet Kieu"), ce qui explique l'absence du plus célèbre d'entre eux, le cinéaste Tran Anh Hung.

Après guerre, l'industrie cinématographique vietnamienne poursuit tout simplement son activité (documentaires, fictions et animation en rapport avec la guerre au nord, divertissement au sud) en s'inscrivant dans la ligne du "réalisme socialiste". C'est Dang Nhât Minh, justement présent à Vesoul, qui offre le premier une reconnaissance internationale à son pays en remportant de nombreux prix pour son quatrième long métrage Quand viendra le dixième mois (1984), qui met en scène une jeune femme dévastée par la mort de son mari au combat.

A partir de 1986, la politique vietnamienne change et ce "renouveau" permet de nouvelles opportunités artistiques. La guerre reste le thème majeur d'une cinématographie modeste mais de plus en plus remarquée dans les festivals internationaux : La vie de sable (1999) de Nguyen Thanh Van, Il fut un temps (2002) de Viet Linh, Vivre dans la peur (2005) de Bui Thac Chuyen...

En parallèle, un courant "ethnique" voit le jour, représenté à Vesoul par L'histoire de Pao (2005) de Ngô Quang Hai qui dévoile la vie traditionnelle des Hmongs, peuple de haute montagne du nord du pays. Les mutations provoquées par la modernité, ainsi que les peurs, fantasmes et espoirs qui y sont liés, incitent également les cinéastes à parler de leur époque, à l'image de Phan Dang Di dans Bi, n'aie pas peur ! (2010)

Actuellement, l'industrie cinématographique vietnamienne souffre d'un grand manque de moyens, à la fois matériels et humains, ce qui explique la modestie de sa production (entre 18 et 20 films chaque année), et la nécessité de recourir à des professionnels et à des financements étrangers. Mais l'embellie 2013 (27 films produits) pourrait marquer le début d'une nouvelle ère pour ce cinéma délicat et largement méconnu. A découvrir dès 2015 à Vesoul ?!

Ciné Junior, le festival pour les enfants de 2 à 13 ans

Posté par cynthia, le 17 février 2014

affiche ciné junior 2014

Du 29 janvier au 11 février dernier s'est déroulé la 24ème édition de Ciné Junior, le festival international de cinéma du jeunes publics.

Parce que les enfants aussi ont le droit de connaître la frénésie des festivals cinématographiques, le conseil général du Val de Marne a crée en 1991 le festival Ciné Junior. Réparti dans 14 villes du département dont les villes d'Arceuil, Champigny-Sur-Marne, Orly ou Sucy-en-Brie, entre autres, cette manifestation offre aux enfants et ainsi qu'au jeunes adultes du département la possibilité de découvrir des films français et étrangers inédits (courts et longs métrages) et de se former à une approche critique du septième art.

Le programme est ainsi divisé en films correspondant à des tranches d'âges, de 2 à 13 ans.

Dans une volonté d'aide à la diffusion des films en compétitions, plusieurs prix sont décernés, dont le Grand prix Ciné Junior qui permet d'obtenir 8 000 euros au distributeur qui sortira le film couronné dans les salles française. Mais également le prix CICAE (Confédération Internationale des Cinémas d’Art et Essai) qui consiste en la rédaction d’un document pédagogique, à destination des salles Art et Essai, le prix du jury jeune qui est attribué par plusieurs classes jurys du département ou encore le prix du public qui récompense les courts métrages en compétition.

Cette année le Grand prix Ciné Junior du jury fut décerné Jours d'avant de Karim Moussaoui, une aventure humaine se déroulant dans une cité du sud d'Alger dans les années 90. Le prix Cicae a été décerné au film Kazakh Petit Frère (Bauyr) de Serik Aprymov.

Ce festival a déjà permit de découvrir pas mal de petites pépites cinématographiques pour la jeunesse comme La petite taupe de Zdenek Miler, Le chien jaune de Byambasuren Davaa ou encore Arcadia d'Olivia Silver, Grand prix Ciné junior 2013.

Vesoul 2014 : l’Asie vue par Sam Ho

Posté par kristofy, le 17 février 2014

sam hoLe Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul fête ses 20 ans ! Tant de passion et d'énergie à transmettre l'amour des films asiatiques depuis une vingtaine d'années, et cela est partagé : quelques cinéphiles qui aiment ces films évoquent leur rapport avec le cinéma asiatique.

Sam Ho, qui a enseigné à l'université chinoise de Hong-Kong et à l'académie des arts de la scène de Hong-Kong, fut longtemps le responsable de programmation du Hong Kong Film Archive. Il a aussi contribué à l'écriture de plusieurs livres sur l'histoire des films hongkongais.

Membre du jury du FICA de Vesoul en 2013, il est de retour au festival cette année pour célébrer les 20 ans de cette manifestation pas comme les autres. A cette occasion, il nous a confié son sentiment sur le cinéma actuel à Hong-Kong :

Je pense que l’année dernière il y a eu deux films vraiment très bons qui sont The Grandmaster de Wong Kar-Wai et Drug War de Johnnie To. Ils sont emblématiques de la production cinématographique actuelle dans le sens où ils font le lien entre Hong-Kong et la Chine, ils ont eu d’ailleurs du succès sur le marché hongkongais et aussi sur le marché chinois.

Le cinéma de Hong-Kong a une très forte tradition de films de comédie, bien que ça soit plutôt les films d’action qui étaient exportés. Les Hongkongais ont le sens de l’humour, ils aiment rire et ils aiment faire rire les gens, et il y aura toujours beaucoup de comédies parce que le public en veut. Je pense en revanche que les films d’action, les films de kung-fu et les films d’arts martiaux font face à une période très difficile en ce moment.

Hong-Kong était connu pour la qualité de ses films d’action, mais mon opinion est que cela est désormais révolu. Le problème est que nous savons toujours faire des films d’arts martiaux et des films d’action mais nous ne parvenons pas à trouver un héros irrésistible qui représente notre présent. On avait ce genre de héros dans le passé avec des acteurs comme Jet Li et Jackie Chan et avant Ti Lung et David Chiang : ils ont chacun reflété et représenté le cinéma de leur époque de manière très puissante. Un film avec Jackie Chan ou Jet Li était marqué de l’identité et du style de l’acteur, un genre de personnage que le public suivait. Par exemple avec A better tomorrow de John Woo, l’acteur Chow Yun Fat s’est imposé comme le héros gangster, et ensuite il y a eu beaucoup de films de gangsters très bons.

Je pense que le problème des films d’action de Hong-Kong de ces quinze dernières années est de ne pas avoir réussi à créer une nouvelle figure héroïque. Par exemple Andy Lau dans Infernal Affairs est un agent double infiltré qui n’appartient vraiment ni à l’univers des méchants ni des gentils de l’histoire, ce film a été très important (ndr : Martin Scorsese l’a recopié avec Les Infiltrés), mais ensuite il n’y a pas eu de continuation ni de prolifération de films avec ce genre de héros.

Le cinéma de Hong-Kong n’est plus innovateur comme avant. Je pense qu’une des raisons est que les réalisateurs hongkongais cherchent trop à séduire le public chinois, et le marché chinois est différent, depuis une quinzaine d’années les films de Hong-Kong ne sont plus très originaux car il y a cette volonté d’être plus commercial pour viser plus d’argent. Il serait facile de dire que ces réalisateurs ont vendu leur âme, mais le cinéma c’est du business, et c’est une industrie avant tout. Je pense que les réalisateurs hongkongais cherchent un nouveau public plus large, dont les Chinois, mais qu’ils ne trouvent pas de connections avec ce public, et les films en pâtissent.

D'une manière générale, on peut considérer qu’il y a malheureusement un certain déclin du cinéma de Hong-Kong, et cela est dû à trois causes. D’abord on produisait autrefois beaucoup de films qui étaient exportés dans tout le sud-est asiatique, mais des pays comme la Corée ou la Thaïlande ont su développer leur propre cinéma, et ils ont donc moins besoin des films venus de Hong-Kong, qui trouvent moins de débouchés. Ensuite, en 1997, il y a eu la rétrocession de Hong-Kong qui a été alors rattaché à la Chine, et donc il y a eu plus de films faits en direction des Chinois et moins pour le public de hongkongais. Enfin, le contenu des télévisions de Hong-Kong était autrefois plutôt mauvais mais les réalisateurs y faisaient leur formation pour ensuite poursuivre leur métier dans le cinéma et y faire des choses mieux, mais la qualité des chaînes de télévision est devenue bien meilleure et désormais ces cinéastes restent travailler à la télé, sans se tourner vers le cinéma qui manque de nouveaux talents.

Berlin 2014 : un Festival qui cherche un nouveau souffle

Posté par vincy, le 17 février 2014

un ours à berlin

Dieter Kosslick, le directeur du Festival international de Berlin, peut se réjouir : 330 000 billets ont été vendus cette année. Un record de fréquentation pour la Berlinale. Nommé en 2000 par la Ville de Berlin et le gouvernement fédéral allemand, Kosslick a pourtant été vertement critiqué par la presse et les professionnels : la compétition fut jugée trop inégale, voire faible. Les médias professionnels se sont ainsi fait le plaisir de placer Kosslick sur le départ. Le Ministre de la culture de l'Etat de Berlin a brutalement du démissionner, accusé d'évasion fiscale : Kosslick semblait favori pour le remplacer, ce qu'il a nié officiellement jeudi, affirmant qu'il irait jusqu'au bout de son mandat en 2016.

berlinale street foodUn festival très populaire et très rentable

La Berlinale est à une croisée des chemins. Son marché est performant, les salles sont pleines, le Festival trouve de nouvelles idées pour séduire ses accrédités (cette année, la Street food, avec ces petites camionnettes à deux pas du Berlinale Palast qui servaient des boissons et repars sur le pouce). Cependant, la sélection de films, qui manquent de grands auteurs ou de films événements, séduit moins des médias en crise, moins aptes à payer le déplacement de leurs journalistes. Comparé à Cannes où les journalistes se bousculent, on remarque que deux salles moyennes suffisent à projeter à la presse le dernier Resnais. Malgré la présente importante de films asiatiques, il y a avait beaucoup moins de journalistes venus d'Orient que ce que l'on peut constater sur la Croisette.

Le Festival de Berlin perd-il de son impact? Pas forcément. De bons films y ont été présentés et la manifestation reste un formidable révélateur et découvreur de talents. Si on prend en compte les différents palmarès toutes sélections confondues, on peut noter qu'une dizaine de films ont marqué autant les jurys que la critique ou le public. La plupart ont même trouvé leur distributeur dans des pays comme la France, les Etats-Unis ou les gros marchés européens. Et les Berlinois remplissent les salles du Zoo Palast, de Friedrisch Palast ou du CinemaXXX. Les retombées économiques sont en hausse constante.

monuments men clooney damon dujardin murrayUne sélection qui manque d'événements mondiaux

Pourtant, il est loin le temps où Berlin attirait les productions américaines oscarisables en avant-première internationale ; il est notable de constater que la Berlinale avait peu d'avant-premières mondiales y compris dans sa compétition (Monuments Men comme Boyhood avaient déjà été projetés ailleurs) ; il est surprenant de voir un Festival qui a doublé de taille en quelques années se transformer davantage en événement populaire qu'en rendez-vous cinéphilique ou médiatique incontournable.

Comme Cannes il y a une dizaine d'années ou Venise depuis quelques temps, Berlin fait face à un calendrier qui commence à desservir sa programmation. La mutation de l'industrie audiovisuelle et le surgissement des nouvelles technologies conduisent ainsi à des sorties de plus en plus simultanées de films américains. Il n'est plus possible pour la Berlinale de promettre un 12 Years a Slave ou un American Bluff en avant-première internationale. Le film de David O. Russell était bien à Berlin, mais en guise d'avant-première allemande, pour appuyer sa sortie en salles. Et aucun studio d'Hollywood ne sort un blockbuster d'action avant mars, et surtout ne souhaite le montrer autant en amont de sa sortie. La Berlinale est ainsi coincée : les films oscarisables lui échappent, les blockbusters du printemps aussi.

Le déclassement allemand

A cela s'ajoute la féroce compétition avec Cannes. Leader incontestable des festivals, Cannes est le graal de tous producteurs. Par son poids artistique, il attire tous les grands cinéastes : certains choisissent même leurs dates de tournage et le délai de post-production pour être prêts en mai ; d'autres, notamment les cinéastes français, ne montrent pas leur film au comité berlinois, espérant toujours une sélection cannoise. Cannes a asphyxié Berlin avec les années. Il faut qu'un film comme Une séparation soit refusé par Thierry Frémaux pour que ce soit Berlin qui le récupère (avec le succès que l'on sait). De même l'exigence cannoise d'avoir des avant-premières internationales ou mondiales en compétition obligent les producteurs et distributeurs de films art et essai à se caler sur le rendez-vous français du printemps. Berlin ne peut plus se payer ce luxe et doit composer avec ce qu'on lui propose, même si le film a déjà été présenté à Sundance un mois avant. C'est Cannes qui dicte sa loi. La Berlinale est donc obligée d'aller chercher des nouveaux talents, de fidéliser ses anciens primés, d'explorer les territoires ignorés par ses concurrents (cinéma nordique, cinéma gay...) ou même de diffuser les premiers épisodes de la nouvelle saison d'House of Cards!

zoo palast © vincy thomasLes palmiers méditerranéens plutôt que le froid prussien

C'est tout le défi de la Berlinale pour les prochaines années : retrouver son pouvoir de séduction auprès des grands auteurs tout en maintenant sa capacité à promouvoir une véritable diversité de genres et un équilibre entre talents confirmés et cinéastes de demain, sans forcément se fermer à de nouveaux formats. Ce ne sont pas les blockbusters chinois qui manquent. Ce ne sont pas les les auteurs américains, européens qui font défaut. Ce n'est pas le défilé de stars (de Scorsese à Deneuve) sur le tapis rouge qui suffisent. Il y a dix ans, Le loup de Wall Street aurait fait son avant-première internationale à Berlin. Aujourd'hui, Berlin en est réduit à faire le buzz avec une version non censurée d'un Lars Von Trier dont la version soft est déjà sortie dans toute l'Europe.

On pensait qu'avec le phénomène d'Une séparation, le Festival de Berlin allait reconquérir des cinéastes qui n'ont pas forcément envie de guerroyer sur la Croisette ou même le Lido. Or, le film d'Asghar Farhadi semble une exception depuis dix ans. L'Ours d'or a récompensé des films audacieux, souvent bons, mais très confidentiels. Si on prend l'ère Kosslick, cela contraste fortement avec le début des années 2000 où ont été sacrés Miyazaki, Paul Greengrass et Fatih Akin. Et avant eux, Paul Thomas Anderson, Terrence Malick, Walter Salles, Ang Lee, Patrice Chéreau...

Mais Malick, Salles, Lee, Anderson, Akin, Miyazaki vont désormais à Cannes et à Venise. Hormis Wes Anderson et Alain Resnais, cette année Berlin n'a pas pu proposer aucun grand nom populaire du cinéma d'auteur international. Egoyan, Cronenberg, Loach, Leigh, Kusturica, les Dardenne, Inarritu ont tous le sud de la France en mai dans le viseur. Cela rappelle la concurrence entre le prestigieux FFM de Montréal et le TIFF de Toronto. Le premier était un festival de catégorie A : il a été, au fil des ans, pour diverses raisons, complètement déclassé, ignoré par les grands distributeurs, concentré sur une offre très "world cinema", misant tout sur sa fréquentation, au profit de son rival, qui est devenu le 2e festival de la planète et le tremplin pour la saison des Oscars.

C'est donc là que Kosslick est attendu : redonner du brillant à sa compétition pour que la compétition entre les Festivals ressemble de nouveau à un match de tennis de type Nadal/Djokovic plutôt qu'à un simple Nadal/Berdych.