Cannes 2014 – les prétendants : les grands noms asiatiques au rendez-vous

Posté par vincy, le 29 mars 2014

Gong Li dans Coming Home de Zhang Yimou

Thierry Frémaux prépare sa sélection officielle du 67e Festival de Cannes. Il ne s'agit pas de faire des pronostics - vains - mais plutôt de repérer les films potentiels. Certains seront en compétition, d'autres recalés, d'autres encore à Un certain regard, et parfois dans les sélections parallèles. Passage en revue. On peut y ajouter les derniers films de Kim Ki-duk et Hong Sang-soo, même s'ils ne sont pas encore finalisés. Et difficile de savoir ce qui sortira d'Iran, avec l'accord des autorités ou pas.

- Wang Bing, Love and hate. Une parfaite histoire chinoise : la vie d'un homme plongée dans ses contradictions, avec en toile de fonds celles de la Chine : famille et société, ville et campagne... Petit film indépendant, il est coproduit avec la France.

Hou Hsiao HsienThe Assassin. Avec Shu Qi, Chen Cgang. Le tournage fleuve est tout juste terminé. Pas sûr que le montage soit finalisé avant mai. Un syndrôme Wong Kar-wai autour de ce film d'arts martiaux. Cannes 2015 semble plus probable.

Ann HuiThe Golden Age. Avec Tang Wei, Feng Xiaofeng. Après le succès d'Une vie simple qui signait son grand retour dans les salles occidentales et les palmarès de Festival, ce biopic sur le romancier Xiao Hong pourrait être le symbole d'une consécration d'une carrière commencée il y a 35 ans. Surtout que Ann Hui, primée à Berlin et Venise, n'est jamais venu à Cannes.

- Naomi Kawase, Still the Water. Avec Makiko Watanabe, Hideo Sakaki, Tetta Sugimoto. Une chérie de la compétition et une des réalisatrices les plus respectées dans les circuits art & essai. Cette fois-ci, elle s'intéresse à un adolescent qui convainc sa petite amie d'enquêter sur le corps mort qu'il a trouvé en train de flotter sur l'océan.

- Eric Khoo, The Charming Rose. Avec Joanne Peh. Un régulier de la Croisette. Le cinéaste singapourien se penche cette fois-ci sur la vie d'une strip-teaseuse des années 50, Rose Chan.

- Kazuyoshi Kumakiri, My Man. Avec Tadanobu Asano, Tatsuya Fuji, Fumi Nikaidô. L'adaptation du roman de Kazuki Sakuraba - l'histoire d'une petite fille prise en main par un jeune homme après un tsunami - serait la première cannoise d'un réalisateur déjà récompensé ou remarqué dans des festivals comme Vesoul et Deauville.

Im Kwon-taekHwa-jang. Le vétéran sud-coréen (78 ans), récompensé par un prix de la mise en scène il y a 12 ans sur la Croisette, a boulé son 102e film! Il s'agit de l'adaptation d'un roman de Kim Hoon qui raconte la vie d'un homme qui a passé deux ans à soigner sa femme mourante et qui tombe amoureux d'une plus jeune femme.

- Nadav Lapid, L'institutrice. Après Le policier, le jeune cinéaste et écrivain israélien nous fait revenir à la maternelle, avec les mêmes thèmes - idéalisme, révolte, folie et résistance - dans un contexte toujours dramatique mais plus romanesque.

Takashi MiikeKuime. Avec Ko Shibasaki, Hitomi Katayama, Hideaki Ito. Une histoire de fantômes où un mari veut empoisonner sa femme pour en trouver une autre.

- Eran Riklis, Le deuxième fils. Avec Tawfeek Barhom, Ali Suliman, Laëtitia Eïdo. Adapté du roman de Sayed Kashua, cette comédie dramatique israélo-arabe d'un des réalisateurs israéliens les plus primés de ces dernières années pourraient faire son avant-première mondiale à Cannes. Un parfait "feel-good movie" sur les liens entre les deux communautés religieuses à Jérusalem.

- Johnnie To, Don't Go Breaking My Heart 2. Avec Daniel Wu, Louis Koo, Yuanyuan Gao. L'occasion de voir le réalisateur sous une autre facette avec cette suite d'une comédie romantique qui a cartonné en Asie.

- Apichatpong Weerasethakul, Utopia ou Cemetery of Kings. Avec Jenjira Widner. Grand point d'interrogation puisque peu de gens savent à quelle étape en est le dernier film du réalisateur d'Oncle Boonmee, Palme d'or sous le règne de Tim Burton. On sait tout juste qu'il s'agit de la rencontre près du Mekong dans le nord de la Thaïlande, d'une femme seule et d'un soldat dont tout le régime est atteint de la maladie du sommeil.

- Zhang Yimou, Coming Home. Avec Gong Li, Daoming Chen. Ce serait le grand retour du cinéaste sur la Croisette, 19 ans après Shanghai Triad. Et la 12e collaboration avec Gong Li. Ce drame romantique adapté d'un roman de Yan Geling se déroule lors de la révolution culturelle chinoise (comme Adieu ma concubine, Palme d'or). Une manière de célébrer les 50 ans de l'amitié France-Chine avec l'un des réalisateurs les plus "officiels" du régime. Le film sort en mai en Chine.

Cinélatino 2014: Fin de journée avec les nerfs à vif

Posté par Morgane, le 29 mars 2014

affiche de cinélatino 2014En cette fin de journée toulousaine au Festival Cinélatino, les nerfs sont mis à rude épreuve avec les projections de Matar a un hombre d’Alejandro Fernandez Almendras (chilien) et Historia del miedo de Benjamin Naishtat (argentin), deux films de la compétition.

Basé sur des faits réels, et récemment couronné par le Grand prix du jury au Festival de Sundance, Matar a un hombre (To Kill a Man) débute par l’agression d’un homme et l’engrenage qui s’en suit. Le réalisateur filme tout en retenue une famille modeste harcelée par un voyou et sa bande de leur quartier. On suit le cheminement et l’évolution pas à pas de cette violence vers une issue qui apparait comme inévitable.
La tension est digne d’un thriller mais le film n’en est pas un. Proche du fait divers, il respire la cruauté et transpire la peur qui peut malheureusement, comme c’est le cas ici, faire partie du quotidien.
Le réalisateur dépeint le portrait d’un homme lambda qui finalement ne voit (et n’a pas semble-t-il) d’autre moyen pour s’en sortir que d’avoir recours à une violence extrême.
Le film est dur, le film est noir, mais en même temps il sonne juste. La colère, la tristesse, le désemparement puis la résolution d’un homme à faire le nécessaire sans pour autant pouvoir vivre avec…

Matar a un hombre et Historia del miedo se rejoignent dans une certaine mesure. Tous deux évoluent dans un univers oppressant et angoissant. Mais là où dans Matar a un hombre cette violence a un visage bien réel, dans Historia del miedo, elle est certes quotidienne aussi, mais elle également latente. Jamais on n'en voit le véritable visage.

En compétition au dernier Festival de Berlin, Historia del miedo est un film beaucoup moins classique de par sa forme et sa narration. Il n’y a ni « début » ni « fin » mais plutôt des situations, un contexte, un climat de peur, quasi de terreur, que le réalisateur met en lumière à travers plusieurs scènes, parfois très métaphoriques. Les personnages très éparpillés semble-t-il au départ finissent tous par se croiser mais les liens restent parfois flous. Le seul point commun qu’ils ont tous est cette Peur.

Le contexte du film lui est bien réel. Il se déroule dans un quartier sécurisé dans la banlieue de Buenos Aires où vivent des gens très aisés ou de milieux plus modestes « protégés » par une sorte de milice privée. Ces familles qui ont peur de la ville se sont barricadées dans des sortes de ghettos qui se trouvent souvent à côté de bidonvilles. Ici la peur est donc une peur sociale. Le contexte est ici latino-américain mais pour le réalisateur cette peur sociale s’éprouve à l’échelle mondiale.

Film ancré dans une certaine réalité il n’en parait pas moins parfois irréel dans sa forme et donne fortement à réfléchir. Mais film politique, film engagé? Pour Benjamin Naishtat, non. Il dit d’ailleurs: « je ne crois plus au cinéma engagé mais je crois aux gens qui s’engagent ». En attendant, son film sème de nombreuses pistes de réflexion sur lesquelles il faut laisser passer quelque temps avant de les voir se dessiner réellement. Un film intrigant qui ne laisse certainement pas indifférent!